Qui est responsable ? Qui a donné l’ordre d’attribuer les subventions à des gens qui n’y avaient pas droit sur la base de dossiers illégaux, tous incomplets, pour ne pas dire quasiment vides ? C’est la question que la présidente Michèle Saurel et le procureur Nicolas Bessone n’ont pas cessé de marteler tout au long de cette deuxième journée d’audience aux bénéficiaires indus, aux fonctionnaires incriminés et aux élus présents. Et c’est bien le cœur de l’affaire. Lundi matin, dès l’ouverture du procès, la fille de Jean Leccia, dans un témoignage surprise, avait tenu, par avance, à dédouaner son père, alors directeur du service des interventions du Conseil général de la Haute-Corse, assassiné le 22 mars 2014, et largement mis en cause dans l’ordonnance de renvoi. Censé avoir la haute main sur le service Habitat-Cadre de vie, il était chargé d’instruire les dossiers. Delphine Leccia raconte les pressions dont son père faisait l’objet, notamment du plus proche conseiller de Paul Giacobbi et membre de son cabinet, Mimi Viola. Elle affirme que le DGS (Directeur général des services), Thierry Gamba-Martini, avait la haute main sur les décisions. « Les subventions ont bénéficié à Paul Giacobbi pour sa campagne électorale », assène-t-elle. Paul Giacobbi, qui signait les ordres de paiement, se défend : « J’en signais plus d’une centaine tous les jours sans forcément les regarder ! ». Plus de 494 374 € auraient été indûment octroyés à ses proches, collaborateurs et élus, maires et conseillers généraux.
Des contrôles jamais effectués
Les fonctionnaires, notamment les secrétaires, qui recevaient et examinaient les demandes de subventions, tiennent un autre langage. Incriminés d’avoir transmis des dossiers où manquait la majeure partie des pièces demandées, où les factures étaient souvent fausses pour des projets de gîtes parfois localisés en bordure de route nationale, ils estiment « avoir été abusés » et affirment, en chœur, que l’ordre d’attribuer les subventions provenait de Jean Leccia. Mais le tribunal s’étonne de l’inefficacité des contrôles censés être effectués sur l’instruction et la régularité des documents fournis. Chaque dossier mis en cause a franchi les 22 niveaux de contrôle obligatoire sans encombre. Une simple lettre d’intention et un RIB (Relevé d’identité bancaire) suffisaient à déclencher le paiement ! Aucun n'a jamais été stoppé. Pourquoi ? Les secrétaires affirment que « c’était impossible ! » et rejettent la faute sur Jean Leccia qui « dirigeait tout, contrôlait tout » et « usait de son pouvoir discrétionnaire ». Elles pointent un système parallèle qui les dépassait. Pour le reste, c’est l’amnésie totale. Personne ne se souvient de rien et ne veut assumer la responsabilité d’un tel dysfonctionnement. Le contrôleur technique, Hyacinthe Vinciguerra, se déclare incompétent à assumer la fonction qui est la sienne : « Je voyais seulement l'épaisseur du dossier, dans certains, il ne devait y avoir que le RIB ! », lâche-t-il. « Mais, à quoi servez-vous ? A rien ? A vous entendre, c’est la faute de personne ! C’est magique ! » finit par s’énerver la présidente Saurel.
Une amnésie collective
L’amnésie frappe, également, les bénéficiaires, au nombre de seize, qui continuent de défiler à la barre pour ne pas s'expliquer ! Que ce soit ceux de Castagniccia, de Plaine Orientale ou du Venacais, la ritournelle est la même : ils ne savent pas, ils ignorent tout, ils n’étaient pas au courant, ils n’ont rien à dire ! Qui les a avertis de l’existence des subventions ? Le tribunal n’obtient aucune réponse claire. Autre étrangeté : trois bénéficiaires du Fium’Orbu, Noël Andreani, son cousin Philippe Gabrielli et Jean-Philippe Martinetti, fils de l’ancien maire de Prunelli-di-Fium’Orbu, ont déposé des dossiers de subventions scrupuleusement identiques. « Vous avez les mêmes fausses factures aux centimes près et avec les mêmes fautes d'orthographe que deux autres dossiers. Qui les a montés ? », interroge le procureur Bessone qui tente de tirer les vers du nez en énumérant des noms d'élus susceptibles d’avoir pu le faire. En vain ! L’utilisation de l'argent des subventions est tout aussi révélateur. Un des trois bénéficiaires venacais, Dominique Jean Franceschi, employé de mairie, a reçu une aide de 15 000 € pour un gite qui n’a jamais été construit !
L’audition des bénéficiaires se poursuit mercredi matin. L’après-midi sera consacrée aux fonctionnaires. Celles des élus sont prévues jeudi et vendredi. La semaine prochaine devrait être dédiée au réquisitoire et aux plaidoiries de la vingtaine d’avocats présents.
N.M.
Des contrôles jamais effectués
Les fonctionnaires, notamment les secrétaires, qui recevaient et examinaient les demandes de subventions, tiennent un autre langage. Incriminés d’avoir transmis des dossiers où manquait la majeure partie des pièces demandées, où les factures étaient souvent fausses pour des projets de gîtes parfois localisés en bordure de route nationale, ils estiment « avoir été abusés » et affirment, en chœur, que l’ordre d’attribuer les subventions provenait de Jean Leccia. Mais le tribunal s’étonne de l’inefficacité des contrôles censés être effectués sur l’instruction et la régularité des documents fournis. Chaque dossier mis en cause a franchi les 22 niveaux de contrôle obligatoire sans encombre. Une simple lettre d’intention et un RIB (Relevé d’identité bancaire) suffisaient à déclencher le paiement ! Aucun n'a jamais été stoppé. Pourquoi ? Les secrétaires affirment que « c’était impossible ! » et rejettent la faute sur Jean Leccia qui « dirigeait tout, contrôlait tout » et « usait de son pouvoir discrétionnaire ». Elles pointent un système parallèle qui les dépassait. Pour le reste, c’est l’amnésie totale. Personne ne se souvient de rien et ne veut assumer la responsabilité d’un tel dysfonctionnement. Le contrôleur technique, Hyacinthe Vinciguerra, se déclare incompétent à assumer la fonction qui est la sienne : « Je voyais seulement l'épaisseur du dossier, dans certains, il ne devait y avoir que le RIB ! », lâche-t-il. « Mais, à quoi servez-vous ? A rien ? A vous entendre, c’est la faute de personne ! C’est magique ! » finit par s’énerver la présidente Saurel.
Une amnésie collective
L’amnésie frappe, également, les bénéficiaires, au nombre de seize, qui continuent de défiler à la barre pour ne pas s'expliquer ! Que ce soit ceux de Castagniccia, de Plaine Orientale ou du Venacais, la ritournelle est la même : ils ne savent pas, ils ignorent tout, ils n’étaient pas au courant, ils n’ont rien à dire ! Qui les a avertis de l’existence des subventions ? Le tribunal n’obtient aucune réponse claire. Autre étrangeté : trois bénéficiaires du Fium’Orbu, Noël Andreani, son cousin Philippe Gabrielli et Jean-Philippe Martinetti, fils de l’ancien maire de Prunelli-di-Fium’Orbu, ont déposé des dossiers de subventions scrupuleusement identiques. « Vous avez les mêmes fausses factures aux centimes près et avec les mêmes fautes d'orthographe que deux autres dossiers. Qui les a montés ? », interroge le procureur Bessone qui tente de tirer les vers du nez en énumérant des noms d'élus susceptibles d’avoir pu le faire. En vain ! L’utilisation de l'argent des subventions est tout aussi révélateur. Un des trois bénéficiaires venacais, Dominique Jean Franceschi, employé de mairie, a reçu une aide de 15 000 € pour un gite qui n’a jamais été construit !
L’audition des bénéficiaires se poursuit mercredi matin. L’après-midi sera consacrée aux fonctionnaires. Celles des élus sont prévues jeudi et vendredi. La semaine prochaine devrait être dédiée au réquisitoire et aux plaidoiries de la vingtaine d’avocats présents.
N.M.