Le père Gaston Pietri, André Paccou, élu national de la Ligue des droits de l’Homme, et Ange-Pierre Vivoni, président de l'association des maires de Haute-Corse.
- Quel bilan tirez-vous de cette 1ère étape ?
- Depuis la publication de l’appel citoyen, le 15 juin dernier, nous avons mené un certain nombre d’actions. Nous avons, notamment, tenu, le 22 juin, une réunion publique à Corte qui a réuni 70 personnes. Cette réunion a été très importante parce qu’elle a confirmé que nous pouvions développer une démarche dans la diversité représentative de la société corse. Des attentes ont été exprimées autour d’un certain nombre d’axes. Le 20 juillet, les 11 signataires de cet appel se sont réunis pour faire le point. Nous avons, alors, décidé d’organiser une 2ème rencontre publique qui aura lieu le 21 septembre à l’Université de Corse, dans l’après-midi.
- Pourquoi organiser une 2nde réunion ?
- Pour remettre en débat les problématiques essentielles qui nous ont paru ressortir de la 1ère rencontre. A savoir : les droits de l’Homme, la nécessité de la loi pour faire société, le développement social, la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Ont, aussi, été abordées, à plusieurs reprises, les questions de l’Etat, de la jeunesse et de l’éducation. Nous allons, en quelque sorte, restituer au public ce que nous avons retenu et réfléchir avec lui aux actions que nous pouvons développer à partir de cette 1ère étape.
- Avez-vous déjà mis en place des actions ?
- Toujours, dans la foulée de cette réunion de juin, un certain nombre de personnes sont venues nous voir, désireuses de s’associer à notre démarche. Nous avons, donc, choisi de constituer un comité de soutien à « l’appel contre les assassinats et la loi de la jungle ». Nous avons commencé à travailler pendant l’été avec d’autres. Actuellement, une soixantaine de personnes font, déjà, partie de ce comité.
- Que faut-il faire pour y adhérer ?
- Pour l’instant, nous n’avons pas encore de page Internet. Nous projetons de créer un blog. Nous allons nous donner les outils et trouver la démarche qu’il faut pour mettre en place un processus dans le temps. Nous ne sommes pas une organisation, nous sommes 11 personnes. Nous n’avons pas de logistique particulière. Notre seule logistique est notre conscience ! Nous voulons y associer d’autres consciences.
- Lancez-vous un nouvel appel ?
- Oui. Nous lançons un appel à l’insurrection des consciences. La réunion du 21 septembre à l’université sera un moyen, pour ceux qui sont intéressés, de nous rejoindre et de nous dire s’ils sont d’accord pour adhérer au comité de soutien et participer à notre démarche. Nous mettrons, à cette occasion, en débat la question des outils qu’il faut inventer afin que cette démarche soit accessible au plus grand nombre.
- Qu’entendez-vous par « insurrection des consciences » ?
- Notre appel, dont l’intitulé est « contre les assassinats et la loi de la jungle », se veut, d’abord, contre… c’est-à-dire qu’il est, dans un 1er temps, un cri de colère et d’inquiétude contre un certain nombre de phénomènes et contre des hommes et des femmes qui sont responsables de ces phénomènes. En même temps, il est le refus de la fatalité. Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas ce que va devenir la Corse dans 10 ou 15 ans ou demain… si nous affirmons que la Corse doit être autrement ! Si nous voulons qu’elle se construise sur des logiques de solidarité, de développement, de justice sociale, d’hospitalité et d’entraide, nous devons y travailler.
- De quelle manière ?
- Nous devons reprendre la parole. Nous appelons, donc, à une insurrection. Nous ne devons pas accepter ces dérives. Il faut nous révolter contre elles, mais la révolte doit être celle du chemin démocratique. A la loi de la jungle et à la loi de la violence, nous opposons la capacité démocratique et la capacité des citoyens à se mobiliser.
- Vous parlez de gens responsables de la violence. Qui sont-ils ?
- Dans notre appel, nous disons que l’Etat doit agir, cela veut dire qu’il doit lutter contre l’impunité. En Corse, des gens tuent, des gens sont responsables de gestes graves. L’Etat ne peut pas, sans arrêt, les laisser impunis. Sans quoi, cette impunité engendrera de plus en plus d’impunité, de plus en plus de dérives dans la société et de plus en plus de loi de la jungle ! Les gens, qui ont assisté à notre 1ère réunion publique au mois de juin, l’ont dit très clairement dans la diversité de leur représentation. Ils ont affirmé l’absolue nécessité de respecter les droits de l’Homme, notamment le droit à la vie, et les règles communes sans quoi on ne pourra pas faire société.
- L’Etat est-il, selon vous, le 1er responsable ?
- La responsabilité première, de faire en sorte que les lois et les droits soient garantis, est celle de l’Etat. En même temps, il y a la responsabilité des citoyens. Certains citoyens dévient. Quand ils dévient, ils prennent leurs responsabilités en disant qu’ils veulent une société où règne la loi du plus fort, la loi de la jungle et de l’enrichissement à n’importe quel prix. Nous prenons la nôtre en disant que nous voulons une société démocratique, de justice sociale, au service de tous. Deux projets de société sont face à face. Nous sommes dans un débat de société.
- Justement, vous dites que ce débat est essentiel. En quoi l’est-il ?
- Parce que, face à l’idée que l’argent roi, l’argent facile, est la solution à tous les problèmes, nous pensons qu’il faut remettre le politique, c’est-à-dire la capacité d’une société politique à définir son avenir, dans le sens de l’épanouissement des individus, du service public, de l’intérêt général et du droit commun. C’est le travail qu’une société politique doit faire sur elle-même à travers ses élus, ses syndicats, ses associations, ses citoyens, à travers tout ce que, potentiellement, elle peut mettre en œuvre pour construire la démocratie. Nous sommes dans cette démarche-là avec notre processus de mobilisation contre les assassinats et la loi de la jungle.
Propos recueillis par Nicole MARI
Me Linda Piperi, ancienne bâtonnière du barreau de Bastia, et l'artiste Patrizia Poli, membres du Collectif.
A suivre : l'interview de Me Linda Piperi, avocate et ancienne bâtonnière du barreau de Bastia.