- Peut-on dire que l’adoption du PADDUC est une victoire de l’union des Nationalistes ?
- Oui ! C’est une belle victoire pour tous ceux qui, depuis 40 ans, œuvrent pour ce pays, pour la préservation des intérêts de notre peuple et pour la défense de notre terre. Nous, Nationalistes, y avons mis notre empreinte durant ces quatre ans et durant ces derniers jours où nous nourrissions quelques inquiétudes parce qu’étaient intervenus des changements qui ne nous satisfaisaient pas. Au détour des amendements que nous avions, chacun, déposés et qui se rejoignaient sur les préoccupations et de nos propres amendements, nous avons réussi à infléchir dans le bon sens et revenir à ce qui était la philosophie du PADDUC.
- La bataille fut dure. Dans le cas contraire, auriez-vous, comme vous l’avez annoncé, voté contre ?
- Des points fondamentaux rendaient ce PADDUC inacceptable en l’état. Des points sur lesquels nous ne pouvions pas reculer sinon nous aurions remis en cause ce que nous sommes et ce que nous défendons. Si nous avions sacrifié les espaces stratégiques agricoles ou certains espaces remarquables comma A Testa Ventilegne ou la pinède de Calvi, ou certains autres espaces menacés ou encore la notion de peuple corse… que serait-il resté !
- Avez-vous douté de réussir ?
- Non ! Nous n’avons jamais douté ! L’ensemble des élus ayant voté en janvier certains principes, nous savions que nous pouvions y revenir. L’accélération des derniers jours ne pouvait pas remettre en cause quatre ans de travail. Nous savions qu’il existait une marge de manœuvre pour obtenir satisfaction. Nous nous sommes battus pour défendre nos amendements. De toute façon, nous ne doutons pas de la justesse de notre engagement et nous savons que, chaque fois, au prix de nombreuses heures de débat, nous y arrivons.
- Qu’avez-vous obtenu ?
- Nous avons obtenu énormément de choses ! Nous avions déposé un amendement global sur la question des ZNIEFF (Zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique) pour réintroduire l’ensemble des espaces remarquables qui avaient été exclus ces derniers jours au titre du PADDUC. Cette exclusion envoyait un message inquiétant aux spéculateurs de tous bords qui pouvaient penser que des brèches s’ouvraient dans des espaces symboliques. Tout le monde connaît les combats que nous avons menés et les projets que nous avons dénoncés, notamment A Testa Ventilegne et la pinède de Calvi, mais aussi dans d’autres espaces comme Coti-Chiavari également déclassés… mais pas seulement ! Leur déclassement pouvait ouvrir la brèche à celui d’autres espaces remarquables.
- Que deviennent ces espaces emblématiques ?
- Sur des espaces, pour nous, fondamentaux comme A Testa Ventilegne et la pinède de Calvi, le trait délimitant les espaces remarquables ne les entourait plus. En plus, sur le site d’A Testa Ventilegne, une ouverture, faite sur les terres du Conservatoire du Littoral et sur des espaces Natura 2000, donnait un accès cartographique à la route. Nous avons obtenu que la pinède soit totalement réintroduite dans les espaces remarquables et protégés et soit, à ce titre, inconstructible. Pour A Testa Ventilegne, nous avons, par un amendement, refermé l’accès au site, c’est-à-dire que nous avons refermé la porte à des projets immobiliers de grande ampleur.
- Vous étiez contre la notion d’espace mutable, vous n’avez pas pu l’exclure, mais l’avez-vous vidée de son contenu ?
- Nous n’étions pas opposés, par principe, à la notion d’espace mutable qui permet des projets d’aménagements en péri-urbain. La question de projets d’urbanisme ne nous pose pas de problème ! Avoir un urbanisme de projets signifie penser un aménagement et un développement et ne plus se livrer à l’empilement de monstruosités urbanistiques telles qu’on les connaît aux abords de nos villes. Ce qui nous gênait, c’est qu’à l’intérieur de ces espaces mutables étaient inscrits des espaces remarquables et des espaces stratégiques agricoles, en grande quantité, à forte potentialité et mécanisables, c’est-à-dire propices au maraîchage, à l’agrumiculture... Ces espaces agricoles, situés dans la plaine de la Marana et de Casinca et tout le long de la plaine orientale, représentent plus de 4000 hectares et sont véritablement stratégiques. Il faut absolument les protéger ! Nous ne pouvons pas accepter de les sacrifier.
- Qu’avez-vous négocié ?
- Nous avons obtenu une hiérarchie des espaces, c’est-à-dire de privilégier, dans ces espaces mutables, d’abord la consommation des espaces urbanisés pour ne pas sacrifier en premier les espaces stratégiques ! Ensuite, le contingentement des espaces stratégiques agricoles, c’est-à-dire l’interdiction de les consommer au-delà d’un certain seuil pour les préserver. En janvier dernier, le PADDUC avait inscrit la souveraineté alimentaire comme un de ses objectifs. Pour l’atteindre, il faut savoir où l’on va cultiver ! Sacrifier des espaces agricoles est en contradiction avec ce qui a déjà été voté ! Nous avons, donc, obtenu la réécriture de la grille de lecture des espaces mutables afin que les espaces stratégiques agricoles et les espaces remarquables soient protégés.
- En quoi consiste la charte paysagère et architecturale que vous avez fait voter ?
- Ces chartes, élaborées avec les urbanistes, ne sont pas obligatoires, mais sont prévues au titre du PLU (Plan local d’urbanisme). Une commune doit respecter un certain nombre de critères et de caractéristiques concernant notamment son bâti traditionnel, les types de peintures utilisées, les panneaux de signalétique, la construction anarchique ou des choix architecturaux qui contreviennent à ce qui existe déjà… Ces chartes étant très lourdes à mettre en place, les communes y renoncent souvent. Nous avons obtenu que cette charte soit inscrite au titre du PADDUC pour permettre à l’agence d’urbanisme d’accompagner les communes qui désirent l’appliquer.
- Vous avez demandé un contrôle rigoureux des projets de golfs. Pourquoi êtes-vous si opposés à ce que la Corse devienne une destination golfique ?
- Nous y sommes très opposés parce que, derrière les golfs, il y a toute une logique qui nous inquiète ! Pour obtenir le label de « destination golfique », il faut au moins 6 golfes de 18 trous. Mais l’ATC (Agence de tourisme) ne dit pas où ils vont être ! Un golf est souvent situé sur un site à fort potentiel agricole et concurrence, de ce fait, l’agriculture. Aucune démonstration n’est faite que les golfs ne consommeront pas trop de terres agricoles ! Un golf est très prédateur en eau. On évoque la réutilisation de l’eau des stations d’épuration. Qu’on fasse d’abord des stations d’épuration correctes dans les communes avant de nous expliquer si on peut y adosser une activité golfique ! De plus, comme il est très difficile d’obtenir des fonds publics, un projet de golf fait appel à des partenaires privés qui mettent en place des opérations immobilières pour réaliser un équilibre financier. Enfin, cela ne dit pas si la Corse sera concurrentielle par rapport à d’autres destinations qui, comme Marrakech, offre déjà ce type de prestation touristique ! Nous n’en sommes pas convaincus !
- Qu’avez-vous acté ?
- Nous avons fait part à la présidente de l’ATC et à la conseillère exécutive en charge du PADDUC de nos fortes inquiétudes. Nous avons déjà réussi à faire acter que la « destination golfique » n’est peut-être pas une évidence pour la Corse ! Nous attendons toujours qu’on nous le démontre ! Nous avons obtenu qu’il y ait obligation pour la CTC d’avoir un regard sur les projets golfiques qui seraient mis en œuvre et de les juger conformes aux critères que je viens d’énoncer. C’est à partir de ces critères-là qu’il faut démontrer si la destination est pertinente et si ces projets ne seront pas dévastateurs pour la Corse ! Pour l’instant, nous sommes très réservés !
- Vous avez bataillé sur un sujet encore plus clivant que vous rejetez, le port de la Carbonite…
- Vous connaissez notre opposition ferme au projet du port de la Carbonite, présenté comme structurant. Nous savons qu’il va être dévastateur sur le plan écologique, comme sur le plan économique. Sacrifier 100 hectares d’herbier de posidonie qui oxygène la mer, ce n’est pas seulement l’écologie qui est en jeu, mais toute l’économie induite par cet herbier. Comment établir un projet touristique avec une mer marron forcée, de la couleur du port de Gènes, peu séduisante pour la destination Corse et pour les Corses ! Le port de Bastia a des insuffisances de sécurité, il faut y pallier. Nous partageons le diagnostic, nous ne partageons pas le traitement ! Nous refusons de dire que le seul projet possible, c’est la Carbonite un port surdimensionné pour un pic touristique de deux mois d’été ! Ce dimensionnement contrevient à la vision du développement portée par le PADDUC qui prétend tourner le dos au tourisme de masse. Il faut revoir ce projet à la baisse et ne pas le faire à la Carbonite.
- Qu’avez-vous arraché ?
- Nous avons obtenu d’inclure, dans le PADDUC, une réserve sur sa faisabilité en faisant référence aux débats en cours et aux études qui vont être menées. Dire que le port va se faire, c’est jeter 6,5 millions € d’études à la poubelle ! Le dernier rapport de l’Exécutif a divisé le projet de moitié, alors que la première tranche des travaux est prévue pour 2018. C’est dire qu’il y a déjà des doutes et un recul ! Nous sommes sûrs que ces débats et ces études mèneront à l’abandon du projet du port de la Carbonite ! D’autres possibilités existent, mais on a toujours refusé de les voir depuis 2007 où l’on nous a vendu un faux projet alternatif infaisable pour justifier l’option de la Carbonite !
- Enfin, vous avez réintroduit dans le PADD la notion du peuple corse comme destinataire du PADDUC. Qu’était-elle devenue depuis son vote en janvier ?
- Disons qu’elle avait un peu disparu du préambule et qu’elle s’était diluée dans le document de 3000 pages et dans les synthèses… Pour nous, il est important de dire : pour qui un PADDUC et pour quoi ? Nous le menons au service du peuple corse. Nous travaillons pour la préservation de notre terre au service de notre peuple. C’est la pierre angulaire ! Elle est inscrite dans le préambule et dans le PADD, elle est présente partout puisqu’elle irrigue l’ensemble du projet. Par là, nous affirmons que la CTC a voté un document qui prévoit un aménagement et un développement maîtrisé et équilibré pour ce peuple et au service de ce peuple. Par là, nous affirmons aussi que l’Assemblée de Corse n’est pas une assemblée comme les autres. C’est une assemblée particulière qui défend les intérêts d’un peuple qui existe ! Nous voulons que ce soit inscrit parce que c’est une évidence.
- Vous affirmez que ce vote délivre un double message. Lesquels ?
- Un message à la Corse et à Paris. Ce vote envoie, d’abord, un message fort à la société corse et à ceux qui pensent que le développement ne s’effectue que pas un biais, celui de la spéculation et de la bétonisation. Le message dit clairement que ce ne sont ni les spéculateurs, ni ceux qui exercent des pressions sur les maires, sur les défenseurs de l’environnement et sur les militants qui, depuis plus de 40 ans, œuvrent à la préservation des intérêts de cette terre… qui décident de l’avenir de la Corse ! Ce sont les élus de la Corse ! Nous leur disons qu’enfin nous tournons le dos au non-développement préconisé par l’ancien PADDUC qui est, aujourd’hui, définitivement enterré !
- Quel message envoyez-vous à Paris ?
- Alors que beaucoup en doutaient, Paris en premier lieu, nous montrons que les élus de la Corse sont capables de s’entendre, de parler d’une seule voix pour dire quel développement ils veulent, au service de qui, pourquoi, comment ils comptent le mettre en œuvre… Sur un sujet aussi sensible que la terre où il y a beaucoup de pressions, où, malheureusement, l’on peut, souvent, superposer la carte des assassinats sur celle de certains enjeux, nous voulons, par ce PADDUC, entraver ce modèle et agir sur les sources de cette dérive. Même sur ce sujet-là, nous sommes capables de décider et de dire ce que nous voulons, comme nous l’avons été sur le statut de résident et sur la coofficialité, comme nous le serons sur l’architecture institutionnelle. Maintenant, c’est à Paris de nous entendre.
- S’il continue à ne pas vous entendre, que se passera-t-il ?
- Ce rapport de forces est important. Paris doit nous répondre ! Si Paris décidait de continuer à nier l’évidence, ce serait un déni de démocratie ! Il ne faudrait pas, ensuite, s’étonner qu’un peuple, à qui on refuse la démocratie, se sente défié et ait envie de se lever. Nous continuons à privilégier la voie politique. Nous avons franchi des pas déterminants et nous pensons qu’il faut s’acheminer vers la paix dans ce pays. La paix ne se décrète pas, elle se construit avec une solution politique. Nous y œuvrons. Aujourd’hui, Paris doit ouvrir des discussions, pas sur la base de ce qu’il veut entendre, mais sur la base de ce qu’a voté l’Assemblée légitime représentant le peuple corse.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Oui ! C’est une belle victoire pour tous ceux qui, depuis 40 ans, œuvrent pour ce pays, pour la préservation des intérêts de notre peuple et pour la défense de notre terre. Nous, Nationalistes, y avons mis notre empreinte durant ces quatre ans et durant ces derniers jours où nous nourrissions quelques inquiétudes parce qu’étaient intervenus des changements qui ne nous satisfaisaient pas. Au détour des amendements que nous avions, chacun, déposés et qui se rejoignaient sur les préoccupations et de nos propres amendements, nous avons réussi à infléchir dans le bon sens et revenir à ce qui était la philosophie du PADDUC.
- La bataille fut dure. Dans le cas contraire, auriez-vous, comme vous l’avez annoncé, voté contre ?
- Des points fondamentaux rendaient ce PADDUC inacceptable en l’état. Des points sur lesquels nous ne pouvions pas reculer sinon nous aurions remis en cause ce que nous sommes et ce que nous défendons. Si nous avions sacrifié les espaces stratégiques agricoles ou certains espaces remarquables comma A Testa Ventilegne ou la pinède de Calvi, ou certains autres espaces menacés ou encore la notion de peuple corse… que serait-il resté !
- Avez-vous douté de réussir ?
- Non ! Nous n’avons jamais douté ! L’ensemble des élus ayant voté en janvier certains principes, nous savions que nous pouvions y revenir. L’accélération des derniers jours ne pouvait pas remettre en cause quatre ans de travail. Nous savions qu’il existait une marge de manœuvre pour obtenir satisfaction. Nous nous sommes battus pour défendre nos amendements. De toute façon, nous ne doutons pas de la justesse de notre engagement et nous savons que, chaque fois, au prix de nombreuses heures de débat, nous y arrivons.
- Qu’avez-vous obtenu ?
- Nous avons obtenu énormément de choses ! Nous avions déposé un amendement global sur la question des ZNIEFF (Zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique) pour réintroduire l’ensemble des espaces remarquables qui avaient été exclus ces derniers jours au titre du PADDUC. Cette exclusion envoyait un message inquiétant aux spéculateurs de tous bords qui pouvaient penser que des brèches s’ouvraient dans des espaces symboliques. Tout le monde connaît les combats que nous avons menés et les projets que nous avons dénoncés, notamment A Testa Ventilegne et la pinède de Calvi, mais aussi dans d’autres espaces comme Coti-Chiavari également déclassés… mais pas seulement ! Leur déclassement pouvait ouvrir la brèche à celui d’autres espaces remarquables.
- Que deviennent ces espaces emblématiques ?
- Sur des espaces, pour nous, fondamentaux comme A Testa Ventilegne et la pinède de Calvi, le trait délimitant les espaces remarquables ne les entourait plus. En plus, sur le site d’A Testa Ventilegne, une ouverture, faite sur les terres du Conservatoire du Littoral et sur des espaces Natura 2000, donnait un accès cartographique à la route. Nous avons obtenu que la pinède soit totalement réintroduite dans les espaces remarquables et protégés et soit, à ce titre, inconstructible. Pour A Testa Ventilegne, nous avons, par un amendement, refermé l’accès au site, c’est-à-dire que nous avons refermé la porte à des projets immobiliers de grande ampleur.
- Vous étiez contre la notion d’espace mutable, vous n’avez pas pu l’exclure, mais l’avez-vous vidée de son contenu ?
- Nous n’étions pas opposés, par principe, à la notion d’espace mutable qui permet des projets d’aménagements en péri-urbain. La question de projets d’urbanisme ne nous pose pas de problème ! Avoir un urbanisme de projets signifie penser un aménagement et un développement et ne plus se livrer à l’empilement de monstruosités urbanistiques telles qu’on les connaît aux abords de nos villes. Ce qui nous gênait, c’est qu’à l’intérieur de ces espaces mutables étaient inscrits des espaces remarquables et des espaces stratégiques agricoles, en grande quantité, à forte potentialité et mécanisables, c’est-à-dire propices au maraîchage, à l’agrumiculture... Ces espaces agricoles, situés dans la plaine de la Marana et de Casinca et tout le long de la plaine orientale, représentent plus de 4000 hectares et sont véritablement stratégiques. Il faut absolument les protéger ! Nous ne pouvons pas accepter de les sacrifier.
- Qu’avez-vous négocié ?
- Nous avons obtenu une hiérarchie des espaces, c’est-à-dire de privilégier, dans ces espaces mutables, d’abord la consommation des espaces urbanisés pour ne pas sacrifier en premier les espaces stratégiques ! Ensuite, le contingentement des espaces stratégiques agricoles, c’est-à-dire l’interdiction de les consommer au-delà d’un certain seuil pour les préserver. En janvier dernier, le PADDUC avait inscrit la souveraineté alimentaire comme un de ses objectifs. Pour l’atteindre, il faut savoir où l’on va cultiver ! Sacrifier des espaces agricoles est en contradiction avec ce qui a déjà été voté ! Nous avons, donc, obtenu la réécriture de la grille de lecture des espaces mutables afin que les espaces stratégiques agricoles et les espaces remarquables soient protégés.
- En quoi consiste la charte paysagère et architecturale que vous avez fait voter ?
- Ces chartes, élaborées avec les urbanistes, ne sont pas obligatoires, mais sont prévues au titre du PLU (Plan local d’urbanisme). Une commune doit respecter un certain nombre de critères et de caractéristiques concernant notamment son bâti traditionnel, les types de peintures utilisées, les panneaux de signalétique, la construction anarchique ou des choix architecturaux qui contreviennent à ce qui existe déjà… Ces chartes étant très lourdes à mettre en place, les communes y renoncent souvent. Nous avons obtenu que cette charte soit inscrite au titre du PADDUC pour permettre à l’agence d’urbanisme d’accompagner les communes qui désirent l’appliquer.
- Vous avez demandé un contrôle rigoureux des projets de golfs. Pourquoi êtes-vous si opposés à ce que la Corse devienne une destination golfique ?
- Nous y sommes très opposés parce que, derrière les golfs, il y a toute une logique qui nous inquiète ! Pour obtenir le label de « destination golfique », il faut au moins 6 golfes de 18 trous. Mais l’ATC (Agence de tourisme) ne dit pas où ils vont être ! Un golf est souvent situé sur un site à fort potentiel agricole et concurrence, de ce fait, l’agriculture. Aucune démonstration n’est faite que les golfs ne consommeront pas trop de terres agricoles ! Un golf est très prédateur en eau. On évoque la réutilisation de l’eau des stations d’épuration. Qu’on fasse d’abord des stations d’épuration correctes dans les communes avant de nous expliquer si on peut y adosser une activité golfique ! De plus, comme il est très difficile d’obtenir des fonds publics, un projet de golf fait appel à des partenaires privés qui mettent en place des opérations immobilières pour réaliser un équilibre financier. Enfin, cela ne dit pas si la Corse sera concurrentielle par rapport à d’autres destinations qui, comme Marrakech, offre déjà ce type de prestation touristique ! Nous n’en sommes pas convaincus !
- Qu’avez-vous acté ?
- Nous avons fait part à la présidente de l’ATC et à la conseillère exécutive en charge du PADDUC de nos fortes inquiétudes. Nous avons déjà réussi à faire acter que la « destination golfique » n’est peut-être pas une évidence pour la Corse ! Nous attendons toujours qu’on nous le démontre ! Nous avons obtenu qu’il y ait obligation pour la CTC d’avoir un regard sur les projets golfiques qui seraient mis en œuvre et de les juger conformes aux critères que je viens d’énoncer. C’est à partir de ces critères-là qu’il faut démontrer si la destination est pertinente et si ces projets ne seront pas dévastateurs pour la Corse ! Pour l’instant, nous sommes très réservés !
- Vous avez bataillé sur un sujet encore plus clivant que vous rejetez, le port de la Carbonite…
- Vous connaissez notre opposition ferme au projet du port de la Carbonite, présenté comme structurant. Nous savons qu’il va être dévastateur sur le plan écologique, comme sur le plan économique. Sacrifier 100 hectares d’herbier de posidonie qui oxygène la mer, ce n’est pas seulement l’écologie qui est en jeu, mais toute l’économie induite par cet herbier. Comment établir un projet touristique avec une mer marron forcée, de la couleur du port de Gènes, peu séduisante pour la destination Corse et pour les Corses ! Le port de Bastia a des insuffisances de sécurité, il faut y pallier. Nous partageons le diagnostic, nous ne partageons pas le traitement ! Nous refusons de dire que le seul projet possible, c’est la Carbonite un port surdimensionné pour un pic touristique de deux mois d’été ! Ce dimensionnement contrevient à la vision du développement portée par le PADDUC qui prétend tourner le dos au tourisme de masse. Il faut revoir ce projet à la baisse et ne pas le faire à la Carbonite.
- Qu’avez-vous arraché ?
- Nous avons obtenu d’inclure, dans le PADDUC, une réserve sur sa faisabilité en faisant référence aux débats en cours et aux études qui vont être menées. Dire que le port va se faire, c’est jeter 6,5 millions € d’études à la poubelle ! Le dernier rapport de l’Exécutif a divisé le projet de moitié, alors que la première tranche des travaux est prévue pour 2018. C’est dire qu’il y a déjà des doutes et un recul ! Nous sommes sûrs que ces débats et ces études mèneront à l’abandon du projet du port de la Carbonite ! D’autres possibilités existent, mais on a toujours refusé de les voir depuis 2007 où l’on nous a vendu un faux projet alternatif infaisable pour justifier l’option de la Carbonite !
- Enfin, vous avez réintroduit dans le PADD la notion du peuple corse comme destinataire du PADDUC. Qu’était-elle devenue depuis son vote en janvier ?
- Disons qu’elle avait un peu disparu du préambule et qu’elle s’était diluée dans le document de 3000 pages et dans les synthèses… Pour nous, il est important de dire : pour qui un PADDUC et pour quoi ? Nous le menons au service du peuple corse. Nous travaillons pour la préservation de notre terre au service de notre peuple. C’est la pierre angulaire ! Elle est inscrite dans le préambule et dans le PADD, elle est présente partout puisqu’elle irrigue l’ensemble du projet. Par là, nous affirmons que la CTC a voté un document qui prévoit un aménagement et un développement maîtrisé et équilibré pour ce peuple et au service de ce peuple. Par là, nous affirmons aussi que l’Assemblée de Corse n’est pas une assemblée comme les autres. C’est une assemblée particulière qui défend les intérêts d’un peuple qui existe ! Nous voulons que ce soit inscrit parce que c’est une évidence.
- Vous affirmez que ce vote délivre un double message. Lesquels ?
- Un message à la Corse et à Paris. Ce vote envoie, d’abord, un message fort à la société corse et à ceux qui pensent que le développement ne s’effectue que pas un biais, celui de la spéculation et de la bétonisation. Le message dit clairement que ce ne sont ni les spéculateurs, ni ceux qui exercent des pressions sur les maires, sur les défenseurs de l’environnement et sur les militants qui, depuis plus de 40 ans, œuvrent à la préservation des intérêts de cette terre… qui décident de l’avenir de la Corse ! Ce sont les élus de la Corse ! Nous leur disons qu’enfin nous tournons le dos au non-développement préconisé par l’ancien PADDUC qui est, aujourd’hui, définitivement enterré !
- Quel message envoyez-vous à Paris ?
- Alors que beaucoup en doutaient, Paris en premier lieu, nous montrons que les élus de la Corse sont capables de s’entendre, de parler d’une seule voix pour dire quel développement ils veulent, au service de qui, pourquoi, comment ils comptent le mettre en œuvre… Sur un sujet aussi sensible que la terre où il y a beaucoup de pressions, où, malheureusement, l’on peut, souvent, superposer la carte des assassinats sur celle de certains enjeux, nous voulons, par ce PADDUC, entraver ce modèle et agir sur les sources de cette dérive. Même sur ce sujet-là, nous sommes capables de décider et de dire ce que nous voulons, comme nous l’avons été sur le statut de résident et sur la coofficialité, comme nous le serons sur l’architecture institutionnelle. Maintenant, c’est à Paris de nous entendre.
- S’il continue à ne pas vous entendre, que se passera-t-il ?
- Ce rapport de forces est important. Paris doit nous répondre ! Si Paris décidait de continuer à nier l’évidence, ce serait un déni de démocratie ! Il ne faudrait pas, ensuite, s’étonner qu’un peuple, à qui on refuse la démocratie, se sente défié et ait envie de se lever. Nous continuons à privilégier la voie politique. Nous avons franchi des pas déterminants et nous pensons qu’il faut s’acheminer vers la paix dans ce pays. La paix ne se décrète pas, elle se construit avec une solution politique. Nous y œuvrons. Aujourd’hui, Paris doit ouvrir des discussions, pas sur la base de ce qu’il veut entendre, mais sur la base de ce qu’a voté l’Assemblée légitime représentant le peuple corse.
Propos recueillis par Nicole MARI