Dr Jean Charles Vellutini, endocrinologue.
- L’enquête n’a-t-elle utilisé que les dossiers de vos patients ?
- Oui. Elle a utilisé exclusivement 16 000 dossiers de mes patients qui vivaient en Haute-Corse et sur la côte Orientale jusqu’à Bonifacio. J’étais, à l’époque et pendant plus de 15 ans, le seul endocrinologue du département. C’était un problème. En même temps, comme j’étais le seul spécialiste sur place, cela m’a permis de recevoir en consultation autant de patients.
- Quand vous êtes-vous rendu compte que quelque chose n’allait pas ?
- Dès le début ! C’est-à-dire entre cinq ou six mois et un an après le passage du nuage. Il m’a fallu le temps de réaliser ce qu’il se passait et de faire le lien entre les pathologies et la radioactivité. En Corse, deux pathologies nous préoccupent : le diabète et la thyroïde. A partir de 1986, le diabète a continué son bonhomme de chemin et la thyroïde a explosé.
- Cette explosion ne pouvait-elle pas avoir d’autre cause que le taux de radioactivité ?
- On peut écarter les arguments disant que les technologies de détection et radiologiques se sont améliorées. Nous restons avant tout des cliniciens. Une thyroïde se regarde, se palpe, se voit. J’ai fait, chez mes patients adultes, la relation de cause à effet.
- Quand l’explosion des pathologies a-t-elle atteint un pic ?
- Les pathologies se sont multipliées. Le nombre de patients affectés augmentait continuellement. Le pic radiologique maximal a été atteint en 1997. Soit 11 ans après l’accident de Tchernobyl ! Après, j’ai noté une décroissance. Les éléments radioactifs ont une certaine période de vie et une, plus ou moins, grande vitesse de contamination. Les iodes, notamment l’iode 131, sont très rapides. Ils sont radioactifs en moyenne huit jours pendant lesquels une personne peut être atteinte et développe la pathologie qui évolue, ensuite, pendant des années. D’autres produits, comme le césium et le strontium, ont une durée de vie beaucoup plus longue. Ce qui signifie que des pathologies induites vont apparaître au fil des années.
- Quand les premières pathologies sont-elles apparues chez les enfants ?
- Je suis un endocrinologue pour adultes, je n’ai pas eu de patients enfants. Mais, nous avons fait, avec le Professeur Henry de l’hôpital de la Timone à Marseille, un travail sur les enfants. Nous sommes rendus compte que, de 1986 à 1997, dans la région Timone-PACA, 14 enfants étaient atteints du cancer de la thyroïde, alors qu’antérieurement, leur nombre se limitait à 3. Nous en avons déduit qu’il y avait un problème et une raison à ce subit accroissement.
- Pourquoi même les enfants, nés bien après le passage du nuage, risquent-ils d’être affectés ?
- Parce que d’autres facteurs, que l’exposition directe au nuage, entrent en jeu. Notamment la consommation des produits agricoles. La radioactivité reste dans la terre, dans les roches… Nous sommes dans une ambiance radioactive qui est moins violente que le flash initial, mais qui reste prégnante. Il est difficile de faire un pronostic, mais les enfants posent un problème parce que plus la cible est jeune, plus elle est sensible à la radioactivité. Plus une cellule est en croissance, en mutation, plus les produits radioactifs sont dangereux pour elle. C’est pour cela que les cancers thyroïdiens ont plus frappé les enfants. On a, aussi, noté une aggravation des cas de leucémie.
- Vous dites que d’autres pathologies restent à apparaître. Pouvez-vous expliquer ?
- Il est certain que d’autres pathologies induites ne se sont pas encore révélées. Il faut s’attendre au développement de pathologies, notamment hématologiques, et de pathologies osseuses dues au strontium. La durée de vie du strontium est de 130 ans, sa particularité est de se fixer sur les os et dans le calcium. Nous allons voir apparaître, notamment, des tumeurs malignes osseuses. Certains éléments radioactifs ayant une durée de 150 ans, les conséquences du nuage de Tchernobyl ont été à court terme, sont à moyen terme et seront, probablement, à long terme.
- Aurait-on pu, à votre avis, empêcher une telle explosion de pathologie ?
- Oui. On aurait pu traiter les personnes qui ont été exposées en leur faisant avaler des produits iodés, comme ce fut le cas en Allemagne et en Italie. Ces produits bloquent la thyroïde et la rendent insensible à la radioactivité. Il aurait suffi de donner aux gens des cachets ou des extraits thyroïdiens ou simplement de l’iode, et cela les aurait protégés.
- En tant que médecin, que préconisez-vous de faire ?
- De la prévention. C’est essentiel ! Il faut diminuer tous les risques de radioactivité qui nous entourent, notamment au niveau des centrales nucléaires pour éviter qu’une telle catastrophe se reproduise.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Oui. Elle a utilisé exclusivement 16 000 dossiers de mes patients qui vivaient en Haute-Corse et sur la côte Orientale jusqu’à Bonifacio. J’étais, à l’époque et pendant plus de 15 ans, le seul endocrinologue du département. C’était un problème. En même temps, comme j’étais le seul spécialiste sur place, cela m’a permis de recevoir en consultation autant de patients.
- Quand vous êtes-vous rendu compte que quelque chose n’allait pas ?
- Dès le début ! C’est-à-dire entre cinq ou six mois et un an après le passage du nuage. Il m’a fallu le temps de réaliser ce qu’il se passait et de faire le lien entre les pathologies et la radioactivité. En Corse, deux pathologies nous préoccupent : le diabète et la thyroïde. A partir de 1986, le diabète a continué son bonhomme de chemin et la thyroïde a explosé.
- Cette explosion ne pouvait-elle pas avoir d’autre cause que le taux de radioactivité ?
- On peut écarter les arguments disant que les technologies de détection et radiologiques se sont améliorées. Nous restons avant tout des cliniciens. Une thyroïde se regarde, se palpe, se voit. J’ai fait, chez mes patients adultes, la relation de cause à effet.
- Quand l’explosion des pathologies a-t-elle atteint un pic ?
- Les pathologies se sont multipliées. Le nombre de patients affectés augmentait continuellement. Le pic radiologique maximal a été atteint en 1997. Soit 11 ans après l’accident de Tchernobyl ! Après, j’ai noté une décroissance. Les éléments radioactifs ont une certaine période de vie et une, plus ou moins, grande vitesse de contamination. Les iodes, notamment l’iode 131, sont très rapides. Ils sont radioactifs en moyenne huit jours pendant lesquels une personne peut être atteinte et développe la pathologie qui évolue, ensuite, pendant des années. D’autres produits, comme le césium et le strontium, ont une durée de vie beaucoup plus longue. Ce qui signifie que des pathologies induites vont apparaître au fil des années.
- Quand les premières pathologies sont-elles apparues chez les enfants ?
- Je suis un endocrinologue pour adultes, je n’ai pas eu de patients enfants. Mais, nous avons fait, avec le Professeur Henry de l’hôpital de la Timone à Marseille, un travail sur les enfants. Nous sommes rendus compte que, de 1986 à 1997, dans la région Timone-PACA, 14 enfants étaient atteints du cancer de la thyroïde, alors qu’antérieurement, leur nombre se limitait à 3. Nous en avons déduit qu’il y avait un problème et une raison à ce subit accroissement.
- Pourquoi même les enfants, nés bien après le passage du nuage, risquent-ils d’être affectés ?
- Parce que d’autres facteurs, que l’exposition directe au nuage, entrent en jeu. Notamment la consommation des produits agricoles. La radioactivité reste dans la terre, dans les roches… Nous sommes dans une ambiance radioactive qui est moins violente que le flash initial, mais qui reste prégnante. Il est difficile de faire un pronostic, mais les enfants posent un problème parce que plus la cible est jeune, plus elle est sensible à la radioactivité. Plus une cellule est en croissance, en mutation, plus les produits radioactifs sont dangereux pour elle. C’est pour cela que les cancers thyroïdiens ont plus frappé les enfants. On a, aussi, noté une aggravation des cas de leucémie.
- Vous dites que d’autres pathologies restent à apparaître. Pouvez-vous expliquer ?
- Il est certain que d’autres pathologies induites ne se sont pas encore révélées. Il faut s’attendre au développement de pathologies, notamment hématologiques, et de pathologies osseuses dues au strontium. La durée de vie du strontium est de 130 ans, sa particularité est de se fixer sur les os et dans le calcium. Nous allons voir apparaître, notamment, des tumeurs malignes osseuses. Certains éléments radioactifs ayant une durée de 150 ans, les conséquences du nuage de Tchernobyl ont été à court terme, sont à moyen terme et seront, probablement, à long terme.
- Aurait-on pu, à votre avis, empêcher une telle explosion de pathologie ?
- Oui. On aurait pu traiter les personnes qui ont été exposées en leur faisant avaler des produits iodés, comme ce fut le cas en Allemagne et en Italie. Ces produits bloquent la thyroïde et la rendent insensible à la radioactivité. Il aurait suffi de donner aux gens des cachets ou des extraits thyroïdiens ou simplement de l’iode, et cela les aurait protégés.
- En tant que médecin, que préconisez-vous de faire ?
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Propos recueillis par Nicole MARI
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