Le 24 avril dernier une courte mais nette majorité de 29 élus sur les 51 que compte l’assemblée s’est rassemblée pour voter, sur rapport de l’exécutif, le principe d’un statut de résident destiné à restreindre le droit d’accession à la propriété aux personnes physiques et morales justifiant d’une résidence permanente d’au moins 5 ans sur l’Île, renvoyant à une commission le soin de traiter le cas des corses de l’extérieur.
Nous partageons les préoccupations des élus qui ont voté ces dispositions : la langue corse est en perdition, et la spéculation foncière fait des ravages dans notre Île, rendant de plus en plus difficile l’accession à la propriété des insulaires pendant que des milliers de logements sont inoccupés plus de la moitié de l’année, pendant que le sentiment de
dépossession de leur patrimoine par les corses se renforce.
Nous sommes par contre très réservés, et nous le disons depuis le début de la mandature, sur la méthode choisie par l’assemblée de Corse pour que ces propositions, qui se heurteront à l’opposition du conseil constitutionnel, puissent avoir une chance d’aboutir un jour.
Considérer que la France pourrait donner droit à ces mesures, y compris la reconnaissance juridique du peuple corse votée dans les mêmes conditions à plusieurs reprises naguère, revient en définitive, si l’on tient compte de son histoire, à lui demander de renoncer à ce qu’elle est au regard de cette histoire.
Contrairement à ce que l’on avance, ce n’est pas une hypothétique inscription de la Corse dans la Constitution qui y changera quelque chose. Les experts cités par l’exécutif dans son rapport le reconnaissent d’ailleurs implicitement.
La France a par contre octroyé à la Polynésie un statut d’autonomie dont tous les juristes sans exception consultés par l’assemblée de Corse, à commencer par le professeur Guy Carcassone, estiment qu’il permettrait de trouver une issue à la plus grande partie des problématiques soulevées, y compris celle qui fait débat aujourd’hui.
Alors nous posons franchement la question : pourquoi les 29 élus qui ont accepté de chevaucher ce qui reste, en l’état, la chimère du « statut » de résident, continueraient-ils à refuser de se prononcer clairement sur la question de l’autonomie ? Quelles sont les arrières- pensées boutiquières qui ont empêché jusqu’à ce jour que l’on appelle chat un chat ?
A quoi rime la recherche du consensus quand on mesure à quel point certains élus ont émis d’autant plus volontiers un vote favorable qu’ils sont persuadés qu’il ne connaitra pas d’application ?
La Corse n’est pas une région métropolitaine comme les autres : si les mots ont encore un sens elle est ellemême ultramarine, et mérite à ce titre qu’un traitement adapté lui soit réservé.
Existe-t il une autre région française métropolitaine dans laquelle un mouvement qui se déclare pour l’indépendance sans condamner un appareil clandestin qui pratique la violence politique, parfois extrême, depuis plus de 30 ans, a obtenu plus de 10% des suffrages aux dernières élections territoriales de 2010 ?
Inutile de chercher, il n’y en a pas d’autre.
Existe t-il une autre région métropolitaine dans laquelle un mouvement qui réclame l’autonomie interne pour l’Île et dénonce le « caractère colonial » de la présence française dans l’Île a obtenu plus de 26 % des suffrages à la même consultation et dont le leader vient d’être élu maire de la capitale économique de la région ?
Inutile de chercher, il n’y en a pas d’autre.
Existe t-il une autre région française métropolitaine dans laquelle se pose un problème avec la langue régionale assez aigu pour qu’une assemblée élue se prononce à une forte majorité pour instaurer la coofficialité de cette langue et de la langue française sur son territoire ?
Inutile de chercher, il n’y en a pas d’autre.
Inutile de chercher, il n’y en a pas d’autre.
Existe t-il une autre région française métropolitaine qui à trois reprises ait fait l’objet d’uneimportante réforme institutionnelle, qui éprouve aujourd’hui le besoin d’aller plus loin, et qui vientde décider de la mise en œuvre d’un statut qui n’accorderait qu’à ses résidents, sous certainesconditions, le doit d’acquérir un bien foncier sur son territoire , en réponse au sentiment dedépossession qui envahit et angoisse aujourd’hui les corses devant l’explosion des prix des terrains constructibles à laquelle ils ne peuvent plus faire face ?
Inutile de chercher, il n’y en a pas d’autre.
Il est temps que la clarté s’instaure dans un débat confus et dont l’issue apparait chaque jour un peu plus incertaine. Les postures politiciennes doivent à présent laisser la place au débat politique, et la majorité territoriale doit consacrer le temps qui lui est compté à s’occuper de laprécarité qui gagne chaque jour, du chômage qui ne cesse de progresser, d’un développement économique en déshérence, et à finaliser enfin le dossier du PADDUC pour qu’il ne reste pas un catalogue de bonnes intentions.