Pourquoi une session extraordinaire alors ? La réponse de Pierre-Jean Luciani fuse aussitôt :
« Cette réunion possède à l’évidence un caractère extraordinaire car elle intervient, à 24h près, au terme de plusieurs mois d’un processus en vue de créer une Collectivité territoriale unique pour la Corse. C’est en effet demain, vous le savez, que l’Assemblée de Corse donnera son feu vert, ou non, aux projets d’ordonnances qui scelleront la prochaine organisation administrative de la Corse. En attendant, au nord comme au sud, les Conseils départementaux, bien que concernés par la réforme, enfin, jusqu’à preuve du contraire, sont invités à regarder bien sagement la télévision, à écouter la radio, à aller « sur internet » pour être informés du sort qu’on leur réserve. Voici une preuve je serais tenté de dire « de plus » de la volonté complice du gouvernement et des dirigeants (précédents et actuels) de la CTC de passer par pertes et profits les intérêts des Départements. Et je dois déplorer que depuis des mois rien n’y fait : à vous, chers collègues, à mon prédécesseur, Jean-Jacques Panunzi, à moi-même, ils sont restés indifférents… »
Inadmissible…
Le président du Conseil Départemental ne mâche pas ses mots, bien au contraire, il continue de pester contre le gouvernement qui se refuse à prendre l’avis du Département alors que demande en a été faite :
« Hélas! Alors que nous en avions fait très officiellement la demande, le Ministre Baylet, en promenade dans notre île la semaine dernière, nous l’a refusée.
C’est la raison pour laquelle Pierre-Jean Luciani a provoqué cette session extraordinaire, notamment pour examiner les projets d’ordonnances qui vont être présenté dans un peu plus d’un mois en Conseil de Ministres :
« L’exercice qui nous occupe est, par nature critique, mais également un exercice de responsabilité. Je considère en effet que les échanges que nous avons et que nous aurons doivent nous permettre de prendre date. Pour ma part, je tiens à préciser les raisons qui fondent ma désapprobation et dire que le temps des propositions viendra. Il viendra vite, dans un cadre plus approprié, un cadre politique.
Première raison : Il ne pouvait pas en être autrement, l’article 30 étant lui-même bâclé et incomplet, les ordonnances ne pouvaient être que lacunaires. Elles le sont pour deux motifs. Le champ d’habilitation, trop restrictif, n’autorise pas d’aller au-delà des termes de la loi. L’inverse aurait permis de régler des questions aussi délicates que :
- La situation des agents, notamment en termes de conditions de travail
- Les modalités de transition à l’issue du renouvellement politique. Tout semble être rédigé dans l’hypothèse d’une réélection des nouveaux dirigeants et calqué sur leur gouvernance actuelle ;
- L’évolution souhaitable pour les organismes et établissements dépendants des Départements. Nos propositions pour les SDIS, les Offices de l’Habitat, les Laboratoires d’analyse, les MDPH, pour ne citer que ceux-là, sont au mieux restées sans suite, au pire réprouvées !
« La liste est longue des occasions manquées… celle des erreurs aussi. Comment par exemple imaginer une minute que la pseudo « Chambre des territoires », ajoutée à la hâte au projet (au début du mois de juillet) ne sera pas censurée par le Conseil d’Etat ? En outre, dans son intervention lundi dernier, le Ministre Baylet, à tort ou à raison, présentait la réforme comme « exceptionnelle, historique, n’ayant aucun équivalent en France » (ce qui en soi n’est guère rassurant !). Si c’est vrai alors pourquoi avoir fait un « copier-coller » des textes qui ont indifféremment servis à la fusion entre collectivités en Martinique, en Guyane et même entre le Conseil départemental du Rhône et de la Communauté Urbaine de Lyon ? Ils ont seulement oublié une petite chose à Paris. La Corse est particulière. Tellement particulière qu’on l’a même dotée d’un statut pour cela. Or, dans sa conception, cet aspect des choses a été négligé par la réforme. Tout comme le fait qu’en Corse ce sont trois collectivités de nature différente qui fusionnent. Cela n’a rien de comparable aux cas dont je viens de parler. Ni même à ceux qui ont récemment concerné les régions continentales. A ce stade, ce n’est plus de l’incompétence, c’est du mépris !
Seconde raison : L’article 30, qui ressemble à s’y méprendre à un acte de liquidation du patrimoine matériel et intellectuel du Département, ne brise pas le mythe d’une simple fusion des compétences. Ce qui faisait d’ailleurs dire au Sénateur Panunzi la semaine dernière que « la réforme se limite à la seule suppression des Conseils départementaux ». Sans vision ni projet, les ordonnances ne traduisent pas grand-chose. Inutile par conséquent de chercher dans le texte « institutionnel » des éléments de réponse aux questions de proximité. Le Département, qui apparaissait jusque-là comme le niveau des solidarités humaines et territoriales, semble condamner à assister impuissant à la relégation de ses compétences. La région, échelon stratégique, aux missions structurantes parait confortée dans la supériorité de son rôle et la valeur de son action. Il ne faut pas craindre de l’affirmer, la concentration des pouvoirs sera excessive et fragilisera la prise de décision, condamnée à être suspectée. Absolument rien, dans le modèle qui nous est proposé, ne permet d’affirmer que toutes les populations et tous les territoires seront respectés. Cette impression est d’ailleurs doublement renforcée par l’ordonnance financière.
Des ordonnances pour quoi faire ?
Pierre-Jean Luciani a rappelé que l’effort demandé à la Corse du Sud s’apparentait à une injustice, faisant allusion à la bonne santé du département de la Corse du Sud contrairement à celle de la CTC et du département de la Haute-Corse avec ce commentaire :
« Au sud, la population bénéficie d’un niveau de services supérieur à celui du Nord. La fiscalité y est contenue. Tout indique que la péréquation (la solidarité) sera négative alors que l’objectif affiché de la Collectivité unique est l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens. Comprenne qui pourra. J’ajouterai que les ordonnances n’apportent aucune garantie financière, aucuns moyens nouveaux dont nous pensons qu’ils seront indispensables pour exercer les compétences transférées. A son avènement, regardez ce qui se passe sur le continent, la nouvelle collectivité sera incapable de faire des économies d’échelle. Au contraire. C’est pourquoi, je veux, en votre nom, obtenir des assurances en faveur du maintien des politiques publiques, conduites avec succès jusque-là, en faveur de nos territoires. Finalement, que constatons-nous ?
Que cette réforme ne satisfait personne… parce qu’elle est précipitée et tout simplement inopportune. Sur l’échiquier politique corse, aucun des protagonistes n’est en mesure d’exprimer un quelconque enthousiasme.
Les dirigeants nationalistes disent un jour qu’ils sont « inquiets » et que le projet du gouvernement n’est pas assez ambitieux ni assez financé, bref, qu’il ne leur convient pas ! Et le lendemain, le Président Talamoni affirme dans le Figaro être « en phase » avec le même gouvernement, allant même jusqu’à l’ « implorer » de rendre, sans perdre une minute, la collectivité unique « irréversible » au mépris d’une règle démocratique qui prévoit que ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire. Dans cette panade générale, on tente de nous faire croire que la CTC contribue à améliorer le texte initial… Peut-être. Mais sur rien d’essentiel. Rien qui concerne la juste répartition des pouvoirs, rien qui assure aux territoires le même degré d’attention.
« Cette réunion possède à l’évidence un caractère extraordinaire car elle intervient, à 24h près, au terme de plusieurs mois d’un processus en vue de créer une Collectivité territoriale unique pour la Corse. C’est en effet demain, vous le savez, que l’Assemblée de Corse donnera son feu vert, ou non, aux projets d’ordonnances qui scelleront la prochaine organisation administrative de la Corse. En attendant, au nord comme au sud, les Conseils départementaux, bien que concernés par la réforme, enfin, jusqu’à preuve du contraire, sont invités à regarder bien sagement la télévision, à écouter la radio, à aller « sur internet » pour être informés du sort qu’on leur réserve. Voici une preuve je serais tenté de dire « de plus » de la volonté complice du gouvernement et des dirigeants (précédents et actuels) de la CTC de passer par pertes et profits les intérêts des Départements. Et je dois déplorer que depuis des mois rien n’y fait : à vous, chers collègues, à mon prédécesseur, Jean-Jacques Panunzi, à moi-même, ils sont restés indifférents… »
Inadmissible…
Le président du Conseil Départemental ne mâche pas ses mots, bien au contraire, il continue de pester contre le gouvernement qui se refuse à prendre l’avis du Département alors que demande en a été faite :
« Hélas! Alors que nous en avions fait très officiellement la demande, le Ministre Baylet, en promenade dans notre île la semaine dernière, nous l’a refusée.
- Il est inadmissible que les conseillers départementaux, élus au scrutin majoritaire, au suffrage universel direct, soient « zappés » en vertu du principe de précaution. Triste principe invoqué par crainte de voir la « pensée unique » voler en éclats.
- Il est inadmissible, et je donne tort au Conseil départemental de Haute-Corse de ne pas s’être réuni, et incompréhensible (à la façon dont les choses se passent) que cette Collectivité de Corse n’ait pas reçu l’assentiment populaire le plus formel que nous étions nombreux à réclamer.
C’est la raison pour laquelle Pierre-Jean Luciani a provoqué cette session extraordinaire, notamment pour examiner les projets d’ordonnances qui vont être présenté dans un peu plus d’un mois en Conseil de Ministres :
« L’exercice qui nous occupe est, par nature critique, mais également un exercice de responsabilité. Je considère en effet que les échanges que nous avons et que nous aurons doivent nous permettre de prendre date. Pour ma part, je tiens à préciser les raisons qui fondent ma désapprobation et dire que le temps des propositions viendra. Il viendra vite, dans un cadre plus approprié, un cadre politique.
Première raison : Il ne pouvait pas en être autrement, l’article 30 étant lui-même bâclé et incomplet, les ordonnances ne pouvaient être que lacunaires. Elles le sont pour deux motifs. Le champ d’habilitation, trop restrictif, n’autorise pas d’aller au-delà des termes de la loi. L’inverse aurait permis de régler des questions aussi délicates que :
- La situation des agents, notamment en termes de conditions de travail
- Les modalités de transition à l’issue du renouvellement politique. Tout semble être rédigé dans l’hypothèse d’une réélection des nouveaux dirigeants et calqué sur leur gouvernance actuelle ;
- L’évolution souhaitable pour les organismes et établissements dépendants des Départements. Nos propositions pour les SDIS, les Offices de l’Habitat, les Laboratoires d’analyse, les MDPH, pour ne citer que ceux-là, sont au mieux restées sans suite, au pire réprouvées !
« La liste est longue des occasions manquées… celle des erreurs aussi. Comment par exemple imaginer une minute que la pseudo « Chambre des territoires », ajoutée à la hâte au projet (au début du mois de juillet) ne sera pas censurée par le Conseil d’Etat ? En outre, dans son intervention lundi dernier, le Ministre Baylet, à tort ou à raison, présentait la réforme comme « exceptionnelle, historique, n’ayant aucun équivalent en France » (ce qui en soi n’est guère rassurant !). Si c’est vrai alors pourquoi avoir fait un « copier-coller » des textes qui ont indifféremment servis à la fusion entre collectivités en Martinique, en Guyane et même entre le Conseil départemental du Rhône et de la Communauté Urbaine de Lyon ? Ils ont seulement oublié une petite chose à Paris. La Corse est particulière. Tellement particulière qu’on l’a même dotée d’un statut pour cela. Or, dans sa conception, cet aspect des choses a été négligé par la réforme. Tout comme le fait qu’en Corse ce sont trois collectivités de nature différente qui fusionnent. Cela n’a rien de comparable aux cas dont je viens de parler. Ni même à ceux qui ont récemment concerné les régions continentales. A ce stade, ce n’est plus de l’incompétence, c’est du mépris !
Seconde raison : L’article 30, qui ressemble à s’y méprendre à un acte de liquidation du patrimoine matériel et intellectuel du Département, ne brise pas le mythe d’une simple fusion des compétences. Ce qui faisait d’ailleurs dire au Sénateur Panunzi la semaine dernière que « la réforme se limite à la seule suppression des Conseils départementaux ». Sans vision ni projet, les ordonnances ne traduisent pas grand-chose. Inutile par conséquent de chercher dans le texte « institutionnel » des éléments de réponse aux questions de proximité. Le Département, qui apparaissait jusque-là comme le niveau des solidarités humaines et territoriales, semble condamner à assister impuissant à la relégation de ses compétences. La région, échelon stratégique, aux missions structurantes parait confortée dans la supériorité de son rôle et la valeur de son action. Il ne faut pas craindre de l’affirmer, la concentration des pouvoirs sera excessive et fragilisera la prise de décision, condamnée à être suspectée. Absolument rien, dans le modèle qui nous est proposé, ne permet d’affirmer que toutes les populations et tous les territoires seront respectés. Cette impression est d’ailleurs doublement renforcée par l’ordonnance financière.
Des ordonnances pour quoi faire ?
Pierre-Jean Luciani a rappelé que l’effort demandé à la Corse du Sud s’apparentait à une injustice, faisant allusion à la bonne santé du département de la Corse du Sud contrairement à celle de la CTC et du département de la Haute-Corse avec ce commentaire :
« Au sud, la population bénéficie d’un niveau de services supérieur à celui du Nord. La fiscalité y est contenue. Tout indique que la péréquation (la solidarité) sera négative alors que l’objectif affiché de la Collectivité unique est l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens. Comprenne qui pourra. J’ajouterai que les ordonnances n’apportent aucune garantie financière, aucuns moyens nouveaux dont nous pensons qu’ils seront indispensables pour exercer les compétences transférées. A son avènement, regardez ce qui se passe sur le continent, la nouvelle collectivité sera incapable de faire des économies d’échelle. Au contraire. C’est pourquoi, je veux, en votre nom, obtenir des assurances en faveur du maintien des politiques publiques, conduites avec succès jusque-là, en faveur de nos territoires. Finalement, que constatons-nous ?
Que cette réforme ne satisfait personne… parce qu’elle est précipitée et tout simplement inopportune. Sur l’échiquier politique corse, aucun des protagonistes n’est en mesure d’exprimer un quelconque enthousiasme.
Les dirigeants nationalistes disent un jour qu’ils sont « inquiets » et que le projet du gouvernement n’est pas assez ambitieux ni assez financé, bref, qu’il ne leur convient pas ! Et le lendemain, le Président Talamoni affirme dans le Figaro être « en phase » avec le même gouvernement, allant même jusqu’à l’ « implorer » de rendre, sans perdre une minute, la collectivité unique « irréversible » au mépris d’une règle démocratique qui prévoit que ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire. Dans cette panade générale, on tente de nous faire croire que la CTC contribue à améliorer le texte initial… Peut-être. Mais sur rien d’essentiel. Rien qui concerne la juste répartition des pouvoirs, rien qui assure aux territoires le même degré d’attention.
Les interventions
Plusieurs conseillers se sont manifestés après le discours du président parmi lesquels Marcel Francisci, Stéphane Vannucci, François Colonna, Mme Faggianelli, Valérie Bozzi, Charles Voglimacci et M. Mozziconacci, pour la plupart opposés au projet des ordonnances et à la Chambre des territoires. Le vote a d’ailleurs été unanime (deux absents).
Marcel Francisci a regretté « que la volonté d’engager un vrai débat démocratique avec tous les élus de Corse ait été purement et simplement bafoué par le gouvernement. Tout n’est que faux semblant. Dans un débat qui engage la orse sur un nouveau statut, dans un débat qui prévoit un « big bang » institutionnel, il était important que dans ce lieu démocratique, ce débat puisse vivre. La Corse a droit à une véritable loi spécifique cadrée, construite sans précipitation. Que nous a-t-on proposé ? Un véhicule législatif, un simple article raccroché à une loi. Nous voulons cette collectivité unique bien pensée, accessible, construite pour les corses, par tous les corses. Les ordonnances ont montré leurs limites. La méthode gouvernementale aussi. »
Stéphane Vannucci a rappelé « qu’une ordonnance vient compléter une loi et ne peut en aucun cas la modifier. C’est bien une des preuves que la précipitation engendre quelques problèmes. Cette nouvelle Chambre des Territoires qui sera composée en majorité d’élus de la nouvelle collectivité, une Chambre qui ne pourra pas se saisir de dossiers à étudier sans y être conviée, une Chambre qui, lorsqu’elle sera saisie rendra un avis consultatif, cette Chambre ne pourra jamais s’orienter contre les désirs du président de l’Exécutif. A qui peut-elle servir ? »
J.-F. V.
Marcel Francisci a regretté « que la volonté d’engager un vrai débat démocratique avec tous les élus de Corse ait été purement et simplement bafoué par le gouvernement. Tout n’est que faux semblant. Dans un débat qui engage la orse sur un nouveau statut, dans un débat qui prévoit un « big bang » institutionnel, il était important que dans ce lieu démocratique, ce débat puisse vivre. La Corse a droit à une véritable loi spécifique cadrée, construite sans précipitation. Que nous a-t-on proposé ? Un véhicule législatif, un simple article raccroché à une loi. Nous voulons cette collectivité unique bien pensée, accessible, construite pour les corses, par tous les corses. Les ordonnances ont montré leurs limites. La méthode gouvernementale aussi. »
Stéphane Vannucci a rappelé « qu’une ordonnance vient compléter une loi et ne peut en aucun cas la modifier. C’est bien une des preuves que la précipitation engendre quelques problèmes. Cette nouvelle Chambre des Territoires qui sera composée en majorité d’élus de la nouvelle collectivité, une Chambre qui ne pourra pas se saisir de dossiers à étudier sans y être conviée, une Chambre qui, lorsqu’elle sera saisie rendra un avis consultatif, cette Chambre ne pourra jamais s’orienter contre les désirs du président de l’Exécutif. A qui peut-elle servir ? »
J.-F. V.