C’est peut-être le dossier le plus brûlant de ce début de mandature, certainement le plus urgent, le plus crucial et le plus attendu tant pèsent sur lui l’épée de Damoclès d’une nouvelle crise qui serait catastrophique à l’orée de la saison touristique, l’exaspération de la population qui ne veut plus voir les poubelles s’entasser, des semaines durant, dans les rues ou sur le bord des routes, ou encore la colère des riverains des centres d’enfouissement qui refusent de payer le prix de l’incurie des politiques passées. Le débat s’annonçait long et houleux tant le sujet génère de polémiques et se heurte à des positions tranchées aux intérêts divergents. Il s’est, finalement, avéré très long, décevant et chicanier. Il est vrai qu’il était difficile, au regard de la profondeur des crises récurrentes et de la difficulté à les résoudre, de rejeter l’idée centrale de ce plan d’action qui est le reflet quasi parfait de la doctrine que les Nationalistes défendent depuis des lustres, à savoir la primauté du tri sélectif à la source sur toute autre méthode de gestion des déchets ménagers.
Une urgence et des enjeux
Face à l’impasse de la politique du tout enfouissement des déchets bruts, l’équation, pour le nouveau pouvoir nationaliste, est limpide. Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, se charge de rappeler, d’emblée, l’urgence et les enjeux. « Nous avons tous à l’esprit comment, aux premiers jours de la mandature, nous avons eu à juguler une crise grave et inquiétante qui nous menait dans l’impasse. Cette difficulté, difficilement surmontée, se présentera à nouveau dans quelques jours ou semaines avec un fort risque pesant sur la saison estivale. Le modèle actuel de gestion des déchets n’est pas satisfaisant en termes économique, écologique et politique au sens de notre capacité collective à répondre à un enjeu de société. Nous sommes confrontés à nos responsabilités. Nous aurons à gérer les difficultés et les scories de l’ancien système pendant une période de transition et appliquer le nouveau système que nous souhaitons mettre en œuvre et qui nous projette dans une phase nouvelle ». L’enjeu est effectivement sans équivoque : La Corse enfouit 92% de ses déchets ménagers et produit plus de déchets qu’elle ne peut en enfouir. Appelant à délaisser tout esprit de polémique, Gilles Simeoni pose aux élus deux questions fondamentales : « Voulez-vous oui ou non rompre avec le modèle actuel de transport et d’enfouissement en vrac des ordures ménagères ? Nous, nous voulons une rupture totale et épidémiologique car nous considérons que cet ancien système est ruineux économiquement et écologiquement. Par quoi souhaitons-nous le remplacer ? Par une politique ambitieuse de tri à la source. Nous proposons une réponse claire et argumentée avec des chiffres incontestables ».
Un geste simple
Ce plan d’action, qui s’appuie sur le plan général voté par l’Assemblée de Corse en juillet 2015, est bien plus ambitieux en termes d’objectifs et de moyens à mettre en œuvre. Il comporte deux volets : une feuille de route de réduction, de collecte et de valorisation des déchets ménagers à court et moyen terme, ainsi que des mesures d’urgence pour passer une période de transition de deux ans. Axé sur la simplification du geste de tri, il table sur des résultats rapides : 60 % de valorisation dans un délai de trois ans en zone rurale et cinq ans en zone urbaine. Son objectif est d’enclencher une mutation rapide des modes collectifs de gestion des déchets et une évolution des comportements pour réduire la production d’ordures ménagères par la généralisation du tri sélectif. « Nous avons les coûts de gestion des déchets les plus élevés d’Europe, la situation actuelle conduit à une explosion de la facture des usagers. Ce n’est pas acceptable ! Les bio-déchets sont une richesse et répondent à des besoins. Nous devons, donc, chercher dans les 180 000 tonnes que nous enfouissons ce qui est recyclable » explique Agnès Simonpietri, conseillère exécutive et présidente de l’Office de l’environnement (cf interview par ailleurs).
Une bouffée d’oxygène
L’idée est de s’appuyer sur les systèmes de tri existants, déjà mis en place par les intercommunalités. « Il y a tout un tas de possibilités. Nous proposons une boite à outils dans laquelle les collectivités pourront puiser. Les conséquences du tri sont immédiates : diminution de l’enfouissement, baisse des coûts de collecte, création d’emplois... Ce plan représente un engagement phasé très fort envers tous ceux qui subissent les nuisances des centres d’enfouissement. Il donnera une bouffée d’oxygène pour passer les crises ». Déminant les critiques à venir, elle affirme que les ambitions affichées sont réalistes : « Il faut arrêter de nous sous-estimer. En matière d’environnement, nous n’avons de leçon à recevoir de personnes. Le plan, qui s’élève à 28 millions € et 33 millions € si on englobe la période d’urgence, rentre dans tous les financements dont nous disposons. Nous pensons que notre peuple est prêt à se lancer dans ce défi. Nous sommes tout à fait capable d’atteindre ces objectifs ».
Des modèles opposés
Ce n’est pas du tout l’avis de l’opposition qui, si elle souscrit aux principes, s’inquiète de la célérité affichée qu’elle juge dangereuse et s’affronte sur des positions parfois idéologiques.
Le premier à dégainer est, sans surprise, le président du Syvadec et élu du groupe Prima a Corsica, François Tatti, qui n’apprécie guère les termes de « modèle du tout-transport » et de « scories » jeté sur le système qu’il défend. Il estime que la situation de blocage est née de « projets que nous n’avons pu porter parce qu’ils ont été contestés. Chacun sur ses bancs a une part de responsabilité ». Ceci dit, il éreinte consciencieusement un certain nombre d’orientations qu’il entend substantiellement réformer par le dépôt d’amendements et met en cause les données chiffrées. « Le rapport dit que 76 % des déchets sont recyclables. Les chiffres, donnés sur la place publique, sont bien inférieurs ». Il émet également un désaccord sur le calendrier et réfute la possibilité « de faire en trois ou cinq ans ce que les autres ont mis au moins huit ans à faire. Nous ne pouvons pas nous mettre en situation d’échec. Nous souhaitons un calendrier plus réaliste ». Il demande à l’Exécutif de se prononcer sur l’ouverture d’un nouveau centre de stockage dans un délai court et s’indigne de l’avis négatif donné sur le projet de centre d’enfouissement de Ghjuncaghju.
Un risque de pression fiscale
Si le Front de Gauche adoube la politique de tri à la source, il s’inquiète, par la voix de Michel Stefani, du risque de pression fiscale qui menace les ménages et prône « la nécessité de faire œuvre de pédagogie pour que la population prenne conscience de la nécessité de trier ». Il appelle à une concertation étroite avec les acteurs concernés, notamment les intercommunalités : « Il nous semble indispensable d’organiser la solidarité entre les territoires émetteurs et récepteurs des déchets ». Jugeant que le plan « dégage des rigidités qu’il n’y avait pas précédemment, notamment de calendrier », il préconise la prudence « Il faut se laisser des marges de manœuvre en tenant compte des difficultés probables qui pourraient se présenter » et se prononce pour la création rapide d’un casier supplémentaire.
Des objectifs pas tenables
La droite commence par ironiser sur le satisfecit que se décerne l’ancienne majorité. « Nous allons nous retrouver avec 70 000 tonnes dans la rue dans quelques jours. Ceux qui se félicitent de ce qu’ils ont fait ne seront pas là pour en respirer les effluves », commente Xavier Lacombe, élu du groupe Rassembler. S’il salue « la grande ambition » de l’Exécutif, les orientations et les enjeux qu’il partage, il est plus réticent sur les délais et les moyens de mise en œuvre : « Ce plan est une bonne chose, il faut y aller le mieux possible, pas forcément le plus vite possible. Soyons prudents et restons réalistes. Nous sommes d’accord sur les trois axes. Mais, les objectifs seront difficilement tenables. Il faudra plus de temps que vous le pensez ». Il craint également les effets sur l’équilibre financier du budget des ordures ménagères d’hypothèses considérées comme « irréalistes » et regrette un « manque de concertation en amont avec certaines intercommunalités qui se sont déjà bien engagées sur le tri des déchets à la source. La diminution radicale des coûts affichée pour les collectivités sera un miracle au vu des pratiques en place ». Concernant le plan d’urgence, il s’interroge sur la pertinence financière de la location des unités de surtri provisoires, « Nous ne voulons pas être sanctionnés sur des solutions provisoires. Nous ne voulons rien interdire. Si les objectifs ne sont pas tenus, ce serait terrible pour les collectivités ». La droite, qui a déposé huit amendements, demande la création de nouvelles capacités de stockage, quatre centres à minima et l’ouverture du TMB de Tallone pour parer au plus pressé.
Le tout-valorisation
La valorisation des déchets est, également, une priorité pour le Front national. « La Corse est malade des déchets qui sont les productions incontournables de l’activité humaine. Nous sommes d’accord sur le tri à la source et sur le plan d’action, mais quand sortirons-nous de l’urgence ? Je souhaite une amélioration et une guérison », précise René Cordoleani. Dubitatif sur « la discipline de nos concitoyens qui n’est pas celle des Nordiques », il opte pour des solutions à moyen terme « qui sont adoptées en Europe et qui produiront des stockages à minima, comme 3% en Suède ». Cela passe par la mise en place d’usines de valorisation de déchets qui « existent partout et ne produisent que très peu de pollution. Le problème n’est pas les 60 % de tri, mais les 40% qui restent. Avec cette solution, on n’enfouirait que 1,3% des déchets ».
Des critiques partisanes
Les critiques de l’opposition émeuvent la majorité territoriale qui riposte en tirs croisés. « Cherchez de manière partisane un moyen permanent d’empêcher l’adoption de solutions logiques est contraire aux intérêts de la Corse », assène le Dr François Benedetti, élu du groupe Corsica Libera. Il accuse François Tatti d’énoncer des contre-vérités : « Les chiffres de François Tatti sont erronés. Il est facile de dire quelle est la cause de la crise qui était prévisible depuis des années. La fermeture de Tallone était prévue et programmée ». Il rappelle que « la situation est intolérable pour les populations qui vivent près de sites. Il faut sortir de cette situation invraisemblable et fournir une réponse cohérente au peuple corse qui attend ».
Du courage politique
Une analyse partagée par Femu a Corsica qui enfonce le clou : « Après tant d’années d’immobilisme qui ont conduit à cette crise structurelle des déchets, il était temps d’engager une politique ambitieuse et réaliste qui associe concrètement les citoyens plutôt que de laisser les lobbies industriels s’accaparer la valeur ajoutée présente dans nos poubelles. Pour nous, le question centrale est celle de la collecte, plus que du traitement », déclare Nadine Nivaggioni. Elle stigmatise la solution du TMB (Tri mécanobiologique) qui a les faveurs de l’opposition : « Le risque est évident de mettre le doigt dans l’engrenage d’une filière de traitement reposant sur du TMB, un processus fragile sur le plan technique, coûteux sur le plan économique et mauvais en termes de valorisation de la matière. Ce risque est d’autant plus élevé que les lobbies des industriels des déchets, très actifs auprès des élus, ont fait du TMB « moderne » leur nouveau cheval de bataille, comme ils en ont fait hier à propos de l’incinération ».
Son colistier Guy Armanet évoque « le courage politique de l’Exécutif qui entend harmoniser une vraie politique régionale ». Sarcastique, il « comprend les inquiétudes du président du Syvadec qui va devoir exécuter ce plan ! On peut avoir des points de divergences sur les chiffres, le calendrier, les flux, mais il faut prendre nos responsabilités. La CAB (Communauté d’agglomération de Bastia) sera exemplaire, nous allons coller au plan de la CTC ». Pour le tout nouveau responsable des déchets de la CAB, « La situation d’urgence passe par Tallone. Si nous n’avons plus que des matières inertes, l’acceptabilité sera différente ». Il insiste sur le foncier : « Nous avons la responsabilité de ne pas abandonner les intercommunalités sur la problématique du surtri ».
Un déni de réalité
Agnès Simonpietri entend les réserves et s’étonne, dans un renvoi d’ascenseur, du manque de lucidité des élus : « J’ai peur qu’on sous estime la gravité de la situation. Nous sommes dans l’obligation d’être ambitieux. Si nous n’apportons pas des réponses fortes avec des engagements forts, demain il n’y aura plus d’enfouissement possible. Avons-nous la possibilité d’être lent et prudents ? Non ! Le plan voté l’an dernier a-t-il été suivi d’effets ? Non ! Nous devons être à la hauteur de l’urgence absolue. Il faut s’attaquer au court terme, et si on ne s’attaque pas à 2017 et 2018, on va se retrouver dans la même urgence en 2017 et 2018 ». Elle dévoile que les propositions de délais et coûts s’appuient sur des devis industriels et maintient ses chiffres : « Nous sommes sur les chiffres de l’ADEME et de l’Etat, nous sommes dans la moyenne européenne, il peut avoir une marge de 4 ou 5% sur les valorisables, mais le problème n’est pas là. Il n’est pas question de mettre une pression insurmontable sur les intercommunalités. Il faut une ambition collective qui soit à la hauteur des enjeux. Soyons ambitieux, c’est une nécessité vitale. Nous travaillons à la recherche de nouveaux emplacements pour les centres d’enfouissement. Le TMB est dépassé, mais nous y sommes obligés pour une période transitoire ».
Le dépôt de 19 amendements déplace le débat en commission. Personne ne s’attend à un accord rapide. Les heures passent et les négociations s’enlisent sur de la sémantique, butant, aux dires de certains, « sur des virgules ». Pendant ce temps, l’examen des rapports à l’ordre du jour se poursuit avec les élus restés dans l’hémicycle. La session s’interrompt à une heure du matin tandis que la commission planche encore une partie de la nuit.
N.M.
Une urgence et des enjeux
Face à l’impasse de la politique du tout enfouissement des déchets bruts, l’équation, pour le nouveau pouvoir nationaliste, est limpide. Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, se charge de rappeler, d’emblée, l’urgence et les enjeux. « Nous avons tous à l’esprit comment, aux premiers jours de la mandature, nous avons eu à juguler une crise grave et inquiétante qui nous menait dans l’impasse. Cette difficulté, difficilement surmontée, se présentera à nouveau dans quelques jours ou semaines avec un fort risque pesant sur la saison estivale. Le modèle actuel de gestion des déchets n’est pas satisfaisant en termes économique, écologique et politique au sens de notre capacité collective à répondre à un enjeu de société. Nous sommes confrontés à nos responsabilités. Nous aurons à gérer les difficultés et les scories de l’ancien système pendant une période de transition et appliquer le nouveau système que nous souhaitons mettre en œuvre et qui nous projette dans une phase nouvelle ». L’enjeu est effectivement sans équivoque : La Corse enfouit 92% de ses déchets ménagers et produit plus de déchets qu’elle ne peut en enfouir. Appelant à délaisser tout esprit de polémique, Gilles Simeoni pose aux élus deux questions fondamentales : « Voulez-vous oui ou non rompre avec le modèle actuel de transport et d’enfouissement en vrac des ordures ménagères ? Nous, nous voulons une rupture totale et épidémiologique car nous considérons que cet ancien système est ruineux économiquement et écologiquement. Par quoi souhaitons-nous le remplacer ? Par une politique ambitieuse de tri à la source. Nous proposons une réponse claire et argumentée avec des chiffres incontestables ».
Un geste simple
Ce plan d’action, qui s’appuie sur le plan général voté par l’Assemblée de Corse en juillet 2015, est bien plus ambitieux en termes d’objectifs et de moyens à mettre en œuvre. Il comporte deux volets : une feuille de route de réduction, de collecte et de valorisation des déchets ménagers à court et moyen terme, ainsi que des mesures d’urgence pour passer une période de transition de deux ans. Axé sur la simplification du geste de tri, il table sur des résultats rapides : 60 % de valorisation dans un délai de trois ans en zone rurale et cinq ans en zone urbaine. Son objectif est d’enclencher une mutation rapide des modes collectifs de gestion des déchets et une évolution des comportements pour réduire la production d’ordures ménagères par la généralisation du tri sélectif. « Nous avons les coûts de gestion des déchets les plus élevés d’Europe, la situation actuelle conduit à une explosion de la facture des usagers. Ce n’est pas acceptable ! Les bio-déchets sont une richesse et répondent à des besoins. Nous devons, donc, chercher dans les 180 000 tonnes que nous enfouissons ce qui est recyclable » explique Agnès Simonpietri, conseillère exécutive et présidente de l’Office de l’environnement (cf interview par ailleurs).
Une bouffée d’oxygène
L’idée est de s’appuyer sur les systèmes de tri existants, déjà mis en place par les intercommunalités. « Il y a tout un tas de possibilités. Nous proposons une boite à outils dans laquelle les collectivités pourront puiser. Les conséquences du tri sont immédiates : diminution de l’enfouissement, baisse des coûts de collecte, création d’emplois... Ce plan représente un engagement phasé très fort envers tous ceux qui subissent les nuisances des centres d’enfouissement. Il donnera une bouffée d’oxygène pour passer les crises ». Déminant les critiques à venir, elle affirme que les ambitions affichées sont réalistes : « Il faut arrêter de nous sous-estimer. En matière d’environnement, nous n’avons de leçon à recevoir de personnes. Le plan, qui s’élève à 28 millions € et 33 millions € si on englobe la période d’urgence, rentre dans tous les financements dont nous disposons. Nous pensons que notre peuple est prêt à se lancer dans ce défi. Nous sommes tout à fait capable d’atteindre ces objectifs ».
Des modèles opposés
Ce n’est pas du tout l’avis de l’opposition qui, si elle souscrit aux principes, s’inquiète de la célérité affichée qu’elle juge dangereuse et s’affronte sur des positions parfois idéologiques.
Le premier à dégainer est, sans surprise, le président du Syvadec et élu du groupe Prima a Corsica, François Tatti, qui n’apprécie guère les termes de « modèle du tout-transport » et de « scories » jeté sur le système qu’il défend. Il estime que la situation de blocage est née de « projets que nous n’avons pu porter parce qu’ils ont été contestés. Chacun sur ses bancs a une part de responsabilité ». Ceci dit, il éreinte consciencieusement un certain nombre d’orientations qu’il entend substantiellement réformer par le dépôt d’amendements et met en cause les données chiffrées. « Le rapport dit que 76 % des déchets sont recyclables. Les chiffres, donnés sur la place publique, sont bien inférieurs ». Il émet également un désaccord sur le calendrier et réfute la possibilité « de faire en trois ou cinq ans ce que les autres ont mis au moins huit ans à faire. Nous ne pouvons pas nous mettre en situation d’échec. Nous souhaitons un calendrier plus réaliste ». Il demande à l’Exécutif de se prononcer sur l’ouverture d’un nouveau centre de stockage dans un délai court et s’indigne de l’avis négatif donné sur le projet de centre d’enfouissement de Ghjuncaghju.
Un risque de pression fiscale
Si le Front de Gauche adoube la politique de tri à la source, il s’inquiète, par la voix de Michel Stefani, du risque de pression fiscale qui menace les ménages et prône « la nécessité de faire œuvre de pédagogie pour que la population prenne conscience de la nécessité de trier ». Il appelle à une concertation étroite avec les acteurs concernés, notamment les intercommunalités : « Il nous semble indispensable d’organiser la solidarité entre les territoires émetteurs et récepteurs des déchets ». Jugeant que le plan « dégage des rigidités qu’il n’y avait pas précédemment, notamment de calendrier », il préconise la prudence « Il faut se laisser des marges de manœuvre en tenant compte des difficultés probables qui pourraient se présenter » et se prononce pour la création rapide d’un casier supplémentaire.
Des objectifs pas tenables
La droite commence par ironiser sur le satisfecit que se décerne l’ancienne majorité. « Nous allons nous retrouver avec 70 000 tonnes dans la rue dans quelques jours. Ceux qui se félicitent de ce qu’ils ont fait ne seront pas là pour en respirer les effluves », commente Xavier Lacombe, élu du groupe Rassembler. S’il salue « la grande ambition » de l’Exécutif, les orientations et les enjeux qu’il partage, il est plus réticent sur les délais et les moyens de mise en œuvre : « Ce plan est une bonne chose, il faut y aller le mieux possible, pas forcément le plus vite possible. Soyons prudents et restons réalistes. Nous sommes d’accord sur les trois axes. Mais, les objectifs seront difficilement tenables. Il faudra plus de temps que vous le pensez ». Il craint également les effets sur l’équilibre financier du budget des ordures ménagères d’hypothèses considérées comme « irréalistes » et regrette un « manque de concertation en amont avec certaines intercommunalités qui se sont déjà bien engagées sur le tri des déchets à la source. La diminution radicale des coûts affichée pour les collectivités sera un miracle au vu des pratiques en place ». Concernant le plan d’urgence, il s’interroge sur la pertinence financière de la location des unités de surtri provisoires, « Nous ne voulons pas être sanctionnés sur des solutions provisoires. Nous ne voulons rien interdire. Si les objectifs ne sont pas tenus, ce serait terrible pour les collectivités ». La droite, qui a déposé huit amendements, demande la création de nouvelles capacités de stockage, quatre centres à minima et l’ouverture du TMB de Tallone pour parer au plus pressé.
Le tout-valorisation
La valorisation des déchets est, également, une priorité pour le Front national. « La Corse est malade des déchets qui sont les productions incontournables de l’activité humaine. Nous sommes d’accord sur le tri à la source et sur le plan d’action, mais quand sortirons-nous de l’urgence ? Je souhaite une amélioration et une guérison », précise René Cordoleani. Dubitatif sur « la discipline de nos concitoyens qui n’est pas celle des Nordiques », il opte pour des solutions à moyen terme « qui sont adoptées en Europe et qui produiront des stockages à minima, comme 3% en Suède ». Cela passe par la mise en place d’usines de valorisation de déchets qui « existent partout et ne produisent que très peu de pollution. Le problème n’est pas les 60 % de tri, mais les 40% qui restent. Avec cette solution, on n’enfouirait que 1,3% des déchets ».
Des critiques partisanes
Les critiques de l’opposition émeuvent la majorité territoriale qui riposte en tirs croisés. « Cherchez de manière partisane un moyen permanent d’empêcher l’adoption de solutions logiques est contraire aux intérêts de la Corse », assène le Dr François Benedetti, élu du groupe Corsica Libera. Il accuse François Tatti d’énoncer des contre-vérités : « Les chiffres de François Tatti sont erronés. Il est facile de dire quelle est la cause de la crise qui était prévisible depuis des années. La fermeture de Tallone était prévue et programmée ». Il rappelle que « la situation est intolérable pour les populations qui vivent près de sites. Il faut sortir de cette situation invraisemblable et fournir une réponse cohérente au peuple corse qui attend ».
Du courage politique
Une analyse partagée par Femu a Corsica qui enfonce le clou : « Après tant d’années d’immobilisme qui ont conduit à cette crise structurelle des déchets, il était temps d’engager une politique ambitieuse et réaliste qui associe concrètement les citoyens plutôt que de laisser les lobbies industriels s’accaparer la valeur ajoutée présente dans nos poubelles. Pour nous, le question centrale est celle de la collecte, plus que du traitement », déclare Nadine Nivaggioni. Elle stigmatise la solution du TMB (Tri mécanobiologique) qui a les faveurs de l’opposition : « Le risque est évident de mettre le doigt dans l’engrenage d’une filière de traitement reposant sur du TMB, un processus fragile sur le plan technique, coûteux sur le plan économique et mauvais en termes de valorisation de la matière. Ce risque est d’autant plus élevé que les lobbies des industriels des déchets, très actifs auprès des élus, ont fait du TMB « moderne » leur nouveau cheval de bataille, comme ils en ont fait hier à propos de l’incinération ».
Son colistier Guy Armanet évoque « le courage politique de l’Exécutif qui entend harmoniser une vraie politique régionale ». Sarcastique, il « comprend les inquiétudes du président du Syvadec qui va devoir exécuter ce plan ! On peut avoir des points de divergences sur les chiffres, le calendrier, les flux, mais il faut prendre nos responsabilités. La CAB (Communauté d’agglomération de Bastia) sera exemplaire, nous allons coller au plan de la CTC ». Pour le tout nouveau responsable des déchets de la CAB, « La situation d’urgence passe par Tallone. Si nous n’avons plus que des matières inertes, l’acceptabilité sera différente ». Il insiste sur le foncier : « Nous avons la responsabilité de ne pas abandonner les intercommunalités sur la problématique du surtri ».
Un déni de réalité
Agnès Simonpietri entend les réserves et s’étonne, dans un renvoi d’ascenseur, du manque de lucidité des élus : « J’ai peur qu’on sous estime la gravité de la situation. Nous sommes dans l’obligation d’être ambitieux. Si nous n’apportons pas des réponses fortes avec des engagements forts, demain il n’y aura plus d’enfouissement possible. Avons-nous la possibilité d’être lent et prudents ? Non ! Le plan voté l’an dernier a-t-il été suivi d’effets ? Non ! Nous devons être à la hauteur de l’urgence absolue. Il faut s’attaquer au court terme, et si on ne s’attaque pas à 2017 et 2018, on va se retrouver dans la même urgence en 2017 et 2018 ». Elle dévoile que les propositions de délais et coûts s’appuient sur des devis industriels et maintient ses chiffres : « Nous sommes sur les chiffres de l’ADEME et de l’Etat, nous sommes dans la moyenne européenne, il peut avoir une marge de 4 ou 5% sur les valorisables, mais le problème n’est pas là. Il n’est pas question de mettre une pression insurmontable sur les intercommunalités. Il faut une ambition collective qui soit à la hauteur des enjeux. Soyons ambitieux, c’est une nécessité vitale. Nous travaillons à la recherche de nouveaux emplacements pour les centres d’enfouissement. Le TMB est dépassé, mais nous y sommes obligés pour une période transitoire ».
Le dépôt de 19 amendements déplace le débat en commission. Personne ne s’attend à un accord rapide. Les heures passent et les négociations s’enlisent sur de la sémantique, butant, aux dires de certains, « sur des virgules ». Pendant ce temps, l’examen des rapports à l’ordre du jour se poursuit avec les élus restés dans l’hémicycle. La session s’interrompt à une heure du matin tandis que la commission planche encore une partie de la nuit.
N.M.