Les acteurs du tourisme s'attendent à vivre une "saison blanche" puisque les touristes ne seront sûrement pas au rendez-vous et où l'avant-saison n'a pas pu se faire. André D'Oriano, président de la commission des saisonniers de l'UMIH l'assure :"Si nous n'ouvrons pas entre le 2 et le 30 juin, cela va être très compliqué. J'estime que cette année nous ferons peut-être entre 30 et 40% de notre chiffre d'affaires habituel. Nous avons des familles à nourrir et des employés à faire travailler."
"L'ouverture des établissements de plage jusqu'au 31 décembre"
Les acteurs du tourisme réclament des mesures fortes au gouvernement. Pour eux, les prêts garantis par l'Etat ne sont pas suffisants : "C'est bien beau mais le prêt devra quoi qu'il en soit être remboursé. Dans un an on assistera à une saignée puisque nous n'aurons pas l'argent à rendre."
Dans le plus strict respect des règles sanitaires et des mesures barrières, les hôteliers souhaitent une ouverture des établissements de plage jusqu'au 31 décembre pour essayer de compenser les pertes de l'avant-saison.
La semaine dernière, lors de leur réunion avec le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, ce dernier avait affirmé que le tourisme serait probablement local. Pour Bernard Giudicelli, le secteur du tourisme ne peut pas compter uniquement sur les locaux car "la démographie de la Corse n'est pas assez importante."
La lettre au président de l'UMIH
Monsieur le Président de la République,
La pandémie du virus Covid-19 a plongé le monde dans une crise d’une ampleur sans précédent. Face à cette situation inédite, il vous a fallu prendre des responsabilités sanitaires fortes, et vous l’avez fait, mais la crise économique sera tout aussi difficile à appréhender. Ce virus inconnu a plongé le monde médical dans le flou, aucune lisibilité. Chaque jour apporte son lot d’informations, et les décisions sont prises et ajustées au cours des avancées scientifiques. Mais le monde de l’entreprise ne peut pas rester sans visibilité, le temps de la sidération est passé, nous sommes à la croisée des chemins. Il faut des mesures fortes et responsables pour sauvegarder l’économie de la Corse.
Nous ne sommes ni médecins, ni chercheurs, ni élus politiques mais simplement de petits acteurs économiques de l’industrie touristique, et nous n’avons ni la prétention, ni la volonté de sortir de notre cadre.
La Corse est une région insulaire, contrairement aux autres régions de la France continentale (accessibles en voiture et train en circulation aujourd’hui). L'insularité n’est pas une barrière sanitaire étanche, mais elle fait de notre territoire une prison économique. La problématique des transports est très vite survenue, le trafic aérien est en chute libre (-90%), et ne se relèvera pas facilement. Le transport maritime est lui aussi très réduit et limité. De plus, la démographie de notre région ne permet pas un tourisme de proximité suffisant. La jurisprudence européenne nous rappelle que :
« Le principe d’égalité veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale »
Par ce motif, nous devons bénéficier de mesures plus fortes, spécifiquement adaptées à la Corse.
Tout comme pour l’aspect sanitaire, il faut aujourd’hui prendre collectivement nos responsabilités économiques. Il nous semble que toutes les conditions d’une année blanche soient réunies (nous ne sommes pas des jusqu’aux-boutistes et le risque sanitaire est bien réel, mais encore une fois nous restons dans notre cadre). En responsabilité nous avons l’obligation d’envisager sérieusement cette option, de nous interroger, de vous interroger !
Le PIB de la consommation touristique représente en France continentale 7,2% alors qu’en Corse il atteint les 31%, sans compter ses effets induits. De plus, cette activité économique est très fortement saisonnière. Si une légère fréquentation peut s’avérer possible dans les autres régions après Septembre, et permettre la pérennité de la majorité des entreprises, cela est impossible chez nous, car la nature même de notre particularité nous fera rentrer en léthargie d’octobre 2020 à avril 2021.
C’est un véritable tsunami de conséquences économiques et sociales auxquelles nous allons devoir faire face très vite, dans les semaines et les mois à venir. L’effet de cette récession économique entraînera inéluctablement un ”effet domino” sur l’ensemble des composantes de l’économie de l’île. Ce ne sont pas quelques familles qui vivent directement ou indirectement du tourisme, mais la moitié de la population. Notre tissu économique est composé en très grande majorité de très petites entreprises, dont les dirigeants et leurs familles composent généralement la totalité des salariés.
La Corse est la « région » la plus pauvre de France métropolitaine. Une économie dépendante du tourisme ajoutée à une problématique de transport récurrente depuis plus de quarante ans rendent la situation particulièrement insupportable à nos entreprises. Malgré les différents plans de rattrapage (PEI, Crédit d'impôt…), nous sommes toujours dans un écosystème très fragile.
Nous, membres et élus de l’UMIH Corsica avons dès le début de la crise pris contact avec nos institutions locales en leur proposant d’œuvrer à leurs côtés pour organiser au mieux la liaison avec l’ensemble des professionnels de l’industrie touristique, d’envisager les mesures sanitaires adaptées, d’organiser dans les meilleures conditions la survie de tous durant la crise, et enfin de participer à l’élaboration d’un Plan de relance.
Nous avons à cet effet établi un diagnostic de la situation insulaire, et suggéré un panel de dispositions qui nous semblent être adaptées à notre écosystème, et indispensables à notre survie. Cependant, à ce jour, et malgré nos très nombreuses actions, nous avons toujours été entendus sans jamais avoir été écoutés... et nous n’avons toujours aucun résultat.
Monsieur le Président,
Nous ne vous demandons pas de prévoir l’avenir mais de le rendre possible, et l’avenir c’est aussi la vie de nos entreprises, de nos salariés, de nos partenaires, fournisseurs et prestataires.
Nous n’avons dans ce décor où une année blanche se profile, qu’une seule question à vous poser :
Comptez-vous nous aider, ainsi que nos salariés et nos fournisseurs, à enjamber cette année blanche ou au contraire, comptez-vous nous laisser mourir ?
Pourriez-vous, dans le cas d’une réponse positive en laquelle nous ne doutons pas, décliner les dispositifs que vous comptez adopter. Les assureurs doivent prendre leur part de responsabilité, et nous comptons sur vous pour y veiller. Nous sommes prêts à travailler à vos côtés, et être force de proposition.
Le temps, vous l’avez compris Monsieur le Président, ne nous est plus donné à attendre, et nous vous remercions par avance de la promptitude de vos réponses.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de nos très hautes considérations.
- UMIH Corsica -
Union régionale des métiers et des industries de l’hôtellerie de Corse