Marie-Thérèse Mariotti, maire de Taglio-Isolaccio et conseillère territoriale du groupe de droite "Le Rassemblement".
- Quel est le problème concernant l'aide aux communes ?
- Le principe d’une dotation quinquennale, basée sur des critères objectifs pour aider les communes de Corse à financer leurs investissements, a été acté en 1995 sous l’égide de Jean Baggioni et de la majorité de droite à l’Assemblée. L’objectif était d’encadrer et de plafonner l’attribution des subventions en totale transparence et de mettre fin, je cite, « au fait du Prince ». Le règlement d’aide aux communes, modifié en 2005, est toujours en vigueur. Le problème est que, depuis 2010, de nombreux dysfonctionnements ont été constatés. Certaines communes et EPCI (Intercommunalités) étaient condamnés à attendre que le dossier passe à l’instruction et cela pouvait prendre des mois, voire des années...
- C'est un problème visiblement récurrent. La situation n'a-t-elle pas évolué ?
- La situation n’a cessé de se dégrader pour atteindre un paroxysme en 2015 avec les problèmes budgétaires largement médiatisés que l’on connait. Le nouvel Exécutif régional se veut rassurant… Nous jugerons sur pièces.
- Vous aviez demandé, sous la précédente mandature, l'individualisation des dossiers. L'avez-vous obtenu ?
- Le règlement est clair sur ce sujet. Le Conseil Exécutif élabore le projet d’individualisation et le transmet au président de l’Assemblée de Corse pour avis auprès de la Commission des Finances. S’ensuit la prise de l’arrêté d’attribution dans la limite des crédits ouverts. Sous la précédente mandature, le blocage se faisait avant que les dossiers n'arrivent en Conseil exécutif, ils étaient gardés sous le coude !
- Comment expliquez-vous ces retards à répétition ?
- Ces retards étaient vraisemblablement dictés par une volonté politique et par le fait que les crédits de paiement n’étaient pas inscrits au budget.
- En tant que maire d'une commune de 550 habitants, en avez-vous déjà pâti ?
- Oui ! Ma première action de nouvelle élue, en avril 2014, a été d’alerter l’Exécutif d’alors sur le cas de la commune de Taglio-Isolaccio. La demande de mobilisation de la totalité de la dotation quinquennale sur la période 2010-2014 avait été adressée en février 2013 au président de l’Exécutif pour financer un projet routier structurant qui devait désengorger la traversée du hameau d’Isolaccio et sécuriser le trafic. Quelques jours après, un courrier de l’Exécutif confirmait que le dossier était complet. Après plus de 2 ans de relances écrites et téléphoniques infructueuses, l’arrêté attributif nous est, enfin, parvenu en juin 2015. En résumé, 28 mois ont été nécessaires pour boucler le dossier et, si l’on rajoute le délai de paiement, cela fait 32 mois ! C’est ce que l’on pourrait qualifier de gestation très longue !
- Avec quelles conséquences ?
- Comment voulez-vous programmer les investissements et gérer au mieux votre trésorerie avec de tels fonctionnements ! Ma commune a du autofinancer une partie du projet et contracter un prêt relai de 100 000 €. Fort heureusement, une gestion saine nous a permis de le faire et de patienter, mais toutes les communes ne sont pas dans ce cas. Une nouvelle demande entrant dans le cadre de la dotation quinquennale 2015-2019 a été adressée en janvier 2016 au nouvel Exécutif. Nous avons reçu l’arrêté attributif en juillet, il y a du progrès !
- Beaucoup de mairies sont-elles touchées par ces retards ?
- Il y en a eu un certain nombre ainsi que des EPCI (Intercommunalités) mais je n’ai pas de listing précis. La commission des finances n’a pas été saisie dernièrement de ce problème.
- D’un point de vue général, quel est l'impact réel de ces retards pour les maires ?
- Ces retards impactent, principalement, la programmation des projets - consultation des entreprises et démarrage des travaux - et engendrent, systématiquement, des problèmes de trésorerie. Ces problèmes nécessitent un recours aux prêts relais pour effectuer la jonction jusqu’au paiement, ce qui induit des frais financiers supplémentaires. Les communautés de communes sont également impactées et elles doivent, comme les mairies, jongler en permanence.
- Qu'avez-vous demandé à l'Exécutif lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse ?
- Pour rappel, notre groupe avait demandé en 2014, pour éviter toute forme de favoritisme à l’égard de telle ou telle commune, qu'avant de commencer à distribuer la dotation 2015-2019, il fallait, d'abord, que toutes les communes aient liquidé leur dotation 2010-2014. J’ai rappelé, lors de la question orale que j’ai posée au Président Simeoni le 27 octobre dernier, les dérives et retards constatés. J’ai mentionné les temps d’instruction qui s’allongent avec bon nombre de dossier en attente, considérés pourtant comme complets. J’ai demandé à l’Exécutif de bien vouloir nous en expliquer les raisons. J’ai suggéré qu’il était urgent de rétablir la confiance et la transparence dans l’instruction des dossiers. Cela pourrait passer par le rajout, dans le règlement, d’indicateurs de suivi tels que, par exemple, le délai maximal d’instruction. La Commission de contrôle, présidée par Jean-Martin Mondoloni, s’est emparée du sujet et va faire des propositions allant dans ce sens.
- Qu’est-ce que l’Exécutif vous a répondu ?
- L'Exécutif a répondu partiellement en rappelant que le montant global de l’aide aux communes avait été maintenu et que les arriérés avaient été soldés à hauteur de 5,2 millions €. Concernant les nouvelles demandes, il a précisé que les sommes inscrites au budget primitif 2016 permettent de répondre aux demandes des communes de moins de 800 habitants, mais que les demandes des autres communes et communautés des communes seraient examinées dans le cadre du budget supplémentaire. Il a admis que la procédure actuelle posait des problèmes de prévision financière, compte tenu de la date de réception des demandes « au fil de l’eau » et qu’il était nécessaire d’avoir une appréciation plus précise des besoins.
- Etes-vous satisfaite de cette réponse ?
- J'attends des actes concrets puisqu'il a annoncé un toilettage du système d'aide.
- Justement, qu’attendent les maires de ce nouveau règlement d'aides ? Qu'est-ce qui doit évoluer selon vous ?
- Ce qui doit être garanti, c'est l'esprit ! A savoir l'équité et la transparence dans l'accompagnement financier, y compris dans le Fonds de développement qui est une dotation parallèle dont les critères d’attribution demeurent plus … opaques. Il faut simplifier et rationaliser les aides aux communes. Pour le reste, je pense qu'introduire des indicateurs de délais d’instruction et de réception serait une bonne avancée. Des questions subsistent cependant sur le devenir de la dotation quinquennale avec la future Collectivité unique. Les mairies pourront elles liquider le montant de leur dotation avant le 1er janvier 2018 ? Est-ce que le périmètre sera le même ? Y aura-t-il des dépenses exigibles et d’autres pas ? Autant de questions qui restent en suspens et qu’il conviendra de traiter au plus vite.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Le principe d’une dotation quinquennale, basée sur des critères objectifs pour aider les communes de Corse à financer leurs investissements, a été acté en 1995 sous l’égide de Jean Baggioni et de la majorité de droite à l’Assemblée. L’objectif était d’encadrer et de plafonner l’attribution des subventions en totale transparence et de mettre fin, je cite, « au fait du Prince ». Le règlement d’aide aux communes, modifié en 2005, est toujours en vigueur. Le problème est que, depuis 2010, de nombreux dysfonctionnements ont été constatés. Certaines communes et EPCI (Intercommunalités) étaient condamnés à attendre que le dossier passe à l’instruction et cela pouvait prendre des mois, voire des années...
- C'est un problème visiblement récurrent. La situation n'a-t-elle pas évolué ?
- La situation n’a cessé de se dégrader pour atteindre un paroxysme en 2015 avec les problèmes budgétaires largement médiatisés que l’on connait. Le nouvel Exécutif régional se veut rassurant… Nous jugerons sur pièces.
- Vous aviez demandé, sous la précédente mandature, l'individualisation des dossiers. L'avez-vous obtenu ?
- Le règlement est clair sur ce sujet. Le Conseil Exécutif élabore le projet d’individualisation et le transmet au président de l’Assemblée de Corse pour avis auprès de la Commission des Finances. S’ensuit la prise de l’arrêté d’attribution dans la limite des crédits ouverts. Sous la précédente mandature, le blocage se faisait avant que les dossiers n'arrivent en Conseil exécutif, ils étaient gardés sous le coude !
- Comment expliquez-vous ces retards à répétition ?
- Ces retards étaient vraisemblablement dictés par une volonté politique et par le fait que les crédits de paiement n’étaient pas inscrits au budget.
- En tant que maire d'une commune de 550 habitants, en avez-vous déjà pâti ?
- Oui ! Ma première action de nouvelle élue, en avril 2014, a été d’alerter l’Exécutif d’alors sur le cas de la commune de Taglio-Isolaccio. La demande de mobilisation de la totalité de la dotation quinquennale sur la période 2010-2014 avait été adressée en février 2013 au président de l’Exécutif pour financer un projet routier structurant qui devait désengorger la traversée du hameau d’Isolaccio et sécuriser le trafic. Quelques jours après, un courrier de l’Exécutif confirmait que le dossier était complet. Après plus de 2 ans de relances écrites et téléphoniques infructueuses, l’arrêté attributif nous est, enfin, parvenu en juin 2015. En résumé, 28 mois ont été nécessaires pour boucler le dossier et, si l’on rajoute le délai de paiement, cela fait 32 mois ! C’est ce que l’on pourrait qualifier de gestation très longue !
- Avec quelles conséquences ?
- Comment voulez-vous programmer les investissements et gérer au mieux votre trésorerie avec de tels fonctionnements ! Ma commune a du autofinancer une partie du projet et contracter un prêt relai de 100 000 €. Fort heureusement, une gestion saine nous a permis de le faire et de patienter, mais toutes les communes ne sont pas dans ce cas. Une nouvelle demande entrant dans le cadre de la dotation quinquennale 2015-2019 a été adressée en janvier 2016 au nouvel Exécutif. Nous avons reçu l’arrêté attributif en juillet, il y a du progrès !
- Beaucoup de mairies sont-elles touchées par ces retards ?
- Il y en a eu un certain nombre ainsi que des EPCI (Intercommunalités) mais je n’ai pas de listing précis. La commission des finances n’a pas été saisie dernièrement de ce problème.
- D’un point de vue général, quel est l'impact réel de ces retards pour les maires ?
- Ces retards impactent, principalement, la programmation des projets - consultation des entreprises et démarrage des travaux - et engendrent, systématiquement, des problèmes de trésorerie. Ces problèmes nécessitent un recours aux prêts relais pour effectuer la jonction jusqu’au paiement, ce qui induit des frais financiers supplémentaires. Les communautés de communes sont également impactées et elles doivent, comme les mairies, jongler en permanence.
- Qu'avez-vous demandé à l'Exécutif lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse ?
- Pour rappel, notre groupe avait demandé en 2014, pour éviter toute forme de favoritisme à l’égard de telle ou telle commune, qu'avant de commencer à distribuer la dotation 2015-2019, il fallait, d'abord, que toutes les communes aient liquidé leur dotation 2010-2014. J’ai rappelé, lors de la question orale que j’ai posée au Président Simeoni le 27 octobre dernier, les dérives et retards constatés. J’ai mentionné les temps d’instruction qui s’allongent avec bon nombre de dossier en attente, considérés pourtant comme complets. J’ai demandé à l’Exécutif de bien vouloir nous en expliquer les raisons. J’ai suggéré qu’il était urgent de rétablir la confiance et la transparence dans l’instruction des dossiers. Cela pourrait passer par le rajout, dans le règlement, d’indicateurs de suivi tels que, par exemple, le délai maximal d’instruction. La Commission de contrôle, présidée par Jean-Martin Mondoloni, s’est emparée du sujet et va faire des propositions allant dans ce sens.
- Qu’est-ce que l’Exécutif vous a répondu ?
- L'Exécutif a répondu partiellement en rappelant que le montant global de l’aide aux communes avait été maintenu et que les arriérés avaient été soldés à hauteur de 5,2 millions €. Concernant les nouvelles demandes, il a précisé que les sommes inscrites au budget primitif 2016 permettent de répondre aux demandes des communes de moins de 800 habitants, mais que les demandes des autres communes et communautés des communes seraient examinées dans le cadre du budget supplémentaire. Il a admis que la procédure actuelle posait des problèmes de prévision financière, compte tenu de la date de réception des demandes « au fil de l’eau » et qu’il était nécessaire d’avoir une appréciation plus précise des besoins.
- Etes-vous satisfaite de cette réponse ?
- J'attends des actes concrets puisqu'il a annoncé un toilettage du système d'aide.
- Justement, qu’attendent les maires de ce nouveau règlement d'aides ? Qu'est-ce qui doit évoluer selon vous ?
- Ce qui doit être garanti, c'est l'esprit ! A savoir l'équité et la transparence dans l'accompagnement financier, y compris dans le Fonds de développement qui est une dotation parallèle dont les critères d’attribution demeurent plus … opaques. Il faut simplifier et rationaliser les aides aux communes. Pour le reste, je pense qu'introduire des indicateurs de délais d’instruction et de réception serait une bonne avancée. Des questions subsistent cependant sur le devenir de la dotation quinquennale avec la future Collectivité unique. Les mairies pourront elles liquider le montant de leur dotation avant le 1er janvier 2018 ? Est-ce que le périmètre sera le même ? Y aura-t-il des dépenses exigibles et d’autres pas ? Autant de questions qui restent en suspens et qu’il conviendra de traiter au plus vite.
Propos recueillis par Nicole MARI.
Le village de Taglio, commune de Taglio-Isolaccio.