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Élections municipales : Demande d’annulation confirmée pour Ajaccio et validation pour Porto-Vecchio


Nicole Mari le Jeudi 16 Octobre 2014 à 21:14

Audience électorale au tribunal administratif de Bastia qui, jeudi matin, examinait les requêtes en annulation des scrutins municipaux de Porto-Vecchio et d'Ajaccio. Comme annoncé, le rapporteur public a demandé, en les motivant, le rejet du recours déposé par le candidat nationaliste Jean-Christophe Angelini contre l'élection du maire sortant DVD, Georges Mela, à Porto-Vecchio et validé celui déposé par l'ex-maire d'Ajaccio, Simon Renucci (CSD), contre l'élection de Laurent Marcangeli (UMP). Le jugement, mis en délibéré, sera lu le 23 octobre en fin de matinée. Réactions, en vidéo, pour Corse Net Infos, de George Mela, de Me Claire Waquet, avocate de Simon Renucci, et de Me Stéphane Nesa, avocat de Laurent Marcangeli.



Audience électorale au Tribunal administratif de Bastia.
Audience électorale au Tribunal administratif de Bastia.
 
L'audience électorale n'a pas fait recette, jeudi matin, au tribunal administratif de Bastia. Il est vrai que les conclusions du rapporteur étant largement connues et diffusées depuis 48 heures, le suspense était nul. Seul le maire de Porto-Vecchio, le seul à être quasiment certain de conserver son siège, était présent aux côtés de son avocat, Me Pierre-Paul Muscatelli. Ni Jean-Christophe Angelini, ni son conseil, n’ont assisté à l’audience, estimant, peut-être, eu égard à l’écart des voix, que les jeux sont déjà faits. Côté ajaccien, les deux protagonistes, Laurent Marcangeli et Simon Renucci, étaient également absents, la bataille s’est livrée par avocats interposés. Quelques soutiens et colistiers du maire battu avaient fait le déplacement à Bastia.
 
Des griefs à Porto-Vecchio
Le premier recours examiné porte sur le scrutin municipal de Porto-Vecchio. Le 30 mars dernier, le maire divers droite sortant, Georges Mela, est reconduit avec 4 341 suffrages, soit 53,83 % des votes. Le candidat de l’opposition nationaliste et divers gauche, Jean-Christophe Angelini n’obtient que 3 723 suffrages, soit 46,17 % des votes. Un écart de 618 voix, pour 8 064 suffrages exprimés, sépare les deux adversaires. Jean-Christophe Angelini demande l’annulation du 2nd tour des élections, assortie de conclusions en injonction et au titre des frais irrépétibles. Il liste près de 14 griefs. Le 1er concerne les opérations de révision des listes électorales qui se seraient « déroulées dans des conditions irrégulières, constitutives d’une manœuvre ». Il accuse l’agent municipal en charge du service des élections, nommé en septembre 2013, d’être le cousin germain du maire et d’avoir enregistré 1 500 inscriptions nouvelles, dont celles de 534 ressortissants communautaires. Des billets d’avion auraient été payés à de nombreux électeurs, domiciliés sur le continent, pour venir voter.
 
Des candidats inégaux
Un second grief soutient que la municipalité sortante aurait utilisé à son profit des moyens municipaux, comme des mailings, la référence au logo du Tour de France… et refusé la tenue d’un meeting de l’opposition dans le centre culturel, ne respectant pas le principe d’égalité entre les candidats. D’autres griefs dénoncent des pressions exercées sur les électeurs et des faveurs accordées à certains : embauches, distribution de bons alimentaires, attribution de logements sociaux à des agents électoraux, menus travaux effectués… Egalement des procurations et des formulaires irréguliers, la composition des bureaux de vote, la difficulté pour certains électeurs, notamment des personnes handicapées, d’y accéder, un assesseur donnant des bulletins à des électeurs dans la salle de vote. Jean-Christophe Angelini invoque, également, des irrégularités dans la campagne électorale, notamment des extraits des discours publiés après le délai légal, des propos diffamatoires et un tract l’accusant d’avoir provoqué l’annulation du PLU pour des raisons électoralistes. L’urne du bureau 4 a été ouverte à deux reprises pendant le scrutin et l’opération de dépouillement du bureau 5 s’est faite à huis-clos.
 
Pas d’incidence
Le rapporteur public, Hugues Allado, rejette la plupart des griefs comme non fondés, notamment par manque de preuve ou non-incidence sur les résultats finaux. Il en retient trois : l’utilisation des fichiers internet des services municipaux, l’ouverture de l’urne du bureau 4 à deux reprises et les irrégularités de dépouillement du bureau 5. Néanmoins, il conclut que, si la sincérité du scrutin a pu être altérée, l’écart des voix entre les candidats « n’est pas de nature à changer le résultat du scrutin. Quelque soit la méthode de correction des résultats retenue, soit la neutralisation des résultats du bureau de vote 5, soit le retranchement hypothétique des voix de la liste majoritaire, la liste de Georges Mela arrive toujours en tête ». Il propose, donc, au tribunal, de rejeter la requête de Jean-Christophe Angelini, mais également la demande du maire sortant, qui jugeant infamant certains passages de cette requête, demande leur suppression et 4 000 € de dommages et intérêts. Hugues Allado déclare qu’aucun propos, jugé par l’une ou l’autre des parties, « diffamatoire et injurieux », ne l’est réellement dans un cadre électoral, même s’il en juge certains « regrettables et déplacés ».
 
Aucune preuve !
Prenant la parole pour appuyer cette démonstration, Me Pierre-Paul Muscatelli, avocat de Georges Mela, conteste les différents griefs et y répond point par point. « La contradiction ne vient pas à la barre pour soutenir sa protestation », remarque-t-il d’emblée, soulignant que la partie adverse « n’est ni présente, ni représentée ». Il affirme qu’aucun des trois griefs retenus par le rapporteur n’est vraiment établi : « Aucune preuve que le mailing du centre culturel a été utilisé pour faire de la propagande électorale. Les procès verbaux électoraux ne mentionnent aucune observation sur l’ouverture de l’urne 4 ou le dépouillement dans le bureau 5. Il est paradoxal que ces irrégularités n’aient pas été notées ! ». Puis, il s’en prend aux propos « graves et excessifs portant atteinte à la considération et à l’honneur du maire en exercice ». Et demande au Tribunal de rejeter le recours, mais de prendre en compte la diffamation.
 
Polémiques à Ajaccio
Si les griefs invoqués sont beaucoup moins nombreux, seulement au nombre de quatre, le recours de Simon Renucci pour invalider l’élection municipale d’Ajaccio est bien plus polémique. D’emblée, le rapporteur public prend soin de justifier la diffusion très critiquée, 48 heures avant l’audience, de ses conclusions dans la presse : « C’est une pratique habituelle ». Répondant aux attaques dont il fait l’objet, il rappelle qu’il est « un magistrat indépendant qui expose en fonction des faits et en droit et donne ses conclusions ».
Le 30 mars dernier, à la suite d’une triangulaire, le député libéral Laurent Marcangeli enlève avec 12 301 voix, soit 47,11 % des suffrages exprimés, la mairie d’Ajaccio au maire divers gauche sortant, Simon Renucci qui ne recueille que 12 020 voix, soit 46,03 % des suffrages exprimés. L’écart entre les adversaires est de 281 voix, soit 1,18 % des suffrages exprimés.
Dès la proclamation des résultats, le maire battu dénonce de graves irrégularités de vote et engage un recours en annulation des opérations électorales, assorti d’une demande d’inéligibilité à l’encontre du vainqueur.
 
Un recours recevable
La défense de Laurent Marcangeli contre-attaque immédiatement en soulevant trois fins de non-recevoir tirées de l’absence de signature manuscrite sur la requête émise par voie électronique et de la tardiveté de la protestation. Elle demande 3 000 € de dommages et intérêts, mais elle est déboutée. Son recours étant jugé recevable, Simon Renucci retient 4 griefs contre son adversaire. Il l’accuse, d’abord, d’avoir exercé « de graves violences ou des pressions » sur certains électeurs pour les obliger à voter pour lui. Ensuite, d’avoir acheté des voix en profitant de sa qualité de président de la Commission de la cohésion sociale et de la santé du Conseil général de Corse-du-Sud pour distribuer près de 850 bons de secours à des électeurs. Puis, il conteste 86 signatures sur les listes d’émargement de 9 bureaux de vote qui seraient significativement différentes sur les deux tours de scrutin. Enfin, il dénonce « une augmentation considérable » du nombre de procurations qui est passé de 1 780 à 2 380, soit 600 de plus entre les deux tours, et 127 procurations frauduleuses.
 
Fraudes sur les procurations
Le rapporteur public, Hugues Allado, rejette les deux premiers griefs comme non fondés, faute de preuve, mais retient les deux derniers. Il demande que les 86 signatures irrégulières soient déduites du total des suffrages de la liste Marcangeli, réduisant l’écart avec la liste adverse à seulement 195 voix, toujours à l’avantage du maire actuel. « Ce grief n’est pas en mesure, à lui tout seul, d’entraîner l’annulation des élections municipales de la commune d’Ajaccio », précise-t-il. Pour lui, le dernier grief est « le plus pertinent » et montre « l’existence de manœuvres ayant entaché l’ensemble de la procédure de procuration et altéré la sincérité du scrutin. Certaines procurations ont été produites à deux reprises. Pour près d’une centaine d’électeurs, la signature apposée sur le formulaire de procuration est manifestement différente de celle qui a été apposée sur les listes d’émargement au premier tour du scrutin ou lors de précédents scrutins, sans qu’aucune explication convaincante soit apportée. Un certain nombre de procurations sont rédigées dans une écriture manifestement identique ». Tenant compte du faible écart de voix séparant les deux listes, il demande l’annulation de l’élection municipale et, par voie de conséquence, celle des conseillers communautaires, du maire et des adjoints. Par contre, jugeant que l’auteur des manœuvres frauduleuses n’est pas identifié, il rejette la demande d’inéligibilité à l’encontre de Laurent Marcangeli, mais requiert de le condamner à verser 1 500 € à Simon Renucci.
 
Un bureau occulte
L’avocate de ce dernier, Me Claire Waquet pousse le bouchon beaucoup plus loin. S’excusant presque d’être là, « l’idée qu’une élection ait été viciée par une fraude est vraiment un échec pour la démocratie », elle affirme, d’abord, que « personne ne peut dire combien de voix ont été affectées ». Puis, elle dénonce l’existence « d’un système organisé et d’un petit bureau occulte de procuration. Des dizaines de procurations ont été remplies par la même main non identifiée. Trois mains ont prêté main-forte à ce système. Ce n’est pas normal ! ». Pour elle, les doublons de procuration, qui ont été annulés lors des opérations de vote, et les signatures dissemblables ne sont que des preuves supplémentaires de l’existence de ce système. « Parler de fraude est objectivement diffamatoire, mais on est bien obligé d’appeler un chat, un chat », conclut-elle en demandant l’invalidation du scrutin.
 
Un jeu d’apprenti-sorcier
L’avocat de la défense, Me Stephane Nesa, commence par rendre un hommage bref, mais ému, à Antoine Sollacaro, qui fut assassiné il y a déjà deux ans, jour pour jour. Puis, s’il fait mine d’admettre « en grande partie » le rapport de Hugues Allado, il récuse ses conclusions et tire à boulets-rouges sur la médiatisation délétère du recours par la liste vaincue. « Je suis heureux que les deux premiers griefs n’aient pas été retenus. Ils ont été mis en avant pour donner un caractère nauséabond au dossier. La thèse orchestrée d’un cabinet occulte, à partir de la procuration d’une vieille dame, cumule, à elle seule, l’ignoble manipulation à laquelle on s’est livré ». Précisant que 33% des procurations irrégulières ont été faites pour un adversaire de Laurent Marcangeli et que d’autres n’ont pas été utilisées au 2nd tour, il assène : « Je ne vois pas le cabinet occulte désigner comme mandataire un de ses concurrents politiques. Ça défie l’entendement ! ». Il fustige, ensuite, la méthode du rapporteur public qui procède au retranchement des suffrages litigieux pour inverser le score final et invalider le scrutin. « On s’est livré à un jeu d’apprenti-sorcier. Il faut que vous ayez la certitude que les résultats sont susceptibles de changer. J’ai beau faire les calculs dans tous les sens, le compte n’y est pas ! ». Il explique que les 218 voix initialement incriminées ne représentent que 0,83% des suffrages alors que le différentiel entre les deux listes est de 1,18 %. « Même s’il ne restait qu’une voix de différence, la démocratie est la démocratie. Il n’y a pas d’incertitude ! ». Et conclut sur la validité du scrutin.
 
Le Tribunal administratif rendra son jugement, le 23 octobre en fin de matinée.
 
N.M.

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