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Assises de la Corse-du-Sud : Le procès du meurtrier présumé de Joanna Tavera s’ouvre mercredi


le Mardi 28 Janvier 2014 à 17:15

La jeune femme âgée de 25 ans avait été retrouvée sans vie à son domicile le 21 septembre 2010 à Cauro, battue à mort. Son compagnon de l’époque, Paul-Roch Martini, avait été interpellé puis placé en garde à vue et déféré. Mis en examen pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner », l’individu qui a toujours nié être responsable de la mort de la jeune femme, est incarcéré depuis les faits. Par ailleurs, le père du mis en cause, Gérard Martini, est également poursuivi pour "non-assistance à personne en danger".



Le procès de Paul-Roch Martini et Gérard Martini s'ouvrira mercredi devant les Assises de la Corse-du-Sud. (Photo : DR)
Le procès de Paul-Roch Martini et Gérard Martini s'ouvrira mercredi devant les Assises de la Corse-du-Sud. (Photo : DR)
L’affaire avait profondément ému la population ajaccienne et bien au-delà de la Cité Impériale. Le 21 septembre 2010, une jeune femme âgée de 25 ans originaire d’Ajaccio, Joanna Tavera, employée dans un commerce sur le cours Napoléon, était retrouvée sans vie, peu avant minuit, dans le domicile de Cauro, (rive sud du golfe d’Ajaccio) qu’elle partageait avec son compagnon. Vraisemblablement battue jusqu’à la mort.

Le compagnon de la victime mis en examen pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner » et placé en détention provisoire
Appréhendé par les forces de l’ordre, le concubin de la jeune femme, Paul-Roch Martini (28 ans à l’époque), était immédiatement placé en garde à vue, puis mis en examen pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner » et placé en détention provisoire, après un bref passage par l’hôpital d’Ajaccio.
« Déféré, il a été mis en examen pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » avec pour circonstance aggravante que « ces coups ont été portés sur sa concubine. » expliquait le procureur de la République de l’époque Thomas Pison. C’est à la juge Charlotte Dauriac qu’était revenue la mission d’instruction de ce dramatique dossier.

Une marche blanche organisée le 2 octobre 2010 à Ajaccio pour rendre hommage à Joanna Tavera
C’est donc un climat de violences conjugales sur fond de rupture dans le couple qui semblerait avoir été le cadre de la mort violente de Joanna Tavera. C’est en tout cas ce que tendrait à montrer le rapport de l’autopsie pratiquée sur la jeune victime peu de temps après les faits. Joanna Tavera a été inhumée le 24 septembre 2010 au cimetière de Cuttoli.
Et pour la première fois en Corse, une grande marche blanche était organisée, à l’initiative de la famille de la victime, le 2 octobre dans l’après-midi à Ajaccio afin de rendre un dernier hommage à la jeune femme.
Dans le cortège massif et silencieux qui a cheminé de la Place Abbatucci à la place du Diamant, beaucoup de jeunes vêtus de blanc et tenant une rose blanche à la main, mais également des familles, des représentants de l’ensemble de la classe politique insulaire (qui étaient présents à titre strictement personnel) et beaucoup d’anonymes. Tous cheminaient derrière une banderole où le message simple, « Plus jamais ça ! » apparaissait en lettres noires avec, à chaque extrémité du drap blanc, une photo de Joanna Tavera… 

Le meurtrier présumé a toujours nié être responsable de la mort de Joanna Tavera…
Toutefois, de nombreuses interrogations subsistent sur le déroulement précis des faits qui ont conduit au décès de Joanna Tavera. Son compagnon Paul-Roch Martini, principal mis en cause dans l’homicide de la jeune femme, a toujours nié être responsable de sa mort. S’il a reconnu (lors d’un interrogatoire qui a eu lieu le lendemain des faits) « une dispute » qui aurait eu lieu « dans la journée » et au cours de laquelle il aurait donné deux gifles à Joanna Tavera, « plus tard dans la soirée, le ton serait monté au cours d'une autre altercation, mais il dit être sorti dans le jardin fumer deux ou trois cigarettes », expliquait  son avocat Maitre Jean-Marc Lanfranchi.
Paul-Roch Martini soutenait que c’est la jeune femme qui « se serait à son retour elle-même infligée ses blessures et qu'il lui aurait porté assistance. » précisait encore l’avocat du principal mis en cause. Paul-Roch Martini aurait assuré avoir ensuite prévenu son père, Gérard Martini, qui habitait à proximité du domicile du couple.

Un rapport d’autopsie accablant
Cependant, cette thèse vient se heurter aux terribles conclusions du rapport d’autopsie pratiqué à l’époque et qui évoquerait un véritable « acharnement » sur le corps de la jeune victime, qui était couvert de nombreux hématomes liés à des coups. Coups qui auraient entrainé la mort, toujours selon ce rapport.
Une version des faits qui n’a jamais fait l’ombre d’un doute, pour l’avocat de la partie civile Maitre Jean-Michel Mariaggi. Un rapport qui mentionnerait également la présence de coups antérieurs, qui auraient tendance à montrer que la violence conjugale se serait inscrite dans la durée. Cet acharnement sur la victime mentionné par le rapport demeure l’une des interrogations majeures dans ce terrible dossier.
Par ailleurs, si Paul-Roch Martini affirmait avoir rapidement prévenu son père, ce dernier, Gérard Martini, est également poursuivi pour non-assistance à personne en danger.

Un long délai s’était écoulé avant que les secours ne soient prévenus...
Enfin, une autre question demeure floue. Celle du délai qui s’est écoulé avant que les secours ne soient prévenus. C’est l’autopsie, pratiquée rapidement après le décès de Joanna Tavera par le docteur Christian Capobianco, qui a ancré les faits dans le temps. « Ce sont bien des coups qui ont entraîné la mort qui est intervenue entre 21 et 22 heures », précisait alors le représentant du ministère public.
Or, les secours n’ont reçu un appel qu’aux alentours de 23h30. Que s’est-il passé durant ce long moment et pourquoi avoir tant attendu pour prévenir les secours ?
Ces questions, restent en suspens et ce sera probablement l’une des nombreuses attentes de la partie civile que d’avoir accès à tout ou partie de ces réponses et d’une éventuelle reconnaissance de culpabilité de la part des mis en cause.
Un peu moins de trois ans et demi après les faits, l’ouverture du procès, qui devrait se dérouler sur 3 jours, aura lieu mercredi 29 janvier au tribunal d’Ajaccio.

Yannis-Christophe GARCIA

> RÉACTION > Maitre Jean-Michel Mariaggi, avocat des parties civiles
« Ce procès ne sera pas une partie de plaisir pour la famille, il sera au contraire très déplaisant. La famille attend des tas de choses. Un peu de sincérité de la part des deux accusés. Sincérité qu’elle n’aura probablement pas… Au bout de tant d’années de réflexion, cette sincérité n’est toujours pas venue !
La famille attend évidemment aussi et surtout que les faits soient reconnus. Car dans ce dossier particulier, on est dans le déni le plus total ! Dans le déni de la qualité de la victime, dans le déni de la souffrance de l’autre. La famille attend la compassion la plus élémentaire pour la victime.
Pardonner, c’est comprendre, mais actuellement on est face à un mur, dans le déni de tout. Ce qui fait qu’on ne peut pas avancer et qu’il n’y a pas d’issue possible. La famille de la victime ne peut pas comprendre que l’on dénie le viol, que l’on dénie les coups mortels, que l’horreur ait duré des heures.
Enfin, au-delà du déni, quand on nous explique que c’est la victime elle-même qui s’est infligé les coups qui lui ont fait perdre la vie, c’est une véritable provocation ! ».

Écoutez également Maitre Cécile Pancrazi exprimer la position de la défense tenue par Paul-Roch Martini et celle de son client Gérard Martini
interview_de_maitre_cecile_pancrazi_pour_la_defense.mp3 Interview de Maitre Cécile Pancrazi pour la défense.mp3  (2.39 Mo)


Propos recueillis par Yannis-Christophe GARCIA