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François Tatti : « Le maire de Bastia ne doit plus être président de la CAB »


Nicole Mari le Samedi 14 Septembre 2013 à 18:21

Rentrée politique pour François Tatti en forme de lancement de campagne électorale. Candidat à la mairie de Bastia pour le scrutin de mars 2014, le conseiller municipal, ex-adjoint aux travaux, entré en dissidence après avoir été écarté de la succession d’Emile Zuccarelli, a fait un constat inattendu de la mandature à laquelle il a activement participé. Fustigeant, notamment, l’autocratisme de l’équipe du maire sortant, Emile Zuccarelli, il explique, à Corse Net Infos, la nécessité d’une nouvelle méthode de gouvernance partagée et transparente. Et livre son plan d’action.



François Tatti, conseiller municipal PRG de Bastia, conseiller territorial du groupe La Gauche Républicaine et président du SYVADEC.
François Tatti, conseiller municipal PRG de Bastia, conseiller territorial du groupe La Gauche Républicaine et président du SYVADEC.
- Quel bilan dressez-vous de cette mandature à laquelle vous avez activement participé ?
- Le problème, pour nous aujourd’hui, n’est pas de commenter le bilan, les retards et les reculs de la mandature. Il faut le faire. Il faut dire là où nous avons avancé, là où nous avons moins avancé et là où nous n’avons pas réussi. Non pas pour faire des critiques, des reproches ou des accusations, mais pour poser un diagnostic qui permet, ensuite, de définir la stratégie et de construire un projet. Pour cela, il me semble indispensable de savoir d’où l’on part.
 
- Vous critiquez, notamment, la mauvaise gestion de la CAB (Communauté d’agglomération bastiaise)…
- On sait que la CAB n’a plus de capacité d’investissement pour quelques temps. Il faut le prendre en compte. Je ne vais pas montrer du doigt à qui incombe la faute. Ce n’est pas mon propos aujourd’hui. Mon propos est de savoir de quoi on parle et de quels moyens on dispose.
 
- Vous dénoncez également le manque de moyens de la Mairie de Bastia….
- La Mairie de Bastia a des faiblesses en termes de capacité d’intervention. Même si au plan financier, elle a été gérée de manière très sérieuse, elle pâtit d’une pauvreté initiale. Son potentiel fiscal est très inférieur à la moyenne nationale des communes de la même strate. Il manque, chaque année, des dizaines de millions € pour financer le service public. Bastia est une ville pauvre.
 
- Pourquoi dites-vous que ce problème résulte d’un manque de volonté politique ?
- Si on veut développer une ville, il faut, d’abord, voir où sont les richesses et les potentialités et, ensuite, se donner les moyens de les saisir. C’est ce que nous proposons. Comment se fait-il qu’une ville aussi belle que Bastia, avec un port aussi gigantesque et un emplacement aussi fabuleux, a autant de ruines et autant de voitures qui envahissent les trottoirs ! Comment se fait-il qu’on n’ait pas réussi à transformer cette cité et à saisir son potentiel ! La manière de faire les choses compte aussi énormément.
 
- Justement, vous fustigez un non-partage du pouvoir par l’équipe sortante. Qu’entendez-vous par là ?
- La stratégie de la citadelle assiégée et de l’enfermement, le refus du dialogue et du partage du pouvoir sont des problématiques à prendre en compte parce qu’elles sont l’essence même de la qualité du travail produit. On peut avoir de bonnes idées, si on n’est pas en mesure de les porter parce qu’on n’a pas la bonne assise politique, qu’on est pris dans des étaux et des tenailles d’alliances qui empêchent de bouger, les problèmes se posent. Mon expérience à la mairie de Bastia et, surtout, au SYVADEC m’a permis de constater qu’on arrive à agréger et à convaincre des gens de faire des choses qu’ils n’auraient jamais imaginé faire à condition de faire preuve de clarté et de rigueur et d’être capable de partager le pouvoir.
 
- Vous êtes élu depuis 2001 et solidaire du pouvoir en place et de sa gestion autocratique. Pensez-vous être le mieux placé, aujourd’hui, pour les critiquer ?
- Je ne fais pas de critiques. Ça ne m’intéresse pas ! Ceux, qui se contentent de critiquer pour critiquer, ne m’intéressent pas non plus ! Je décline une stratégie qui part d’un constat qui peut paraître critique, mais qui reflète ma pensée. Je suis obligé de le poser. Si je disais que tout est merveilleux, qu’est-ce que vous en déduiriez ? Qu’il faut continuer comme ça ! Je dis que, même si, parfois, nous avons bien travaillé, il faut, aujourd’hui, aller plus loin.
 
- Comptez-vous le faire, si vous êtes élu ?
- Ce problème de gestion politique du pouvoir est au cœur du développement et de la stratégie que nous mettons en place. Nous souhaitons qu’il y ait demain, au plan politique, un véritable partage du pouvoir et de responsabilisation de chacun des élus. Nous pensons que le maire de Bastia ne peut plus être président de la CAB et ne doit plus l’être. Il faut ouvrir et être plus transparent, plus réactif dans la gestion, notamment en direction des jeunes. Il faut que les communes du Nord et du Sud n’aient plus peur de Bastia, qu’elles ne le voient plus comme un obstacle, mais comme un avantage. Il faut prendre en compte le Bastia de demain sur d’autres bases de coopération. C’est, par ce moyen-là, que nous aurons l’ampleur nécessaire pour transformer cette ville.
 
- Cela signifie-t-il que vous travaillerez avec l’opposition municipale ?
- Absolument ! Le partage du pouvoir est un apprentissage. Si on veut être attractif, si on veut que Bastia ne se contente pas d’avoir 20000 inscrits sur les listes électorales, si on veut développer l’agglomération, il faut ouvrir les portes et élargir le socle politique. Il faut des procédures de concertation formalisées et respectées. Sinon, on restera toujours à gérer des acquis à partir de notre petit capital électoral. L’opposition doit être respectée, écoutée, et disposer de l’ensemble des éléments pour travailler parce que sa participation est constructive. Le meilleur mandat, que j’ai effectué, était mon 1er mandat parce qu’il y avait, alors, une opposition très sérieuse qui nous a permis de progresser ensemble.
 
- Est-ce une manière de préparer les alliances du 2ème tour et un potentiel partage du pouvoir ?
- A ce stade, ce qui est nécessaire est de porter notre projet et notre stratégie. Nous avons beaucoup travaillé. Nous avons une vision de l’avenir de Bastia que nous voulons mettre en débat le plus largement possible. A partir de ce projet, nous pouvons réfléchir pour agréger d’autres forces politiques, mais ça n’est pas sur des accords d’appareils effectués de manière parfois très curieuses que l’on va construire les assises nécessaires pour développer cette ville.
 
- Pourquoi le maire de Bastia ne peut-il pas, selon vous, être président de la CAB ?
- Peut-être, dans une 1ère étape, il était bon que le maire soit, aussi, président de la CAB. Pour l’avenir, si l’on veut élargir la Communauté d’agglomération afin qu’elle devienne celle du Grand Bastia, il faut que son président veille vraiment à ses intérêts. Etre maire de Bastia est un travail à temps plein ! D’après mon expérience, il est nécessaire que les personnes soient différentes.
 
- Briguez-vous la présidence de la CAB dans une alliance du 2nd tour entre candidats PRG ?
- Je ne me positionne pas en termes de partage de postes avec telle ou telle personne. Ce que je dis, c’est que le maire de Bastia doit être, à plein temps, maire de Bastia. Le président de la  CAB doit définir une vision du développement de la Communauté d’agglomération sans avoir à l’esprit les petites problématiques municipales. C’est un gage de réussite et de coopération fructueuse.
 
- Jean Zuccarelli vous fait un appel du pied pour rentrer dans le rang. L’envisagez-vous ou comptez-vous mener votre démarche jusqu’à son terme ?
- Le 15 juin dernier, après que ma proposition de Primaires citoyennes a été refusée, nous avons décidé de présenter un projet parce que nous ne voulons pas que les appareils politiques décident pour les Bastiais. Nous voulons faire une offre politique différente, courageuse que nous porterons jusqu’au bout. Les appareils politiques peuvent continuer à réfléchir, à travailler de leurs côtés. Pour notre part, nous discutons, non pas avec les appareils politiques, mais avec les Bastiais !
 
- Envisagez-vous une alliance avec les socialistes et sa secrétaire Emmanuelle De Gentili ?
- Aujourd’hui, nous voulons, très clairement, nous inscrire dans une démarche qui, nous l’espérons, rencontrera les Bastiais et sera gagnante. Nous sommes ouverts à toutes celles et à tous ceux qui, dans le camp progressiste, veulent s’inscrire dans cette démarche. Ils peuvent, bien entendu, venir nous aider à la porter.
 
- Rejoindrez-vous Jean Zuccarelli au 2nd tour ?
- Nous sommes à 6 mois du 1er tour. Ne pensez-vous pas qu’il est un peu tôt pour tirer des plans sur la comète ou faire des hypothèses de travail sur le 2nd tour ! A ce stade, ce n’est absolument pas ma préoccupation. Je sais bien que c’est la préoccupation de beaucoup d’observateurs, mais ce n’est ni la mienne, ni celle des Bastiais. Ce qui m’importe et qui importent les gens que je rencontre, c’est comment ils vont se loger, faire travailler leurs enfants, sortir du chômage, comment rendre cette ville plus belle, plus attractive, plus vivante, plus dynamique d’un point de vue économique, culturel, social et politique pour que les jeunes ménages aient envie de s’y installer !
 
- Etes-vous confiant ?
- Je suis extrêmement confiant parce que nous sommes à la croisée des chemins, à un tournant. La population est mûre pour entendre un message différent, à la fois de responsabilité, de réalisme et de volonté, un message qui est porté par des personnes qui ont fait la preuve de leurs compétences.
 
- Vous êtes issu de l’apparatchik municipal. L’opposition, notamment Gilles Simeoni, n’est-elle pas plus légitime à symboliser le changement ?
- Ce n’est pas du tout la perception que j’ai des choses et qu’en ont les Bastiais ! Pour symboliser le changement, il faut proposer des choses. C’est ce que je fais. J’attends que les autres candidats fassent ce travail. Il n’est pas exclu que, sur certains aspects, nous puissions nous retrouver plus largement que je ne l’imagine aujourd’hui. C’est le travail de la campagne à-venir. Je veux que ce soit une campagne d’idées, de projets et qui portent, aussi, sur des valeurs. Nous allons faire des réunions dans tous les quartiers pour décliner notre projet politique et le faire partager par les habitants en leur présentant la conséquence de ce projet sur leur quartier, chez eux, pour eux.
 
- Pourquoi les Bastiais devraient-ils voter pour vous ?
- Il faut qu’ils votent pour moi, s’ils ont envie que Bastia soit une ville moderne et qu’elle se développe sans perdre son âme.
 
Propos recueillis par Nicole MARI

L'équipe de campagne de François Tatti : Marie-Claire Poggi, Julien Morganti, Hélène Sanchez, Eric Calloni et Françoise Vespérini.
L'équipe de campagne de François Tatti : Marie-Claire Poggi, Julien Morganti, Hélène Sanchez, Eric Calloni et Françoise Vespérini.
Un programme électoral en 3 points
 
François Tatti, entouré de Marie-Claire Poggi et de Julien Morganti, conseillers municipaux, d’Eric Calloni, conseiller général de Bastia, d’Hèlène Sanchez, représentante de la section bastiaise d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), et de Françoise Vespérini, directrice financière de l’hôpital de Bastia, a décliné sa vision de l’avenir de Bastia autour de 3 axes de développement et de priorités. 
 
Dynamiser L'économie
Le 1er axe est de dynamiser l’économie en misant sur le patrimoine, l'identité et la position géographique de Bastia pour développer l'activité économique en attirant un tourisme urbain culturel et en développant le commerce et les services. Avec des mesures emblématiques. D’abord, piétonniser le centre historique (rue Napoléon, marché, vieux port) et requalifier les rues commerçantes (arrêts minutes, plantations, terrasses…). Ensuite, construire 1000 places de parkings supplémentaires en centre ville en utilisant des matériaux écologiques. Enfin, mettre en place, en rade de Bastia, un amarrage pour les bateaux de croisière sans attendre la construction du port de la Carbonite. Faire de ce dernier, un port exemplaire afin d’obtenir le label international d’écoport et de préparer la reconversion du port actuel en port de grande plaisance et de croisière.
 
Promouvoir l’habitant
Le 2ème axe est de favoriser l’habitat, les déplacements et le dynamisme démographique.
D’abord, en arrêtant la construction de logements sociaux dans les quartiers Sud, en y réintroduisant de la mixité sociale et en mettant en place un plan Marschall pour rénover le parc d’HLM qui est parfois à la limite de l'acceptable « On ne peut prétendre être de gauche et continuer à créer des ghettos et faire vivre des gens dans des logements indécents », assène François Tatti. Il propose, ensuite, de développer la densité urbaine en construisant de l'habitat durable, à basse consommation d’énergie, en veillant aux matériaux et aux techniques utilisés. Enfin, d’accentuer l'effort sur les services publics destinés aux jeunes couples d’actifs ou en recherche d'emploi (crèches, cantines scolaires, loisirs, parcs, animations, culture…)
 
Elargir le socle politique et citoyen
Le 3ème axe est de changer la méthode politique qui a prévalu sous la gestion de la majorité actuelle. D’abord, changer la gouvernance, impliquer la population, responsabiliser tous les élus et partager le pouvoir. Ensuite, cesser de « se comporter comme une citadelle assiégée » et œuvrer pour la création d’une grande communauté d’agglomération en la préfigurant par la tenue d'une conférence des communautés d'agglomérations du grand Bastia. Enfin, favoriser l'implication de la population, notamment des jeunes, par l'éthique, la rigueur, l'impartialité et la transparence dans l’emploi des fonds publics, des autorisations d'urbanisme, l'attribution des logements sociaux et des secours.
 
Ce projet sera soumis et mis en débat avec la population pendant la campagne électorale pour ensuite, début 2014, déboucher sur le « projet pour Bastia, fait par les Bastiais ».