Fouilles archéologiques sur le site d'u Castellu di Sarravalle au Niolu.
- Quel est le bilan de cette nouvelle campagne de fouilles ?
- Il est très fructueux, au-delà même du matériel que nous avons mis au jour. Ce qui fait la Une, cette année, c’est la découverte de flacons entiers du Néolithique. Il n’en existait qu’un exemplaire cassé en Corse, leur forme est connue en Toscane. L’an dernier, nous avions été très content d’en trouver un. Cette année, nous en avons trouvé quatre entiers, absolument intacts ! Deux ont été placés, vraisemblablement de manière votive, dans le fossé des murs d’assises, lors de la construction de la cabane.
- Pour faire ces nouvelles découvertes, avez-vous creusé le site en profondeur ?
- Nous avons approfondi la surface que nous avions fouillée l’année dernière et nous l’avons élargie. Comme la surface ouverte était plus grande et que nous avions bien préparé le terrain, nous avons pu effectuer une très fine analyse stratigraphique de la parcelle. Ce qui nous a permis, grâce à l’intervention de Pascal Tramoni qui a étudié cette stratigraphie, de découvrir 270 unités stratigraphiques différentes sur 1,50 mètre de remplissage maximum. C’est énorme !
- Quel est le but de cette analyse ?
- Cela nous a permis de mettre en relation chaque pierre, que nous mettons au jour, avec une autre pierre, chaque trou dans son contexte, les murs, les tessons, les flacons en céramique… Cette mise en relation nous a beaucoup appris sur le site. Cette scintigraphie, qui apparaît et nous donne des éléments très intéressants, est la 1ère grande nouveauté de cette année. La 2ème nouveauté est, évidemment, la découverte d’un matériel très riche. Nous totalisons déjà 35 000 artefacts en 5 ans.
- Quels autres enseignements avez-vous tiré ?
- Le 3ème grand enseignement de cette campagne archéologique est la mise à jour des structures de deux habitations différentes. Nous avons pu définir l’ordre et la raison pour lesquels elles se sont succédées. La 1ère maison est très importante, elle comporte un petit mur et, certainement, des superstructures entièrement en bois qui, au début du Néolithique final, vers peut-être 2009 avant Jésus Christ, ont brûlé. Les habitants, certainement les mêmes, peut-être une ou deux générations plus tard, vont reconstruire juste à côté une autre cabane beaucoup plus solide en tirant les leçons de la première construction.
- C’est-à-dire ?
- Ils fabriquent, cette fois-ci, une assise entière en pierre. Ils creusent un fossé de 50 cm et y posent des blocs en pierre de 50 à 60 cm comme première assise. Nous pensons que la cabane comportait au moins un mur en élévation de 2 mètres en pierre. Cette technique de construction est unique en Corse pour le Calcolithique ou le Néolithique final. On pourrait la définir comme une construction « Sarravallienne » ! En tous cas, les autres chercheurs, qui trouveront l’identique en Corse, devront faire référence à Sarravalle.
- En quoi consiste cette technique ?
- Cette technique consiste à poser de gros blocs de 50 à 60 cm séparés par un espace de 30 à 40 cm et des pierres de champ debout. Entre ces gros blocs qui sont à l’extérieur de la cabane et les pierres de champ qui sont à l’intérieur, il y a environ 20 à 50 cm de remplissage de cailloutis. C’est cette technique de construction qui est unique ! Il est vrai que très peu d’habitat du Calcolithique ou du Néolithique final ont été fouillés et qu’il est, donc, facile d’être unique dans ces cas-là. Mais l’avantage que nous avons à Sarravalle, c’est de pouvoir fouiller une cabane intacte. Elle a été conçue de manière tellement solide que, lorsque les habitants l’ont quittée, elle était toujours debout !
- Quand s’est-elle effondrée ?
- Elle ne s’est, certainement, effondrée que quelques siècles, voire quelques millénaires plus tard. L’assise des murs, que l’on retrouve encore effondrés, est en place depuis 5000 ans. Elle n’a pas bougé ! Dans cette assise, nous avons retrouvé les deux bouteilles flacons, dont j’ai parlé, vraisemblablement votives. Elles ont, de toute manière, été insérées, neuves, de manière volontaire, dans le fossé creusé pour le mur de fondation. On le voit clairement dans la scintigraphie.
- Qu’est-ce qui vous fait penser que ces objets étaient votifs ?
- C’est notre interprétation ! Comme, aujourd’hui, on jette des pièces dans les fondations pour porter chance, peut-être les habitants de cette époque ont-ils placé des bouteilles remplies d’un liquide lié à leur religion ! Nous mettons bien de l’huile sainte ou de l’encens sacré, ils ont certainement fait la même chose. Ce don a marché puisque la cabane n’a pas été détruite, ni par le feu comme la première, ni par les ennemis. Elle a été abandonnée encore intacte.
- Pourquoi a-t-elle été abandonnée ?
- Très certainement, soit parce que le Castellu, le village protohistorique, a été attaqué et battu par un ennemi, soit parce que les habitants ont choisi de changer d’implantation, peut-être à cause d’un climat trop froid ou du manque de productivité des terrains autour... On peut penser, quand même, que l’abandon est un peu rapide parce que nous trouvons des flacons quasiment intacts. L’époque suivante est l’âge du bronze, période où le Niolu est très peuplé.
- Qu’en déduisez-vous ?
- D’après ce que l’on sait, au stade actuel des recherches archéologiques sur la principale occupation du Niolu au Néolithique final, les mêmes sites sont occupés. Le matériel trouvé est nombreux. Il y a des cabanes de partout : trois ont été découvertes en fouilles et quatre sont, encore, visibles à l’extérieur de la terrasse sur l’ensemble du site. On pense qu’il y en avait beaucoup plus, comme dans un village qui devait compter plusieurs centaines d’habitants. Nous avons prouvé, l’an dernier, la présence de la métallurgie du cuivre. Peut-être que les autres Castellu occupés au Niolu, à la même époque au Calcolithique, étaient-ils en relation avec celui de Sarravalle qui abritait le commandement politique ? Les autres servant à surveiller. C’est une interprétation possible.
- Chaque année, vous extrayez de nombreux objets et faites des découvertes. Ce site a-t-il encore des choses à vous apprendre ?
- Oui ! Nous n’avons fouillé que la moitié de la cabane ! L’année prochaine, il faudra fouiller la deuxième partie de cette habitation qui est une véritable maison. Elle a, certainement, un diamètre de 9 mètres, soit, peut-être, une superficie de 80 m2. C’est très grand ! Si, aujourd’hui, cette superficie est normale pour une famille de trois enfants, à l’époque, la maison devait contenir 20 ou 30 personnes. Nous sommes sûrs qu’il y a encore de très belles découvertes à faire. Nous avons trouvé les traces de la métallurgie du cuivre, nous n’avons pas encore trouvé les fours, ni la hache votive ou le poignard en cuivre ! Il nous reste encore beaucoup de travail.
- Rendez-vous, donc, l’an prochain, au même endroit ?
- Oui ! Nous espérons obtenir les autorisations de continuer l’année prochaine. Si les fouilles se font dans le Niolu, c’est grâce à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), qui me soutient depuis des années, et grâce au Parc naturel régional de Corse, particulièrement son président qui honore les promesses de son prédécesseur, Jean-Luc Chiappini, dont nous saluons la mémoire. Je tiens à les remercier. Nous espérons que la Collectivité territoriale (CTC) nous soutiendra, également. Pour l’instant, nous ne le savons toujours pas, malgré les engagements pris par Paul Giacobbi (président de l’Exécutif), suite à l’intervention de Jean-Marie Poli (Conseiller territorial de Corsica Libera). Nous espérons pouvoir remercier la CTC, qui n’a toujours pas payé la subvention promise en 2013 ! Enfin, dernier sponsor : Leroy Merlin qui nous offre le matériel. Grâce à la DRAC, au Parc régional et à Leroy Merlin, nous pouvons fouiller !
Propos recueillis par Nicole MARI
- Il est très fructueux, au-delà même du matériel que nous avons mis au jour. Ce qui fait la Une, cette année, c’est la découverte de flacons entiers du Néolithique. Il n’en existait qu’un exemplaire cassé en Corse, leur forme est connue en Toscane. L’an dernier, nous avions été très content d’en trouver un. Cette année, nous en avons trouvé quatre entiers, absolument intacts ! Deux ont été placés, vraisemblablement de manière votive, dans le fossé des murs d’assises, lors de la construction de la cabane.
- Pour faire ces nouvelles découvertes, avez-vous creusé le site en profondeur ?
- Nous avons approfondi la surface que nous avions fouillée l’année dernière et nous l’avons élargie. Comme la surface ouverte était plus grande et que nous avions bien préparé le terrain, nous avons pu effectuer une très fine analyse stratigraphique de la parcelle. Ce qui nous a permis, grâce à l’intervention de Pascal Tramoni qui a étudié cette stratigraphie, de découvrir 270 unités stratigraphiques différentes sur 1,50 mètre de remplissage maximum. C’est énorme !
- Quel est le but de cette analyse ?
- Cela nous a permis de mettre en relation chaque pierre, que nous mettons au jour, avec une autre pierre, chaque trou dans son contexte, les murs, les tessons, les flacons en céramique… Cette mise en relation nous a beaucoup appris sur le site. Cette scintigraphie, qui apparaît et nous donne des éléments très intéressants, est la 1ère grande nouveauté de cette année. La 2ème nouveauté est, évidemment, la découverte d’un matériel très riche. Nous totalisons déjà 35 000 artefacts en 5 ans.
- Quels autres enseignements avez-vous tiré ?
- Le 3ème grand enseignement de cette campagne archéologique est la mise à jour des structures de deux habitations différentes. Nous avons pu définir l’ordre et la raison pour lesquels elles se sont succédées. La 1ère maison est très importante, elle comporte un petit mur et, certainement, des superstructures entièrement en bois qui, au début du Néolithique final, vers peut-être 2009 avant Jésus Christ, ont brûlé. Les habitants, certainement les mêmes, peut-être une ou deux générations plus tard, vont reconstruire juste à côté une autre cabane beaucoup plus solide en tirant les leçons de la première construction.
- C’est-à-dire ?
- Ils fabriquent, cette fois-ci, une assise entière en pierre. Ils creusent un fossé de 50 cm et y posent des blocs en pierre de 50 à 60 cm comme première assise. Nous pensons que la cabane comportait au moins un mur en élévation de 2 mètres en pierre. Cette technique de construction est unique en Corse pour le Calcolithique ou le Néolithique final. On pourrait la définir comme une construction « Sarravallienne » ! En tous cas, les autres chercheurs, qui trouveront l’identique en Corse, devront faire référence à Sarravalle.
- En quoi consiste cette technique ?
- Cette technique consiste à poser de gros blocs de 50 à 60 cm séparés par un espace de 30 à 40 cm et des pierres de champ debout. Entre ces gros blocs qui sont à l’extérieur de la cabane et les pierres de champ qui sont à l’intérieur, il y a environ 20 à 50 cm de remplissage de cailloutis. C’est cette technique de construction qui est unique ! Il est vrai que très peu d’habitat du Calcolithique ou du Néolithique final ont été fouillés et qu’il est, donc, facile d’être unique dans ces cas-là. Mais l’avantage que nous avons à Sarravalle, c’est de pouvoir fouiller une cabane intacte. Elle a été conçue de manière tellement solide que, lorsque les habitants l’ont quittée, elle était toujours debout !
- Quand s’est-elle effondrée ?
- Elle ne s’est, certainement, effondrée que quelques siècles, voire quelques millénaires plus tard. L’assise des murs, que l’on retrouve encore effondrés, est en place depuis 5000 ans. Elle n’a pas bougé ! Dans cette assise, nous avons retrouvé les deux bouteilles flacons, dont j’ai parlé, vraisemblablement votives. Elles ont, de toute manière, été insérées, neuves, de manière volontaire, dans le fossé creusé pour le mur de fondation. On le voit clairement dans la scintigraphie.
- Qu’est-ce qui vous fait penser que ces objets étaient votifs ?
- C’est notre interprétation ! Comme, aujourd’hui, on jette des pièces dans les fondations pour porter chance, peut-être les habitants de cette époque ont-ils placé des bouteilles remplies d’un liquide lié à leur religion ! Nous mettons bien de l’huile sainte ou de l’encens sacré, ils ont certainement fait la même chose. Ce don a marché puisque la cabane n’a pas été détruite, ni par le feu comme la première, ni par les ennemis. Elle a été abandonnée encore intacte.
- Pourquoi a-t-elle été abandonnée ?
- Très certainement, soit parce que le Castellu, le village protohistorique, a été attaqué et battu par un ennemi, soit parce que les habitants ont choisi de changer d’implantation, peut-être à cause d’un climat trop froid ou du manque de productivité des terrains autour... On peut penser, quand même, que l’abandon est un peu rapide parce que nous trouvons des flacons quasiment intacts. L’époque suivante est l’âge du bronze, période où le Niolu est très peuplé.
- Qu’en déduisez-vous ?
- D’après ce que l’on sait, au stade actuel des recherches archéologiques sur la principale occupation du Niolu au Néolithique final, les mêmes sites sont occupés. Le matériel trouvé est nombreux. Il y a des cabanes de partout : trois ont été découvertes en fouilles et quatre sont, encore, visibles à l’extérieur de la terrasse sur l’ensemble du site. On pense qu’il y en avait beaucoup plus, comme dans un village qui devait compter plusieurs centaines d’habitants. Nous avons prouvé, l’an dernier, la présence de la métallurgie du cuivre. Peut-être que les autres Castellu occupés au Niolu, à la même époque au Calcolithique, étaient-ils en relation avec celui de Sarravalle qui abritait le commandement politique ? Les autres servant à surveiller. C’est une interprétation possible.
- Chaque année, vous extrayez de nombreux objets et faites des découvertes. Ce site a-t-il encore des choses à vous apprendre ?
- Oui ! Nous n’avons fouillé que la moitié de la cabane ! L’année prochaine, il faudra fouiller la deuxième partie de cette habitation qui est une véritable maison. Elle a, certainement, un diamètre de 9 mètres, soit, peut-être, une superficie de 80 m2. C’est très grand ! Si, aujourd’hui, cette superficie est normale pour une famille de trois enfants, à l’époque, la maison devait contenir 20 ou 30 personnes. Nous sommes sûrs qu’il y a encore de très belles découvertes à faire. Nous avons trouvé les traces de la métallurgie du cuivre, nous n’avons pas encore trouvé les fours, ni la hache votive ou le poignard en cuivre ! Il nous reste encore beaucoup de travail.
- Rendez-vous, donc, l’an prochain, au même endroit ?
- Oui ! Nous espérons obtenir les autorisations de continuer l’année prochaine. Si les fouilles se font dans le Niolu, c’est grâce à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), qui me soutient depuis des années, et grâce au Parc naturel régional de Corse, particulièrement son président qui honore les promesses de son prédécesseur, Jean-Luc Chiappini, dont nous saluons la mémoire. Je tiens à les remercier. Nous espérons que la Collectivité territoriale (CTC) nous soutiendra, également. Pour l’instant, nous ne le savons toujours pas, malgré les engagements pris par Paul Giacobbi (président de l’Exécutif), suite à l’intervention de Jean-Marie Poli (Conseiller territorial de Corsica Libera). Nous espérons pouvoir remercier la CTC, qui n’a toujours pas payé la subvention promise en 2013 ! Enfin, dernier sponsor : Leroy Merlin qui nous offre le matériel. Grâce à la DRAC, au Parc régional et à Leroy Merlin, nous pouvons fouiller !
Propos recueillis par Nicole MARI
Flacons du Néolithique.
Plus de 35000 artefacts trouvés en 5 ans.
Ghjuvan-Filippu Antolini, archéologue, membre de l’APAUC (Association pour l’archéologie à l’université de Corse) et responsable du chantier de fouilles.