Le débat a été lancé par Jean-Marc Rodriguez, qui a retracé la genèse de la démarche entreprise par Nazione depuis des mois, soit quelques semaines seulement après sa création. Cette démarche s'inscrit dans la volonté du mouvement indépendantiste de faire reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple corse, à l'instar des initiatives similaires entreprises par d'autres mouvements invités à ces Ghjurnate, tels que ceux de la Guadeloupe, de la Martinique ou encore de la Polynésie Française. Ces mouvements indépendantistes se sont unis « pour que nous soyons forts, écoutés et entendus au niveau international », a déclaré Jean-Marc Rodriguez. Ils se sont regroupés au sein du Front International de Libération des Dernières Colonies Françaises lors d’un congrès à Bakou (Azerbaïdjan). « Rien ne nous empêchera de retourner à Bakou ou ailleurs et jusqu’à New York, au siège des Nations Unies, pour porter notre message et faire comprendre au monde que nous sommes un peuple colonisé », a-t-il affirmé.
À la question « qu’attendez-vous du FILDCF ? », la réponse des représentants des peuples en lutte a été unanime : « Nous avons besoin d’associer nos forces, nos énergies pour être plus forts et nous avons besoin d’un Front structuré pour obtenir ce que nous voulons sur la base des critères de l’ONU ».
Jean-Guy Talamoni a critiqué le processus de Beauvau, « qui ne constitue pas une avancée pour la Corse, mais un recul », en insistant sur la nécessité de porter la revendication corse au plan international « pour dire que la Corse est bien colonisée ». L’ancien président de l’Assemblée de Corse a souligné qu’une motion a été déposée à la Collectivité e Corse en janvier dernier, afin de renforcer la demande d’inscription de la Corse sur la liste des « Territoires non autonomes » à décoloniser de l’ONU. Cette motion devrait être examinée en session fin septembre après être passée par diverses commissions. Jean-Guy Talamoni a insisté sur le fait que Nazione s’efforcerait dans les jours à venir de convaincre le peuple corse du bien-fondé de cette démarche.
À l’issue de ce débat, les jeunes ont pris la parole. A Ghjuventù in Lotta a tenu son premier meeting public, soulignant l’importance de l’union de tous les mouvements de la jeunesse corse. A Ghjuventù Libera, A Ghjuventù Indipendentista, A Ghjuventù Paolina et A Ghjuventù in Core ont uni leurs forces sous la même bannière, promettant de mener des actions de terrain « de manière à sauver notre peuple, notre langue, notre culture et notre terre ». Bien que le discours soit déjà connu, « cette union de la jeunesse m’a donné des frissons », a confié un militant de la première heure. Les jeunes ont abordé des sujets tels que la colonisation de peuplement, le statut de résident, la corsisation des emplois, la création d’une compagnie maritime publique corse, la baisse du prix des carburants et l’accès au logement. Ils ont dénoncé l’arrivée massive de 5 000 non-Corses chaque année, ce qui, selon eux, dilue la population, la langue et la culture corses. « Ava Basta, A Terra Corsa a i Corsi », ont-ils clamé. Ils ont également exprimé leur soutien aux militants clandestins du FLNC sous un tonnerre d’applaudissements.
Intensifier la lutte sur le terrain
Petr’Anto Tomasi, pour Nazione, a lancé le meeting de clôture en rappelant les nouvelles initiatives du mouvement et le retour aux fondamentaux de la Lutte de Libération Nationale, comme la question du corps électoral et l’internationalisation « de notre combat en faveur de notre souveraineté ». Il a insisté sur l’importance de transcender les organisations préexistantes pour créer Nazione, « un outil au service de la LLN, adapté aux défis de notre temps et ouvert à tous ceux qui souhaitent œuvrer pour leur pays ».
Le porte-parole de Nazione a réaffirmé « nous n’accepterons pas que l’avenir de la Corse soit confisqué par la loi du nombre, par la colonisation de peuplement et l’expression d’un vote communautaire français. Nous n’accepterons pas non plus que notre pays soit représenté par des candidats ou élus parachutés, totalement étrangers à notre terre, à notre peuple et à ses réalités ». Il faisait référence aux récentes élections législatives anticipées avec des candidatures dictées par Paris.
Concernant les critères du futur corps électoral corse, Petr’Anto Tomasi s’est adressé directement à certains électeurs : « propriétaires de résidences secondaires, fonctionnaires de passage, néo-arrivants fraîchement débarqués et n’ayant aucun désir de s’intégrer au peuple corse, seule communauté de droit sur sa terre. À ces électeurs, nous délivrons un message simple : ne votez pas ! Ne votez plus lors de scrutins organisés sur la terre de Corse et qui pèsent sur l’avenir de notre peuple. Lorsque vous votez, vous altérez le droit d’un peuple à disposer de lui-même et vous agissez contre les intérêts de la Corse ».
Il a poursuivi en affirmant que la décorsisation des emplois se poursuit, soulignant que « ce n’est plus seulement l’administration qui est concernée, le modèle de société désastreux fondé sur l’installation de franchises commerciales et de multinationales contribue également à la création d’emplois réservés à des non-Corses ».
Nazione entend intensifier la lutte sur le terrain à travers « deux orientations incontournables. D’abord, nous devons renforcer les contre-pouvoirs existants ou en créer de nouveaux dans les domaines social, économique, culturel, linguistique et environnemental pour imposer sur le terrain un projet national. Ensuite, nous devons élaborer un projet d’indépendance qui intègre de façon décisive les préoccupations sociales et économiques des Corses ».
Nazione a également annoncé son intention de démontrer la viabilité du projet d’indépendance de la Corse. « Un travail que nous mènerons avec patience et détermination pour construire une majorité solide au sein de notre peuple et remporter demain le scrutin d’autodétermination que nous appelons de nos vœux ».