Conxita Bosch, responsable des relations internationales du parti Solidarita catalana per l’indipendencia (SI), invitée des 33ème Ghjurnate Internaziunale di Corti.
- Que se passe-t-il, aujourd’hui, politiquement en Catalogne ?
- Le peuple catalan est descendu massivement dans la rue pour demander un référendum sur l’indépendance et démontrer, ainsi, que ce référendum répond au vœu de la grande majorité des Catalans. Le gouvernement de Madrid répond qu’un référendum n’est pas légal. Nous lui rétorquons que voter est un acte démocratique puisque le peuple a le choix de voter « Oui » ou de voter « Non » !
- Qu’allez-vous faire alors ?
- Le 11 septembre, jour de la fête nationale de la Catalogne, nous allons organiser, dans les deux principales rues de Barcelone, une grande manifestation en forme de « V » pour signifier, à la fois : Voter et Victoire. Nous attendons 2 millions de personnes venues de toute la Catalogne pour démontrer notre force et faire pression sur le gouvernement espagnol. Nous savons que Madrid va interdire le référendum. Nous voulons, aussi, démontrer au gouvernement catalan qu’il est largement soutenu par le peuple et qu’il doit, donc, rester ferme sur sa volonté d’organiser le référendum. La société civile a initié un large mouvement appelé « Voluntaris Referendum ».
- Quand le référendum est-il prévu ?
- Le Parlement catalan a voté une loi électorale de consultation référendaire et programmé le référendum à la date du 9 novembre. Mais, nous pensons que cette loi sera annulée par la Cour constitutionnelle espagnole. La suite appartiendra au gouvernement catalan. Que fera-t-il alors ? Restera-t-il ferme sur ses positions, fidèle au mandat démocratique que lui a confié le peuple, ou bien cèdera-t-il à la pression de Madrid ?
- Que dit-il ?
- Pour l’instant, il affirme qu’il maintient, comme prévu, le référendum en s’abritant derrière la loi catalane. Mais, nous craignons qu’au jour dit, la police espagnole empêche sa tenue et confisque les urnes.
- Quel groupe politique détient la majorité au Parlement catalan ?
- Les forces indépendantistes sont majoritaires, elles totalisent 83 députés sur 155. C’est elles qui ont convoqué le référendum et posé les questions auxquelles le peuple doit répondre.
- Quelle est la question posée ?
- La question n’est pas directe comme en Ecosse, mais double. L’Ecosse demande simplement : « Voulez-vous que l’Ecosse devienne un Etat indépendant ? ». En Catalogne, cette simple question n’a pas permis de trouver un consensus politique. Aussi le Parlement a-t-il accepté un compromis que beaucoup d’entre-nous n’apprécient pas ! Deux questions seront posées au peuple. La première est : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat ? ». La seconde est : « Voulez-vous que cet Etat soit indépendant ? ». C’est, finalement, cette seconde question qui a emporté le consensus.
- Quelle est la position des autres forces politiques ?
- Elles sont complètement contre ! Notamment le parti populaire, qui est le parti du gouvernement de Madrid, un nouveau parti espagnol et le parti socialiste. Néanmoins, sous la pression d’une grande partie de ses militants, le parti socialiste catalan a fait scission et pris la décision d’accepter le référendum.
- Le peuple catalan, dans sa majorité, veut-il l’indépendance ?
- Oui ! Si le gouvernement espagnol interdit le référendum, c’est qu’il sait que nous allons le gagner ! Nous l’avons démontré en 2012 par une grande manifestation à Barcelone, en 2013 par une grande chaine humaine qui s’est étendue sur 5 kilomètres de long du Nord au Sud de la Catalogne et a rassemblé plus d’1,5 million de personnes. Cette année, nous voulons mobiliser encore plus. Le président de la Catalogne promet une grande surprise lors de la manifestation prévue pour la fête nationale.
- Que se passera-t-il si le référendum a lieu, que le peuple dit « Oui » et que Madrid continue de dire « Non » ?
- En votant « Oui » en toute légalité sous les yeux d’observateurs européens, le peuple nous donnera la légitimité internationale. Le gouvernement de Madrid ne pourra pas l’ignorer et sera obligé de céder quelque chose.
- Ne remet-il pas en cause le statut d’autonomie dont bénéficie déjà la Catalogne ?
- Oui ! Le statut a beaucoup diminué. En ce moment, il y a un net recul sur la langue. Et surtout, le plus important, est que nous sommes asphyxiés économiquement. Chaque année, 16 milliards € quittent la Catalogne, vont en Espagne et ne retournent pas en Catalogne : c’est une spoliation fiscale ! Nous sommes d’accord pour être solidaires, pas pour être asphyxiés ! Aujourd’hui, à l’inverse de l’Espagne, la Catalogne manque d’infrastructures et de bonnes routes. Nous avons un slogan : « L’Espagne nous vole ! ». Elle nous fait payer notre volonté d’indépendance.
- Quel est l’impact de la crise économique sur la Catalogne ?
- Il est énorme ! La Catalogne compte 800 000 chômeurs sur 7 millions d’habitants. L’émigration, qui vient d’Espagne, d’Europe de l’Est, du Maghreb, du Pakistan et même de la Chine, est très importante. Elle pose un problème social aigu car nous n’avons pas les moyens d’intégrer tous ces immigrés. La loi électorale catalane, que nous avons votée pour le référendum, donne le droit de vote à tous les immigrés et aux jeunes à partir de 16 ans.
- Cette crise économique explique-t-elle les désirs grandissants d’autodétermination des peuples européens ?
- Le chômage joue, peut-être, un rôle, mais le peuple catalan est une nation historique qui lutte, depuis de nombreuses années, pour l’indépendance et pour récupérer tous ses droits. L’élément économique est, certes, important, mais pas autant que la composante nationale.
- Qu’est-ce qui pourrait faire plier Madrid ?
- Avant de décider d’organiser le référendum, nous avons fait une proposition de statut fiscal que Madrid a refusée. Aujourd’hui, nous disons que cette vie, que nous fait mener Madrid, c’est fini ! Nous n’en voulons plus ! Personne n’en veut plus au gouvernement et à la majorité du Parlement. Aujourd’hui, s’il veut, le gouvernement catalan peut faire une déclaration unilatérale d’indépendance. Il a la majorité pour le faire, mais a choisi la voie du référendum qui est plus démocratique.
Propos recueillis par Nicole MARI