- Votre dernier ouvrage « Elsa, mon amour » raconte la vie d’Elsa Morante et de son époux Alberto Moravia, tous deux célèbres écrivains italiens. En quoi cette femme vous a-t-elle inspirée ?
- C’est un très grand écrivain, un des grands écrivains du siècle dernier et elle est injustement oubliée, c'est-à-dire que Moravia a pris toute la lumière sur lui. Pendant des années il a été nobélisable et il ne l’a pas eu, mais il disait lui-même : « Je suis un écrivain correct, mais ma femme est un génie. » Et c’est vrai que c’était un génie, mais qu’on ne la lisait plus beaucoup et j’avais l’impression qu’il fallait lui redonner une voix, qu’il fallait retrouver une sorte de transparence du temps pour la faire revivre.
- Votre livre « Dolce Vita 1959 – 1979 », finaliste du prix Renaudot, qui raconte les années chaotiques de l’Italie a fait beaucoup parler dans votre Pays. Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour écrire cet ouvrage ?
- Vous savez, il y a un verset des psaumes qui dit qu’il y a des aveugles qui ne veulent pas voir, qui ne peuvent pas voir. En Italie, on est plongés dans une sorte de cécité, d’aveuglement par rapport à ce qu’il s’est passé dans les 50 dernières années. Mais le problème n’est pas ce qu’il s’est passé, c’est ceux qui alertent. Les lanceurs d’alertes sont toujours très mal vus, très mal reçus donc même si l’on sait les choses on ne veut pas les savoir. Je pense que j’ai eu la chance de pouvoir faire le livre en France, mon éditeur de l’époque m’a vraiment donné de quoi tenir 2 ans pour l’écrire et j’ai réalisé un travail de fond, de documentation et de recherche, une véritable enquête. Finalement ce sont des choses que tout le monde sait, mais mises bout à bout ça donne une histoire qui est quand même terriblement cruelle pour un peuple, pour une Italie qui n’est toujours pas sortie de ses ombres noires.
- Il est dit pour cette ouvrage que vous vous êtes inspirée du cinéma, qu’il a été écrit à la façon d’un film..
- Et bien j’ai choisi ce titre car c’est un titre facétieux. C’est un hiatus par rapport au contenu du livre, on retrouve à la fois tout le glamour des années 50-60 et à la fois vous avez une vraie dénonciation de tous les scandales de cette époque noire qui a suivi les années de plomb. Sorrentino, qui est un célèbre réalisateur italien, en parle très bien dans « Il Divo » qui est ce portrait au vitriol d’Andreotti, homme d’état italien décédé en 2013. Pour moi, ce film devrait-être montré dans les écoles comme beaucoup de choses d’ailleurs. Je pense que les jeunes gens auraient intérêt à regarder certains films et à lire certains livres. Il y a un livre majeur qui s’appelle « Le retour du Prince », qui est traduit en France aux éditions « La Contre Allée » dans lequel un grand magistrat anti-mafia sicilienne raconte l’Italie entre les années 50 et aujourd'hui. On comprend ce qu’il se passe, c’est comme si il nous ouvrait les yeux, c’est ce que je vous disait tout à l’heure par rapport à l’aveuglement ou a la cécité induite.
- Justement pour parler de 7e Art engagé, pensez-vous que le cinéma italien s’est inspiré de la littérature afin de dénoncer les diverses manœuvres politiques ?
- On n’a pas besoin de s’inspirer de la littérature, on s’inspire de faits réels donc il y a des réalisateurs comme Giordana et d’autres qui ont fait des films à la fois d’enquête, mais aussi de très beaux films. Ce n’est pas parce qu’un film est engagé qu’il en oublie l’esthétique même du cinéma. Je pense vraiment que le Cinéma italien, même le plus récent, moins connu par les français, est un cinéma très intéressant, mais je pense surtout qu’en Italie on a tellement de mal à faire de la culture, la « Berlusconisation » a tellement tout lessivé. Vous savez, un jeune cinéaste en Italie a pratiquement 50 ans car il met 10 ans à faire un film, alors qu’en France on arrive quand même à sortir de la FEMIS et à faire un film a 30, 35 ans. Je pense que c’est vraiment une question d’argent et de mise à disposition des moyens, et surtout il ne faut pas penser, parce que sinon on aura peur de l’échec, que les choses n’aillent pas dans le sens d’une réelle lumière.
- Justement, en quoi un réalisateur comme Sorrentino, qui avec son film « Les conséquences de l’amour » dénonçait également les dérives mafieuses, ou d’autres avant lui comme Visconti, ont-ils contribué a l’évolution politique du cinéma italien ?
- Je pense que ça s’est fait tout seul, c’est à dire quelqu’un qui fait de la création qu’il soit cinéaste, écrivain ou même peintre est forcément politisé. Même ce qui ne ressemble pas à de la politique est de la politique, le simple fait de créer est déjà politique. Survivre dans un monde où on essaye de gagner de l’argent, ou en tout cas en Italie on survit plus que l’on ne vit avec son art ou sa création, est déjà un acte politique majeur, c’est de la résistance.
- Enfin, pensez-vous que le cinéma italien actuel repose encore sur le cinéma engagé des années 1970 ?
- Il y a forcément eu une évolution mais la grande époque du cinéma italien n’est pas passée pour rien, c’est-à-dire que l’on se pose dessus comme si c’était un socle. Sorrentino est l’héritier parfait de Fellini*. On a quand même des jeunes femmes en Italie qui, aujourd’hui, font du très bon cinéma. Il y a une série qui passe en ce moment sur ARTE qui s’appelle « Il Miracolo » qui est juste incroyablement belle, intelligente et bien faite.
Voilà, je pense que l’on commence à revoir même de ce côté-ci de la frontière du très bon cinéma italien.
- C’est un très grand écrivain, un des grands écrivains du siècle dernier et elle est injustement oubliée, c'est-à-dire que Moravia a pris toute la lumière sur lui. Pendant des années il a été nobélisable et il ne l’a pas eu, mais il disait lui-même : « Je suis un écrivain correct, mais ma femme est un génie. » Et c’est vrai que c’était un génie, mais qu’on ne la lisait plus beaucoup et j’avais l’impression qu’il fallait lui redonner une voix, qu’il fallait retrouver une sorte de transparence du temps pour la faire revivre.
- Votre livre « Dolce Vita 1959 – 1979 », finaliste du prix Renaudot, qui raconte les années chaotiques de l’Italie a fait beaucoup parler dans votre Pays. Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour écrire cet ouvrage ?
- Vous savez, il y a un verset des psaumes qui dit qu’il y a des aveugles qui ne veulent pas voir, qui ne peuvent pas voir. En Italie, on est plongés dans une sorte de cécité, d’aveuglement par rapport à ce qu’il s’est passé dans les 50 dernières années. Mais le problème n’est pas ce qu’il s’est passé, c’est ceux qui alertent. Les lanceurs d’alertes sont toujours très mal vus, très mal reçus donc même si l’on sait les choses on ne veut pas les savoir. Je pense que j’ai eu la chance de pouvoir faire le livre en France, mon éditeur de l’époque m’a vraiment donné de quoi tenir 2 ans pour l’écrire et j’ai réalisé un travail de fond, de documentation et de recherche, une véritable enquête. Finalement ce sont des choses que tout le monde sait, mais mises bout à bout ça donne une histoire qui est quand même terriblement cruelle pour un peuple, pour une Italie qui n’est toujours pas sortie de ses ombres noires.
- Il est dit pour cette ouvrage que vous vous êtes inspirée du cinéma, qu’il a été écrit à la façon d’un film..
- Et bien j’ai choisi ce titre car c’est un titre facétieux. C’est un hiatus par rapport au contenu du livre, on retrouve à la fois tout le glamour des années 50-60 et à la fois vous avez une vraie dénonciation de tous les scandales de cette époque noire qui a suivi les années de plomb. Sorrentino, qui est un célèbre réalisateur italien, en parle très bien dans « Il Divo » qui est ce portrait au vitriol d’Andreotti, homme d’état italien décédé en 2013. Pour moi, ce film devrait-être montré dans les écoles comme beaucoup de choses d’ailleurs. Je pense que les jeunes gens auraient intérêt à regarder certains films et à lire certains livres. Il y a un livre majeur qui s’appelle « Le retour du Prince », qui est traduit en France aux éditions « La Contre Allée » dans lequel un grand magistrat anti-mafia sicilienne raconte l’Italie entre les années 50 et aujourd'hui. On comprend ce qu’il se passe, c’est comme si il nous ouvrait les yeux, c’est ce que je vous disait tout à l’heure par rapport à l’aveuglement ou a la cécité induite.
- Justement pour parler de 7e Art engagé, pensez-vous que le cinéma italien s’est inspiré de la littérature afin de dénoncer les diverses manœuvres politiques ?
- On n’a pas besoin de s’inspirer de la littérature, on s’inspire de faits réels donc il y a des réalisateurs comme Giordana et d’autres qui ont fait des films à la fois d’enquête, mais aussi de très beaux films. Ce n’est pas parce qu’un film est engagé qu’il en oublie l’esthétique même du cinéma. Je pense vraiment que le Cinéma italien, même le plus récent, moins connu par les français, est un cinéma très intéressant, mais je pense surtout qu’en Italie on a tellement de mal à faire de la culture, la « Berlusconisation » a tellement tout lessivé. Vous savez, un jeune cinéaste en Italie a pratiquement 50 ans car il met 10 ans à faire un film, alors qu’en France on arrive quand même à sortir de la FEMIS et à faire un film a 30, 35 ans. Je pense que c’est vraiment une question d’argent et de mise à disposition des moyens, et surtout il ne faut pas penser, parce que sinon on aura peur de l’échec, que les choses n’aillent pas dans le sens d’une réelle lumière.
- Justement, en quoi un réalisateur comme Sorrentino, qui avec son film « Les conséquences de l’amour » dénonçait également les dérives mafieuses, ou d’autres avant lui comme Visconti, ont-ils contribué a l’évolution politique du cinéma italien ?
- Je pense que ça s’est fait tout seul, c’est à dire quelqu’un qui fait de la création qu’il soit cinéaste, écrivain ou même peintre est forcément politisé. Même ce qui ne ressemble pas à de la politique est de la politique, le simple fait de créer est déjà politique. Survivre dans un monde où on essaye de gagner de l’argent, ou en tout cas en Italie on survit plus que l’on ne vit avec son art ou sa création, est déjà un acte politique majeur, c’est de la résistance.
- Enfin, pensez-vous que le cinéma italien actuel repose encore sur le cinéma engagé des années 1970 ?
- Il y a forcément eu une évolution mais la grande époque du cinéma italien n’est pas passée pour rien, c’est-à-dire que l’on se pose dessus comme si c’était un socle. Sorrentino est l’héritier parfait de Fellini*. On a quand même des jeunes femmes en Italie qui, aujourd’hui, font du très bon cinéma. Il y a une série qui passe en ce moment sur ARTE qui s’appelle « Il Miracolo » qui est juste incroyablement belle, intelligente et bien faite.
Voilà, je pense que l’on commence à revoir même de ce côté-ci de la frontière du très bon cinéma italien.