- Pourquoi organiser une exposition sur les zones commerciales ?
- Nous avons souhaité, avec la Fondation Coppieters, parler d’un sujet qui fait couler beaucoup d’encre, à savoir le développement de centres commerciaux démesurés en périphérie des villes. Et notre volonté était d’en parler autrement, à travers des photos, une maquette et une cartographie qui dressent un état des lieux complet des zones commerciales en Corse, et une installation audio-visuelle. Je voulais sortir du côté « débat d’expert » pour aller vers un objet, l’exposition, qui parle à tout le monde. Parfois, une photo, un schéma, un dessin sont bien plus parlants que des explications techniques. D’où cette idée de travailler avec des artistes et des créatifs autour d’un sujet commun : les zones commerciales.
- Quel en est le thème précis ?
- C’est véritablement l’impact des centres commerciaux sur le paysage, le territoire et les populations. L’idée est de plonger dans les projets récents qu’a connu la Corse et de les comparer avec ce qui se passe à l’extérieur, en Sardaigne, au Pays Basque... Nous voulions par exemple à travers les photos, faire ressortir l’impact sur le paysage. Et c’est le cas ! Si vous regardez l’affiche de l’exposition, la photo est explicite : une fontaine traditionnelle perdue au milieu d’une coulée de béton, entre un panneau, un rond-point et une poubelle. C’est très emblématique du modèle de ces centres commerciaux qui ne se base pas sur l’existant, sur ce qui constitue une valeur patrimoniale, historique et culturelle, mais où l’on urbanise au gré des opportunités, en essayant d’obtenir la plus belle plus-value financière. Avec au final, les conséquences qu’on connait : des centres villes désertés, un aménagement du territoire fait sans réflexion globale, des infrastructures routières inadaptées et surtout des conséquences sociales et culturelles majeures liées à un appauvrissement général des échanges et des contacts avec le milieu qui nous entoure. Sans parler des emplois peu qualifiés et souvent précaires qui en découlent.
- Pourquoi qualifiez-vous ces zones de « non-lieux » ?
- J’ai volontairement utilisé le terme « non-lieux » pour qu’il interpelle. Je voulais que les gens s’interrogent collectivement sur ce qui fait sens pour nous dans notre société. Souhaite-t-on vraiment qu’une zone commerciale périphérique, qui tend à reproduire un pastiche de villes avec des fausses rues, des fausses places qui font croire à un espace public, vienne remplacer nos villes et nos villages ? Est-on d’accord pour que ces espaces, « ouverts temporairement au public » sous gestion privée, soient les villes de demain ? Notre objectif est d’arriver à ce que ce sujet de l’urbanisme commercial soit débattu par l’ensemble de la société corse. Pour ma part, je pense qu’on ne peut pas laisser le développement de la Corse entre les mains de quelques opérateurs privés qui ont comme objectif, non le bien-être des populations et encore moins la survie des centres villes, mais un profit de court terme.
- Quels artistes ou professionnels participent à l’exposition ?
- Le photographe Philippe Pierangeli expose « Photographies de centres commerciaux en Corse : l’espace et les lieux ». Une artiste italienne, Maria Elena Fantoni, propose une « Installation sonore et vidéo sur les noms des centres commerciaux en Italie ». L’urbaniste maquettiste Marc-Antoine Campana présente une maquette du centre-ville d’Aiacciu qui se confronte à la périphérie. Le cartographe Pierre-Louis Centonze a réalisé une carte en format A0 qui montre la dynamique commerciale et urbaine en Corse et une comparaison Corse/ Sardaigne.
- Qu’ont-ils voulu montrer ?
- Le choix, qui a été fait, est d’expliciter ces « non lieux » sous la forme d’une exposition pour bien montrer comment ces centres commerciaux transforment à la fois l’espace, les lieux de vie et influencent les relations sociales, le mode de vie. En filigrane, ces exposants s’interrogent sur le modèle de société que ce mode de consommation induit. La comparaison avec la Sardaigne et le Pays Basque permet de croiser les approches.
- Nous avons souhaité, avec la Fondation Coppieters, parler d’un sujet qui fait couler beaucoup d’encre, à savoir le développement de centres commerciaux démesurés en périphérie des villes. Et notre volonté était d’en parler autrement, à travers des photos, une maquette et une cartographie qui dressent un état des lieux complet des zones commerciales en Corse, et une installation audio-visuelle. Je voulais sortir du côté « débat d’expert » pour aller vers un objet, l’exposition, qui parle à tout le monde. Parfois, une photo, un schéma, un dessin sont bien plus parlants que des explications techniques. D’où cette idée de travailler avec des artistes et des créatifs autour d’un sujet commun : les zones commerciales.
- Quel en est le thème précis ?
- C’est véritablement l’impact des centres commerciaux sur le paysage, le territoire et les populations. L’idée est de plonger dans les projets récents qu’a connu la Corse et de les comparer avec ce qui se passe à l’extérieur, en Sardaigne, au Pays Basque... Nous voulions par exemple à travers les photos, faire ressortir l’impact sur le paysage. Et c’est le cas ! Si vous regardez l’affiche de l’exposition, la photo est explicite : une fontaine traditionnelle perdue au milieu d’une coulée de béton, entre un panneau, un rond-point et une poubelle. C’est très emblématique du modèle de ces centres commerciaux qui ne se base pas sur l’existant, sur ce qui constitue une valeur patrimoniale, historique et culturelle, mais où l’on urbanise au gré des opportunités, en essayant d’obtenir la plus belle plus-value financière. Avec au final, les conséquences qu’on connait : des centres villes désertés, un aménagement du territoire fait sans réflexion globale, des infrastructures routières inadaptées et surtout des conséquences sociales et culturelles majeures liées à un appauvrissement général des échanges et des contacts avec le milieu qui nous entoure. Sans parler des emplois peu qualifiés et souvent précaires qui en découlent.
- Pourquoi qualifiez-vous ces zones de « non-lieux » ?
- J’ai volontairement utilisé le terme « non-lieux » pour qu’il interpelle. Je voulais que les gens s’interrogent collectivement sur ce qui fait sens pour nous dans notre société. Souhaite-t-on vraiment qu’une zone commerciale périphérique, qui tend à reproduire un pastiche de villes avec des fausses rues, des fausses places qui font croire à un espace public, vienne remplacer nos villes et nos villages ? Est-on d’accord pour que ces espaces, « ouverts temporairement au public » sous gestion privée, soient les villes de demain ? Notre objectif est d’arriver à ce que ce sujet de l’urbanisme commercial soit débattu par l’ensemble de la société corse. Pour ma part, je pense qu’on ne peut pas laisser le développement de la Corse entre les mains de quelques opérateurs privés qui ont comme objectif, non le bien-être des populations et encore moins la survie des centres villes, mais un profit de court terme.
- Quels artistes ou professionnels participent à l’exposition ?
- Le photographe Philippe Pierangeli expose « Photographies de centres commerciaux en Corse : l’espace et les lieux ». Une artiste italienne, Maria Elena Fantoni, propose une « Installation sonore et vidéo sur les noms des centres commerciaux en Italie ». L’urbaniste maquettiste Marc-Antoine Campana présente une maquette du centre-ville d’Aiacciu qui se confronte à la périphérie. Le cartographe Pierre-Louis Centonze a réalisé une carte en format A0 qui montre la dynamique commerciale et urbaine en Corse et une comparaison Corse/ Sardaigne.
- Qu’ont-ils voulu montrer ?
- Le choix, qui a été fait, est d’expliciter ces « non lieux » sous la forme d’une exposition pour bien montrer comment ces centres commerciaux transforment à la fois l’espace, les lieux de vie et influencent les relations sociales, le mode de vie. En filigrane, ces exposants s’interrogent sur le modèle de société que ce mode de consommation induit. La comparaison avec la Sardaigne et le Pays Basque permet de croiser les approches.
- Quel est le thème de la table ronde ? Avec quels participants ?
- La table ronde a vocation à donner la parole aux artistes et créatifs qui participent à l’exposition pour qu’ils expliquent comment ils ont travaillé, pourquoi ils ont voulu traiter la problématique des zones commerciales de telle ou telle manière. Le débat sera enrichi par d’autres intervenants : Frank Gintrand, spécialiste des centres commerciaux et auteur du livre « Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes », Pierre Savelli, maire de Bastia, et Lorena Lopez, présidente de l’Alliance Libre Européenne (ALE) qui nous donnera un éclairage sur le Pays Basque. Enfin, le but de cette table ronde est d’avoir un maximum d’échanges avec la salle.
- Cette problématique des centres commerciaux est-elle toujours aussi prégnante et sensible en Corse ?
- Oui ! La Corse a connu une forte augmentation de centres commerciaux ces dernières années, notamment dans la région ajaccienne. Les lois nationales françaises encouragent et favorisent l’installation de grandes surfaces. Autrement dit, nous n’avons aucun outil juridique ou réglementaire adapté et spécifique à la Corse qui nous permettrait de limiter le développement des zones commerciales. Les communes sont peu ou pas dotées de document d’urbanisme, donc sans planification. Les zones commerciales se construisent au coup par coup pour atteindre une densité de 583 m2 de surfaces commerciales pour 1000 habitants en Corse, ce qui est supérieur à la moyenne nationale française autour de 350 m2/1000 habitants. Autrement dit, nous disposons d’un nombre de m2 de surfaces commerciales par habitant supérieure à la quasi-totalité des régions de France. Et les chiffres sont encore plus alarmants quand on les compare avec ceux de l’Italie ou de l’Allemagne, car la France est l’un des pays d’Europe avec le plus de centres commerciaux périphériques.
- Qu’en est-il des projets en suspens ?
- La cartographie, qui a été faite dans le cadre de l’exposition, montre que l’île est en état de suréquipement commercial. Les projets en suspens ne feront qu’amplifier le phénomène s’ils obtiennent des avis favorables de la Commission départementale d’aménagement commercial ou de la Commission nationale.
- Les consommateurs changent de comportement, achètent en circuit court ou sur le Net. Ces mégastructures sont-elles toujours tendance ?
- Il faut faire attention à deux discours qui servent, en réalité, les intérêts des acteurs de la grande distribution. D’abord, les fantasmes sur les achats en ligne : ils ne représentent qu’environ 9% des achats globaux, ce chiffre est stable depuis plusieurs années. Aussi l’argument qui tendrait à dire qu’il vaut mieux un bon gros centre commercial en périphérie plutôt qu’Amazon n’est que très partiellement fondé. Ensuite, la question de la baisse de fréquentation des centres commerciaux. Elle a, effectivement, eu lieu il y a quelques années, conduisant la grande distribution et les promoteurs à proposer d’autres types de zones commerciales, notamment les retail parks (centres commerciaux à ciel ouvert) ou encore le concept de « shopping promenade » développé par Frey (Foncière immobilière). Comme le dit Frank Gintrand dans son ouvrage, même si la forme change, le fond reste le même. Près de 60% des achats s’effectuent en France en périphérie des villes, ce chiffre pourrait atteindre 70 à 80% dans les années à venir si rien n’est fait. Donc, la pression est réelle et les promoteurs ne vont pas abandonner un marché aussi lucratif.
- L’exposition, qui se tient du 19 au 23 novembre au musée de Bastia, a-t-elle vocation à tourner ailleurs ?
- Tout à fait. Notre objectif est de sensibiliser un maximum de territoires à cette question. Pour cela, j’espère faire tourner cette exposition dans le courant de l’année prochaine à Aiacciu, en Balagne, en Centre Corse ou encore dans l’Extrême-Sud. Et comme à Bastia, notre souhait est d’échanger avec le public et de pouvoir débattre librement d’un sujet qui a des conséquences majeures sur nos territoires et sur la manière dont la Corse va se développer dans les années à venir.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- La table ronde a vocation à donner la parole aux artistes et créatifs qui participent à l’exposition pour qu’ils expliquent comment ils ont travaillé, pourquoi ils ont voulu traiter la problématique des zones commerciales de telle ou telle manière. Le débat sera enrichi par d’autres intervenants : Frank Gintrand, spécialiste des centres commerciaux et auteur du livre « Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes », Pierre Savelli, maire de Bastia, et Lorena Lopez, présidente de l’Alliance Libre Européenne (ALE) qui nous donnera un éclairage sur le Pays Basque. Enfin, le but de cette table ronde est d’avoir un maximum d’échanges avec la salle.
- Cette problématique des centres commerciaux est-elle toujours aussi prégnante et sensible en Corse ?
- Oui ! La Corse a connu une forte augmentation de centres commerciaux ces dernières années, notamment dans la région ajaccienne. Les lois nationales françaises encouragent et favorisent l’installation de grandes surfaces. Autrement dit, nous n’avons aucun outil juridique ou réglementaire adapté et spécifique à la Corse qui nous permettrait de limiter le développement des zones commerciales. Les communes sont peu ou pas dotées de document d’urbanisme, donc sans planification. Les zones commerciales se construisent au coup par coup pour atteindre une densité de 583 m2 de surfaces commerciales pour 1000 habitants en Corse, ce qui est supérieur à la moyenne nationale française autour de 350 m2/1000 habitants. Autrement dit, nous disposons d’un nombre de m2 de surfaces commerciales par habitant supérieure à la quasi-totalité des régions de France. Et les chiffres sont encore plus alarmants quand on les compare avec ceux de l’Italie ou de l’Allemagne, car la France est l’un des pays d’Europe avec le plus de centres commerciaux périphériques.
- Qu’en est-il des projets en suspens ?
- La cartographie, qui a été faite dans le cadre de l’exposition, montre que l’île est en état de suréquipement commercial. Les projets en suspens ne feront qu’amplifier le phénomène s’ils obtiennent des avis favorables de la Commission départementale d’aménagement commercial ou de la Commission nationale.
- Les consommateurs changent de comportement, achètent en circuit court ou sur le Net. Ces mégastructures sont-elles toujours tendance ?
- Il faut faire attention à deux discours qui servent, en réalité, les intérêts des acteurs de la grande distribution. D’abord, les fantasmes sur les achats en ligne : ils ne représentent qu’environ 9% des achats globaux, ce chiffre est stable depuis plusieurs années. Aussi l’argument qui tendrait à dire qu’il vaut mieux un bon gros centre commercial en périphérie plutôt qu’Amazon n’est que très partiellement fondé. Ensuite, la question de la baisse de fréquentation des centres commerciaux. Elle a, effectivement, eu lieu il y a quelques années, conduisant la grande distribution et les promoteurs à proposer d’autres types de zones commerciales, notamment les retail parks (centres commerciaux à ciel ouvert) ou encore le concept de « shopping promenade » développé par Frey (Foncière immobilière). Comme le dit Frank Gintrand dans son ouvrage, même si la forme change, le fond reste le même. Près de 60% des achats s’effectuent en France en périphérie des villes, ce chiffre pourrait atteindre 70 à 80% dans les années à venir si rien n’est fait. Donc, la pression est réelle et les promoteurs ne vont pas abandonner un marché aussi lucratif.
- L’exposition, qui se tient du 19 au 23 novembre au musée de Bastia, a-t-elle vocation à tourner ailleurs ?
- Tout à fait. Notre objectif est de sensibiliser un maximum de territoires à cette question. Pour cela, j’espère faire tourner cette exposition dans le courant de l’année prochaine à Aiacciu, en Balagne, en Centre Corse ou encore dans l’Extrême-Sud. Et comme à Bastia, notre souhait est d’échanger avec le public et de pouvoir débattre librement d’un sujet qui a des conséquences majeures sur nos territoires et sur la manière dont la Corse va se développer dans les années à venir.
Propos recueillis par Nicole MARI.
Antonia Luciani, secrétaire générale de la Fondation Coppieters et organisatrice de l’évènement.