La salle des délibérations de la Collectivité de Corse est pleine, ce lundi matin, pour l’installation de la Chambre des territoires nouvelle formule, et bruisse d’une atmosphère assez inhabituelle en ce lieu. Il est vrai que cette institution a, pendant ses trois premières mandatures, rarement fait le plein de ses membres, et comme l’a précisé, d’expérience, un maire qui fut, pour sa part, l’un des rares assidus : « Nous avons souvent fini la séance à 10 », 10 sur 38 membres. Il est vrai aussi que sa composition laissait une place réduite aux collectivités locales et que la nouvelle formule pallie ce défaut : « Un travail important a été mené pour faire évoluer la composition de la Chambre des territoires, toutes nos propositions n’ont pas été prises en compte, mais aujourd’hui l’ensemble des intercommunalités de Corse sont représentées et les maires largement présents. La Chambre des territoires est mieux armée en termes de composition pour jouer pleinement son rôle », explique son président Gilles Simeoni, également président du Conseil exécutif. Dans la nouvelle formule, le nombre d’élus est augmenté à 44 dont tous, à l’exception des présidents du Comité de massif et du Comité de bassin, représentent les communes et intercommunalités. Le président Simeoni regrette que le principe de parité n’ait pas été appliqué et que les associations des maires n’aient pu pour des raisons juridiques être représentées. Parmi les nouveaux élus, certains ont déjà siégé dans plusieurs institutions, comme le maire de Bunifaziu, Jean-Charles Orsucci, les maires de Pietrosella ou de San Giulianu, ou encore le maire de Belgudè et président l'intercommunalité Lisula-Balagna, Lionel Mortini. Les sessions se tiendront désormais tous les deux mois.
Une caisse de résonance
Alors pourquoi ce subit engouement pour une instance méprisée que l’on taxe volontiers de « coquille vide », en oubliant le travail qu’elle a fourni sur nombre de problématiques du quotidien ? « La Chambre des Territoires a longtemps été considérée par certains comme une innovation institutionnelle à visée symbolique, dépourvue d’intérêt politique et pratique, or, elle s’est avérée être au fil des années, une instance régulièrement réunie, sérieuse, produisant des avis fondés sur l’expérience et la pratique des responsabilités aux échelons communaux et intercommunaux, c’est-à-dire au plus près des Corses, de leurs soucis, de leurs besoins et de leurs attentes. Que ce soit sur la question de l’eau, du déploiement du haut débit, des incendies, des routes, de l’urbanisme et tant d’autres sujets, certains ont joué le jeu de l’institution et formulé critiques, remarques constructives, alertes diverses et variées », estime la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis. Elle affirme que la Chambre des Territoires est utile, qu’elle doit encore déployer toutes ses compétences et évoluer. « Ce sera un des sujets à traiter dans le cadre des discussions sur l’organisation interne de nos institutions et soyez assurés que l’Assemblée de Corse sera attentive à faire valoir la représentation des échelons infra-territoriaux tant dans nos institutions, que dans la carte administrative de notre île ou l’évaluation des ressources nécessaires à leur bon fonctionnement ». Mais assure-t-elle « peu importent les cadres et les contenants, e qui compte c’est le projet, le contenu, les réalisations. Et c’est dans cet esprit qu’il convient de travailler car la Corse a besoin de paix. Cette paix passe d’abord et avant tout par un développement équilibré entre nos territoires qui passe lui-même par une maîtrise par la puissance publique d’outils d’autogouvernement adaptés aux réalités de nos territoires qu’ils soient ruraux, urbains, de littoral, de montagne. Cette institution peut devenir une véritable caisse de résonance et de propositions de nos territoires ».
Des garanties aux territoires
Si Gilles Simeoni insiste sur la nécessité de renforcer les liens avec les territoires « vrai enjeu et vraie attente » et replace le rôle des collectivités locales dans la perspective du statut d’autonomie, des maires expriment leurs inquiétudes sur une éventuelle concentration des pouvoirs au sein d’une seule entité omnipotente. « Il n’est pas possible qu’il y ait une régression des compétences des communes et intercommunalités, et une tutelle d’une collectivité sur une autre, les compétences doivent être partagées », déclare Jean-Baptiste Luccioni, maire de Pietrusellu. « Nos collectivités ont de moins en moins d’autonomie du fait de la volonté de l’Etat de récupérer des leviers financiers. On ne peut pas nous considérer comme des élus qui ne savent pas gérer. A travers les différences décisions prises par les gouvernements, on limite cette légitimité ». Une crainte partagée par Jean-Charles Orsucci, maire de Bunifaziu : « Je ne me reconnais pas dans le document qui a été voté parce qu’il transpire le statut calédonien, mais c’est un document de travail qui a le mérite d’ouvrir le débat avec le gouvernement. Tant qu’il y aura des gens comme vous, je n’ai pas d’inquiétude sur le roi de Corse, mais il est fondamental d’avoir à l’esprit un contre-pouvoir, le donner aux intercommunalités pour qu’elles puissent jouer le rôle du département ». Le président de l’Exécutif tente de rassurer en listant les garanties à donner aux territoires : « Ces inquiétudes font partie des problématiques que nous avons vocation à aborder et à traiter au cours de la deuxième phase du processus qui va désormais s’ouvrir après que l’Assemblée ait exprimé dans une délibération et envoyé sa vision du futur statut des institutions de la Corse ». Institutions qui devront être, indique-t-il « équilibrées, démocratiques, qu’elles laissent la place à la subsidiarité interne avec un équilibre à construire au sein des instances de la collectivité de Corse et au-delà dans un véritable dialogue et équilibre des pouvoirs entre la collectivité de Corse et les niveaux infra-territoriaux en réfléchissant à leur périmètre, à la répartition des compétences et des moyens financiers et budgétaires qui permettent à chaque niveau de responsabilité d’exercer pleinement les prérogatives qui sont les siennes ». Et de proposer : « Nous ne devons rien nous interdire ! Nous pouvons réfléchir ensemble sur les modes d’organisation politique les plus efficaces. J’ai plaidé pour un bicamérisme avec un pouvoir de navette ».
Alors pourquoi ce subit engouement pour une instance méprisée que l’on taxe volontiers de « coquille vide », en oubliant le travail qu’elle a fourni sur nombre de problématiques du quotidien ? « La Chambre des Territoires a longtemps été considérée par certains comme une innovation institutionnelle à visée symbolique, dépourvue d’intérêt politique et pratique, or, elle s’est avérée être au fil des années, une instance régulièrement réunie, sérieuse, produisant des avis fondés sur l’expérience et la pratique des responsabilités aux échelons communaux et intercommunaux, c’est-à-dire au plus près des Corses, de leurs soucis, de leurs besoins et de leurs attentes. Que ce soit sur la question de l’eau, du déploiement du haut débit, des incendies, des routes, de l’urbanisme et tant d’autres sujets, certains ont joué le jeu de l’institution et formulé critiques, remarques constructives, alertes diverses et variées », estime la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis. Elle affirme que la Chambre des Territoires est utile, qu’elle doit encore déployer toutes ses compétences et évoluer. « Ce sera un des sujets à traiter dans le cadre des discussions sur l’organisation interne de nos institutions et soyez assurés que l’Assemblée de Corse sera attentive à faire valoir la représentation des échelons infra-territoriaux tant dans nos institutions, que dans la carte administrative de notre île ou l’évaluation des ressources nécessaires à leur bon fonctionnement ». Mais assure-t-elle « peu importent les cadres et les contenants, e qui compte c’est le projet, le contenu, les réalisations. Et c’est dans cet esprit qu’il convient de travailler car la Corse a besoin de paix. Cette paix passe d’abord et avant tout par un développement équilibré entre nos territoires qui passe lui-même par une maîtrise par la puissance publique d’outils d’autogouvernement adaptés aux réalités de nos territoires qu’ils soient ruraux, urbains, de littoral, de montagne. Cette institution peut devenir une véritable caisse de résonance et de propositions de nos territoires ».
Des garanties aux territoires
Si Gilles Simeoni insiste sur la nécessité de renforcer les liens avec les territoires « vrai enjeu et vraie attente » et replace le rôle des collectivités locales dans la perspective du statut d’autonomie, des maires expriment leurs inquiétudes sur une éventuelle concentration des pouvoirs au sein d’une seule entité omnipotente. « Il n’est pas possible qu’il y ait une régression des compétences des communes et intercommunalités, et une tutelle d’une collectivité sur une autre, les compétences doivent être partagées », déclare Jean-Baptiste Luccioni, maire de Pietrusellu. « Nos collectivités ont de moins en moins d’autonomie du fait de la volonté de l’Etat de récupérer des leviers financiers. On ne peut pas nous considérer comme des élus qui ne savent pas gérer. A travers les différences décisions prises par les gouvernements, on limite cette légitimité ». Une crainte partagée par Jean-Charles Orsucci, maire de Bunifaziu : « Je ne me reconnais pas dans le document qui a été voté parce qu’il transpire le statut calédonien, mais c’est un document de travail qui a le mérite d’ouvrir le débat avec le gouvernement. Tant qu’il y aura des gens comme vous, je n’ai pas d’inquiétude sur le roi de Corse, mais il est fondamental d’avoir à l’esprit un contre-pouvoir, le donner aux intercommunalités pour qu’elles puissent jouer le rôle du département ». Le président de l’Exécutif tente de rassurer en listant les garanties à donner aux territoires : « Ces inquiétudes font partie des problématiques que nous avons vocation à aborder et à traiter au cours de la deuxième phase du processus qui va désormais s’ouvrir après que l’Assemblée ait exprimé dans une délibération et envoyé sa vision du futur statut des institutions de la Corse ». Institutions qui devront être, indique-t-il « équilibrées, démocratiques, qu’elles laissent la place à la subsidiarité interne avec un équilibre à construire au sein des instances de la collectivité de Corse et au-delà dans un véritable dialogue et équilibre des pouvoirs entre la collectivité de Corse et les niveaux infra-territoriaux en réfléchissant à leur périmètre, à la répartition des compétences et des moyens financiers et budgétaires qui permettent à chaque niveau de responsabilité d’exercer pleinement les prérogatives qui sont les siennes ». Et de proposer : « Nous ne devons rien nous interdire ! Nous pouvons réfléchir ensemble sur les modes d’organisation politique les plus efficaces. J’ai plaidé pour un bicamérisme avec un pouvoir de navette ».
Entre politique et pragmatisme
Si en début de séance, les vétérans saluaient « la concorde » et « l’esprit transpartisan » des anciennes mandatures qui avait permis « des compromis dans l’intérêt de la Corse », la personnalité de certains entrants et leur première prise de parole laissent plutôt augurer une mandature plus polémique, parce que plus politique au regard justement de l’enjeu de l’autonomie. Ce qui a fini par exaspérer Pierre Marcellesi, maire de Zoza et président de la communauté de communes de l'Alta Rocca : « On était parti pour une nouvelle ère, j’ai des doutes sur le fonctionnement de cette Chambre ». Pour lui, elle doit fonctionner comme « une conférence de coordination de l’action publique et voir comment faire pour que ça fonctionne dans les territoires, voir comment ça s’articule. Mon territoire connaît un certain nombre de déficits infra-structurants parce qu’il manque de coordination avec les échelons supérieurs, y compris l’Etat. C’est le travail pragmatique des élus de cette Chambre, nous n’avons pas ici la légitimité de donner un avis, on commence bizarrement ! ». L’enjeu, poursuit-il, est de « travailler sur de vraies questions, et pas arriver à autre chose. Sur des sujets qui concernent directement les populations des territoires souvent les plus contraints. Il faut arrêter là aussi de courir derrière les chimères qui sont étrangères au quotidien des populations. Ce sont les infrastructures qui vont renforcer les solidarités entre les territoires, l’eau, l’assainissement, l’urbanisme, les considérations d’ordre social, économique, voilà ce que doit traiter une Chambre des territoires ». Ce qui fait défaut, juge-t-il, dans les politiques publiques, « c’est l’évaluation. On parle d’évolution sans même avoir dresser un bilan ou un rapport d’étape. La Chambre des territoires a vocation aussi, peut-être à s’en emparer, ce qui permettra éventuellement de franchir une strate supplémentaire ».
Un plan d’urgence
Travailler sur les problématiques quotidiennes surtout dans les villages de l’intérieur dont certains jouent leur survie, c’est bien l’avis de Jean-Jacques Gianni, maire d’Evisa. Il plaide pour « un plan d’urgence de revitalisation de l’intérieur. La viabilité de nos villages est-elle à l’ordre du jour ? Dans un processus, on oublie les plus pauvres qui en paient les conséquences. Si l’espoir renait dans nos villages et dans nos campagnes, depuis le Covid, pour une vie meilleure, c’est à cause de la solidarité. Dans ce mouvement de la Corse, j’espère que l’intérieur ne sera pas oublié et qu’on continuera les efforts qui sont faits parce que le combat vient juste de commencer ». Le président Simeoni ne voit, pour sa part, aucune incompatibilité entre le parti-pris politique des uns et le pragmatisme des autres : « Dans une assemblée, les élus font de la politique, c’est normal et salutaire, y compris, quand ils sont maires ou présidents d’intercommunalités. Des différences doivent pouvoir s’exprimer notamment sur le statut d’autonomie avec un débat là-dessus ». Tout en saluant le pragmatisme de la Chambre des territoires, « du fait que les élus sont confrontés souvent aux problématiques et savent qu’il faut trouver des réponses opérationnelles. On peut trouver des points de convergence et d’équilibre qui sont indispensables à ce contrat que nous sommes en train de construire ». Quand à l’autonomie, il affirme qu’il « n’est pas envisageable d’engager la Corse dans une logique d’aventure, ni de régression. Le pari de l’autonomie est le pari de la responsabilité et de la réussite collectives ».
N.M.
Si en début de séance, les vétérans saluaient « la concorde » et « l’esprit transpartisan » des anciennes mandatures qui avait permis « des compromis dans l’intérêt de la Corse », la personnalité de certains entrants et leur première prise de parole laissent plutôt augurer une mandature plus polémique, parce que plus politique au regard justement de l’enjeu de l’autonomie. Ce qui a fini par exaspérer Pierre Marcellesi, maire de Zoza et président de la communauté de communes de l'Alta Rocca : « On était parti pour une nouvelle ère, j’ai des doutes sur le fonctionnement de cette Chambre ». Pour lui, elle doit fonctionner comme « une conférence de coordination de l’action publique et voir comment faire pour que ça fonctionne dans les territoires, voir comment ça s’articule. Mon territoire connaît un certain nombre de déficits infra-structurants parce qu’il manque de coordination avec les échelons supérieurs, y compris l’Etat. C’est le travail pragmatique des élus de cette Chambre, nous n’avons pas ici la légitimité de donner un avis, on commence bizarrement ! ». L’enjeu, poursuit-il, est de « travailler sur de vraies questions, et pas arriver à autre chose. Sur des sujets qui concernent directement les populations des territoires souvent les plus contraints. Il faut arrêter là aussi de courir derrière les chimères qui sont étrangères au quotidien des populations. Ce sont les infrastructures qui vont renforcer les solidarités entre les territoires, l’eau, l’assainissement, l’urbanisme, les considérations d’ordre social, économique, voilà ce que doit traiter une Chambre des territoires ». Ce qui fait défaut, juge-t-il, dans les politiques publiques, « c’est l’évaluation. On parle d’évolution sans même avoir dresser un bilan ou un rapport d’étape. La Chambre des territoires a vocation aussi, peut-être à s’en emparer, ce qui permettra éventuellement de franchir une strate supplémentaire ».
Un plan d’urgence
Travailler sur les problématiques quotidiennes surtout dans les villages de l’intérieur dont certains jouent leur survie, c’est bien l’avis de Jean-Jacques Gianni, maire d’Evisa. Il plaide pour « un plan d’urgence de revitalisation de l’intérieur. La viabilité de nos villages est-elle à l’ordre du jour ? Dans un processus, on oublie les plus pauvres qui en paient les conséquences. Si l’espoir renait dans nos villages et dans nos campagnes, depuis le Covid, pour une vie meilleure, c’est à cause de la solidarité. Dans ce mouvement de la Corse, j’espère que l’intérieur ne sera pas oublié et qu’on continuera les efforts qui sont faits parce que le combat vient juste de commencer ». Le président Simeoni ne voit, pour sa part, aucune incompatibilité entre le parti-pris politique des uns et le pragmatisme des autres : « Dans une assemblée, les élus font de la politique, c’est normal et salutaire, y compris, quand ils sont maires ou présidents d’intercommunalités. Des différences doivent pouvoir s’exprimer notamment sur le statut d’autonomie avec un débat là-dessus ». Tout en saluant le pragmatisme de la Chambre des territoires, « du fait que les élus sont confrontés souvent aux problématiques et savent qu’il faut trouver des réponses opérationnelles. On peut trouver des points de convergence et d’équilibre qui sont indispensables à ce contrat que nous sommes en train de construire ». Quand à l’autonomie, il affirme qu’il « n’est pas envisageable d’engager la Corse dans une logique d’aventure, ni de régression. Le pari de l’autonomie est le pari de la responsabilité et de la réussite collectives ».
N.M.