- Qu’avez-vous découvert de remarquable sur ce site de Vescovato?
- Il y a, en fait, deux sites et deux grandes découvertes. Sur le site de Casella 1, le plus ancien des deux, nous avons découvert très probablement un habitat daté du 5ème siècle avant Jésus-Christ. Le site est remarquable déjà par sa localisation : en Casinca. A notre connaissance, c’est la première fois qu’un site d’envergure datant de l’âge du fer est découvert dans cette microrégion. Qui plus est dans la plaine ! Cette découverte est aussi très importante à l’échelle de l’île parce qu’elle date du 5ème siècle, un siècle qu’on connaît très mal concernant les groupes indigènes de Corse. Il n’était jusqu’à présent connu qu’à travers la colonie d’Aleria, à travers le prisme d’étrangers, en l’occurrence les Etrusques qui arrivent en Corse, s’installent et se développent. Donc, une double importance pour cette découverte du site de l’âge du fer.
- Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
- Ce qui nous surprend le plus, c’est de n’avoir jamais découvert un tel site jusqu’ici en Casinca alors que nous faisons des recherches partout. Nous trouvons fréquemment des sites sur la plaine de la Casinca notamment grâce à l’essor de l’archéologie préventive, mais dans 9 cas sur 10, ce sont des sites romains. Un peu comme si la plaine n’était structurée et exploitée que depuis l’Antiquité. Or, le fait de trouver un site plus ancien, 5ème siècle avant JC, c’est une vraie nouveauté. Et pas qu’à l’échelle de la Casinca ! On a très peu d’infos sur le début du 2ème âge du fer à l’échelle de la Corse.
- Cela change-t-il votre vision de l’occupation de ce territoire ?
- Tout à fait ! Cela permet de vieillir notre schéma d’exploitation des zones de plaine de l’Est de la Corse. On a souvent pensé que ces zones étaient délaissées par les hommes préhistoriques, que ceux de l’âge du bronze et de l’âge du fer s’y étaient peu intéressés et que finalement c’étaient les sociétés antiques et coloniales qui avaient impulsé leur mise en valeur. Or, ce site à proprement parler indigène, même s’il date d’époque étrusque, montre une mise en valeur de la plaine orientale dès le 5ème siècle avant Jésus Christ. Sur un terme économique et même culturel, c’est totalement nouveau !
- Il y a, en fait, deux sites et deux grandes découvertes. Sur le site de Casella 1, le plus ancien des deux, nous avons découvert très probablement un habitat daté du 5ème siècle avant Jésus-Christ. Le site est remarquable déjà par sa localisation : en Casinca. A notre connaissance, c’est la première fois qu’un site d’envergure datant de l’âge du fer est découvert dans cette microrégion. Qui plus est dans la plaine ! Cette découverte est aussi très importante à l’échelle de l’île parce qu’elle date du 5ème siècle, un siècle qu’on connaît très mal concernant les groupes indigènes de Corse. Il n’était jusqu’à présent connu qu’à travers la colonie d’Aleria, à travers le prisme d’étrangers, en l’occurrence les Etrusques qui arrivent en Corse, s’installent et se développent. Donc, une double importance pour cette découverte du site de l’âge du fer.
- Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
- Ce qui nous surprend le plus, c’est de n’avoir jamais découvert un tel site jusqu’ici en Casinca alors que nous faisons des recherches partout. Nous trouvons fréquemment des sites sur la plaine de la Casinca notamment grâce à l’essor de l’archéologie préventive, mais dans 9 cas sur 10, ce sont des sites romains. Un peu comme si la plaine n’était structurée et exploitée que depuis l’Antiquité. Or, le fait de trouver un site plus ancien, 5ème siècle avant JC, c’est une vraie nouveauté. Et pas qu’à l’échelle de la Casinca ! On a très peu d’infos sur le début du 2ème âge du fer à l’échelle de la Corse.
- Cela change-t-il votre vision de l’occupation de ce territoire ?
- Tout à fait ! Cela permet de vieillir notre schéma d’exploitation des zones de plaine de l’Est de la Corse. On a souvent pensé que ces zones étaient délaissées par les hommes préhistoriques, que ceux de l’âge du bronze et de l’âge du fer s’y étaient peu intéressés et que finalement c’étaient les sociétés antiques et coloniales qui avaient impulsé leur mise en valeur. Or, ce site à proprement parler indigène, même s’il date d’époque étrusque, montre une mise en valeur de la plaine orientale dès le 5ème siècle avant Jésus Christ. Sur un terme économique et même culturel, c’est totalement nouveau !
- Vous parlez de deux grandes découvertes. Quelle est la deuxième ?
- C’est une villa romaine qui se situe en limite d’emprise. Elle a livré plusieurs structures agricoles, notamment un palmentu, un pressoir, et aussi, très probablement, un séchoir. On ne sait pas s’il servait pour les fruits secs comme les noisettes ou les châtaignes, les salaisons ou les poissons… Cela reste à déterminer, mais en tous cas, c’est une découverte remarquable. Ces structures romaines datent toutes du 3ème siècle après Jésus-Christ, entre 180 et 280.
- La découverte du séchoir est-elle étonnante ?
- Non ! Une villa romaine n’est pas seulement une résidence aristocratique de campagne, c’est aussi un pôle agricole rural où sont développés l’élevage, l’agriculture et la transformation des produits. Dans ce cadre, la présence d’un séchoir n’est pas vraiment surprenante. Dans nos villages, des séchoirs fonctionnent toujours aujourd’hui, cela n’étonne personne. C’était déjà le cas à l’époque. Si on arrivait dans un futur proche à savoir quels types de produits étaient séchés dans ce bâtiment, on ferait un grand pas sur la compréhension du site. Malheureusement, on ne dispose d’aucune information.
- Le pressoir atteste-t-il de l’existence d’un vignoble ?
- Oui. On sait qu’il existait une viticulture assez bien développée dans les secteurs de plaine et de piémont en Corse pour l’époque romaine, peut-être même dès l’époque républicaine, c’est-à-dire avant Jésus Christ. Au 3ème siècle après, il y a très probablement des vignobles autour de la villa. L’un des éléments qui nous permet de l’affirmer avec encore plus de force, c’est justement l’identification d’un palmentu. C’est probablement un pressoir à raisin, bien qu’il ait pu être polyfonctionnel et servir aussi à écraser les olives. On ne sait pas encore… La découverte de la villa, qui est une structure assez inédite à l’échelle de la Corse, conforte la présence d’une vigne et d’une mise en valeur viticole de la plaine.
- Avez-vous retrouvé des objets ou des matériaux intéressants ?
- Une combinaison de facteurs sur ce site de Casella fait que les vestiges immobiliers, matériels, sont très mal conservés. En premier lieu, l’acidité des sols est un obstacle net à la conservation des vestiges osseux qu’ils soient humains ou animaux. Même si le site comprend plusieurs tombes d’époque romaine, les squelettes n’ont pas été conservés, même pas les dents qui, d’habitude, sont les éléments qui se conservent le mieux. Le deuxième facteur de destruction, qui a surtout concerné les structures de l’âge du fer, est l’érosion. Le site a subi un décapage naturel, érosif, qui a fait carrément disparaître les niveaux de sols et de circulation qui existaient à l’âge du fer. Du coup, toutes les structures, que l’on découvre, étaient celles qui étaient déjà sous terre à l’époque. Autrement dit, là où les objets étaient posés, là où ils tombaient, là où ils étaient cassés ou perdus, tout a disparu. Les seuls objets, que nous avons découverts, sont des petits fragments de poterie qui ont été perdus lorsqu’on a creusé les trous de poteau, les fosses, les fossés… toutes les structures déjà enfouies.
- Le site a-t-il livré tous ses secrets ou reste-t-il d’autre chose à découvrir ?
- Le décapage s’est étendu sur 1,3 hectare. C’est l’opération de fouilles la plus vaste en termes de surface de toute l’histoire de l’archéologie corse. Nous sommes restés 3 mois et demi sur le terrain et nous avons tout fouillé. Le site va être rendu à l’aménageur pour la construction de bâtiments. L’archéologie préventive est là pour préserver, prélever, documenter le patrimoine, elle n’est jamais là pour bloquer l’aménagement du territoire. Cette opération en est une illustration assez parlante.
- Cette découverte vous donne-t-elle l’espoir d’en faire d’autres d’envergure dans la région ?
- Bien sûr ! Quand on est archéologue, on a toujours l’espoir de trouver le bout de ficelle qui dépasse du sol et de le tirer pour dérouler toute la pelote de notre histoire, de notre patrimoine. L’archéologie est toujours un cheminement qui n’a jamais de fin. Quand on arrive à répondre à une question, c’est qu’on a ouvert trois autres boites avec dix questions à l’intérieur. Le quotidien, c’est d’essayer de répondre à des questions qui deviennent de plus en plus précises. C’est là qu’on voit qu’on progresse !
Propos recueillis par Nicole MARI.
- C’est une villa romaine qui se situe en limite d’emprise. Elle a livré plusieurs structures agricoles, notamment un palmentu, un pressoir, et aussi, très probablement, un séchoir. On ne sait pas s’il servait pour les fruits secs comme les noisettes ou les châtaignes, les salaisons ou les poissons… Cela reste à déterminer, mais en tous cas, c’est une découverte remarquable. Ces structures romaines datent toutes du 3ème siècle après Jésus-Christ, entre 180 et 280.
- La découverte du séchoir est-elle étonnante ?
- Non ! Une villa romaine n’est pas seulement une résidence aristocratique de campagne, c’est aussi un pôle agricole rural où sont développés l’élevage, l’agriculture et la transformation des produits. Dans ce cadre, la présence d’un séchoir n’est pas vraiment surprenante. Dans nos villages, des séchoirs fonctionnent toujours aujourd’hui, cela n’étonne personne. C’était déjà le cas à l’époque. Si on arrivait dans un futur proche à savoir quels types de produits étaient séchés dans ce bâtiment, on ferait un grand pas sur la compréhension du site. Malheureusement, on ne dispose d’aucune information.
- Le pressoir atteste-t-il de l’existence d’un vignoble ?
- Oui. On sait qu’il existait une viticulture assez bien développée dans les secteurs de plaine et de piémont en Corse pour l’époque romaine, peut-être même dès l’époque républicaine, c’est-à-dire avant Jésus Christ. Au 3ème siècle après, il y a très probablement des vignobles autour de la villa. L’un des éléments qui nous permet de l’affirmer avec encore plus de force, c’est justement l’identification d’un palmentu. C’est probablement un pressoir à raisin, bien qu’il ait pu être polyfonctionnel et servir aussi à écraser les olives. On ne sait pas encore… La découverte de la villa, qui est une structure assez inédite à l’échelle de la Corse, conforte la présence d’une vigne et d’une mise en valeur viticole de la plaine.
- Avez-vous retrouvé des objets ou des matériaux intéressants ?
- Une combinaison de facteurs sur ce site de Casella fait que les vestiges immobiliers, matériels, sont très mal conservés. En premier lieu, l’acidité des sols est un obstacle net à la conservation des vestiges osseux qu’ils soient humains ou animaux. Même si le site comprend plusieurs tombes d’époque romaine, les squelettes n’ont pas été conservés, même pas les dents qui, d’habitude, sont les éléments qui se conservent le mieux. Le deuxième facteur de destruction, qui a surtout concerné les structures de l’âge du fer, est l’érosion. Le site a subi un décapage naturel, érosif, qui a fait carrément disparaître les niveaux de sols et de circulation qui existaient à l’âge du fer. Du coup, toutes les structures, que l’on découvre, étaient celles qui étaient déjà sous terre à l’époque. Autrement dit, là où les objets étaient posés, là où ils tombaient, là où ils étaient cassés ou perdus, tout a disparu. Les seuls objets, que nous avons découverts, sont des petits fragments de poterie qui ont été perdus lorsqu’on a creusé les trous de poteau, les fosses, les fossés… toutes les structures déjà enfouies.
- Le site a-t-il livré tous ses secrets ou reste-t-il d’autre chose à découvrir ?
- Le décapage s’est étendu sur 1,3 hectare. C’est l’opération de fouilles la plus vaste en termes de surface de toute l’histoire de l’archéologie corse. Nous sommes restés 3 mois et demi sur le terrain et nous avons tout fouillé. Le site va être rendu à l’aménageur pour la construction de bâtiments. L’archéologie préventive est là pour préserver, prélever, documenter le patrimoine, elle n’est jamais là pour bloquer l’aménagement du territoire. Cette opération en est une illustration assez parlante.
- Cette découverte vous donne-t-elle l’espoir d’en faire d’autres d’envergure dans la région ?
- Bien sûr ! Quand on est archéologue, on a toujours l’espoir de trouver le bout de ficelle qui dépasse du sol et de le tirer pour dérouler toute la pelote de notre histoire, de notre patrimoine. L’archéologie est toujours un cheminement qui n’a jamais de fin. Quand on arrive à répondre à une question, c’est qu’on a ouvert trois autres boites avec dix questions à l’intérieur. Le quotidien, c’est d’essayer de répondre à des questions qui deviennent de plus en plus précises. C’est là qu’on voit qu’on progresse !
Propos recueillis par Nicole MARI.
D’autres éclairages
L'équipe de fouilles autour de Laurent Sévègnes et Hervé Petitot.
Benoit Bruzi, maire de Vescovato : « C’est la première fois qu’une découverte de cette importance est faite à Vescovato »
« A ma connaissance, c’est la première fois qu’une telle découverte est faite à Vescovato. C’est un site remarquable d’habitation du 2nd âge de fer sur la commune. C’est important. Cela l’est d’autant plus que grâce à l’Etat – qui a donné son accord, l’Inrap et le promoteur, a été effectuée une des plus grosses fouilles de Corse. Ce site de 1,4 hectare se décompose en plusieurs stades : 450 ans avant JC, 100 ans après… une maison d’habitation avec un palmentu qui se situerait autour de 300 après JC. C’est, aux dires des archéologues, une découverte qui peut être très enrichissante. Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient. Dorénavant tout ce qui se construira sur la commune se fera sous contrôle de l’Etat et des différents services concernés par la recherche préventive en archéologie pour essayer de ne pas détruire des vestiges qui pourraient s’avérer inestimables pour la recherche ».
Laurent Sévègnes, conservateur régional de l’archéologie : « Nous avons découvert un fouloir de l’époque romaine qui met en lumière une forte production de vin »
« Chaque fois que sur ce secteur de la Plaine orientale, nous sommes saisis d’un projet d’envergure, nous faisons un diagnostic archéologique. Nous creusons des tranchées systématiques dans un maillage régulier pour voir s’il y a ou pas des vestiges archéologiques enfouis. Nous l’avons fait ici sur un projet de construction immobilière et découvert un certain nombre de vestiges qui nous ont incité à continuer la fouille. D’abord, sur le secteur Nord du site, un ensemble d’installations agricoles artisanales, bien alignées en batterie, dont il reste des murs, des pièces… On ne sait pas encore si c’est de l’habitat, des greniers ou une installation artisanale inconnue... Il date du 5ème siècle avant Jésus Christ, à peu près à l’époque étrusque, celle des découvertes d’Aleria. Le carbone 14 donne cette date, le mobilier archéologique, notamment la poterie, est bien calé dans cette époque. Nous pensons, mais nous attendons confirmation, que ce mobilier a pu être produit de l’autre côté de la Mer Tyrrhénienne. Nous n’avons pas trouvé, pour le moment, de fours de cuisson de poterie en Corse. De nouvelles techniques d’investigation devraient nous permettre de le préciser puisque nous pouvons maintenant reconnaître l’origine des argiles et donc, savoir si elles viennent de Corse ou d’ailleurs. Nous avons également découvert des tombes un peu isolées sur l’ensemble de l’emprise et difficiles à caler chronologiquement parce que les ossements ont complètement disparu. Il n’y a pas, non plus, d’offrande avec le défunt, nous sommes, donc, un peu démunis. Nous avons aussi découvert un fouloir de l’époque romaine, ce qui montre qu’on a écrasé du raisin et fait du vin sur ce site. Chaque fois que l’on touche un établissement rural de l’époque romaine, on met en lumière une forte production de vin, peut-être pour alimenter Rome ou les grandes villes à côté, peut-être aussi les armées impériales en campagne. Cette production économique assez massive nous était inconnue, c’est une nouveauté assez récente ».
Hervé Petitot, directeur adjoint scientifique et technique et responsable des opérations préventives en Corse : « Les opérations préventives qui sont faites en Corse sont en train de renouveler toute la documentation actuelle »
« Ces fouilles sont un des plus gros décapages que nous avons effectués ces dernières années. Au départ, nous sommes venus fouiller les vestiges d’un bâtiment romain avec des traces agraires et quelques sépultures. C’était assez classique. Le décapage extensif a permis de faire d’autres découvertes assez exceptionnelles : huit maisons sur poteaux du 4ème siècle avant JC, donc de l’âge du fer, et que l’on peut directement mettre en relation avec la découverte que nous avons faite à Aleria de la sépulture étrusque. Nous avons aussi eu la chance de découvrir en limite un bâtiment carré qui pourrait être un des premiers séchoirs identifiés de la Corse d’époque romaine. Les opérations préventives qui sont faites en Corse sont en train de renouveler toute la documentation actuelle. Nous allons pouvoir faire de nouvelles synthèses tant sur l’époque romaine que sur l’époque néolithique, protohistorique… Nous avons découvert beaucoup de sites en Haute Corse qui apportent leur lot de nouveautés. Il y a des découvertes auxquelles on ne s’attendait pas du tout ! D’où l’intérêt de faire des grands décapages extensifs. C’est très intéressant parce que l’archéologie, c’est aussi de l’émotion, cela nous permet d’élaborer de nouvelles synthèses ».
« A ma connaissance, c’est la première fois qu’une telle découverte est faite à Vescovato. C’est un site remarquable d’habitation du 2nd âge de fer sur la commune. C’est important. Cela l’est d’autant plus que grâce à l’Etat – qui a donné son accord, l’Inrap et le promoteur, a été effectuée une des plus grosses fouilles de Corse. Ce site de 1,4 hectare se décompose en plusieurs stades : 450 ans avant JC, 100 ans après… une maison d’habitation avec un palmentu qui se situerait autour de 300 après JC. C’est, aux dires des archéologues, une découverte qui peut être très enrichissante. Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient. Dorénavant tout ce qui se construira sur la commune se fera sous contrôle de l’Etat et des différents services concernés par la recherche préventive en archéologie pour essayer de ne pas détruire des vestiges qui pourraient s’avérer inestimables pour la recherche ».
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« Chaque fois que sur ce secteur de la Plaine orientale, nous sommes saisis d’un projet d’envergure, nous faisons un diagnostic archéologique. Nous creusons des tranchées systématiques dans un maillage régulier pour voir s’il y a ou pas des vestiges archéologiques enfouis. Nous l’avons fait ici sur un projet de construction immobilière et découvert un certain nombre de vestiges qui nous ont incité à continuer la fouille. D’abord, sur le secteur Nord du site, un ensemble d’installations agricoles artisanales, bien alignées en batterie, dont il reste des murs, des pièces… On ne sait pas encore si c’est de l’habitat, des greniers ou une installation artisanale inconnue... Il date du 5ème siècle avant Jésus Christ, à peu près à l’époque étrusque, celle des découvertes d’Aleria. Le carbone 14 donne cette date, le mobilier archéologique, notamment la poterie, est bien calé dans cette époque. Nous pensons, mais nous attendons confirmation, que ce mobilier a pu être produit de l’autre côté de la Mer Tyrrhénienne. Nous n’avons pas trouvé, pour le moment, de fours de cuisson de poterie en Corse. De nouvelles techniques d’investigation devraient nous permettre de le préciser puisque nous pouvons maintenant reconnaître l’origine des argiles et donc, savoir si elles viennent de Corse ou d’ailleurs. Nous avons également découvert des tombes un peu isolées sur l’ensemble de l’emprise et difficiles à caler chronologiquement parce que les ossements ont complètement disparu. Il n’y a pas, non plus, d’offrande avec le défunt, nous sommes, donc, un peu démunis. Nous avons aussi découvert un fouloir de l’époque romaine, ce qui montre qu’on a écrasé du raisin et fait du vin sur ce site. Chaque fois que l’on touche un établissement rural de l’époque romaine, on met en lumière une forte production de vin, peut-être pour alimenter Rome ou les grandes villes à côté, peut-être aussi les armées impériales en campagne. Cette production économique assez massive nous était inconnue, c’est une nouveauté assez récente ».
Hervé Petitot, directeur adjoint scientifique et technique et responsable des opérations préventives en Corse : « Les opérations préventives qui sont faites en Corse sont en train de renouveler toute la documentation actuelle »
« Ces fouilles sont un des plus gros décapages que nous avons effectués ces dernières années. Au départ, nous sommes venus fouiller les vestiges d’un bâtiment romain avec des traces agraires et quelques sépultures. C’était assez classique. Le décapage extensif a permis de faire d’autres découvertes assez exceptionnelles : huit maisons sur poteaux du 4ème siècle avant JC, donc de l’âge du fer, et que l’on peut directement mettre en relation avec la découverte que nous avons faite à Aleria de la sépulture étrusque. Nous avons aussi eu la chance de découvrir en limite un bâtiment carré qui pourrait être un des premiers séchoirs identifiés de la Corse d’époque romaine. Les opérations préventives qui sont faites en Corse sont en train de renouveler toute la documentation actuelle. Nous allons pouvoir faire de nouvelles synthèses tant sur l’époque romaine que sur l’époque néolithique, protohistorique… Nous avons découvert beaucoup de sites en Haute Corse qui apportent leur lot de nouveautés. Il y a des découvertes auxquelles on ne s’attendait pas du tout ! D’où l’intérêt de faire des grands décapages extensifs. C’est très intéressant parce que l’archéologie, c’est aussi de l’émotion, cela nous permet d’élaborer de nouvelles synthèses ».