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"Demuci a forza" : Le crédo Jean-François Bernardini


Marilyne SANTI le Vendredi 17 Octobre 2014 à 17:30

"Demuci a forza"-"Donnons-nous-la force" : Sous ce titre Jean-François Bernardini nous a fait parvenir un texte rédigé à la suite des derniers événements d’Ajaccio (interpellation du bâtonnier, d’un avocat, mise en scène médiatique, transferts à Paris) au terme desquels divers citoyens - dont Edmond Simeoni- n’ont pas manqué de questionner la non-violence à ce sujet. Afin de lire ces événements sous cette perspective, Jean-François Bernardini apporte « en toute modestie » cet éclairage. Il se dit profondément inquiet de voir des citoyens malmenés dans leurs droits par des pratiques qui ne correspondent en rien aux règles de la démocratie.



(Photo DR)
(Photo DR)
1- Toute mise en scène médiatique, toute présomption d’innocence, tout traitement particulier pour les citoyens d’opinion nationaliste son inacceptables. Ces violations de l’état de droit dans l’île sont des violences. Cela ne fait que générer des cycles d’affrontements et de tensions qui profitent à qui ? Certainement pas à la Corse. Les enquêtes sur les caches d’armes sont nécessaires. Elles doivent être menées dans le respect le plus strict des droits du citoyen.
 
2- Le Flnc ayant déposé les armes, ses militants seraient bien inspirés (et nous avec eux) de suggérer à l’Etat de redistribuer ses moyens naguère investis sur ce terrain là, pour mieux lutter contre la criminalité, la délinquance financière, les trafics de stupéfiants…et tout ce qui opprime la Corse.
 
3- Alors que le Flnc a déposé les armes, d’autres pourraient encore penser que mitrailler les façades de gendarmerie ferait avancer la lutte. Ils se trompent de moyens. L’émancipation ne passe pas par les armes. Les armes sont incompétentes et incompatibles avec la non violence. Elles demeurent un piège où s’ensevelissent toutes les vérités et les justes indignations de la Corse. Elles seront toujours l’alibi qui permettra aux pouvoirs établis de fuir leurs responsabilités et justifier l’usage qu’ils font eux même de diverses violences.
 
4- La perspective de la non-violence consiste à tout faire pour sortir de ce vieux scénario rejoué pour la énième fois dans l’île, dont la Corse ressort chaque fois plus séparée déchirée et affaiblie. Ce qui importe est de mettre toutes nos énergies à construire des vraies réponses et donner à chaque citoyenne, chaque citoyen, une confiance, un équipement pour chercher ensemble vérités et solutions face aux énormes défis pour la Corse et la planète.

Le temps « soumission ou rébellion » est révolu

La non-violence n’est pas encore chez nous une force citoyenne, une force structurée au sein du peuple. Il serait aventureux de mettre en péril les tous petits bouts de confiance, de force morale qu’elle établit sur le terrain, et cultive chaque jour. Elle éveille cependant un immense espoir qui rassemble et que nous mesurons au quotidien.
Ce sera un long chemin pour équiper, mettre des citoyens debout, capables de vaincre les ennemis extérieurs mais aussi intérieurs au sein d’une société qui n’a jamais eu la force ou la chance de s’organiser en vraie démocratie.
Il y a effectivement dans les derniers événements des pratiques (présence de la presse, mise en scène, moyens privilégiés contre les nationalistes, violation de présomption d’innocence…) qui ne sont pas justifiables ou excusables.
 
Malheureusement et trop souvent en Corse, l’Etat lui-même agit contre l’état de droit.
C’est l’Etat contre l’Etat.
Pendant que de tels événements se déroulent, la tragédie est que le peuple est lui totalement abandonné, loin d’être entendu dans ses préoccupations, questions et problèmes de tous les jours –le manque d’espoir, de perspective, de choix de société – absence de vérité et de vraies solutions sur la place publique…
 
Le temps « soumission ou rébellion » est révolu.
Que pouvons nous construire, prendre en main, ici devant notre porte et non pas obtenir de Paris ?
Là est toute la problématique di a Corsica d’oghje.
La Corse est un peu comme un malade victime de maltraitances médicales et qui bien sûr exige la vérité, une réparation légitime.
Mais parallèlement, le malade ne doit jamais cesser d’appliquer de toutes ses forces à se remettre debout et guérir.
Ne pas être dépendant de la blessure pour réaliser sa propre guérison.
Ne pas se laisser voler par Paris ou quiconque, la force de se remettre debout et construire sa communauté.
Là est tout l’espoir que veut inspirer la non violence, qui a une énorme vertu : elle permet et demande la participation de tous.
Pas à pas en posant pour notre peuple les jalons d’une confiance qui manque cruellement.
Confiance en des moyens nobles pour une lutte noble.
Confiance en des petits pas accessibles à chacune et chacun.
La non-violence ce n’est pas renoncer à lutter, mais lutter autrement, avec plus d’efficacité et à long terme.
« La colère est mon carburant, la non violence est mon moteur » dit notre ami Yazid Kherfi.
Agissons, semons, bâtissions, nommons, enracinons, rendons-nous libres par nous-mêmes, sans attendre qu’on vous signe cette liberté dans des décrets.
Quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ?
De quel équipement notre peuple a-t-il besoin pour construire ce que l’on ne peut obtenir que de soi ?

http://www.afcumani.org