- Que pensez-vous du document présenté ?
- C’est un document d’orientation en deux parties, d’une quinzaine de pages qui fixent un certain nombre d’orientations pour l’avenir de la Corse, orientations que nous ne partageons pas toutes. A ce stade-là de la réflexion, il n’y a pas lieu d’en tirer quelques conséquences que ce soit, ni à s’y opposer de manière prématurée. L’exercice est difficile, quelque soit l’Exécutif, j’y suis passé. Il faut le prendre avec humilité. Il ne faut pas, non plus, se focaliser sur la portée de ce document.
- Pourquoi alors vous êtes-vous abstenus de le voter ?
- Nous nous sommes abstenus dans l’attente de la déclinaison de ces orientations. De plus, ce document contient une confusion entre l’évolution institutionnelle et le PADDUC puisque des fragments de demande institutionnelle y sont positionnés. Cela pourrait nuire à la crédibilité du PADDUC. S’il faut attendre une évolution institutionnelle pour le rendre applicable, ce serait autant de temps perdu ! Il faut clarifier les choses. Il y a d’un côté, une Commission qui travaille à l’évolution institutionnelle. On verra bien ce qu’elle donnera. Il n’est pas dit que nous arriverons à un consensus, mais il est important que nous ayons une réflexion. De l’autre, il y a le PADDUC.
- Pourquoi fustigez-vous l’idée de planification ?
- La difficulté de ce document est de fixer des orientations à 20 ou 30 ans. Qui peut-dire ce que seront la Corse, la France, l’Europe et le monde dans 20 ou 30 ans ? Le monde est en perpétuel mouvement. La Corse n’est pas indépendante, mais dépendante de son milieu, de son contexte national et surtout international. Nous disposons déjà d’un Plan de développement voté par la CTC en 1993, révisé en 1999, et qui est toujours d’actualité. Qui, aujourd’hui, en parle ? Il est impossible de faire des prévisions. Et puis, le PADDUC ne prévoit pas les moyens financiers. Peut-être que, dans 4 ou 5 ans, les orientations définies seront déjà obsolètes et qu’il faudra les réviser !
- Ce plan de développement de 1993 ne fonctionne-t-il pas ?
- Ce n’est pas qu’il ne fonctionne pas ! Il comporte des orientations. Qui, aujourd’hui, s’y réfère ? 20 ans après, sont-elles encore d’actualité ? Pas forcément toutes. Ce plan est l’exemple même de ce qui peut être voté, 20 ans en arrière, et qui, aujourd’hui, est aux oubliettes parce que tout le monde a oublié qu’il existait !
- A quoi sert donc le PADDUC ?
- A travers sa partie, Aménagement du territoire, il a une valeur directive territoriale d’aménagement. Il devra établir des normes, notamment en matière d’urbanisation, qui s’imposeront aux PLU et aux documents d’urbanisme des communes. C’est là qu’il faudra être vigilant, consciencieux, pour sortir un document lisible qui soit compris et applicable par tous. C’est, à mon sens, l’enjeu majeur du PADDUC. Pas les grandes orientations à 30 ans, sans déclinaison de moyens financiers ! Je ne crois pas qu’elles bouleverseront le quotidien des Corses. Il ne faudrait pas faire croire que le PADDUC solutionnera tous les maux de la Corse. Il n’en sera rien ! J’ai bien peur qu’il n’y ait beaucoup d’espoir déçu.
- Ne prenez-vous pas le contrepied de la majorité des élus qui en attend un modèle de développement et une solution pour la Corse ?
- Oui. Mais, c’est la réalité du texte. C’est la loi du 22 janvier 2002. La Corse est la seule collectivité territoriale astreinte à ce genre d’exercice. Cela fait longtemps que l’Etat français et même les Etats européens ont abandonné toute idée de planification parce que comment planifier dans un monde en perpétuel mouvement ? Je le répète : si ce document voit le jour et est voté, il servira de référence, mais ne pourra, en aucun cas, solutionner les difficultés qui se posent à la Corse dans le cadre de son développement. C’est certain ! L’aspect aménagement du territoire peut être pris en compte parce qu’il peut avoir une réalité concrète, quotidienne, en termes d’urbanisation sur le devenir de nos concitoyens.
- Ce document parle d’identité, de coofficialité de la langue, de monnaie… Comment réagissez-vous à ces propositions ?
- Une fois qu’il en a parlé, il ne solutionne rien ! On peut très bien parler d’identité. Le précédent PADDUC, que j’avais été amené à élaborer, parlait d’identité, de la Corse, terre d’identité et terre d’avenir. Ce sont des mots, une philosophie d’action, des principes que l’on cherche à décliner, mais ce qui compte, c’est la réalité au quotidien.
- Que pensez-vous de l’idée d’une monnaie locale complémentaire ?
- Il faut, là aussi, relativiser les choses. C’est une proposition qui émane, en général dans d’autres régions et d’autres pays, d’associations altermondialistes. La Corse, pas plus que les autres régions, ne peut et n’a le droit de battre et de frapper monnaie. Cette monnaie locale est une forme de bons, comme il en existait au Club Med où on échangeait des francs ou des euros contre des perles qu’on pouvait dépenser dans l’établissement. Ce serait la même chose, ni plus, ni moins. Des billets, des carnets, des soleils ou ce que l’on veut en termes d’appellation serviraient de monnaie d’échange pour certains produits locaux.
- Considérez-vous cette idée peu sérieuse ?
- Non. Ce n’est pas une proposition incongrue puisqu’elle existe ailleurs. Le problème n’est pas là. Ce n’est pas un élément phare du PADDUC. La mise en place de cette monnaie complémentaire à l’euro ne boostera pas l’économie locale. Si c’était le cas, ça se saurait, ça se ferait partout, l’Etat lui même le conseillerait ! Manifestement, ce n’est pas le cas ! Une monnaie locale relève plus de la symbolique que d’une réelle emprise sur le développement.
- Cela signifie-t-il que vous êtes contre ?
- Non, parce que cette monnaie n’est pas l’élément d’une indépendance. Elle existe, par exemple, à Toulouse qui, que je sache, ne veut pas une indépendance par rapport à la France. Cette idée vient, à la base, plus des associations que des politiques.
- Que pensez-vous du principe directeur de ce PADDUC : une économie pour la Corse et centré sur les besoins des Corses ?
- C’est une Lapalissade ! Nous sommes sur des poncifs ! C’est pour cela que nous nous sommes abstenus de voter. On ne peut pas être contre ce type d’incantations ! L’économie est faite pour les Corses et pour la Corse, elle n’est pas faite pour les autres ! Vouloir davantage de formation, penser que l’identité corse puisse servir de développement à l’île, etc. Nous ne pouvons qu’être d’accord. Mais, encore une fois, ce ne sont que des affirmations, des grandes orientations un peu intemporelles qui vont dans le sens que tout le monde attend. Ce qui ne veut pas dire qu’elles seront la réalité ! Par quelles propositions concrètes, l’Exécutif va-t-il les mettre en musique ? C’est le vrai débat du PADDUC, qui n’a pas encore eu lieu.
- A quoi êtes-vous globalement favorable ?
- Quand on enfonce des portes ouvertes, qu’on dit qu’il faut un développement qui profite aux Corses et à la Corse, qui peut être contre ! Qu’il faut placer la formation professionnelle au centre de l’apprentissage et de l’éducation, qui peut être contre ! Qu’il faut réduire les écarts et le chômage, construire plus de logements sociaux, donner plus d’indépendance énergétique à la Corse… nous partageons ces principes. Nous attendons leur traduction concrète pour nous positionner. Ne pas avoir voter contre ne vaut pas quitus.
- A quoi êtes-vous défavorable ?
- Nous sommes contre une certaine philosophie altermondialiste, le coup qui pourrait être porté à la construction de logements, le contingentement des résidences secondaires… Tout cela doit être pris au sérieux. On ne peut pas traiter ces sujets à la légère parce qu’ils conditionnent une économie et des milliers d’emplois. Qu’il faille réglementer certains secteurs, nous sommes pour ! Mais, attention à l’excès ! Certaines philosophies ne nous conviennent pas.
- Que répondez-vous à la mise en cause assez dure de votre méthode et de votre version du PADDUC par certains élus ?
- La méthode était ce qu’elle était ! Elle était sans doute perfectible. Je m’en étais tenu à l’héritage de mon prédécesseur d’un point de vue formel, la méthode était celle de la loi de l’époque. Sans doute avons-nous pêché par manque de concertation parce que nous estimions qu’il fallait respecter les termes de la loi ! Je pense que l’Exécutif actuel a tiré les leçons du passé. Quand à la déclinaison des politiques, j’attends de voir la mouture finale du PADDUC pour comparer, non pas les mots qui peuvent être différents, mais le sens de certaines orientations qui restera, peut-être, le même. Attendons pour jauger si, vraiment, au final, tout a été refondu par rapport à la version précédente ou si le socle du PADDUC futur est celui que j’ai été amené à retirer pour une raison simple : à l’époque, il y avait une hostilité ambiante que je ne retrouve pas aujourd’hui. Et, c’est tant mieux ! Si les débats sont plus apaisés et plus sereins, c’est la Corse qui en sortira gagnante.
Propos recueillis par Nicole MARI
- C’est un document d’orientation en deux parties, d’une quinzaine de pages qui fixent un certain nombre d’orientations pour l’avenir de la Corse, orientations que nous ne partageons pas toutes. A ce stade-là de la réflexion, il n’y a pas lieu d’en tirer quelques conséquences que ce soit, ni à s’y opposer de manière prématurée. L’exercice est difficile, quelque soit l’Exécutif, j’y suis passé. Il faut le prendre avec humilité. Il ne faut pas, non plus, se focaliser sur la portée de ce document.
- Pourquoi alors vous êtes-vous abstenus de le voter ?
- Nous nous sommes abstenus dans l’attente de la déclinaison de ces orientations. De plus, ce document contient une confusion entre l’évolution institutionnelle et le PADDUC puisque des fragments de demande institutionnelle y sont positionnés. Cela pourrait nuire à la crédibilité du PADDUC. S’il faut attendre une évolution institutionnelle pour le rendre applicable, ce serait autant de temps perdu ! Il faut clarifier les choses. Il y a d’un côté, une Commission qui travaille à l’évolution institutionnelle. On verra bien ce qu’elle donnera. Il n’est pas dit que nous arriverons à un consensus, mais il est important que nous ayons une réflexion. De l’autre, il y a le PADDUC.
- Pourquoi fustigez-vous l’idée de planification ?
- La difficulté de ce document est de fixer des orientations à 20 ou 30 ans. Qui peut-dire ce que seront la Corse, la France, l’Europe et le monde dans 20 ou 30 ans ? Le monde est en perpétuel mouvement. La Corse n’est pas indépendante, mais dépendante de son milieu, de son contexte national et surtout international. Nous disposons déjà d’un Plan de développement voté par la CTC en 1993, révisé en 1999, et qui est toujours d’actualité. Qui, aujourd’hui, en parle ? Il est impossible de faire des prévisions. Et puis, le PADDUC ne prévoit pas les moyens financiers. Peut-être que, dans 4 ou 5 ans, les orientations définies seront déjà obsolètes et qu’il faudra les réviser !
- Ce plan de développement de 1993 ne fonctionne-t-il pas ?
- Ce n’est pas qu’il ne fonctionne pas ! Il comporte des orientations. Qui, aujourd’hui, s’y réfère ? 20 ans après, sont-elles encore d’actualité ? Pas forcément toutes. Ce plan est l’exemple même de ce qui peut être voté, 20 ans en arrière, et qui, aujourd’hui, est aux oubliettes parce que tout le monde a oublié qu’il existait !
- A quoi sert donc le PADDUC ?
- A travers sa partie, Aménagement du territoire, il a une valeur directive territoriale d’aménagement. Il devra établir des normes, notamment en matière d’urbanisation, qui s’imposeront aux PLU et aux documents d’urbanisme des communes. C’est là qu’il faudra être vigilant, consciencieux, pour sortir un document lisible qui soit compris et applicable par tous. C’est, à mon sens, l’enjeu majeur du PADDUC. Pas les grandes orientations à 30 ans, sans déclinaison de moyens financiers ! Je ne crois pas qu’elles bouleverseront le quotidien des Corses. Il ne faudrait pas faire croire que le PADDUC solutionnera tous les maux de la Corse. Il n’en sera rien ! J’ai bien peur qu’il n’y ait beaucoup d’espoir déçu.
- Ne prenez-vous pas le contrepied de la majorité des élus qui en attend un modèle de développement et une solution pour la Corse ?
- Oui. Mais, c’est la réalité du texte. C’est la loi du 22 janvier 2002. La Corse est la seule collectivité territoriale astreinte à ce genre d’exercice. Cela fait longtemps que l’Etat français et même les Etats européens ont abandonné toute idée de planification parce que comment planifier dans un monde en perpétuel mouvement ? Je le répète : si ce document voit le jour et est voté, il servira de référence, mais ne pourra, en aucun cas, solutionner les difficultés qui se posent à la Corse dans le cadre de son développement. C’est certain ! L’aspect aménagement du territoire peut être pris en compte parce qu’il peut avoir une réalité concrète, quotidienne, en termes d’urbanisation sur le devenir de nos concitoyens.
- Ce document parle d’identité, de coofficialité de la langue, de monnaie… Comment réagissez-vous à ces propositions ?
- Une fois qu’il en a parlé, il ne solutionne rien ! On peut très bien parler d’identité. Le précédent PADDUC, que j’avais été amené à élaborer, parlait d’identité, de la Corse, terre d’identité et terre d’avenir. Ce sont des mots, une philosophie d’action, des principes que l’on cherche à décliner, mais ce qui compte, c’est la réalité au quotidien.
- Que pensez-vous de l’idée d’une monnaie locale complémentaire ?
- Il faut, là aussi, relativiser les choses. C’est une proposition qui émane, en général dans d’autres régions et d’autres pays, d’associations altermondialistes. La Corse, pas plus que les autres régions, ne peut et n’a le droit de battre et de frapper monnaie. Cette monnaie locale est une forme de bons, comme il en existait au Club Med où on échangeait des francs ou des euros contre des perles qu’on pouvait dépenser dans l’établissement. Ce serait la même chose, ni plus, ni moins. Des billets, des carnets, des soleils ou ce que l’on veut en termes d’appellation serviraient de monnaie d’échange pour certains produits locaux.
- Considérez-vous cette idée peu sérieuse ?
- Non. Ce n’est pas une proposition incongrue puisqu’elle existe ailleurs. Le problème n’est pas là. Ce n’est pas un élément phare du PADDUC. La mise en place de cette monnaie complémentaire à l’euro ne boostera pas l’économie locale. Si c’était le cas, ça se saurait, ça se ferait partout, l’Etat lui même le conseillerait ! Manifestement, ce n’est pas le cas ! Une monnaie locale relève plus de la symbolique que d’une réelle emprise sur le développement.
- Cela signifie-t-il que vous êtes contre ?
- Non, parce que cette monnaie n’est pas l’élément d’une indépendance. Elle existe, par exemple, à Toulouse qui, que je sache, ne veut pas une indépendance par rapport à la France. Cette idée vient, à la base, plus des associations que des politiques.
- Que pensez-vous du principe directeur de ce PADDUC : une économie pour la Corse et centré sur les besoins des Corses ?
- C’est une Lapalissade ! Nous sommes sur des poncifs ! C’est pour cela que nous nous sommes abstenus de voter. On ne peut pas être contre ce type d’incantations ! L’économie est faite pour les Corses et pour la Corse, elle n’est pas faite pour les autres ! Vouloir davantage de formation, penser que l’identité corse puisse servir de développement à l’île, etc. Nous ne pouvons qu’être d’accord. Mais, encore une fois, ce ne sont que des affirmations, des grandes orientations un peu intemporelles qui vont dans le sens que tout le monde attend. Ce qui ne veut pas dire qu’elles seront la réalité ! Par quelles propositions concrètes, l’Exécutif va-t-il les mettre en musique ? C’est le vrai débat du PADDUC, qui n’a pas encore eu lieu.
- A quoi êtes-vous globalement favorable ?
- Quand on enfonce des portes ouvertes, qu’on dit qu’il faut un développement qui profite aux Corses et à la Corse, qui peut être contre ! Qu’il faut placer la formation professionnelle au centre de l’apprentissage et de l’éducation, qui peut être contre ! Qu’il faut réduire les écarts et le chômage, construire plus de logements sociaux, donner plus d’indépendance énergétique à la Corse… nous partageons ces principes. Nous attendons leur traduction concrète pour nous positionner. Ne pas avoir voter contre ne vaut pas quitus.
- A quoi êtes-vous défavorable ?
- Nous sommes contre une certaine philosophie altermondialiste, le coup qui pourrait être porté à la construction de logements, le contingentement des résidences secondaires… Tout cela doit être pris au sérieux. On ne peut pas traiter ces sujets à la légère parce qu’ils conditionnent une économie et des milliers d’emplois. Qu’il faille réglementer certains secteurs, nous sommes pour ! Mais, attention à l’excès ! Certaines philosophies ne nous conviennent pas.
- Que répondez-vous à la mise en cause assez dure de votre méthode et de votre version du PADDUC par certains élus ?
- La méthode était ce qu’elle était ! Elle était sans doute perfectible. Je m’en étais tenu à l’héritage de mon prédécesseur d’un point de vue formel, la méthode était celle de la loi de l’époque. Sans doute avons-nous pêché par manque de concertation parce que nous estimions qu’il fallait respecter les termes de la loi ! Je pense que l’Exécutif actuel a tiré les leçons du passé. Quand à la déclinaison des politiques, j’attends de voir la mouture finale du PADDUC pour comparer, non pas les mots qui peuvent être différents, mais le sens de certaines orientations qui restera, peut-être, le même. Attendons pour jauger si, vraiment, au final, tout a été refondu par rapport à la version précédente ou si le socle du PADDUC futur est celui que j’ai été amené à retirer pour une raison simple : à l’époque, il y avait une hostilité ambiante que je ne retrouve pas aujourd’hui. Et, c’est tant mieux ! Si les débats sont plus apaisés et plus sereins, c’est la Corse qui en sortira gagnante.
Propos recueillis par Nicole MARI