Alain Mosconi, secrétaire général, entouré de marins du STC, à bord du Pascal Paoli.
- Pourquoi occupez-vous le Pascal Paoli ?
- Tout simplement pour obtenir des réponses à 2 questions. Selon toute vraisemblance, nous sommes au seuil de la disparition de la SNCM avec une liquidation judiciaire qui s’annonce. A partir de là, quid du matériel naval, c’est-à-dire des 4 navires cargos mixtes de continuité territoriale, mais aussi du personnel ? Ces navires sont gérés par les marins et l’activité commerciale, par les agences de Corse. Si la SNCM tombe, que deviennent-ils ?
- A qui vous adressez-vous ?
- Les réponses dépendent de la volonté des décideurs politiques. S’ils décident de faire rentrer les navires au capital de la CTC, nous serons satisfaits. Nous avons déjà connu les privatisations, Butler, Veolia… Qui va-t-on nous sortir du chapeau cette fois-ci ? Pour nous, la stabilité passe par une entité publique au capital public majoritaire.
- Quelles sont les options possibles ?
- Aujourd’hui, sont étudiées deux options. La 1ère serait une SEM (Société d’économie mixte) à vocation financière où la CTC serait propriétaire, mais délèguerait l’activité à un tiers, à priori la CMN (Compagnie méridionale de navigation). Encore une société privée ! La 2ème serait une SEM industrielle selon le schéma d’Air Corsica. Nous y sommes favorables. Nous voulons une entité où le capital public serait majoritaire et où le public ne serait pas un illustre spectateur d’un match qui se jouerait loin de ses yeux !
- Que demandez-vous exactement ?
- Nous voulons que la CTC puisse intervenir dans les options, y compris en termes de retombées économiques, d’emploi, de conditions sociales et de salaires. Si nous laissons agir des privés, fussent-ils la CMN, ils auront le même comportement que ceux que nous avons connus ces dix dernières années. Qui cela peut-il satisfaire ? Certainement pas ceux qui en ont été victimes ! Les seuls, les vrais ou en tous cas les premiers à l’être sont les salariés. Chacun peut le comprendre !
- La CTC a-t-elle, aujourd’hui, les moyens matériels de créer et d’entretenir une SEM maritime ?
- Au-delà des moyens matériels, elle en a l’obligation. C’est une nécessité ! Elle ne peut pas se contenter d’être spectateur de son futur. A un moment donné, le futur s’écrit… il s’écrit sur des options qui demandent courage et détermination. Faire de la politique, ce n’est pas faire des ronds-points, mais prendre des responsabilités et gérer la cité en allant dans le sens des citoyens. En tant que salariés, nous avons un rôle majeur : celui d’inscrire la Corse et les Corses dans un véritable processus de service public. Nous nous en sommes éloignés avec la privatisation, il faut y revenir pour les usagers.
- Qu’attendez-vous des réunions du comité d’entreprise, mercredi à Marseille, et de la rencontre du 1er ministre et de Veolia, vendredi à Paris ?
- La réunion de Marseille a été annulée. De la réunion de Paris et de nos actionnaires, nous n’attendons plus rien ! Nos actionnaires nous ont pillés, volés, mentis, trahis. Que voulez-vous attendre de la part de ceux qui vous ont méprisés pendant 10 ans ?
- Que pensez-vous, à ce sujet, des conclusions de la Commission d’enquête parlementaire sur la vente de la SNCM à Butler ?
- Une commission d’enquête à laquelle j’ai, d’ailleurs, participé dans la mesure où j’ai été auditionné. D’après ce que j’ai compris, le délit ne serait pas matérialisé. Ceci étant, il n’y a pas un délit, il y a un crime, peut-être pas d’ordre juridique, mais d’ordre moral. On a tué la SNCM. On a explosé notre matériel naval. On a assassiné nos emplois. C’est un crime non seulement à l’endroit des travailleurs, mais aussi de la conception même du service public et de la continuité territoriale. Nous sommes las de subir des situations ou d’autres, et pour d’autres intérêts que les nôtres, décideraient pour nous.
- C’est-à-dire ?
- C’est impossible qu’on décide, dans des salons parisiens à l’abri de toute difficulté financière, pour des salariés qui sont pères et mères de famille et qui, à la fin du mois, doivent nourrir leurs enfants et subvenir aux besoins de leur famille. Nous sommes dans le monde réel, pas sur une vision de nantis qui jouent au Monopoly, déplacent des pions, achètent, vendent, etc. Ces logiques sont aux antipodes de ce que nous croyons. Nous n’en attendons rien. Nous croyons à un véritable service public où nos intérêts de classe seraient préservés en tant que travailleurs, mais également l’intérêt des usagers.
- Vendredi, la CTC votera, de nouveau, les OSP (Obligations de service public). Est-ce pertinent dans un contexte de naufrage de la SNCM ?
- J’entends le Président de l’Exécutif dire qu’il aurait une solution de maintien de service public. C’est très bien ! Sauf que, pour l’heure, je n’ai pas compris si nous étions intégrés dans cette solution. S’il nous intègre en tant que matériel naval et en tant que salariés, cela veut dire que nous faisons partie de la solution. Je ne suis pas encore convaincu que, dans le schéma qu’il peut avoir en tête, nous soyons partie prenante. La question que nous posons à Paul Giacobbi est de savoir si nous sommes dans ou à l’extérieur de la solution. Il ne pourra pas y avoir de solution sans nous ! Une solution sans nous serait une fausse solution !
- Craignez-vous que les salariés soient laissés sur le bord de la route ?
- Nous craignons que certains, par raccourci, disent qu’ils récupèrent les navires. Et que ça s’arrête là ! En cas de liquidation judiciaire, le personnel serait délivré de ses obligations envers la SNCM. Personne n’aurait d’obligation envers lui. Je ne suis pas convaincu que la CMN ait envie de récupérer ce qu’elle qualifie de « persona non grata », c’est-à-dire les marins de la SNCM. Nous allons imposer cette réalité. Nous sommes là ! Il ne peut pas y avoir d’avenir sans nous !
- Vous êtes le seul syndicat à faire grève. Envisagez-vous de faire front commun avec la CGT ?
- Avec la CGT, nous sommes allés au bout de nos différences. Ce syndicat croit, encore, à la solution d’une SNCM ressuscitée.
- Pas vous ?
- Non. Pour nous, la SNCM est morte. Nous sommes quelques milliers à le penser. Les quelques éléments, que nous avons à notre disposition, notamment l’attitude de Veolia, semblent nous donner raison. On verra si on se trompe !
- Vous parlez d’un blocage illimité. Qu’est-ce qui déterminera la suite de votre action ?
- Ce sera l’attitude et la réponse des pouvoirs publics. Tant que nous n’aurons pas la réponse convenable à la question : « Faisons-nous partie de la solution ? Oui ou Non ? », nous resterons vigilants et, donc, sur le terrain des luttes.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Tout simplement pour obtenir des réponses à 2 questions. Selon toute vraisemblance, nous sommes au seuil de la disparition de la SNCM avec une liquidation judiciaire qui s’annonce. A partir de là, quid du matériel naval, c’est-à-dire des 4 navires cargos mixtes de continuité territoriale, mais aussi du personnel ? Ces navires sont gérés par les marins et l’activité commerciale, par les agences de Corse. Si la SNCM tombe, que deviennent-ils ?
- A qui vous adressez-vous ?
- Les réponses dépendent de la volonté des décideurs politiques. S’ils décident de faire rentrer les navires au capital de la CTC, nous serons satisfaits. Nous avons déjà connu les privatisations, Butler, Veolia… Qui va-t-on nous sortir du chapeau cette fois-ci ? Pour nous, la stabilité passe par une entité publique au capital public majoritaire.
- Quelles sont les options possibles ?
- Aujourd’hui, sont étudiées deux options. La 1ère serait une SEM (Société d’économie mixte) à vocation financière où la CTC serait propriétaire, mais délèguerait l’activité à un tiers, à priori la CMN (Compagnie méridionale de navigation). Encore une société privée ! La 2ème serait une SEM industrielle selon le schéma d’Air Corsica. Nous y sommes favorables. Nous voulons une entité où le capital public serait majoritaire et où le public ne serait pas un illustre spectateur d’un match qui se jouerait loin de ses yeux !
- Que demandez-vous exactement ?
- Nous voulons que la CTC puisse intervenir dans les options, y compris en termes de retombées économiques, d’emploi, de conditions sociales et de salaires. Si nous laissons agir des privés, fussent-ils la CMN, ils auront le même comportement que ceux que nous avons connus ces dix dernières années. Qui cela peut-il satisfaire ? Certainement pas ceux qui en ont été victimes ! Les seuls, les vrais ou en tous cas les premiers à l’être sont les salariés. Chacun peut le comprendre !
- La CTC a-t-elle, aujourd’hui, les moyens matériels de créer et d’entretenir une SEM maritime ?
- Au-delà des moyens matériels, elle en a l’obligation. C’est une nécessité ! Elle ne peut pas se contenter d’être spectateur de son futur. A un moment donné, le futur s’écrit… il s’écrit sur des options qui demandent courage et détermination. Faire de la politique, ce n’est pas faire des ronds-points, mais prendre des responsabilités et gérer la cité en allant dans le sens des citoyens. En tant que salariés, nous avons un rôle majeur : celui d’inscrire la Corse et les Corses dans un véritable processus de service public. Nous nous en sommes éloignés avec la privatisation, il faut y revenir pour les usagers.
- Qu’attendez-vous des réunions du comité d’entreprise, mercredi à Marseille, et de la rencontre du 1er ministre et de Veolia, vendredi à Paris ?
- La réunion de Marseille a été annulée. De la réunion de Paris et de nos actionnaires, nous n’attendons plus rien ! Nos actionnaires nous ont pillés, volés, mentis, trahis. Que voulez-vous attendre de la part de ceux qui vous ont méprisés pendant 10 ans ?
- Que pensez-vous, à ce sujet, des conclusions de la Commission d’enquête parlementaire sur la vente de la SNCM à Butler ?
- Une commission d’enquête à laquelle j’ai, d’ailleurs, participé dans la mesure où j’ai été auditionné. D’après ce que j’ai compris, le délit ne serait pas matérialisé. Ceci étant, il n’y a pas un délit, il y a un crime, peut-être pas d’ordre juridique, mais d’ordre moral. On a tué la SNCM. On a explosé notre matériel naval. On a assassiné nos emplois. C’est un crime non seulement à l’endroit des travailleurs, mais aussi de la conception même du service public et de la continuité territoriale. Nous sommes las de subir des situations ou d’autres, et pour d’autres intérêts que les nôtres, décideraient pour nous.
- C’est-à-dire ?
- C’est impossible qu’on décide, dans des salons parisiens à l’abri de toute difficulté financière, pour des salariés qui sont pères et mères de famille et qui, à la fin du mois, doivent nourrir leurs enfants et subvenir aux besoins de leur famille. Nous sommes dans le monde réel, pas sur une vision de nantis qui jouent au Monopoly, déplacent des pions, achètent, vendent, etc. Ces logiques sont aux antipodes de ce que nous croyons. Nous n’en attendons rien. Nous croyons à un véritable service public où nos intérêts de classe seraient préservés en tant que travailleurs, mais également l’intérêt des usagers.
- Vendredi, la CTC votera, de nouveau, les OSP (Obligations de service public). Est-ce pertinent dans un contexte de naufrage de la SNCM ?
- J’entends le Président de l’Exécutif dire qu’il aurait une solution de maintien de service public. C’est très bien ! Sauf que, pour l’heure, je n’ai pas compris si nous étions intégrés dans cette solution. S’il nous intègre en tant que matériel naval et en tant que salariés, cela veut dire que nous faisons partie de la solution. Je ne suis pas encore convaincu que, dans le schéma qu’il peut avoir en tête, nous soyons partie prenante. La question que nous posons à Paul Giacobbi est de savoir si nous sommes dans ou à l’extérieur de la solution. Il ne pourra pas y avoir de solution sans nous ! Une solution sans nous serait une fausse solution !
- Craignez-vous que les salariés soient laissés sur le bord de la route ?
- Nous craignons que certains, par raccourci, disent qu’ils récupèrent les navires. Et que ça s’arrête là ! En cas de liquidation judiciaire, le personnel serait délivré de ses obligations envers la SNCM. Personne n’aurait d’obligation envers lui. Je ne suis pas convaincu que la CMN ait envie de récupérer ce qu’elle qualifie de « persona non grata », c’est-à-dire les marins de la SNCM. Nous allons imposer cette réalité. Nous sommes là ! Il ne peut pas y avoir d’avenir sans nous !
- Vous êtes le seul syndicat à faire grève. Envisagez-vous de faire front commun avec la CGT ?
- Avec la CGT, nous sommes allés au bout de nos différences. Ce syndicat croit, encore, à la solution d’une SNCM ressuscitée.
- Pas vous ?
- Non. Pour nous, la SNCM est morte. Nous sommes quelques milliers à le penser. Les quelques éléments, que nous avons à notre disposition, notamment l’attitude de Veolia, semblent nous donner raison. On verra si on se trompe !
- Vous parlez d’un blocage illimité. Qu’est-ce qui déterminera la suite de votre action ?
- Ce sera l’attitude et la réponse des pouvoirs publics. Tant que nous n’aurons pas la réponse convenable à la question : « Faisons-nous partie de la solution ? Oui ou Non ? », nous resterons vigilants et, donc, sur le terrain des luttes.
Propos recueillis par Nicole MARI
Banderole posée sur les grilles du port de Bastia.