« Le menhir », comme on l’appelait, vient de fendre l’armure à 96 ans. Jean-Marie Le Pen, co-fondateur du Front national et figure emblématique de l’Extrême-droite, est décédé ce mardi 7 janvier à Garches dans les Hauts-de-Seine. Grand orateur, célèbre pour ses provocations verbales, souvent caustique et très controversé, il a marqué pendant quasiment 50 ans la vie politique française. Ce Breton, né en 1928 dans une famille de pêcheurs, débute sa longue carrière politique en 1956 en devenant, à l’âge de 27 ans, le plus jeune député du Palais Bourbon. Ce premier mandat, sous les couleurs poujadistes, s’interrompt quand il décide de participer à la guerre d’Algérie, notamment à la bataille d’Alger, où il sera soupçonné de tortures, ce qu’il niera sans les condamner pour autant. De retour dans l’hexagone, il crée une maison de disques spécialisée dans la musique militaire et co-fonde, en 1972, le Front national (FN). Son audience est confidentielle. Il se présente à la présidentielle de 1974 où il ne récolte que 0,75% des suffrages. En 1976, une bombe détruit son appartement parisien. En 1981, il ne parvient pas à réunir les 500 parrainages nécessaires à ses ambitions élyséennes. A partir de là, il applique une stratégie médiatique très offensive qui porte ses fruits. Estimant notamment que « les chambres à gaz sont un point de détail de l’histoire », il sera condamné à plusieurs reprises pour « contestation de crime contre l'humanité », mais aussi pour injures publiques, provocation à la haine ou pour violence.
Une ascension inexorable
L’homme au bandeau sur l’œil prend la figure de Jeanne D’Arc pour emblème, l’immigration pour tête de turc et la baisse de la natalité pour cheval de bataille. Elu, en 1984, député européen, il retrouve, ensuite, les travées de l’Assemblée nationale avec un groupe de 33 députés FN. En 1988, il récolte 14,4% des voix à la présidentielle, mais essuie un échec aux législatives. Après une éclipse de quelques années, il fait un retour en force en 1995 en recueillant 15% des voix au premier tour de la présidentielle. Dans la foulée, le FN remporte les municipales à Toulon, Marignane, Orange, puis Vitrolles en 1997. C’est le début d’une ascension inexorable à partir du Sud de la France. En 2002, il parvient, à la surprise générale, à se qualifier au second tour de la présidentielle en devançant Lionel Jospin avec 16,9% des voix, et à 4 points seulement derrière Jacques Chirac qui est réélu grâce à un front républicain. En 2007, il ne réalise plus que 10% des voix face à Nicolas Sarkozy. Ce sera sa cinquième et dernière présidentielle. Quatre ans plus tard, il quitte la présidence du FN, remplacé par sa fille Marine avec qui les relations, sous fond de désaccord houleux sur la ligne politique, aboutissent à son exclusion du parti en 2017. Deux ans plus tard, il laisse son mandat de député européen. Sa santé se dégradant, il se retire progressivement de la vie politique. Prévenu dans l’affaire des assistants parlementaires, il n’a pu, au vu de son état de santé, comparaître au procès pour « détournements de fonds publics au détriment du Parlement européen ». C’est au cours de son vol retour de Mayotte que sa fille Marine a appris son décès.
Une ascension inexorable
L’homme au bandeau sur l’œil prend la figure de Jeanne D’Arc pour emblème, l’immigration pour tête de turc et la baisse de la natalité pour cheval de bataille. Elu, en 1984, député européen, il retrouve, ensuite, les travées de l’Assemblée nationale avec un groupe de 33 députés FN. En 1988, il récolte 14,4% des voix à la présidentielle, mais essuie un échec aux législatives. Après une éclipse de quelques années, il fait un retour en force en 1995 en recueillant 15% des voix au premier tour de la présidentielle. Dans la foulée, le FN remporte les municipales à Toulon, Marignane, Orange, puis Vitrolles en 1997. C’est le début d’une ascension inexorable à partir du Sud de la France. En 2002, il parvient, à la surprise générale, à se qualifier au second tour de la présidentielle en devançant Lionel Jospin avec 16,9% des voix, et à 4 points seulement derrière Jacques Chirac qui est réélu grâce à un front républicain. En 2007, il ne réalise plus que 10% des voix face à Nicolas Sarkozy. Ce sera sa cinquième et dernière présidentielle. Quatre ans plus tard, il quitte la présidence du FN, remplacé par sa fille Marine avec qui les relations, sous fond de désaccord houleux sur la ligne politique, aboutissent à son exclusion du parti en 2017. Deux ans plus tard, il laisse son mandat de député européen. Sa santé se dégradant, il se retire progressivement de la vie politique. Prévenu dans l’affaire des assistants parlementaires, il n’a pu, au vu de son état de santé, comparaître au procès pour « détournements de fonds publics au détriment du Parlement européen ». C’est au cours de son vol retour de Mayotte que sa fille Marine a appris son décès.
Les militants d'A Cunculta empêchent l'avion où se trouve Jean-Marie Le Pen d'atterrir sur la piste de l'aéroport de Bastia-Poretta, le matin du 28 février 1992.
Pas sur la terre corse !
Le 28 février 1992, Jean-Marie Le Pen, en campagne électorale pour les élections régionales, débute en Corse une visite mouvementée qui tourne court. Rien ne se déroule comme prévu. Son arrivée sur l’île n’est pas du goût des nationalistes qui envahissent le tarmac de l’aéroport de Bastia-Poretta, empêchant provisoirement son avion d’atterrir. Portant une bandera avec l’inscription « Fascisti Fora ! », chantant « A populu fattu, bisogna à marchjà » et des pierres dans les mains, une centaine de militants d’A Cunculta Naziunalista bloquent les pistes. Les Indépendantistes ne veulent pas du leader d’Extrême-droite, chantre du nationalisme français, sur la terre corse. « Les Nationalistes corses veulent construire une société de justice, de tolérance, de démocratie et de liberté. Pour nous, Jean Marie Le Pen est le symbole du fascisme, de la répression et de l’intolérance. C’est pourquoi nous avons voulu monter cette action de sensibilisation », explique Jean Giambella, l’un des porte-parole du mouvement. « Ici, en Corse, de fascistes, on n’en veut pas ! », ajoute un autre militant. Il est 10h30. L’avion est dérouté sur Calvi. Débarqué, le président du RN appelle le Préfet de Haute-Corse lui demandant s’il « a l’intention de faire libérer l’aéroport de Bastia des manifestants qui l’occupent pour que je puisse effectuer mon voyage, conformément aux lois de la République ». A 11h30, les forces de l’ordre dégagent effectivement les militants dans le calme. A 12h15, l’avion revient se poser à Poretta. Jean-Marie Le Pen, accueilli par quelques sympathisants, décide d’annuler sa visite en Haute-Corse et de se rendre directement à Ajaccio. « Je pense que ces gens font partie de la campagne de harcèlement « démocratique » engagée par le parti socialiste. Le harcèlement « démocratique » étant à la démocratie ce que le harcèlement sexuel est à l’amour ! », réagit-il placidement.
Une visite houleuse
A son arrivée dans la ville impériale, le président du RN, pas rancunier, s’écrie : « Ah que c’est beau la Corse ! » avant de se retrouver de nouveau en butte à des manifestations hostiles. La confrontation avec une autre centaine de militants d’A Cunculta, encadrée par les forces de l’ordre, est houleuse : « Si c’était moi qui étais au gouvernement, tu verrais un peu ! » lance Jean-Marie Le Pen à un militant corse qui réplique : « C’est justement pour ça qu’on ne veut pas de toi ! ». Les incidents se multiplient pendant deux heures entre militants nationalistes et policiers, faisant douze blessés légers. A 19h30, quelques 200 sympathisants FN attendent devant la salle du Palais des Congrès où leur leader doit tenir son meeting. L’ambiance est tendue. A 19h45, la Préfecture interdit la réunion afin, précise-t-elle, « de prévenir d’autres troubles sur la voie publique ». Jean-Marie Le Pen est bloqué sur la route du palais des Congrès par les CRS qui veulent éviter une nouvelle confrontation avec les nationalistes. Fort en colère, il tente de se dégager des policiers qui l’enserrent. « C’est pour vous protéger » tente de lui expliquer un policier. « C’est incroyable ! je n’ai pas besoin de vous pour me protéger ! Qu’est-ce que c’est que ça ! Je ne veux pas de votre protection », s’énerve-t-il. Le ton monte : « Nous, on prend les coups ! On n’est pas là pour prendre les coups ! », argumente un policier. « Allez dire ça aux séparatistes, aux voyous de gauche, pas à moi ! Votre métier, c’est de me permettre de tenir ma réunion, ce n’est pas de m’en empêcher ! ». Le leader d’Extrême-droite, qui tient absolument à son meeting, s’en prend au préfet : « Je trouve scandaleux, je dis bien scandaleux, que ce soient les policiers - et la police est aux ordres du Préfet, bien évidemment, je n’engage pas la responsabilité personnelle de ces gens-là – et l’arrivée des gendarmes mobiles casqués, qui m’en empêchent. Tout cela faisait partie d’un scénario qui est évident ! ».
Une île difficile
Cette visite houleuse, qui fait la Une des médias nationaux, illustre la relation difficile de Jean-Marie Le Pen avec la Corse, notamment avec les Indépendantistes pour qu’il est définitivement « indésirable ». Son premier voyage dans l’île, en 1984 pour les élections européennes, n’avait pas fait autant de vagues. Les relations dégénèrent début 1985 quand, à l’Assemblée de Corse, la droite et le FN votent le gel des crédits de l’université de Corte. Les incidents et les affrontements se multiplient entre les nationalistes et la CFR (Association pour la Corse française et républicaine) sur le campus universitaire. En 1987, de retour sur l’île pour soutenir la liste FN aux élections régionales partielles, Jean-Marie Le Pen enfourche son cheval de bataille sur la natalité et affirme : « Un Corse sur quatre est déjà maghrébin ! Vous avez en Corse un des plus bas taux de natalité de France et d’Europe. Un jour, il y aura plus de maghrébins que de Corses dans l’île, et ce jour-là, les chefs nationalistes seraient réfugiés sur la Côte d’Azur ou dans la banlieue parisienne ! ». Toujours provocateur, il revient dans l’île pour sa dernière visite électorale, en 2014 à l’âge de 85 ans, pour les européennes où il déclame le credo du FN : « Il n'y a pas d'avenir corse possible en dehors de la France ! ». Il avoue alors que la Corse est une terre difficile pour les scrutins locaux : « Ce sont des élections qui sont très difficiles et je dirais même plus difficiles en Corse qu'ailleurs, parce que les clans, les groupements, sont plus organisés et on voit bien la différence qu'il y a entre les élections générales et les élections locales où chacun a son candidat ». En 2002, pourtant, le président du FN avait, pour la première fois, obtenu dans l’île un score plus élevé qu’au niveau national, ouvrant une brèche dans laquelle ses successeurs allaient s’engouffrer. Il concluait : « Je pense que nous prendrons notre revanche… ». C’est chose faite avec sa fille Marine et le RN, si on en juge les résultats des derniers scrutins présidentiels et législatifs dans l’île où pour la première fois, les quatre candidats du RN ont passé le premier tour des législative, créant un véritable séisme politique. Le basculement démographique, qu’il dénonçait, a fait son œuvre, mais pas sur le chemin qu’il avait prophétisé.
N.M.
Le 28 février 1992, Jean-Marie Le Pen, en campagne électorale pour les élections régionales, débute en Corse une visite mouvementée qui tourne court. Rien ne se déroule comme prévu. Son arrivée sur l’île n’est pas du goût des nationalistes qui envahissent le tarmac de l’aéroport de Bastia-Poretta, empêchant provisoirement son avion d’atterrir. Portant une bandera avec l’inscription « Fascisti Fora ! », chantant « A populu fattu, bisogna à marchjà » et des pierres dans les mains, une centaine de militants d’A Cunculta Naziunalista bloquent les pistes. Les Indépendantistes ne veulent pas du leader d’Extrême-droite, chantre du nationalisme français, sur la terre corse. « Les Nationalistes corses veulent construire une société de justice, de tolérance, de démocratie et de liberté. Pour nous, Jean Marie Le Pen est le symbole du fascisme, de la répression et de l’intolérance. C’est pourquoi nous avons voulu monter cette action de sensibilisation », explique Jean Giambella, l’un des porte-parole du mouvement. « Ici, en Corse, de fascistes, on n’en veut pas ! », ajoute un autre militant. Il est 10h30. L’avion est dérouté sur Calvi. Débarqué, le président du RN appelle le Préfet de Haute-Corse lui demandant s’il « a l’intention de faire libérer l’aéroport de Bastia des manifestants qui l’occupent pour que je puisse effectuer mon voyage, conformément aux lois de la République ». A 11h30, les forces de l’ordre dégagent effectivement les militants dans le calme. A 12h15, l’avion revient se poser à Poretta. Jean-Marie Le Pen, accueilli par quelques sympathisants, décide d’annuler sa visite en Haute-Corse et de se rendre directement à Ajaccio. « Je pense que ces gens font partie de la campagne de harcèlement « démocratique » engagée par le parti socialiste. Le harcèlement « démocratique » étant à la démocratie ce que le harcèlement sexuel est à l’amour ! », réagit-il placidement.
Une visite houleuse
A son arrivée dans la ville impériale, le président du RN, pas rancunier, s’écrie : « Ah que c’est beau la Corse ! » avant de se retrouver de nouveau en butte à des manifestations hostiles. La confrontation avec une autre centaine de militants d’A Cunculta, encadrée par les forces de l’ordre, est houleuse : « Si c’était moi qui étais au gouvernement, tu verrais un peu ! » lance Jean-Marie Le Pen à un militant corse qui réplique : « C’est justement pour ça qu’on ne veut pas de toi ! ». Les incidents se multiplient pendant deux heures entre militants nationalistes et policiers, faisant douze blessés légers. A 19h30, quelques 200 sympathisants FN attendent devant la salle du Palais des Congrès où leur leader doit tenir son meeting. L’ambiance est tendue. A 19h45, la Préfecture interdit la réunion afin, précise-t-elle, « de prévenir d’autres troubles sur la voie publique ». Jean-Marie Le Pen est bloqué sur la route du palais des Congrès par les CRS qui veulent éviter une nouvelle confrontation avec les nationalistes. Fort en colère, il tente de se dégager des policiers qui l’enserrent. « C’est pour vous protéger » tente de lui expliquer un policier. « C’est incroyable ! je n’ai pas besoin de vous pour me protéger ! Qu’est-ce que c’est que ça ! Je ne veux pas de votre protection », s’énerve-t-il. Le ton monte : « Nous, on prend les coups ! On n’est pas là pour prendre les coups ! », argumente un policier. « Allez dire ça aux séparatistes, aux voyous de gauche, pas à moi ! Votre métier, c’est de me permettre de tenir ma réunion, ce n’est pas de m’en empêcher ! ». Le leader d’Extrême-droite, qui tient absolument à son meeting, s’en prend au préfet : « Je trouve scandaleux, je dis bien scandaleux, que ce soient les policiers - et la police est aux ordres du Préfet, bien évidemment, je n’engage pas la responsabilité personnelle de ces gens-là – et l’arrivée des gendarmes mobiles casqués, qui m’en empêchent. Tout cela faisait partie d’un scénario qui est évident ! ».
Une île difficile
Cette visite houleuse, qui fait la Une des médias nationaux, illustre la relation difficile de Jean-Marie Le Pen avec la Corse, notamment avec les Indépendantistes pour qu’il est définitivement « indésirable ». Son premier voyage dans l’île, en 1984 pour les élections européennes, n’avait pas fait autant de vagues. Les relations dégénèrent début 1985 quand, à l’Assemblée de Corse, la droite et le FN votent le gel des crédits de l’université de Corte. Les incidents et les affrontements se multiplient entre les nationalistes et la CFR (Association pour la Corse française et républicaine) sur le campus universitaire. En 1987, de retour sur l’île pour soutenir la liste FN aux élections régionales partielles, Jean-Marie Le Pen enfourche son cheval de bataille sur la natalité et affirme : « Un Corse sur quatre est déjà maghrébin ! Vous avez en Corse un des plus bas taux de natalité de France et d’Europe. Un jour, il y aura plus de maghrébins que de Corses dans l’île, et ce jour-là, les chefs nationalistes seraient réfugiés sur la Côte d’Azur ou dans la banlieue parisienne ! ». Toujours provocateur, il revient dans l’île pour sa dernière visite électorale, en 2014 à l’âge de 85 ans, pour les européennes où il déclame le credo du FN : « Il n'y a pas d'avenir corse possible en dehors de la France ! ». Il avoue alors que la Corse est une terre difficile pour les scrutins locaux : « Ce sont des élections qui sont très difficiles et je dirais même plus difficiles en Corse qu'ailleurs, parce que les clans, les groupements, sont plus organisés et on voit bien la différence qu'il y a entre les élections générales et les élections locales où chacun a son candidat ». En 2002, pourtant, le président du FN avait, pour la première fois, obtenu dans l’île un score plus élevé qu’au niveau national, ouvrant une brèche dans laquelle ses successeurs allaient s’engouffrer. Il concluait : « Je pense que nous prendrons notre revanche… ». C’est chose faite avec sa fille Marine et le RN, si on en juge les résultats des derniers scrutins présidentiels et législatifs dans l’île où pour la première fois, les quatre candidats du RN ont passé le premier tour des législative, créant un véritable séisme politique. Le basculement démographique, qu’il dénonçait, a fait son œuvre, mais pas sur le chemin qu’il avait prophétisé.
N.M.