François Tatti et Pascaline Castellani, élus territoriaux du groupe La Gauche Républicaine
- Etes-vous, idéologiquement, contre le principe de coofficialité ou est-ce seulement le mot qui vous dérange ?
- Nous sommes favorables à un statut de langue corse territoriale s’inscrivant dans un statut national des langues régionales. Le statut de coofficialité, qui met à parité le français et le corse, ne correspond à rien. On rentre dans un schéma impraticable et on se fait plaisir. Le français est la langue du pays, tout le monde la parle. Avoir, du jour au lendemain, deux langues officielles, au même niveau, ne peut pas fonctionner. Si la question se posait dans 50 ans, lorsque la société corse sera bilingue, alors, à ce moment-là, ce sera un problème politique. Aujourd’hui, à ce problème politique s’ajoute la réalité sociolinguistique de l’île qui ne le permet pas. Il faut en tenir compte.
- C’est-à-dire ?
- L’officialité signifie que la langue est imposable à tous, que tout le monde a l’obligation de la connaître parce que c’est la langue du pays. Dire que le corse est imposable à tous parce qu’il est aussi la langue du pays, c'est commettre une erreur et créer une situation impossible pour la plupart des gens qui ne le parlent pas. Ça ne peut pas marcher !
- Ça marche ailleurs en Europe où de plus en plus de régions optent pour ce principe. Pourquoi ça ne marcherait pas en Corse ?
- Je ne sais pas s’il y a beaucoup de régions en Europe qui optent pour la coofficialité !
- Pourquoi opposez-vous la coofficialité au bilinguisme ?
- Le système de coofficialité n’est pas un système de bilinguisme. La coofficialité comporte des contraintes juridiques, des discriminations professionnelles et des difficultés de mise en œuvre. Les formations vont, peut-être, intervenir dans 30 ans ! On sait très bien que, juridiquement, la coofficialité est vouée à l’échec parce qu’elle suppose une modification de la Constitution que, dans l’état actuel des choses, personne ne souhaite. Et qui, en plus, n’est ni souhaitable, ni adaptée ! Le gouvernement, quand on lui expliquera ce qu’on veut faire, s’y opposera et rétorquera qu’on ne peut pas le faire. Nous sommes favorables au dialogue avec le gouvernement, pas à un bras de fer comme pour les Arrêtés Miot.
- Est-ce la raison pour laquelle vous estimez, non-abouti, le projet de statut proposé au débat ?
- Un tel statut, pensé en dehors de l’évaluation et de la mobilisation des moyens nécessaires pour le porter à bien, n’a pas de valeur. C’est une pétition de principe, un vœu pieu. Il faut se poser la question de savoir quels sont les moyens humains et financiers dont on dispose pour mettre en œuvre une politique qui nous porte au bilinguisme.
- Vous jugez ce statut discriminatoire. En quoi le serait-il ?
- En donnant des droits aux citoyens, ce statut, sans s’en rendre compte, est discriminatoire par rapport à ceux qui ne parlent pas le corse. Les non-corsophones n’auront pas les mêmes possibilités de carrière et de formation que les corsophones. Pour progresser dans sa carrière, il faudra parler corse. Mais, comment libérer un fonctionnaire pendant toute une année pour lui apprendre à parler corse ? Tout ceci ne serait rien si nous étions en capacité de mettre tout le monde en formation en même temps pour qu’il n’y ait pas de différence. Or, nous ne sommes pas en mesure d’offrir à chacun cette opportunité.
- Vous vous élevez, également, contre la priorité donnée au corse dans la culture et l’éducation ?
- Un exemple, le projet dit qu'à l’université, les professeurs s’exprimeront, comme ils le souhaitent, indifféremment en corse ou en français. Cela signifie que l’on veut une université, non plus de la lumière, mais de l’obscurité ! Comment un professeur du continent peut-il intervenir dans ce contexte ! Nous sommes une île de 300 000 habitants, nous avons besoin de respirer, d’avoir des passerelles importantes avec l’extérieur, notamment dans le domaine de l’excellence et de la formation. Il ne faut pas faire un statut qui, nécessairement, va créer des discriminations et ouvrira la porte à toutes les dérives.
- Que proposez-vous en contrepartie ?
- Pour faire avancer la langue corse, nous proposons un statut qui crée des obligations de formation, de proposition pour les pouvoirs publics et qui laisse le choix au citoyen d’adhérer à la langue corse. Le but est de porter la société corse au bilinguisme en misant sur cette complémentarité qui serait d’obliger les pouvoirs publics à mettre en place le dispositif et de laisser les citoyens volontaires s’y inscrire. Cela suppose que l’on mise sur un statut ambitieux, financé, cohérent, planifié dans la durée, mais qui ne mette pas d’obligations à charge des citoyens.
- Quels sont les points sur lesquels vous ne transigerez pas lors du débat ?
- Nous considérons qu’il faut vraiment se préoccuper de la langue corse, faire un statut de la langue corse, et rien d’autre ! Parce que ça fait bien de voter pour la langue corse, nous pourrions le faire, mais ce ne serait pas honnête. On pourrait dire : on vote… Et puis, on s’en fiche ! Le statut ne marchera pas… On s’en fiche ! Il sera retoqué par le Préfet. Il restera dans les cartons… On s’en fiche ! Mais, je pense qu’il faut être honnête, cohérent et faire ce que l’on croit utile, c’est-à-dire tenir un discours de réalisme et de vérité. On ne peut pas mentir aux gens sur des questions aussi sensibles. J’ai la chance de parler corse. Je sais bien que c’est intimement important de parler corse. Une langue est un lien profond et fort. On n’a pas le droit de jouer avec ces choses-là.
- Que ferez-vous au moment du vote ?
- Nous ne voterons pas le statut en l’état. Nous ferons un certain nombre d’amendements pour repositionner le statut, non pas à partir de la coofficialité, mais à partir de la volonté d’amener la société au bilinguisme. Ce qui signifie que nous proposerons beaucoup de modifications au document qui nous sera présenté.
- Votre 1er amendement demande le retrait du mot « coofficialité » et de la nature juridique du statut de coofficialité. Si cet amendement n’est pas accepté, voterez-vous le statut ?
- Non !
- Vous abstiendrez-vous ou voterez-vous contre ?
- Pour l’instant, nous ne nous mettons pas en position d’échec. Nous allons essayer de convaincre nos collègues de la justesse de nos propositions.
- N’avez-vous pas le sentiment de mener un combat d’arrière garde ?
- Nous avons le sentiment de mener un combat pour la langue corse et pas pour une nation corse ! Nous ne voulons pas gérer l’Education nationale, la justice… Nous voulons aller vers une société bilingue.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Nous sommes favorables à un statut de langue corse territoriale s’inscrivant dans un statut national des langues régionales. Le statut de coofficialité, qui met à parité le français et le corse, ne correspond à rien. On rentre dans un schéma impraticable et on se fait plaisir. Le français est la langue du pays, tout le monde la parle. Avoir, du jour au lendemain, deux langues officielles, au même niveau, ne peut pas fonctionner. Si la question se posait dans 50 ans, lorsque la société corse sera bilingue, alors, à ce moment-là, ce sera un problème politique. Aujourd’hui, à ce problème politique s’ajoute la réalité sociolinguistique de l’île qui ne le permet pas. Il faut en tenir compte.
- C’est-à-dire ?
- L’officialité signifie que la langue est imposable à tous, que tout le monde a l’obligation de la connaître parce que c’est la langue du pays. Dire que le corse est imposable à tous parce qu’il est aussi la langue du pays, c'est commettre une erreur et créer une situation impossible pour la plupart des gens qui ne le parlent pas. Ça ne peut pas marcher !
- Ça marche ailleurs en Europe où de plus en plus de régions optent pour ce principe. Pourquoi ça ne marcherait pas en Corse ?
- Je ne sais pas s’il y a beaucoup de régions en Europe qui optent pour la coofficialité !
- Pourquoi opposez-vous la coofficialité au bilinguisme ?
- Le système de coofficialité n’est pas un système de bilinguisme. La coofficialité comporte des contraintes juridiques, des discriminations professionnelles et des difficultés de mise en œuvre. Les formations vont, peut-être, intervenir dans 30 ans ! On sait très bien que, juridiquement, la coofficialité est vouée à l’échec parce qu’elle suppose une modification de la Constitution que, dans l’état actuel des choses, personne ne souhaite. Et qui, en plus, n’est ni souhaitable, ni adaptée ! Le gouvernement, quand on lui expliquera ce qu’on veut faire, s’y opposera et rétorquera qu’on ne peut pas le faire. Nous sommes favorables au dialogue avec le gouvernement, pas à un bras de fer comme pour les Arrêtés Miot.
- Est-ce la raison pour laquelle vous estimez, non-abouti, le projet de statut proposé au débat ?
- Un tel statut, pensé en dehors de l’évaluation et de la mobilisation des moyens nécessaires pour le porter à bien, n’a pas de valeur. C’est une pétition de principe, un vœu pieu. Il faut se poser la question de savoir quels sont les moyens humains et financiers dont on dispose pour mettre en œuvre une politique qui nous porte au bilinguisme.
- Vous jugez ce statut discriminatoire. En quoi le serait-il ?
- En donnant des droits aux citoyens, ce statut, sans s’en rendre compte, est discriminatoire par rapport à ceux qui ne parlent pas le corse. Les non-corsophones n’auront pas les mêmes possibilités de carrière et de formation que les corsophones. Pour progresser dans sa carrière, il faudra parler corse. Mais, comment libérer un fonctionnaire pendant toute une année pour lui apprendre à parler corse ? Tout ceci ne serait rien si nous étions en capacité de mettre tout le monde en formation en même temps pour qu’il n’y ait pas de différence. Or, nous ne sommes pas en mesure d’offrir à chacun cette opportunité.
- Vous vous élevez, également, contre la priorité donnée au corse dans la culture et l’éducation ?
- Un exemple, le projet dit qu'à l’université, les professeurs s’exprimeront, comme ils le souhaitent, indifféremment en corse ou en français. Cela signifie que l’on veut une université, non plus de la lumière, mais de l’obscurité ! Comment un professeur du continent peut-il intervenir dans ce contexte ! Nous sommes une île de 300 000 habitants, nous avons besoin de respirer, d’avoir des passerelles importantes avec l’extérieur, notamment dans le domaine de l’excellence et de la formation. Il ne faut pas faire un statut qui, nécessairement, va créer des discriminations et ouvrira la porte à toutes les dérives.
- Que proposez-vous en contrepartie ?
- Pour faire avancer la langue corse, nous proposons un statut qui crée des obligations de formation, de proposition pour les pouvoirs publics et qui laisse le choix au citoyen d’adhérer à la langue corse. Le but est de porter la société corse au bilinguisme en misant sur cette complémentarité qui serait d’obliger les pouvoirs publics à mettre en place le dispositif et de laisser les citoyens volontaires s’y inscrire. Cela suppose que l’on mise sur un statut ambitieux, financé, cohérent, planifié dans la durée, mais qui ne mette pas d’obligations à charge des citoyens.
- Quels sont les points sur lesquels vous ne transigerez pas lors du débat ?
- Nous considérons qu’il faut vraiment se préoccuper de la langue corse, faire un statut de la langue corse, et rien d’autre ! Parce que ça fait bien de voter pour la langue corse, nous pourrions le faire, mais ce ne serait pas honnête. On pourrait dire : on vote… Et puis, on s’en fiche ! Le statut ne marchera pas… On s’en fiche ! Il sera retoqué par le Préfet. Il restera dans les cartons… On s’en fiche ! Mais, je pense qu’il faut être honnête, cohérent et faire ce que l’on croit utile, c’est-à-dire tenir un discours de réalisme et de vérité. On ne peut pas mentir aux gens sur des questions aussi sensibles. J’ai la chance de parler corse. Je sais bien que c’est intimement important de parler corse. Une langue est un lien profond et fort. On n’a pas le droit de jouer avec ces choses-là.
- Que ferez-vous au moment du vote ?
- Nous ne voterons pas le statut en l’état. Nous ferons un certain nombre d’amendements pour repositionner le statut, non pas à partir de la coofficialité, mais à partir de la volonté d’amener la société au bilinguisme. Ce qui signifie que nous proposerons beaucoup de modifications au document qui nous sera présenté.
- Votre 1er amendement demande le retrait du mot « coofficialité » et de la nature juridique du statut de coofficialité. Si cet amendement n’est pas accepté, voterez-vous le statut ?
- Non !
- Vous abstiendrez-vous ou voterez-vous contre ?
- Pour l’instant, nous ne nous mettons pas en position d’échec. Nous allons essayer de convaincre nos collègues de la justesse de nos propositions.
- N’avez-vous pas le sentiment de mener un combat d’arrière garde ?
- Nous avons le sentiment de mener un combat pour la langue corse et pas pour une nation corse ! Nous ne voulons pas gérer l’Education nationale, la justice… Nous voulons aller vers une société bilingue.
Propos recueillis par Nicole MARI.