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Analyse d’Ange Rovere sur la « Giustifcazione » : La réaction de la majorité territoriale


le Lundi 14 Mars 2016 à 23:17

Les présidents du Conseil exécutif, de l’Assemblée de Corse, du groupe Femu a Corsica et du groupe Corsica Libera s'expriment dans un communiqué commun sur l’analyse d’Ange Rovere sur la « Giustifcazione », exprimée dans le cadre des journées de Terre Corse.



Analyse d’Ange Rovere sur la « Giustifcazione » : La réaction de la majorité territoriale

"La conférence d’Ange Rovere au cours de laquelle ce dernier s’est proposé de « démythifier » la Giustificazione delle Rivoluzione di Corsica mise à l’honneur lors de l’investiture de la nouvelle majorité, appelle de notre part quelques observations. 

Les interprétations historiques sont diverses et chacune d’entre elles est susceptible d’être librement débattue. Le lecteur peut toutefois apprécier l’honnêteté intellectuelle de celle que développe avec opiniâtreté M. Rovere depuis des années et qui consiste à dévaluer systématiquement l’expérience corse du XVIIIe siècle. On se souvient notamment de la polémique née il y a quelques années au sujet de la plaque posée à Bastia en l’honneur de Pasquale Paoli. À cette époque, Monsieur Rovere défendait l’idée suivant laquelle U Babbu di a Patria tirait largement sa notoriété du poste de Président du directoire départemental qu’il occupa un moment après son retour d’exil, répétant à chaque réunion « Pascal Paoli n’est pas mort à Ponte Novu ! » 

En ce qui concerne l’assertion selon laquelle la Giustificazione serait un acte d’allégeance à la France, elle procède d’une idée pour le moins curieuse, pour ne pas dire davantage. La Giustificazione, qui a aussi une dimension diplomatique, n’attaque que la République de Gênes et s’adresse de façon positive à tous les souverains d’Europe, « délice et amour de [leurs] peuples » (p. 390 de l’édition d’Oletta, 1758). Salvini évoque la « forte inclination » des Corses pour l’Espagne (p. 299). Quant à la France, l’auteur lui demande essentiellement de rester neutre, pressentant évidemment son soutien aux Génois: « veuillez au moins ne pas les accorder [protection et aide] à nos ennemis… » (p. 389). 

Toutefois, par-delà les commentaires, il y a les faits, et la conférence de Monsieur Rovere sur la Giustificazione est truffée de contre-vérités facilement vérifiables sur un plan purement factuel :

- « Pascal Paoli a passé quelques mois à Naples. N’en faisons pas un disciple de Genovesi ». Quelques mois ? Rien qu’entre 1743 et 1749, il y passe six années, dont quatre à l’Académie royale militaire d’artillerie ! Paoli ne serait pas un disciple de Genovesi ? Dès les années 1970, le Professeur Fernand Ettori avait éclairci cette question, faisant état de témoignages concordants ne pouvant être mis en doute (Raimondo Cocchi, John Symonds…) 

- Genovesi « simple professeur de morale » ? Il est pourtant placé par tous les auteurs sérieux parmi les principaux maîtres de l’Illuminismo, aux côtés de Giannone, Beccaria, Muratori, ou encore son propre maître, le grand Giambattista Vico… C’est en outre Genovesi qui a introduit les idées de Locke en Italie.

- « J’entends que c’est un livre inspiré des Lumières ? Je cherche Montesquieu, il n’y est pas. » Montesquieu est pourtant bien présent dans la Giustificazione qui cite « l’auteur de L’esprit des lois ». Monsieur Rovere, nous ne pouvons en douter, aura entendu parler de cet ouvrage majeur de Montesquieu. Mais on comprend mieux lorsqu’il nous explique qu’il est difficile d’aller au-delà de la 10e page de la Giustificazione. Pour trouver l’auteur qu’il cherchait, il aurait fallu qu’il atteigne la page 173 (édition d’Oletta, 1758). Et s’il était parvenu ne serait-ce qu’à la page 145, il aurait sans doute reconnu les mots de John Locke, prestigieux précurseur des Lumières… 

Bref, on l’aura compris, si l’interprétation historique de Monsieur Rovere est très discutable, il y a bien plus grave : cette interprétation s’appuie sur une lecture de la Giustificazione pour le moins lacunaire et sur des faits historiques radicalement faux. C’est surprenant si l’on s’en tient à la qualité d’historien d’Ange Rovere. Cela se comprend beaucoup mieux si l’on considère que l’intervention polémique de celui-ci est bien plus idéologique que politique : sans doute est-elle dictée par le refus d’accepter l’évolution de la Corse aux plans électoral et politique, et notamment le résultat du scrutin de décembre 2016 ayant conduit à la prestation de serment devant leur peuple des nouveaux responsables politiques corses.