- Pourquoi, plus d’un an après sa sortie, éprouvez-vous le besoin de remettre ce rapport en débat ?
- Nous avons décidé de l’éditer. Comme nous sommes intervenus dans le cadre de la mission à titre gracieux, cette production et le rapport restent notre propriété intellectuelle. Après un an et demi de travail, il était normal de le diffuser et de le partager avec la société. Nous avons choisi de le faire à un moment de sérénité, loin de toutes échéances électorales. Nous sommes dans l’acte politique, pas dans l’actualité politicienne. Cette contribution, désormais publique, a vocation à nourrir les débats et à être reprise, amendée, voire critiquée.
- N’est-ce pas risqué de faire des propositions concrètes ?
- C’est une prise de risque pour des intellectuels et des universitaires de faire des propositions concrètes. Mais, c’est notre part de chemin. Le politique ne peut pas tout résoudre. S’il avait une baguette magique, ça fait longtemps qu’il l’aurait utilisé ! C’est de notre responsabilité collective, chacun à sa place et dans son domaine, d’essayer d’apporter une contribution de nature à trouver une solution efficace. Depuis 40 ans, on ne peut pas dire que l’efficacité ait été au rendez-vous sinon il n’y aurait pas les indicateurs actuels sur la société corse !
- Qu’escomptez-vous de cette publication ?
- Cette publication s’accompagne d’un texte, d’une sollicitation et d’une question formelle qui s’adressent, notamment, aux politiques corses et à un certain nombre de décideurs. Nous avons été auditionné par la commission Chaubon. Si les politiques ont besoin de nos compétences en termes d’expert, comme ce fut le cas par le passé sur le plan, notamment, de la langue corse ou du pôle de compétitivité, nous restons, à titre individuel et collectif, à la disposition de la Corse et de ses élus. Nous espérons que notre contribution permettra de dégager un consensus.
- Quels sont les axes forts de vos propositions ?
- Les deux axes forts s’articulent autour de la reconnaissance historique de la Corse, notamment dans sa singularité. En particulier, sur le plan constitutionnel, afin que s’inscrive, dans un article de la Constitution, la reconnaissance des spécificités de la Corse et la préservation des intérêts propres de son peuple, notamment la langue et le foncier. L’autre élément non dissociable est la définition d’un projet ambitieux fondé sur l’éducation/formation et le ressort productif qu’il faut impérativement remettre en marche. La capacité insulaire de produire est très faible. Il faut absolument sortir de la société de services dans laquelle nous sommes, sans affaiblir sa dimension, pour construire un ressort productif beaucoup plus puissant.
- Vous plaidez la nécessité d’un changement constitutionnel. Quelle en serait sa nature ?
- La Corse n’est, au sein de la Constitution, qu’un élément particulier de l’article 72. Or, nous pensons qu’elle nécessite un article spécifique. Nombre de politiques insulaires se sont prononcés sur ce sujet, même lors des dernières législatives. Nous sommes au moment où un acte majoritaire peut amener la Corse vers une inscription permettant de caractériser sa singularité et sa spécificité et de garantir ses intérêts propres. En aval de cet article spécifique, sera déclinée, par efficacité, une loi organique propre avec un ensemble d’éléments qui viendront conforter un projet ambitieux. S’extraire de la trajectoire politique, dans laquelle nous sommes, ne peut se faire uniquement par le seul acte politique de modification constitutionnelle, mais aussi par un projet ambitieux.
- Qu’entendez-vous par projet ambitieux ?
- Un projet partagé qui remet chaque citoyen dans une matrice sociale, en train de disparaître, et sans le communautarisme qui guette la Corse. L’intégration linguistique redonnera un sens à toute une population et l’inscrira dans un choix stratégique et dans un projet ambitieux qui a vocation à donner des ressorts productifs. La société de la connaissance produira des ressources humaines qui seraient en capacité d’inventer et d’innover pour créer des emplois... On donne les moyens, les connaissances et les compétences à des individus et on change, à long terme, sur 25 ans, les données d’une société qui tend à prendre son avenir en main.
- Vous liez évolution constitutionnelle et développement. Pourquoi y-a-t-il besoin de ce préalable pour que la Corse puisse se développer ?
- Après plus de 50 ans de ce qui a fini par devenir le problème corse, face à une situation où le sujet n’est pas résolu, la Corse n’a pas trouvé, de façon efficace, sa place dans une république. Il nous semble déterminant qu’elle prenne toute sa place dans un ensemble constitutionnel. Au quotidien, cela signifie, déjà, le règlement de ce problème corse, ce qui n’est, quand même, pas rien !
- Le gouvernement n’envoie pas de signaux en ce sens !
- Si on se réfère à la réponse de Manuel Valls au sénateur Alfonsi lors des questions orales à l’assemblée nationale, on a plutôt le sentiment d’un mauvais fil qui est tiré pour résoudre ce problème. Cette réforme constitutionnelle n’a pas vocation à régler les problèmes du quotidien, mais plutôt à se sentir bien sur son territoire.
- Vous ne proposez pas un statut de résident, mais une permanence de résidence. Quelle est la différence ?
- On parle de citoyenneté culturelle. Le lien, que nous avons à cette terre, n’est pas un lien de résidence, mais un lien constitutif d’un acte de citoyen et de membre de la cité. Notre permanence sur un temps de dix ans doit s’accompagner d’un certain nombre de compétences et de relations à cette terre, autres que le seul acte de résidence. Je ne me sens pas résident de la Corse, mais citoyen de la Corse ! Cette citoyenneté, nous voulons l’apprécier dans sa dimension culturelle. Une citoyenneté ouverte où chacun peut participer pour s’extraire du communautarisme qui pèse et présente un risque avec des communautés vivant les unes à côté des autres sans cohésion.
- Est-ce à dire que la Corse n’intègre plus les arrivants ?
- L’histoire a montré que la Corse s’est nourrie de tous ses apports, elle n’a jamais fabriqué que des Corses. Aujourd’hui, elle est en face d’une rupture culturelle très forte. Chiffres de l’Insee à l’appui, l’île compte 90 000 locuteurs passifs sur plus de 300 000 habitants, c’est-à-dire des gens qui comprennent le corse, mais ne le parlent pas. Si on considère que la langue est un indicateur fort de cette appartenance insulaire, on s’aperçoit qu’il y a de moins en moins de gens qui y accèdent. Nous souhaitons que la coofficialité soit un moyen, pour tous, y compris pour celui qui vient d’arriver en Corse, d’adhérer à un projet commun. Cette notion est fondamentale et indissociable de l’acte de reconnaissance constitutionnelle.
- Après avoir mené cette réflexion stratégique, quel est, selon vous, l’élément le plus inquiétant, aujourd’hui, en Corse ?
- Ce n’est pas seulement un élément, mais un faisceau d’éléments, d’indicateurs qui montrent une fragmentation de la société sur le plan social, culturel, économique et des divergences s’opérant pour ceux qui sont de plus en plus pauvres, seuls et isolés. Sur le plan politique, il y a un vrai débat sur les institutions, on est au milieu du gué. Sur le plan des transferts de compétences qui ont été opérés, certains sont ni faits, ni à faire ! Il faut que la Collectivité territoriale, les acteurs et l’Etat essayent de remettre de l’ordre là-dedans. Bien entendu, la situation que connaît la Corse, à travers les drames qu’elle vit, est un indicateur très lourd. Il est de notre responsabilité collective d’en prendre la mesure et de trouver des solutions.
- Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
- Il faut toujours être optimiste. Je le suis par nature, comme tous les membres de la mission, sinon nous ne nous serions pas engagés comme nous le sommes. L’élément important est d’arriver à retrouver une dynamique collective.
- Nous avons décidé de l’éditer. Comme nous sommes intervenus dans le cadre de la mission à titre gracieux, cette production et le rapport restent notre propriété intellectuelle. Après un an et demi de travail, il était normal de le diffuser et de le partager avec la société. Nous avons choisi de le faire à un moment de sérénité, loin de toutes échéances électorales. Nous sommes dans l’acte politique, pas dans l’actualité politicienne. Cette contribution, désormais publique, a vocation à nourrir les débats et à être reprise, amendée, voire critiquée.
- N’est-ce pas risqué de faire des propositions concrètes ?
- C’est une prise de risque pour des intellectuels et des universitaires de faire des propositions concrètes. Mais, c’est notre part de chemin. Le politique ne peut pas tout résoudre. S’il avait une baguette magique, ça fait longtemps qu’il l’aurait utilisé ! C’est de notre responsabilité collective, chacun à sa place et dans son domaine, d’essayer d’apporter une contribution de nature à trouver une solution efficace. Depuis 40 ans, on ne peut pas dire que l’efficacité ait été au rendez-vous sinon il n’y aurait pas les indicateurs actuels sur la société corse !
- Qu’escomptez-vous de cette publication ?
- Cette publication s’accompagne d’un texte, d’une sollicitation et d’une question formelle qui s’adressent, notamment, aux politiques corses et à un certain nombre de décideurs. Nous avons été auditionné par la commission Chaubon. Si les politiques ont besoin de nos compétences en termes d’expert, comme ce fut le cas par le passé sur le plan, notamment, de la langue corse ou du pôle de compétitivité, nous restons, à titre individuel et collectif, à la disposition de la Corse et de ses élus. Nous espérons que notre contribution permettra de dégager un consensus.
- Quels sont les axes forts de vos propositions ?
- Les deux axes forts s’articulent autour de la reconnaissance historique de la Corse, notamment dans sa singularité. En particulier, sur le plan constitutionnel, afin que s’inscrive, dans un article de la Constitution, la reconnaissance des spécificités de la Corse et la préservation des intérêts propres de son peuple, notamment la langue et le foncier. L’autre élément non dissociable est la définition d’un projet ambitieux fondé sur l’éducation/formation et le ressort productif qu’il faut impérativement remettre en marche. La capacité insulaire de produire est très faible. Il faut absolument sortir de la société de services dans laquelle nous sommes, sans affaiblir sa dimension, pour construire un ressort productif beaucoup plus puissant.
- Vous plaidez la nécessité d’un changement constitutionnel. Quelle en serait sa nature ?
- La Corse n’est, au sein de la Constitution, qu’un élément particulier de l’article 72. Or, nous pensons qu’elle nécessite un article spécifique. Nombre de politiques insulaires se sont prononcés sur ce sujet, même lors des dernières législatives. Nous sommes au moment où un acte majoritaire peut amener la Corse vers une inscription permettant de caractériser sa singularité et sa spécificité et de garantir ses intérêts propres. En aval de cet article spécifique, sera déclinée, par efficacité, une loi organique propre avec un ensemble d’éléments qui viendront conforter un projet ambitieux. S’extraire de la trajectoire politique, dans laquelle nous sommes, ne peut se faire uniquement par le seul acte politique de modification constitutionnelle, mais aussi par un projet ambitieux.
- Qu’entendez-vous par projet ambitieux ?
- Un projet partagé qui remet chaque citoyen dans une matrice sociale, en train de disparaître, et sans le communautarisme qui guette la Corse. L’intégration linguistique redonnera un sens à toute une population et l’inscrira dans un choix stratégique et dans un projet ambitieux qui a vocation à donner des ressorts productifs. La société de la connaissance produira des ressources humaines qui seraient en capacité d’inventer et d’innover pour créer des emplois... On donne les moyens, les connaissances et les compétences à des individus et on change, à long terme, sur 25 ans, les données d’une société qui tend à prendre son avenir en main.
- Vous liez évolution constitutionnelle et développement. Pourquoi y-a-t-il besoin de ce préalable pour que la Corse puisse se développer ?
- Après plus de 50 ans de ce qui a fini par devenir le problème corse, face à une situation où le sujet n’est pas résolu, la Corse n’a pas trouvé, de façon efficace, sa place dans une république. Il nous semble déterminant qu’elle prenne toute sa place dans un ensemble constitutionnel. Au quotidien, cela signifie, déjà, le règlement de ce problème corse, ce qui n’est, quand même, pas rien !
- Le gouvernement n’envoie pas de signaux en ce sens !
- Si on se réfère à la réponse de Manuel Valls au sénateur Alfonsi lors des questions orales à l’assemblée nationale, on a plutôt le sentiment d’un mauvais fil qui est tiré pour résoudre ce problème. Cette réforme constitutionnelle n’a pas vocation à régler les problèmes du quotidien, mais plutôt à se sentir bien sur son territoire.
- Vous ne proposez pas un statut de résident, mais une permanence de résidence. Quelle est la différence ?
- On parle de citoyenneté culturelle. Le lien, que nous avons à cette terre, n’est pas un lien de résidence, mais un lien constitutif d’un acte de citoyen et de membre de la cité. Notre permanence sur un temps de dix ans doit s’accompagner d’un certain nombre de compétences et de relations à cette terre, autres que le seul acte de résidence. Je ne me sens pas résident de la Corse, mais citoyen de la Corse ! Cette citoyenneté, nous voulons l’apprécier dans sa dimension culturelle. Une citoyenneté ouverte où chacun peut participer pour s’extraire du communautarisme qui pèse et présente un risque avec des communautés vivant les unes à côté des autres sans cohésion.
- Est-ce à dire que la Corse n’intègre plus les arrivants ?
- L’histoire a montré que la Corse s’est nourrie de tous ses apports, elle n’a jamais fabriqué que des Corses. Aujourd’hui, elle est en face d’une rupture culturelle très forte. Chiffres de l’Insee à l’appui, l’île compte 90 000 locuteurs passifs sur plus de 300 000 habitants, c’est-à-dire des gens qui comprennent le corse, mais ne le parlent pas. Si on considère que la langue est un indicateur fort de cette appartenance insulaire, on s’aperçoit qu’il y a de moins en moins de gens qui y accèdent. Nous souhaitons que la coofficialité soit un moyen, pour tous, y compris pour celui qui vient d’arriver en Corse, d’adhérer à un projet commun. Cette notion est fondamentale et indissociable de l’acte de reconnaissance constitutionnelle.
- Après avoir mené cette réflexion stratégique, quel est, selon vous, l’élément le plus inquiétant, aujourd’hui, en Corse ?
- Ce n’est pas seulement un élément, mais un faisceau d’éléments, d’indicateurs qui montrent une fragmentation de la société sur le plan social, culturel, économique et des divergences s’opérant pour ceux qui sont de plus en plus pauvres, seuls et isolés. Sur le plan politique, il y a un vrai débat sur les institutions, on est au milieu du gué. Sur le plan des transferts de compétences qui ont été opérés, certains sont ni faits, ni à faire ! Il faut que la Collectivité territoriale, les acteurs et l’Etat essayent de remettre de l’ordre là-dedans. Bien entendu, la situation que connaît la Corse, à travers les drames qu’elle vit, est un indicateur très lourd. Il est de notre responsabilité collective d’en prendre la mesure et de trouver des solutions.
- Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
- Il faut toujours être optimiste. Je le suis par nature, comme tous les membres de la mission, sinon nous ne nous serions pas engagés comme nous le sommes. L’élément important est d’arriver à retrouver une dynamique collective.
- L’ouvrage, « Mission de réflexion stratégique pour fonder le droit à l’avenir de la Corse » est édité par l’université de Corse et disponible à la Fondation de l’université au Palazzu Naziunale à Corte.
- Les membres de la mission stratégique sur l’avenir de la Corse : Antoine Aiello, Jean-Baptiste Calendini, Louis Orsini, Paul-Marie Romani, Don-Mathieu Santini, Ghjacumu Thiers et Dumenica Verdoni.
Mission de réflexion stratégique sur l’avenir de la Corse
Antoine AIELLO ; Jean-Baptiste CALENDINI ; Louis ORSINI ; Paul-Marie ROMANI ; Don-Mathieu SANTINI ; Ghjacumu THIERS ; Dumenica VERDONI
La lettre ouverte de la mission universitaire pose une question aux élus insulaires.
" Pourquoi faut-il changer la Constitution ?
Comme le montre l’actualité politique, il apparaît de plus en plus nécessaire à tous de réagir à l’enlisement de la Corse par la recherche d’une solution d’ampleur afin de faire échec au statu quo dont les effets pervers ne cessent de ronger le peuple corse dans ses fondements vitaux.
Dans le rapport, nous avions souligné la nécessité d’une réponse ambitieuse, adaptée, globale et systémique au mal dont souffre la Corse.
C’est précisément au nom de cette idée forte de rupture avec l’incompréhension qui ruine, depuis trop longtemps, les rapports entre la Corse et l’Etat, que nous avons préconisé une solution politique devant se traduire par une modification de la Constitution.
Pour autant, une telle solution ne saurait être mise en œuvre pour réaliser la simple modification du statut institutionnel de l’île ou se résumer au choix de la forme d’une assemblée élue à partir d’un scrutin électoral fût-il sophistiqué. Le statut administratif ou politique de l’île n’est qu’un outil juridique et non une fin en soi. Il ne doit pas servir d’alibi pour fonder un droit à la différence basé sur des critères essentiellement liés à l’insularité géographique et déconnectés d’une dimension humaine et culturelle, mais à gérer précisément la différence réellement fondée sur cette dimension.
Au-delà, la modification de la Constitution, acte solennel et majeur, impliquant une volonté politique suprême, doit fonder le droit à une véritable Reconnaissance de la Corse au regard de son histoire, de son peuple et de sa culture.
Nous préconisons qu’un article spécifique de la Constitution garantisse, dans un nouveau contrat social, les intérêts propres de l’île en tant qu’entité historique et territoriale. Le triptyque de cette Reconnaissance doit reposer sur l’accès à la langue corse dans le cadre d’une coofficialité, sur la maîtrise de la terre et la définition d’une citoyenneté culturelle.
L’article devant être inséré dans la Constitution doit permettre de refonder la place de la Corse au regard de l’Etat et de la nation française. C’est une solution politique parce que la nature du problème corse est d’ordre politique et non de niveau administratif.
Pour nous, cette refondation durable doit permettre à la Corse de définir une législation adaptée faisant échec aux normes égalitaires – confinant à l’inégalité –, chaque fois que ses intérêts propres sont en jeu ou menacés.
Si une telle solution ne pouvait être retenue, nous estimons que toute modification de l’existant n’aura aucune incidence réelle sur le règlement des problèmes que connaît la Corse depuis des décennies, pour la simple raison que le fait de traiter la Corse sur le même pied d’égalité que les régions métropolitaines – auxquelles elle demeure rattachée malgré son actuel statut particulier – ne contribue pas à les résoudre mais à les compliquer.
L’absence de modification de la Constitution pour placer l’île dans un cadre politique et juridique sui generis fait actuellement échec à toute solution basée sur la prise en compte des intérêts propres du peuple corse. Le refus du transfert du produit (seulement) des droits de succession à la collectivité territoriale actuelle est l’exemple patent d’une impossibilité d’ordre juridique qui complique singulièrement la question de la maîtrise du foncier dans l’île. Par suite de l’assimilation actuelle de la Corse aux autres régions métropolitaines, le Conseil d’Etat a ainsi rejeté une telle solution au nom du respect du principe d’égalité. Pourtant, cette problématique, basée sur une spécificité historique dont les racines remontent au Consulat et sur la nécessité, plus technique, d’une remise en ordre juridique de la propriété immobilière dans l’île, est propre à la Corse.
Sur ces mêmes bases, comment la grande majorité de la classe politique corse pourrait-elle demander et surtout obtenir un statut pour la langue corse sans qu’il y ait de modification constitutionnelle permettant l’acquisition pour chaque citoyen de droits culturels ? Droits dont la République se trouverait enrichie et non menacée pour peu qu’on ne confonde pas unité et uniformité. Il est alors du devoir de l’Etat de répondre à cette nouvelle exigence démocratique par un processus de légitimation institutionnelle.
Nous rappelons cependant que la Corse ne peut tout attendre d’un simple article constitutionnel, aussi nécessaire soit-il. Nous tenons à souligner que cette Reconnaissance ne peut servir utilement au relèvement de la Corse que si elle s’accompagne de la ferme volonté à mettre en œuvre un projet partagé. Notamment en s’engageant pour les pouvoirs publics avec l’ensemble des acteurs, d’une part, à former et à éduquer, et, d’autre part, à faire sortir l’île de la seule logique consumériste par une économie de la production.
Même si l’actualité semble dévier le débat sur la réforme des institutions, nous tenons à rappeler que la créativité qu’elle pose comme dessein en ce domaine doit impérativement incorporer l’enjeu de dynamisation de la société corse et de ses acteurs. La seule redistribution des pouvoirs qui consiste à insuffler de la force à la Corse comme entité politique dans un statut moderne d’autonomie serait inopérante si la société civile ne parvenait pas à rehausser ses niveaux d’ambition et d’exigence.
Pour nous, il n’y a pas de voie médiane possible de nature à inverser l’actuel ordre des choses qui broie progressivement l’identité de la Corse. La modification de la trajectoire nécessite une véritable prise de conscience et un sursaut collectif.
La Corse ne connaîtra de perspective transformatrice viable que si l’Etat engage un nouveau paradigme en matière de citoyenneté culturelle corse, de politique des biens communs, de repositionnement stratégique de la Corse dans son espace méditerranéen. Et ce, en construisant d’abord, en toute sérénité, dans le respect de chacun, une relation politique reconnaissant la permanence du besoin de solidarité et d’appartenance de chaque Corse à sa terre.
Il appartient aux hommes libres et responsables, conscients de la valeur du politique, de travailler au plus vite à la mise en perspective du présent de la Corse, déterminés à montrer que l’innovation en matière d’action politique est la seule réponse à l’urgence.
S’il incombe aux élus de la Corse de prendre les décisions justes et nécessaires, la situation est si critique qu’elle commande également à tous de réfléchir et de proposer des modes d’action à la hauteur de l’enjeu. C’est pourquoi nous voulons ici nous adresser aux élus de la Corse et à leurs représentants pour leur poser une question simple mais fondamentale:
« - Messieurs les Parlementaires (députés et sénateurs).
- Monsieur le Président du Conseil Exécutif ;
- Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse ;
- Monsieur le Président de la Commission des compétences législatives et réglementaires ;
- Messieurs les Présidents des groupes politiques siégeant à l’Assemblée de Corse ;
Voulez-vous inscrire la reconnaissance de la singularité de la Corse et des intérêts propres de son peuple dans la Constitution française ? "
Antoine AIELLO ; Jean-Baptiste CALENDINI ; Louis ORSINI ; Paul-Marie ROMANI ; Don-Mathieu SANTINI ; Ghjacumu THIERS ; Dumenica VERDONI
La lettre ouverte de la mission universitaire pose une question aux élus insulaires.
" Pourquoi faut-il changer la Constitution ?
Comme le montre l’actualité politique, il apparaît de plus en plus nécessaire à tous de réagir à l’enlisement de la Corse par la recherche d’une solution d’ampleur afin de faire échec au statu quo dont les effets pervers ne cessent de ronger le peuple corse dans ses fondements vitaux.
Dans le rapport, nous avions souligné la nécessité d’une réponse ambitieuse, adaptée, globale et systémique au mal dont souffre la Corse.
C’est précisément au nom de cette idée forte de rupture avec l’incompréhension qui ruine, depuis trop longtemps, les rapports entre la Corse et l’Etat, que nous avons préconisé une solution politique devant se traduire par une modification de la Constitution.
Pour autant, une telle solution ne saurait être mise en œuvre pour réaliser la simple modification du statut institutionnel de l’île ou se résumer au choix de la forme d’une assemblée élue à partir d’un scrutin électoral fût-il sophistiqué. Le statut administratif ou politique de l’île n’est qu’un outil juridique et non une fin en soi. Il ne doit pas servir d’alibi pour fonder un droit à la différence basé sur des critères essentiellement liés à l’insularité géographique et déconnectés d’une dimension humaine et culturelle, mais à gérer précisément la différence réellement fondée sur cette dimension.
Au-delà, la modification de la Constitution, acte solennel et majeur, impliquant une volonté politique suprême, doit fonder le droit à une véritable Reconnaissance de la Corse au regard de son histoire, de son peuple et de sa culture.
Nous préconisons qu’un article spécifique de la Constitution garantisse, dans un nouveau contrat social, les intérêts propres de l’île en tant qu’entité historique et territoriale. Le triptyque de cette Reconnaissance doit reposer sur l’accès à la langue corse dans le cadre d’une coofficialité, sur la maîtrise de la terre et la définition d’une citoyenneté culturelle.
L’article devant être inséré dans la Constitution doit permettre de refonder la place de la Corse au regard de l’Etat et de la nation française. C’est une solution politique parce que la nature du problème corse est d’ordre politique et non de niveau administratif.
Pour nous, cette refondation durable doit permettre à la Corse de définir une législation adaptée faisant échec aux normes égalitaires – confinant à l’inégalité –, chaque fois que ses intérêts propres sont en jeu ou menacés.
Si une telle solution ne pouvait être retenue, nous estimons que toute modification de l’existant n’aura aucune incidence réelle sur le règlement des problèmes que connaît la Corse depuis des décennies, pour la simple raison que le fait de traiter la Corse sur le même pied d’égalité que les régions métropolitaines – auxquelles elle demeure rattachée malgré son actuel statut particulier – ne contribue pas à les résoudre mais à les compliquer.
L’absence de modification de la Constitution pour placer l’île dans un cadre politique et juridique sui generis fait actuellement échec à toute solution basée sur la prise en compte des intérêts propres du peuple corse. Le refus du transfert du produit (seulement) des droits de succession à la collectivité territoriale actuelle est l’exemple patent d’une impossibilité d’ordre juridique qui complique singulièrement la question de la maîtrise du foncier dans l’île. Par suite de l’assimilation actuelle de la Corse aux autres régions métropolitaines, le Conseil d’Etat a ainsi rejeté une telle solution au nom du respect du principe d’égalité. Pourtant, cette problématique, basée sur une spécificité historique dont les racines remontent au Consulat et sur la nécessité, plus technique, d’une remise en ordre juridique de la propriété immobilière dans l’île, est propre à la Corse.
Sur ces mêmes bases, comment la grande majorité de la classe politique corse pourrait-elle demander et surtout obtenir un statut pour la langue corse sans qu’il y ait de modification constitutionnelle permettant l’acquisition pour chaque citoyen de droits culturels ? Droits dont la République se trouverait enrichie et non menacée pour peu qu’on ne confonde pas unité et uniformité. Il est alors du devoir de l’Etat de répondre à cette nouvelle exigence démocratique par un processus de légitimation institutionnelle.
Nous rappelons cependant que la Corse ne peut tout attendre d’un simple article constitutionnel, aussi nécessaire soit-il. Nous tenons à souligner que cette Reconnaissance ne peut servir utilement au relèvement de la Corse que si elle s’accompagne de la ferme volonté à mettre en œuvre un projet partagé. Notamment en s’engageant pour les pouvoirs publics avec l’ensemble des acteurs, d’une part, à former et à éduquer, et, d’autre part, à faire sortir l’île de la seule logique consumériste par une économie de la production.
Même si l’actualité semble dévier le débat sur la réforme des institutions, nous tenons à rappeler que la créativité qu’elle pose comme dessein en ce domaine doit impérativement incorporer l’enjeu de dynamisation de la société corse et de ses acteurs. La seule redistribution des pouvoirs qui consiste à insuffler de la force à la Corse comme entité politique dans un statut moderne d’autonomie serait inopérante si la société civile ne parvenait pas à rehausser ses niveaux d’ambition et d’exigence.
Pour nous, il n’y a pas de voie médiane possible de nature à inverser l’actuel ordre des choses qui broie progressivement l’identité de la Corse. La modification de la trajectoire nécessite une véritable prise de conscience et un sursaut collectif.
La Corse ne connaîtra de perspective transformatrice viable que si l’Etat engage un nouveau paradigme en matière de citoyenneté culturelle corse, de politique des biens communs, de repositionnement stratégique de la Corse dans son espace méditerranéen. Et ce, en construisant d’abord, en toute sérénité, dans le respect de chacun, une relation politique reconnaissant la permanence du besoin de solidarité et d’appartenance de chaque Corse à sa terre.
Il appartient aux hommes libres et responsables, conscients de la valeur du politique, de travailler au plus vite à la mise en perspective du présent de la Corse, déterminés à montrer que l’innovation en matière d’action politique est la seule réponse à l’urgence.
S’il incombe aux élus de la Corse de prendre les décisions justes et nécessaires, la situation est si critique qu’elle commande également à tous de réfléchir et de proposer des modes d’action à la hauteur de l’enjeu. C’est pourquoi nous voulons ici nous adresser aux élus de la Corse et à leurs représentants pour leur poser une question simple mais fondamentale:
« - Messieurs les Parlementaires (députés et sénateurs).
- Monsieur le Président du Conseil Exécutif ;
- Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse ;
- Monsieur le Président de la Commission des compétences législatives et réglementaires ;
- Messieurs les Présidents des groupes politiques siégeant à l’Assemblée de Corse ;
Voulez-vous inscrire la reconnaissance de la singularité de la Corse et des intérêts propres de son peuple dans la Constitution française ? "