Les acteurs culturels, présents à l’occasion d’E Teatrale, se sont donc réunis à l’initiative de Jean-Pierre Guidicelli, responsable de la Commission culture au sein du Conseil économique, social et culturel de la collectivité territoriale (CTC), en présence de Francis Riolacci, pour évoquer les différentes questions qui se posent aux créateurs insulaires dans le domaine du spectacle vivant. Les compagnies, notamment la compagnie Thé à trois, le théâtre du commun, U Teatrinu, le Théâtre du Cèdre et Unita Teatrale, en ont profité pour exprimer leurs craintes et leurs interrogations sur la création de la scène nationale corse, son contenu et son financement. « On nous a bien dit à la CTC que le budget de la culture était constant. S’il faut sortir 1,5 million ou 2 millions € pour la scène nationale, y aura-t-il un budget spécifique ou cette somme sera-t-elle prélevée sur le budget de la culture ? Ce qui voudrait dire, mais on ne sait pas et on voudrait bien le savoir, que ce sont les compagnies et le spectacle vivant qui risquent d’en pâtir ! C’est un choix politique qui va dépendre aussi du cahier des charges et qui suscite de réelles inquiétudes dans la profession. Nous sommes dans l’expectative », rapporte Jean-Pierre Lanfranchi.
Un risque pour la création locale
Ce risque s’accompagne aussi de la problématique du fonctionnement en réseau des scènes nationales qui s’achètent, les unes aux autres, des spectacles de haut niveau. Ainsi, sous ce label, une scène peut, pour des raisons de qualité, privilégier des spectacles venus d’ailleurs au détriment des productions locales. « Même si certains articles du cahier des charges assurent la défense et la promotion de ce qui se fait localement, on ne sait pas quelle est la part locale mise en avant », poursuit-il.
D’autres inquiétudes portent sur le manque actuel d’interlocuteurs politiques à la CTC.
Au final, les craintes naissent autant de l’absence de réponses que du flou et de la diversité des réponses données. « D’un côté, le service culturel de la CTC nous dit que le projet de scène nationale va être abandonné, de l’autre côté, la mairie nous dit qu’on va mettre en place un comité de pilotage. C’est assez flou ».
Des choix à mûrir
Si elles sont inquiètes, les compagnies ne sont pas, pour autant, opposées au projet, certaines pensent même qu’une scène nationale pourrait redynamiser la création locale et augmenter l’exigence de qualité. Elles voudraient juste être rassurées.
Le problème est que les élus, eux-mêmes dans l’expectative, ne peuvent donner de certitudes. « C’est compliqué. La scène nationale peut être une avancée énorme comme elle peut faire le vide autour d’elle. Je pense qu’aucun élu ne le souhaite, sauf que ça peut arriver dans ce moment difficile où les finances se réduisent pour tout le monde et où l’Etat, qui auparavant donnait 500 000 € à chaque scène nationale, se désengage complètement et ne donne plus rien ».
Un risque avéré puisque, dans d’autres régions où elles se sont implantées, les scènes nationales ont effectivement asséché la création locale. « En même temps, l’art et la culture sont toujours un risque. Faut-il le prendre ? Ce sont des questions difficiles et pointues, des choix qu’il faudrait mûrir. On voudrait apporter notre part de réflexion et notre connaissance du terrain ».
N. M.
Un risque pour la création locale
Ce risque s’accompagne aussi de la problématique du fonctionnement en réseau des scènes nationales qui s’achètent, les unes aux autres, des spectacles de haut niveau. Ainsi, sous ce label, une scène peut, pour des raisons de qualité, privilégier des spectacles venus d’ailleurs au détriment des productions locales. « Même si certains articles du cahier des charges assurent la défense et la promotion de ce qui se fait localement, on ne sait pas quelle est la part locale mise en avant », poursuit-il.
D’autres inquiétudes portent sur le manque actuel d’interlocuteurs politiques à la CTC.
Au final, les craintes naissent autant de l’absence de réponses que du flou et de la diversité des réponses données. « D’un côté, le service culturel de la CTC nous dit que le projet de scène nationale va être abandonné, de l’autre côté, la mairie nous dit qu’on va mettre en place un comité de pilotage. C’est assez flou ».
Des choix à mûrir
Si elles sont inquiètes, les compagnies ne sont pas, pour autant, opposées au projet, certaines pensent même qu’une scène nationale pourrait redynamiser la création locale et augmenter l’exigence de qualité. Elles voudraient juste être rassurées.
Le problème est que les élus, eux-mêmes dans l’expectative, ne peuvent donner de certitudes. « C’est compliqué. La scène nationale peut être une avancée énorme comme elle peut faire le vide autour d’elle. Je pense qu’aucun élu ne le souhaite, sauf que ça peut arriver dans ce moment difficile où les finances se réduisent pour tout le monde et où l’Etat, qui auparavant donnait 500 000 € à chaque scène nationale, se désengage complètement et ne donne plus rien ».
Un risque avéré puisque, dans d’autres régions où elles se sont implantées, les scènes nationales ont effectivement asséché la création locale. « En même temps, l’art et la culture sont toujours un risque. Faut-il le prendre ? Ce sont des questions difficiles et pointues, des choix qu’il faudrait mûrir. On voudrait apporter notre part de réflexion et notre connaissance du terrain ».
N. M.
Francis Riolacci : « Si la scène nationale n’aboutit pas, ce serait un échec pour tout le monde »
L’adjoint au maire et délégué aux affaires culturelles fait, pour Corse Net Infos, le point sur les travaux engagés depuis plus d’un an par l’Etat, la CTC et la ville de Bastia et répond aux inquiétudes des compagnies. Se livrant à un vibrant plaidoyer en faveur de la scène nationale, il lance l’idée des Assises régionales du spectacle vivant.
L’adjoint au maire et délégué aux affaires culturelles fait, pour Corse Net Infos, le point sur les travaux engagés depuis plus d’un an par l’Etat, la CTC et la ville de Bastia et répond aux inquiétudes des compagnies. Se livrant à un vibrant plaidoyer en faveur de la scène nationale, il lance l’idée des Assises régionales du spectacle vivant.
Francis Riolacci, adjoint au maire et délégué aux affaires culturelles
- Le projet de scène nationale est-il abandonné ?
- Non. La phase initiale, qui s’achève, était destinée à en étudier la faisabilité, la dimension et l’organisation. Les collectivités sont sur le point d’arrêter leur décision. Je crois pouvoir raisonnablement dire que l’idée et le principe d’une scène nationale en Corse sont retenus.
- Le territoire de la scène nationale ne serait plus Bastia, mais l’île toute entière ?
- Oui. La scène nationale est un label donné à un lieu qui n’est pas recroquevillé sur un projet et sur un espace, mais est un levier pour le développement culturel et le spectacle vivant. Dans ce réseau, figureraient les principaux lieux de création en Corse.
- Alors, pourquoi les rumeurs du côté de la CTC parlent-elles d’un abandon du projet ?
- Un certain nombre de questions ont été posées sur le rôle de la scène nationale, son organisation, sa dimension… Elles n’ont pas été tranchées dès le départ, sinon nous aurions fait un simple copié-collé de ce qui existe ailleurs. L’idée de scène nationale répond à des exigences de qualité, de professionnalisme, de volume de création et d’ampleur des actions menées à travers le territoire. Elle n’est pas la reproduction d’un modèle ou d’un même schéma appliqué dans les 72 régions qui en disposent. Le ministère labellise des lieux à partir des projets qui y sont proposés et des actions qui y sont menées. Il appartenait donc de calibrer la scène nationale au territoire insulaire.
- Les compagnies posent la question vitale du financement au moment où l’Etat retire son aide ? Que leur répondez-vous ?
- La question du financement est un problème, mais elle ne se résoud pas par l’abandon de projets, que ce soit dans la culture comme dans le reste. Parce que certains ont décidé de mener une politique d’austérité, faut-il baisser les besoins dans tous les domaines, culturel, éducatif, social, de santé ! C’est le contraire qu’il faut faire ! Baisser les exigences provoquera des dégâts importants, y compris dans le domaine culturel. Ne pas réaliser la scène nationale serait un échec, non seulement pour les collectivités, mais aussi pour les créateurs insulaires qui ont besoin de s’appuyer sur cet outil et sur son réseau pour échanger avec d’autres scènes et d’autres créateurs. Certes, le fait que l’Etat ne donne pas, à hauteur de ce que nous pouvions escompter, oblige les deux collectivités promoteurs du projet, la CTC et la Ville de Bastia, à revoir la voilure.
- A budget constant, les craintes des compagnies d’être financièrement sacrifiées sur l’autel de la scène nationale ne sont-elles pas légitimes ?
- Elles sont légitimes. Mais, ce n’est pas l’existence ou non de la scène nationale qui pose des problèmes aux compagnies et aux créateurs. Aujourd’hui, la scène nationale n’existe pas et, pourtant, ils ont des problèmes ! La question de la scène nationale ne doit pas être vécue comme une menace, mais, au contraire, comme le moment de se poser toutes les questions qui concernent le théâtre vivant en Corse. Comment le développer et le consolider ? Pour que le spectacle vivant se développe dans notre région, il faut une politique publique, non seulement de soutien aux créateurs, mais aussi de construction d’un service public. Les compagnies et les associations, qui sont, par essence, fragiles puisque totalement liées aux subventions et au succès de leurs créations, ont besoin de ce service public qui doit être moteur de la création.
- Le service public, signifie-t-il, pour vous, une scène nationale ?
- Le terme « nationale » n’est pas important en soi. C'est le niveau d’exigence de ce label qu’il est essentiel de viser. La création de ce service public est une étape nouvelle et importante que vont franchir les collectivités qui le proposent, la CTC parce qu’elle a la compétence principale, la Ville de Bastia à travers son théâtre qui est un outil extraordinaire recélant des potentialités encore insoupçonnées. Pour construire un service public, il faut justement des outils. La scène nationale est un outil dont nous avons besoin pour consolider le spectacle vivant, le tirer vers le haut et le professionnaliser. Après, nous examinerons les problèmes.
- Que proposez-vous aux compagnies ?
- Mon message est de dire : travaillons ensemble ! En lançant, par exemple, en parallèle, les Assises régionales du spectacle vivant où seraient abordées les questions qui se posent aux créateurs, aux lieux de spectacle, la place de la scène nationale… Il faut une synergie de toutes les forces. Il est vrai que la scène nationale fait débat, mais ce débat fait remonter toutes les questions que se pose le théâtre vivant. C’est un aspect très positif.
- Au niveau du calendrier d’actions, où en êtes-vous ?
- Pour porter la scène nationale, nous avons opté pour un outil institutionnel à travers un établissement public de coopération culturelle entre la CTC, la ville de Bastia et d’autres communes ou même des centres culturels qui peuvent s’investir en tant que membres fondateurs ou membres associés. Nous allons établir un cahier des charges définissant les missions confiées à partir des préoccupations du spectacle vivant, de la création artistique et de la situation en Corse, notamment de la langue. Il sera le support du recrutement d’un directeur qui présentera un projet artistique de création théâtrale, de travail de sensibilisation en direction des publics et des scolaires, de médiation culturelle... Avec, en contrepartie, un contrat sur trois ans d’objectifs de création, de qualité et de succès qui seront évalués par les collectivités. Un des atouts de la scène nationale est, aussi, de consacrer l’indépendance des créateurs.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Non. La phase initiale, qui s’achève, était destinée à en étudier la faisabilité, la dimension et l’organisation. Les collectivités sont sur le point d’arrêter leur décision. Je crois pouvoir raisonnablement dire que l’idée et le principe d’une scène nationale en Corse sont retenus.
- Le territoire de la scène nationale ne serait plus Bastia, mais l’île toute entière ?
- Oui. La scène nationale est un label donné à un lieu qui n’est pas recroquevillé sur un projet et sur un espace, mais est un levier pour le développement culturel et le spectacle vivant. Dans ce réseau, figureraient les principaux lieux de création en Corse.
- Alors, pourquoi les rumeurs du côté de la CTC parlent-elles d’un abandon du projet ?
- Un certain nombre de questions ont été posées sur le rôle de la scène nationale, son organisation, sa dimension… Elles n’ont pas été tranchées dès le départ, sinon nous aurions fait un simple copié-collé de ce qui existe ailleurs. L’idée de scène nationale répond à des exigences de qualité, de professionnalisme, de volume de création et d’ampleur des actions menées à travers le territoire. Elle n’est pas la reproduction d’un modèle ou d’un même schéma appliqué dans les 72 régions qui en disposent. Le ministère labellise des lieux à partir des projets qui y sont proposés et des actions qui y sont menées. Il appartenait donc de calibrer la scène nationale au territoire insulaire.
- Les compagnies posent la question vitale du financement au moment où l’Etat retire son aide ? Que leur répondez-vous ?
- La question du financement est un problème, mais elle ne se résoud pas par l’abandon de projets, que ce soit dans la culture comme dans le reste. Parce que certains ont décidé de mener une politique d’austérité, faut-il baisser les besoins dans tous les domaines, culturel, éducatif, social, de santé ! C’est le contraire qu’il faut faire ! Baisser les exigences provoquera des dégâts importants, y compris dans le domaine culturel. Ne pas réaliser la scène nationale serait un échec, non seulement pour les collectivités, mais aussi pour les créateurs insulaires qui ont besoin de s’appuyer sur cet outil et sur son réseau pour échanger avec d’autres scènes et d’autres créateurs. Certes, le fait que l’Etat ne donne pas, à hauteur de ce que nous pouvions escompter, oblige les deux collectivités promoteurs du projet, la CTC et la Ville de Bastia, à revoir la voilure.
- A budget constant, les craintes des compagnies d’être financièrement sacrifiées sur l’autel de la scène nationale ne sont-elles pas légitimes ?
- Elles sont légitimes. Mais, ce n’est pas l’existence ou non de la scène nationale qui pose des problèmes aux compagnies et aux créateurs. Aujourd’hui, la scène nationale n’existe pas et, pourtant, ils ont des problèmes ! La question de la scène nationale ne doit pas être vécue comme une menace, mais, au contraire, comme le moment de se poser toutes les questions qui concernent le théâtre vivant en Corse. Comment le développer et le consolider ? Pour que le spectacle vivant se développe dans notre région, il faut une politique publique, non seulement de soutien aux créateurs, mais aussi de construction d’un service public. Les compagnies et les associations, qui sont, par essence, fragiles puisque totalement liées aux subventions et au succès de leurs créations, ont besoin de ce service public qui doit être moteur de la création.
- Le service public, signifie-t-il, pour vous, une scène nationale ?
- Le terme « nationale » n’est pas important en soi. C'est le niveau d’exigence de ce label qu’il est essentiel de viser. La création de ce service public est une étape nouvelle et importante que vont franchir les collectivités qui le proposent, la CTC parce qu’elle a la compétence principale, la Ville de Bastia à travers son théâtre qui est un outil extraordinaire recélant des potentialités encore insoupçonnées. Pour construire un service public, il faut justement des outils. La scène nationale est un outil dont nous avons besoin pour consolider le spectacle vivant, le tirer vers le haut et le professionnaliser. Après, nous examinerons les problèmes.
- Que proposez-vous aux compagnies ?
- Mon message est de dire : travaillons ensemble ! En lançant, par exemple, en parallèle, les Assises régionales du spectacle vivant où seraient abordées les questions qui se posent aux créateurs, aux lieux de spectacle, la place de la scène nationale… Il faut une synergie de toutes les forces. Il est vrai que la scène nationale fait débat, mais ce débat fait remonter toutes les questions que se pose le théâtre vivant. C’est un aspect très positif.
- Au niveau du calendrier d’actions, où en êtes-vous ?
- Pour porter la scène nationale, nous avons opté pour un outil institutionnel à travers un établissement public de coopération culturelle entre la CTC, la ville de Bastia et d’autres communes ou même des centres culturels qui peuvent s’investir en tant que membres fondateurs ou membres associés. Nous allons établir un cahier des charges définissant les missions confiées à partir des préoccupations du spectacle vivant, de la création artistique et de la situation en Corse, notamment de la langue. Il sera le support du recrutement d’un directeur qui présentera un projet artistique de création théâtrale, de travail de sensibilisation en direction des publics et des scolaires, de médiation culturelle... Avec, en contrepartie, un contrat sur trois ans d’objectifs de création, de qualité et de succès qui seront évalués par les collectivités. Un des atouts de la scène nationale est, aussi, de consacrer l’indépendance des créateurs.
Propos recueillis par Nicole MARI