À bord de l'Alfred Merlin, ancré à une vingtaine de minutes du port de Toga, le travail se déroule en tandem. En effet, sur ce navire de la marine marchande lancé en 2021, le DRASSM (Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-marines de Méditerranée du ministère de la Culture) et le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate achèvent leur mission d'exploration de trois semaines, le mardi 9 juillet. Après avoir exploré les épaves du Macinaggio 1, du Capo Sagro 1 et 2, les deux organismes se sont consacrés à l'épave du Napoléon, dernière étape du projet.
À bord de ce navire positionné au-dessus du bateau échoué en 1847, il est difficile de savoir où donner de la tête, tant les 12 scientifiques et les 8 membres d'équipage s'activent, mettant à profit leurs domaines d'expertise respectifs grâce aux outils fournis par le ministère de la Culture, comme le ROV (véhicule sous-marin téléopéré), une carotteuse et diverses caméras. Sur le pont ou dans la salle de contrôle du navire, tous collaborent pour approcher, classifier, dater et analyser ce bateau échoué à 500 mètres de profondeur dans la zone du Cap, tout en cherchant à comprendre comment les espèces marines colonisent ce récif artificiel. Le tout représente un budget avoisinant les 200 000 euros, financé à 45 % par le Parc marin. « Le but de cette collaboration est qu'elle soit bénéfique pour les deux parties », explique Jean Laurent Massey, chargé de mission écosystèmes marins, alors que les scientifiques manipulent des échantillons et des robots explorateurs. Dans la salle de conférence installée à bord, archéologues et experts marins soulignent leur complémentarité dans ces deux domaines, biodiversité et patrimoine historique, d'une importance capitale pour la Corse.
Un récif artificiel propice à la vie
« Nous avons peu de connaissances sur le mode de vie des espèces en eau aussi profonde, admet Jean Laurent Massey. Mais grâce au matériel du DRASSM, nous arrivons désormais à approcher au plus près les espèces. » Avec les techniques d'identification des épaves des archéologues sous-marins, permettant notamment de déterminer la date du naufrage, le Parc marin peut mesurer le taux de croissance des coraux. Et pour cause, le Parc marin a « des espèces patrimoniales à protéger ».
Dans le même temps, le DRASSM – en partenariat avec le Parc marin – prélève du sédiment à très grande profondeur, à l'aide d'une carotteuse. Principalement composés de vase, les échantillons sont analysés afin d'identifier ce que transportaient les bateaux au moment de leur déclin. « Nous essayons de comprendre de quoi étaient constituées les marchandises maritimes qui ont disparu. Si elles contenaient du blé, des étoffes, des esclaves », intervient Franca Cibecchini, adjointe au directeur pour l'archéologie préventive et programmée, responsable du littoral corse. Et de préciser : « C'est la première fois qu'on fait ça. » Par cette action, les chercheurs entendent documenter les lieux et les espaces, « pour mieux les protéger ».
Afin de renforcer la préservation de ces lieux témoins de l'histoire, il est aussi question de les surveiller. Avec les autorités, le DRASSM met en place un système de surveillance depuis la terre avec des sémaphores, et depuis l'espace avec des satellites. Mais pour Franca Cibecchini, il n'est rien de plus efficace que la sensibilisation du jeune public, qui commence à prendre la mesure du patrimoine insulaire. Car pour l'archéologue, une chose est sûre, « si on n'arrive pas à toucher les jeunes, c'est fini ».