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Scola Corsa: "une école à part entière, une école de la liberté, une école qui transmet le patrimoine"


Philippe Jammes le Dimanche 10 Novembre 2024 à 11:54

L’Association Scola Corsa organisait ce samedi au Spaziu Culturale Carlu Rocchi à Biguglia une manifestation de soutien avec pour invité l’occitan Philippe Paul Hammel et en point d’orgue un fabuleux concert. L’occasion pour son président Ghjiseppu Turchini de faire le point sur le travail en profondeur de l'association vieille de plus de 50 ans.



Ghjiseppu Turchini, président de Scola Corsa (au micro) avec à sa gauche Felip Hammel de l'association occitane Calandreta
Ghjiseppu Turchini, président de Scola Corsa (au micro) avec à sa gauche Felip Hammel de l'association occitane Calandreta

Plus de 50 ans d'existence

« Scola Corsa est une association d'écoles immersives, associatives, laïques et gratuites en langue corse », explique Ghjiseppu Turchini, professeur de corse, président de l’association. L’histoire de Scola Corsa remonte à 1971. 
Cette année-là Ghjuvan Battista Stromboni et Carlu Castellani fondent une association ayant pour but de promouvoir la langue corse dans un contexte de réappropriation de la langue sur l'île. Un travail en profondeur qui, hélas, s’usera, s’éteindra au fil des ans.
En 2021, Scola Corsa reprend ses activités sous l’impulsion notamment de Ghjiseppu Turchini. Elle se rapproche alors de nombreuses associations françaises aux mêmes buts en Bretagne, Occitanie, Pays basque, Catalogne, Alsace.
Ce réseau Eskolim regroupe Seaska (Pays basque), Diwan (Bretagne), La Bressola (Catalogne), Calandreta (Occitanie) et ABCM-Zweisprachigkeit (Alsace) et Scola Corsa. Un congrès réunissant ces associations s’était même déroulé à Biguglia il y a 5 ans.
En 2021 ouvrent les deux premières Scola Corsa à Bastia (école Charpak) et Biguglia (école Simone Peretti). En 2024 Scola Corsa dispense gratuitement son enseignement (maternelle à CE1) à 150 élèves dans 4 sites : Bastia, Biguglia, Corte et Sarrola Carcopino.
Scola Corsa comprend 22 employés, dont 12 enseignants de toutes les matières. «L’enseignement, qui répond à toutes les attentes de l’Éducation nationale, est donné en langue corse de la maternelle au CE1 avec bien sûr l’objectif d’aller jusque dans les collèges et lycées» indique son président. Les matières sont enseignées en langue corse, mais également toutes les activités para et périscolaires : cantine, études, activités… L’élève est en immersion totale.
«C’est une école à part entière, une école de la liberté, une école qui transmet le patrimoine. L’État fait le maximum pour suivre, mais à retardement ».


Felip Hammel : De la belle ouvrage suivie sur la pointe des pieds par l’État
Un enseignement qui, comme le souligne l’occitan Felip (Philippe-Paul) Hammel, chef de file de Calandreta, récolte, désormais, de beaux fruits. « Cette année un lycée basque avec des élèves ayant suivi leur cursus en langue régionale a été sacré 1er lycée de France au Bac. Il y a deux ans c’était un lycée breton. Les parents de ces enfants ont compris l’intérêt majeur de cet enseignement en langue régionale. Une langue enrichit l’autre. Les enfants disposent d’un avantage spectaculaire, car il y a des fenêtres dans le développement intellectuel, des facilités d’apprentissage. Par exemple, la parole c’est avant 4 ans et c’est donc pour ça que nos enseignements en langue régionale débutent à 2 ans et demi. Notre volonté, le travail que nous proposons tient compte le plus possible de la biologie humaine et il faut faire confiance aux enfants, ils sont nés pour apprendre ».


De la belle ouvrage certes, mais suivie sur la pointe des pieds par l’État. « Notre discours rencontre un peu de résistance », reconnaît Felip Hammel, « pas sur le principe, car la France a choisi de mettre son patrimoine à l’honneur ». Et Ghjiseppu Turchini de citer l’article 75.1 de la Constitution qui précise bien que les langues régionales sont un patrimoine de la France.
«L’UNESCO exige que les langues régionales soient prises en compte dans les pays du monde » complète Felip Hammel. « Nous tenons un discours pacifique, point agressif, dénué de violence, mais nous sommes têtus », poursuit-il. « Le succès reste modeste, mais, petit à petit les esprits commencent à se moderniser. On doit faire comprendre au public que la langue corse est un outil indispensable dans la société corse du 21e siècle ».


Scola Corsa a dû refuser des élèves à Bastia et Corte
Un succès modeste, mais qui enfle sur notre île. En cette rentrée scolaire 2024, Scola Corsa a même dû refuser des élèves à Bastia et Corte. «La mayonnaise commence à prendre », se réjouit Ghjiseppu Turchini. « Aujourd’hui on doit changer de braquet, changer d’échelle et on devrait d’ici un an avoir la réponse de l'État concernant la contractualisation de nos écoles. En Alsace cela a pris 5 ans, on en est à la 4e chez nous. Cette contractualisation est importante, car elle permettra la prise en charge des salaires des enseignants par l'État. Aujourd’hui ces enseignants volontaires pour professer en corse sont payés par notre association via des aides de la Collectivité de Corse à hauteur de 70%, les 30% restant sont de l’autofinancement par des souscriptions, les collectivités locales, les évènements que nous organisons, comme cette journée du 9 novembre à Biguglia. Cet enseignement ne doit pas être marginalisé et ne coûte absolument rien aux parents qui suivent notre démarche. On travaille au quotidien, à travers réunions et conférences, pour bien expliquer au public la pertinence de ce choix, aux enseignants l’importance de leur engagement, qu’il est important de moderniser le système éducatif. La pédagogie dans l’immersion est importante. Si, comme on l’espère, la contractualisation se concrétise, les aides et nos propres ressources permettront de développer encore plus nos actions».
Et Felip Hammel d’ajouter : « Le peuple corse doit identifier Scola Corsa comme lieu d’excellence et de modernité, d’épanouissement des individus et c’était le sens de notre débat d’aujourd’hui à Biguglia. »
 

Une table ronde sur le thème « E dinamiche linguistiche in l’ambii sculare è sucetale »
Une table ronde sur le thème « E dinamiche linguistiche in l’ambii sculare è sucetale »

Le groupe Eppò lors du concert.
Le groupe Eppò lors du concert.
Cette journée Scola Corsa à Biguglia s’est déroulée en trois temps :
- Une table ronde sur le thème « E dinamiche linguistiche in l’ambii
sculare è sucetale » avec Philippe Paul Hammel.
-Un apéritif dinatoire au profit de Scola Corsa, accompagné de paghjelle.
- Un concert de soutien avec Eppò, Patrizia Gattaceca, I Pignotti, Francine Massiani, Elisa Tramoni, Romain Dominici et Michè Dominici qui a créé à cette occasion un hymne à Scola corsa.