Le maire de Bastia, Gilles Simeoni, la 1ère adjointe, Emmanuelle de Gentili, le président de l'association des élus de montagne et maire de Lozzi, Jean-Félix Acquaviva, et Denis Luciani, entourés de François Modesto, joueur du Sporting, et d'une dizaine de parlementaires sardes.
- Quel est l’objet de cette rencontre entre la mairie de Bastia et les parlementaires sardes ?
- Cette visite des groupes parlementaires sardes fait suite à un premier échange entre Corses et Sardes qui a eu lieu, en avril, à l’initiative de Jean-Félix Acquaviva, président de l’Association des élus de montagne, et de Denis Luciani, membre du Conseil économique, social et culturel de la Corse. Ils se sont rendus en Sardaigne où ils ont rencontré l’ensemble des groupes politiques représentés au Parlement sarde qui sont, tous, demandeurs d’une véritable relance de la coopération entre nos deux îles. Nous avons, bien sûr, saisi la balle au bond. Je les ai invités à Bastia et ils feront, ces deux jours, d’autres rencontres en Corse. Le contexte nous parait très propice pour que nous mettions en forme une relance active de cette coopération.
- Quelle forme, cette coopération prendrait-elle ?
- Il faut sortir des déclarations d’intention ou des documents trop larges qui, finalement, n’ont pas d’application pratique. Nous sommes, aujourd’hui, en l’état d’une convention-cadre, signée en 2012, entre la Collectivité territoriale (CTC) et la région de Sardaigne, qui n’a, malheureusement jusqu’à ce jour, pas connu de véritable traduction opérationnelle. Du retard a été pris et ce, d’autant mieux qu’il y a eu, d’un côté, l’aggravation de la crise économique structurelle aussi bien en Corse qu’en Sardaigne, et, de l’autre, l’émergence de nouveaux programmes européens qui invitent au renforcement de la coopération entre les régions et les îles de Méditerranée. La convergence de ces deux facteurs rend plus que jamais indispensable l’émergence d’une véritable coopération entre la Corse et la Sardaigne.
- Sur quels points précis ?
- Nous avons identifié plusieurs points précis sur lesquels engager une coopération immédiate avec des retombées tangibles à court terme. D’abord, la question de la fiscalité dérogatoire, ce que les Sardes appellent a fiscalità di compensazione. Ils ont une revendication largement partagée par leurs élus d’une zone franche intégrale qui les exonère de droits de douane et d’imposition sur la production et la consommation. En Corse, notre stratégie vise à obtenir le transfert de certaines compétences fiscales, notamment la revendication d’une spécificité en matière de droits de succession dans la lignée du combat pour les Arrêtés Miot, la territorialisation de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) et, aussi, des zones franches territorialisées, à l’instar des zones franches urbaines françaises. Nous pouvons, en Corse, par exemple, demander la création de zones franches en soutien de l’activité productive dans l’intérieur ou dans les zones de montagne.
- Ces demandes sont différentes. Comment les défendre ensemble ?
- Même si des différences objectives existent entre les revendications, la demande d’une fiscalité dérogatoire est un socle commun. Porter ensemble cette revendication renforcera l’audience de la Corse et de la Sardaigne aussi bien auprès de leurs Etats respectifs que de l’Union européenne (UE).
- Les parlementaires sardes (cf vidéo) estiment que la question essentielle est celle du transport. Qu’en pensez-vous ?
- Une réflexion commune sur la question des transports aériens et maritimes est, effectivement, le deuxième point. Il n’existe aucune ligne aérienne directe, ni aucun circuit entre l’Italie, la Corse, la Sardaigne et la Sicile. Les difficultés extrêmes, que connaît la SNCM, posent la question récurrente et jamais traitée à ce jour de façon satisfaisante, des transports maritimes en Corse. Les Sardes ont été confrontés au même type de difficultés avec une hausse très forte des tarifs et une desserte insatisfaisante, suite à l’émergence d’une situation de monopole. Nous pouvons constituer des groupements transfrontaliers pour organiser la desserte beaucoup plus largement entre les deux îles ou organiser une desserte commune à destination des continents italiens, français et, pourquoi pas, dans le cadre d’une vision méditerranéenne globale, vers les pays de la rive Sud ou vers la Catalogne.
- Quels sont les autres points de coopération ?
- Le troisième point concerne la protection de la biodiversité. La xylella fastidiosa a montré les carences des contrôles. Notre situation d’insularité peut nous conduire à mettre en place plus facilement, de façon concertée, des mesures de protection et un cordon sanitaire en cas de risque d’épidémie. Le quatrième point est d’acter le principe d’un lobbying concerté auprès des instances européennes. L’embryon de l’émergence d’une reconnaissance par l’UE de la spécificité des régions insulaires date de 20 ans. Aujourd’hui, cette dimension n’est plus directement prise en compte. Un premier rapprochement avec la Sardaigne, que l’histoire et la géographie commandent eu égard à la proximité entre les deux îles, nous donne la possibilité de renforcer notre poids commun et notre poids respectif et, donc, notre audience auprès de l’UE.
- L’accord-cadre de 2012 étant inefficient, comment allez-vous formaliser cette coopération?
- Sur ces points très précis, nous avons, aujourd’hui, rédigé un texte commun qui sera soumis à d’autres partenaires, groupes politiques, acteurs socio-économiques… La Chambre de commerce et d’industrie de la Haute Corse, qui était présente à cette rencontre, s’engage dans cette démarche. L’idée est d’arriver, à très brève échéance, à faire voter en des termes identiques, une délibération par le Parlement sarde et par l’Assemblée de Corse pour vraiment créer les fondements de cette coopération entre la Corse et la Sardaigne sur des bases très opérationnelles.
- Une fois cette déclaration signée, qu’en ferez-vous ?
- Nous nous appuierons sur cette coopération pour, d’abord, optimiser notre participation aux nouveaux programmes européens, Marittimo dans le domaine économique et TRANSMED dans le domaine culturel. Nous pourrons monter des projets qui nous permettront de capter, de façon très efficace, les financements européens. Ensuite, nous dirons à nos Etats respectifs que les situations de nos îles commandent des mesures dérogatoires et à l’UE qu’elle doit prendre en compte notre dimension spécifique. Tout cela s’inscrit dans une vision politique d’ensemble. Cette délibération, votée en termes identiques par les deux assemblées, serait un socle fondateur symbolique au contenu politique très fort et serait déclinée dans toutes les collectivités locales et avec tous les acteurs : Chambres de commerce, de métiers…
- Les Sardes voudraient des représentants communs à l’UE pour défendre les deux îles. Est-ce envisageable ?
- C’est vrai que la représentation directe de la Corse à Bruxelles est une revendication que nous portons depuis longtemps. Aujourd’hui, cette revendication existe, mais est manifestement insuffisante. Seuls deux fonctionnaires de la CTC sont détachés auprès des institutions européennes. C’est presque dérisoire en comparaison d’autres régions qui s’organisent pour avoir les moyens d’une véritable diplomatie parallèle en contournant leurs Etats. La Corse doit réfléchir, à la fois, à renforcer sa représentation propre et à développer des coopérations et des synergies, par exemple avec la Sardaigne pour pouvoir, ensemble, en amont des décisions, des recommandations et des textes législatifs et règlementaires votés au niveau européen, prendre en compte les intérêts des régions insulaires de Méditerranée.
- Quand cette coopération pourra-t-elle être effective ?
- Il était très important de recevoir cette délégation à Bastia parce que cela matérialise notre volonté d’ouvrir la ville et de la positionner comme un acteur politique et économique de premier plan. En même temps, nous avons, à l’échelle globale de la Corse, la volonté de mettre le curseur au bon niveau par un consensus le plus large possible, adossé à une volonté politique forte, claire et partagée de construire une vraie coopération entre les deux îles.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Cette visite des groupes parlementaires sardes fait suite à un premier échange entre Corses et Sardes qui a eu lieu, en avril, à l’initiative de Jean-Félix Acquaviva, président de l’Association des élus de montagne, et de Denis Luciani, membre du Conseil économique, social et culturel de la Corse. Ils se sont rendus en Sardaigne où ils ont rencontré l’ensemble des groupes politiques représentés au Parlement sarde qui sont, tous, demandeurs d’une véritable relance de la coopération entre nos deux îles. Nous avons, bien sûr, saisi la balle au bond. Je les ai invités à Bastia et ils feront, ces deux jours, d’autres rencontres en Corse. Le contexte nous parait très propice pour que nous mettions en forme une relance active de cette coopération.
- Quelle forme, cette coopération prendrait-elle ?
- Il faut sortir des déclarations d’intention ou des documents trop larges qui, finalement, n’ont pas d’application pratique. Nous sommes, aujourd’hui, en l’état d’une convention-cadre, signée en 2012, entre la Collectivité territoriale (CTC) et la région de Sardaigne, qui n’a, malheureusement jusqu’à ce jour, pas connu de véritable traduction opérationnelle. Du retard a été pris et ce, d’autant mieux qu’il y a eu, d’un côté, l’aggravation de la crise économique structurelle aussi bien en Corse qu’en Sardaigne, et, de l’autre, l’émergence de nouveaux programmes européens qui invitent au renforcement de la coopération entre les régions et les îles de Méditerranée. La convergence de ces deux facteurs rend plus que jamais indispensable l’émergence d’une véritable coopération entre la Corse et la Sardaigne.
- Sur quels points précis ?
- Nous avons identifié plusieurs points précis sur lesquels engager une coopération immédiate avec des retombées tangibles à court terme. D’abord, la question de la fiscalité dérogatoire, ce que les Sardes appellent a fiscalità di compensazione. Ils ont une revendication largement partagée par leurs élus d’une zone franche intégrale qui les exonère de droits de douane et d’imposition sur la production et la consommation. En Corse, notre stratégie vise à obtenir le transfert de certaines compétences fiscales, notamment la revendication d’une spécificité en matière de droits de succession dans la lignée du combat pour les Arrêtés Miot, la territorialisation de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) et, aussi, des zones franches territorialisées, à l’instar des zones franches urbaines françaises. Nous pouvons, en Corse, par exemple, demander la création de zones franches en soutien de l’activité productive dans l’intérieur ou dans les zones de montagne.
- Ces demandes sont différentes. Comment les défendre ensemble ?
- Même si des différences objectives existent entre les revendications, la demande d’une fiscalité dérogatoire est un socle commun. Porter ensemble cette revendication renforcera l’audience de la Corse et de la Sardaigne aussi bien auprès de leurs Etats respectifs que de l’Union européenne (UE).
- Les parlementaires sardes (cf vidéo) estiment que la question essentielle est celle du transport. Qu’en pensez-vous ?
- Une réflexion commune sur la question des transports aériens et maritimes est, effectivement, le deuxième point. Il n’existe aucune ligne aérienne directe, ni aucun circuit entre l’Italie, la Corse, la Sardaigne et la Sicile. Les difficultés extrêmes, que connaît la SNCM, posent la question récurrente et jamais traitée à ce jour de façon satisfaisante, des transports maritimes en Corse. Les Sardes ont été confrontés au même type de difficultés avec une hausse très forte des tarifs et une desserte insatisfaisante, suite à l’émergence d’une situation de monopole. Nous pouvons constituer des groupements transfrontaliers pour organiser la desserte beaucoup plus largement entre les deux îles ou organiser une desserte commune à destination des continents italiens, français et, pourquoi pas, dans le cadre d’une vision méditerranéenne globale, vers les pays de la rive Sud ou vers la Catalogne.
- Quels sont les autres points de coopération ?
- Le troisième point concerne la protection de la biodiversité. La xylella fastidiosa a montré les carences des contrôles. Notre situation d’insularité peut nous conduire à mettre en place plus facilement, de façon concertée, des mesures de protection et un cordon sanitaire en cas de risque d’épidémie. Le quatrième point est d’acter le principe d’un lobbying concerté auprès des instances européennes. L’embryon de l’émergence d’une reconnaissance par l’UE de la spécificité des régions insulaires date de 20 ans. Aujourd’hui, cette dimension n’est plus directement prise en compte. Un premier rapprochement avec la Sardaigne, que l’histoire et la géographie commandent eu égard à la proximité entre les deux îles, nous donne la possibilité de renforcer notre poids commun et notre poids respectif et, donc, notre audience auprès de l’UE.
- L’accord-cadre de 2012 étant inefficient, comment allez-vous formaliser cette coopération?
- Sur ces points très précis, nous avons, aujourd’hui, rédigé un texte commun qui sera soumis à d’autres partenaires, groupes politiques, acteurs socio-économiques… La Chambre de commerce et d’industrie de la Haute Corse, qui était présente à cette rencontre, s’engage dans cette démarche. L’idée est d’arriver, à très brève échéance, à faire voter en des termes identiques, une délibération par le Parlement sarde et par l’Assemblée de Corse pour vraiment créer les fondements de cette coopération entre la Corse et la Sardaigne sur des bases très opérationnelles.
- Une fois cette déclaration signée, qu’en ferez-vous ?
- Nous nous appuierons sur cette coopération pour, d’abord, optimiser notre participation aux nouveaux programmes européens, Marittimo dans le domaine économique et TRANSMED dans le domaine culturel. Nous pourrons monter des projets qui nous permettront de capter, de façon très efficace, les financements européens. Ensuite, nous dirons à nos Etats respectifs que les situations de nos îles commandent des mesures dérogatoires et à l’UE qu’elle doit prendre en compte notre dimension spécifique. Tout cela s’inscrit dans une vision politique d’ensemble. Cette délibération, votée en termes identiques par les deux assemblées, serait un socle fondateur symbolique au contenu politique très fort et serait déclinée dans toutes les collectivités locales et avec tous les acteurs : Chambres de commerce, de métiers…
- Les Sardes voudraient des représentants communs à l’UE pour défendre les deux îles. Est-ce envisageable ?
- C’est vrai que la représentation directe de la Corse à Bruxelles est une revendication que nous portons depuis longtemps. Aujourd’hui, cette revendication existe, mais est manifestement insuffisante. Seuls deux fonctionnaires de la CTC sont détachés auprès des institutions européennes. C’est presque dérisoire en comparaison d’autres régions qui s’organisent pour avoir les moyens d’une véritable diplomatie parallèle en contournant leurs Etats. La Corse doit réfléchir, à la fois, à renforcer sa représentation propre et à développer des coopérations et des synergies, par exemple avec la Sardaigne pour pouvoir, ensemble, en amont des décisions, des recommandations et des textes législatifs et règlementaires votés au niveau européen, prendre en compte les intérêts des régions insulaires de Méditerranée.
- Quand cette coopération pourra-t-elle être effective ?
- Il était très important de recevoir cette délégation à Bastia parce que cela matérialise notre volonté d’ouvrir la ville et de la positionner comme un acteur politique et économique de premier plan. En même temps, nous avons, à l’échelle globale de la Corse, la volonté de mettre le curseur au bon niveau par un consensus le plus large possible, adossé à une volonté politique forte, claire et partagée de construire une vraie coopération entre les deux îles.
Propos recueillis par Nicole MARI.
Gianluigi Rubiu, parlementaire sarde : « Nous devons faire front commun pour livrer des batailles auprès de l’Union européenne ».
Une déclaration commune à ratifier
La déclaration conjointe identifie cinq priorités parmi lesquelles la question des transports maritimes et aériens dans le cadre des programmes INTERREG Marittimo, le principe d’une fiscalité dérogatoire pour les territoires insulaires de Méditerranée, la biodiversité et l’harmonisation des politiques de protection, par exemple dans la lutte contre la xylella, la coopération culturelle à travers le projet TRANSMED et une stratégie de soutien à l’économie productive. La ville de Bastia et les représentants sardes, signataires de cette déclaration conjointe, se sont engagés à la diffuser pour obtenir l’adhésion la plus large possible. La déclaration sera proposée à la signature des Chambres de commerce et de métiers des deux îles. La Chambre de Commerce de Haute-Corse a déjà signé. Celle de Corse du Sud devrait le faire samedi. Celle de Cagliari, dans la foulée. La déclaration sera soumise, en termes identiques, aux deux assemblées rapidement. Gilles Simeoni entend la proposer à la prochaine session de la CTC des 25 et 26 juin.
La déclaration conjointe identifie cinq priorités parmi lesquelles la question des transports maritimes et aériens dans le cadre des programmes INTERREG Marittimo, le principe d’une fiscalité dérogatoire pour les territoires insulaires de Méditerranée, la biodiversité et l’harmonisation des politiques de protection, par exemple dans la lutte contre la xylella, la coopération culturelle à travers le projet TRANSMED et une stratégie de soutien à l’économie productive. La ville de Bastia et les représentants sardes, signataires de cette déclaration conjointe, se sont engagés à la diffuser pour obtenir l’adhésion la plus large possible. La déclaration sera proposée à la signature des Chambres de commerce et de métiers des deux îles. La Chambre de Commerce de Haute-Corse a déjà signé. Celle de Corse du Sud devrait le faire samedi. Celle de Cagliari, dans la foulée. La déclaration sera soumise, en termes identiques, aux deux assemblées rapidement. Gilles Simeoni entend la proposer à la prochaine session de la CTC des 25 et 26 juin.