Emmenée par son président, Eric Coquerel, la commission des finances de l'Assemblée Nationale était en visite à Bastia jeudi et vendredi pour une série de réunions avec les acteurs politiques, économiques et administratifs (Photo : Collectivité de Corse)
- Quel bilan tirez-vous de ces deux jours de déplacement de la commission des finances de l’Assemblée Nationale en Corse ?
- Déjà, nous avons atteint notre objectif. L'idée, c'était d'avoir une vue, si ce n'est exhaustive au moins synthétique, de la question de la fiscalité en Corse et plus généralement des finances, voire de la situation économique à travers les rencontres que nous avons fait avec l'Exécutif, l'Assemblée de Corse, les élus, les décideurs économiques, etc. C'était vraiment une volonté de voir en quoi, par exemple, les principes dérogatoires ou d'exception en Corse sur la TVA ou sur les crédits d'impôt atteignaient leur objectif ou pas. Je crois que nous repartons avec une vue assez satisfaisante de la situation vis-à-vis de ce que nous étions venus chercher.
- Vous avez donc touché du doigt la réalité économique de l’île. Au regard des éléments qui vous ont été présentés, le transfert de compétences fiscales s’impose-t-il pour la Corse ?
- Ce transfert de compétences fiscales découle d'un statut d'autonomie politique, il faut donc déjà voir si le processus engagé avec l’État va aller jusqu'au bout. La fiscalité, ce n'est que le prolongement. Ce que je crois, c’est que dès lors qu’on valide le principe d'une autonomie dans le cadre de la République, tel que le prévoit aujourd'hui apparemment l’accord qui va peut-être être signé, je pense qu'il en découle le fait qu'il y ait une certaine autonomie fiscale. Celle-ci doit être justement un peu un compromis entre ce qui va rester de cadre national - et je crois que personne ne conteste le fait qu'il va falloir que pas mal d'éléments continuent à subsister - et puis des principes qui soient dérogatoires et voire jusqu'à des principes de création législative si c'est nécessaire sur certains domaines. Moi je trouve que si on arrive à cette situation mixte, cela peut aller dans le bon sens, à une condition : que tout cela soit encadré par un principe de non régression sociale et écologique. C'est-à-dire, en gros, qu’il ne faut pas faire un cadre qui permette par exemple que la Corse devienne une zone franche, ou dérégulée. Il faut que ce soit un signe de progrès pour les Corses par rapport à la situation aux normes actuelles du pays.
- Justement, jusqu’où seriez-vous prêts à aller vis-à-vis de ce transfert de fiscalité ? Est-ce que l’on pourrait imaginer que la Collectivité de Corse autonome lève demain des impôts spécifiques ?
- Je ne peux pas parler au nom de la commission des finances, puisque nous étions sept groupes politiques représentés, mais moi je pense que l’on peut aller jusque-là. On voit bien que si on en arrive à une discussion sur l'autonomie, c'est pour deux raisons. D'abord parce qu'il y a eu une expression populaire renouvelée depuis plusieurs années, avec une large majorité des Corses qui se sont prononcés en faveur de plus d'autonomie. Et puis, il y a une addition de singularités très fortes en Corse, à commencer par la singularité liée à l’insularité. On peut estimer que cette singularité mérite certains impôts spécifiques. Cela ne veut pas dire qu’on fait table rase et qu'on crée ex-nihilo une fiscalité totalement autonome, mais cela veut dire qu'il peut y avoir effectivement des ajustements qui vont jusqu'à la création de l'impôt.
- On entend souvent dire que la Corse coûte cher à la France. Est-ce que cette idée reçue reflète vraiment la réalité ?
- J'ai deux réponses à cela. La première, c'est qu'il faudrait vérifier qu’aujourd'hui les dotations de la France, les compensations, les dérogations fiscales avantagent bien les Corses. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Suite à notre déplacement, nous allons essayer d'avoir un peu plus d'information du côté de Bercy. Je me pose la question de savoir s'il n'y a pas une partie des flux qui entrent qui ressortent. Par exemple, quand vous avez une dérogation de TVA très importante et que les produits achetés en Corse restent plus chers que sur le continent, que ce soit l'essence ou l’alimentaire, cela veut dire qu'il y a des marges et que ces marges qui sont fortes. Je ne suis pas sûr que ces marges restent ensuite en Corse et bénéficient aux Corses. Et donc à ce niveau-là, quand on dit « est-ce que la Corse coûte cher ? », peut-être que finalement les flux qui arrivent en Corse bénéficient à des gens qui ensuite ne les utilisent pas forcément ici. Par ailleurs, on refuse à avoir uniquement de ce point de vue là une comparaison comptable. Moi je regarde aussi tout ce que la Corse amène à la France, c'est-à-dire notamment une situation qui est absolument idéale en plein milieu de la Méditerranée et une île qui est très ouverte au tourisme. Il faut compter tous les points pour s’interroger sur le fait de savoir si la Corse coûte cher à la France. Pour ma part, il me paraît normal, y compris vis à vis de l'histoire, qu’il y ait des flux financiers plus importants qui rentrent pour aider notamment dans le cadre de la solidarité sur le plan républicain. Et je pense que la France a tout intérêt à cette situation.
- Dans ce droit fil, le parti Nazione a profité de votre déplacement pour vous interpeller afin que vous demandiez au ministère des Finances à ce que soient versées au débat public des données objectives « permettant d’établir la réalité de la balance financière entre la Corse et l’État ». Ferez-vous suite à cette demande ?
- Oui, nous allons le faire.
- Enfin en tant que député membre de La France Insoumise, êtes-vous prêt à une autonomie pleine et entière de la Corse ?
- Dès la présidentielle, avec Jean-Luc Mélenchon, nous nous étions déjà prononcés pour inscrire la Corse dans le cadre de l'article 74 de la Constitution. Si c'est quelque chose de comparable, même si ce n'est pas stricto sensu dans le cadre de l’article 74, mais qu’en gros ce soit un traitement spécifique de la question corse et non pas quelque chose qui vaudrait modèle pour disloquer la République française pour d'autres régions, nous y sommes prêts. En plus j’ai l’impression que ce qui a été posé sur le papier permet à la fois effectivement une plus grande autonomie tout en restant dans le cadre de la République. J’estime cela satisfaisant et je pense que cela peut être source de progrès pour les Corses. Il faudra quand même veiller à ce qui sera décidé, soit soumis au vote des Corses, et que cela soit encadré par le principe de non régression sociale et écologique. J'y tiens beaucoup.
- Déjà, nous avons atteint notre objectif. L'idée, c'était d'avoir une vue, si ce n'est exhaustive au moins synthétique, de la question de la fiscalité en Corse et plus généralement des finances, voire de la situation économique à travers les rencontres que nous avons fait avec l'Exécutif, l'Assemblée de Corse, les élus, les décideurs économiques, etc. C'était vraiment une volonté de voir en quoi, par exemple, les principes dérogatoires ou d'exception en Corse sur la TVA ou sur les crédits d'impôt atteignaient leur objectif ou pas. Je crois que nous repartons avec une vue assez satisfaisante de la situation vis-à-vis de ce que nous étions venus chercher.
- Vous avez donc touché du doigt la réalité économique de l’île. Au regard des éléments qui vous ont été présentés, le transfert de compétences fiscales s’impose-t-il pour la Corse ?
- Ce transfert de compétences fiscales découle d'un statut d'autonomie politique, il faut donc déjà voir si le processus engagé avec l’État va aller jusqu'au bout. La fiscalité, ce n'est que le prolongement. Ce que je crois, c’est que dès lors qu’on valide le principe d'une autonomie dans le cadre de la République, tel que le prévoit aujourd'hui apparemment l’accord qui va peut-être être signé, je pense qu'il en découle le fait qu'il y ait une certaine autonomie fiscale. Celle-ci doit être justement un peu un compromis entre ce qui va rester de cadre national - et je crois que personne ne conteste le fait qu'il va falloir que pas mal d'éléments continuent à subsister - et puis des principes qui soient dérogatoires et voire jusqu'à des principes de création législative si c'est nécessaire sur certains domaines. Moi je trouve que si on arrive à cette situation mixte, cela peut aller dans le bon sens, à une condition : que tout cela soit encadré par un principe de non régression sociale et écologique. C'est-à-dire, en gros, qu’il ne faut pas faire un cadre qui permette par exemple que la Corse devienne une zone franche, ou dérégulée. Il faut que ce soit un signe de progrès pour les Corses par rapport à la situation aux normes actuelles du pays.
- Justement, jusqu’où seriez-vous prêts à aller vis-à-vis de ce transfert de fiscalité ? Est-ce que l’on pourrait imaginer que la Collectivité de Corse autonome lève demain des impôts spécifiques ?
- Je ne peux pas parler au nom de la commission des finances, puisque nous étions sept groupes politiques représentés, mais moi je pense que l’on peut aller jusque-là. On voit bien que si on en arrive à une discussion sur l'autonomie, c'est pour deux raisons. D'abord parce qu'il y a eu une expression populaire renouvelée depuis plusieurs années, avec une large majorité des Corses qui se sont prononcés en faveur de plus d'autonomie. Et puis, il y a une addition de singularités très fortes en Corse, à commencer par la singularité liée à l’insularité. On peut estimer que cette singularité mérite certains impôts spécifiques. Cela ne veut pas dire qu’on fait table rase et qu'on crée ex-nihilo une fiscalité totalement autonome, mais cela veut dire qu'il peut y avoir effectivement des ajustements qui vont jusqu'à la création de l'impôt.
- On entend souvent dire que la Corse coûte cher à la France. Est-ce que cette idée reçue reflète vraiment la réalité ?
- J'ai deux réponses à cela. La première, c'est qu'il faudrait vérifier qu’aujourd'hui les dotations de la France, les compensations, les dérogations fiscales avantagent bien les Corses. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Suite à notre déplacement, nous allons essayer d'avoir un peu plus d'information du côté de Bercy. Je me pose la question de savoir s'il n'y a pas une partie des flux qui entrent qui ressortent. Par exemple, quand vous avez une dérogation de TVA très importante et que les produits achetés en Corse restent plus chers que sur le continent, que ce soit l'essence ou l’alimentaire, cela veut dire qu'il y a des marges et que ces marges qui sont fortes. Je ne suis pas sûr que ces marges restent ensuite en Corse et bénéficient aux Corses. Et donc à ce niveau-là, quand on dit « est-ce que la Corse coûte cher ? », peut-être que finalement les flux qui arrivent en Corse bénéficient à des gens qui ensuite ne les utilisent pas forcément ici. Par ailleurs, on refuse à avoir uniquement de ce point de vue là une comparaison comptable. Moi je regarde aussi tout ce que la Corse amène à la France, c'est-à-dire notamment une situation qui est absolument idéale en plein milieu de la Méditerranée et une île qui est très ouverte au tourisme. Il faut compter tous les points pour s’interroger sur le fait de savoir si la Corse coûte cher à la France. Pour ma part, il me paraît normal, y compris vis à vis de l'histoire, qu’il y ait des flux financiers plus importants qui rentrent pour aider notamment dans le cadre de la solidarité sur le plan républicain. Et je pense que la France a tout intérêt à cette situation.
- Dans ce droit fil, le parti Nazione a profité de votre déplacement pour vous interpeller afin que vous demandiez au ministère des Finances à ce que soient versées au débat public des données objectives « permettant d’établir la réalité de la balance financière entre la Corse et l’État ». Ferez-vous suite à cette demande ?
- Oui, nous allons le faire.
- Enfin en tant que député membre de La France Insoumise, êtes-vous prêt à une autonomie pleine et entière de la Corse ?
- Dès la présidentielle, avec Jean-Luc Mélenchon, nous nous étions déjà prononcés pour inscrire la Corse dans le cadre de l'article 74 de la Constitution. Si c'est quelque chose de comparable, même si ce n'est pas stricto sensu dans le cadre de l’article 74, mais qu’en gros ce soit un traitement spécifique de la question corse et non pas quelque chose qui vaudrait modèle pour disloquer la République française pour d'autres régions, nous y sommes prêts. En plus j’ai l’impression que ce qui a été posé sur le papier permet à la fois effectivement une plus grande autonomie tout en restant dans le cadre de la République. J’estime cela satisfaisant et je pense que cela peut être source de progrès pour les Corses. Il faudra quand même veiller à ce qui sera décidé, soit soumis au vote des Corses, et que cela soit encadré par le principe de non régression sociale et écologique. J'y tiens beaucoup.