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Gilles Simeoni : « L’entretien avec Catherine Vautrin a été globalement plutôt positif »


Nicole Mari le Jeudi 10 Octobre 2024 à 20:27

La première rencontre entre le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, et la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, a duré près de trois heures, soit une heure de plus que prévu. Les deux dossiers brûlants du rattachement des Chambres consulaires à la Collectivité de Corse et de la revalorisation de la dotation de continuité territoriale, ainsi que la poursuite du processus d’autonomie ont été au centre des discussions. Gilles Simeoni a obtenu satisfaction sur le premier, une « écoute attentive » sur le second et la confirmation que le processus suivrait son cours. Il explique à Corse Net Infos que l’entretien a été « globalement plutôt positif ».



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, à Paris. Crédit Photo Hans Lucas via AFP.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, à Paris. Crédit Photo Hans Lucas via AFP.
- Comment s’est passé ce premier entretien avec Catherine Vautrin ?
- L’entretien, qui était prévu pour deux heures maximum, a finalement duré presque trois heures. Cela montre qu’il y avait une volonté d’aller au fond des discussions. Le climat était convivial, constructif, positif avec une écoute et un respect réciproque. La ministre était accompagnée de son directeur de cabinet et du ministre de la Mer, lui-même accompagné de son directeur de cabinet adjoint. Le ministre des Transports n’ayant pas pu venir, il avait délégué sa directrice de cabinet. C’était donc une délégation étoffée. Ces trois points prouvent que la ministre a voulu donner à ce rendez-vous une dimension et une importance politique marquées. J’en ai profité pour la remercier de son écoute qui, la semaine dernière, a permis de sortir de la situation de blocage et de me recevoir dans cette configuration nationale avec les contraintes auxquelles le gouvernement est confronté en ce moment.
 
- Que lui avez-vous demandé ?
- Pour ce premier contact, j’ai, d’abord, voulu insister en termes de méthode sur le fait qu’il y a, à la fois, le projet politique global, la révision constitutionnelle et le statut d’autonomie dans le cadre du processus que nous nous avons engagé en mars 2022 après l’assassinat d’Yvan Colonna, mais aussi, de la part du Conseil exécutif et de moi-même, la volonté forte d’apporter des réponses opérationnelles à tous les dossiers stratégiques, notamment dans les domaines du quotidien. Je lui ai dit qu’il était très réducteur d’opposer l’autonomie et les problèmes du quotidien et de chercher à les décorréler parce que précisément l’autonomie est un moyen d’apporter les meilleures réponses aux questions du quotidien. C’est démontré par l’expérience. Au-delà, y compris en parallèle de la discussion sur l’autonomie, il fallait que l’on travaille dans le dialogue avec le gouvernement à identifier des réponses à différents dossiers qui sont perçus par les Corses comme essentiels. J’ai évoqué assez longuement la santé, le prix de l’essence, le prix des produits de consommation courante, l’énergie, l’eau, les déchets, les infrastructures, etc. Ensuite, je suis venu au cœur des trois dossiers fondamentaux - la maîtrise des infrastructures portuaires et aéroportuaires, la revalorisation de la dotation de continuité territoriale et la poursuite du processus d’autonomie. J’ai demandé des garanties et un engagement du gouvernement.
 
- Qu’est-ce que la ministre vous a répondu sur ce dossier brûlant des transports ?
- Trois éléments importants. Premièrement, j’ai demandé la validation claire, définitive et irréversible du principe de maîtrise publique des infrastructures portuaires et aéroportuaires. C’est acté ! Le gouvernement le comprend, le partage et le soutient. Deuxièmement, sur le Syndicat mixte ouvert (SMO) avec régie ascendante de concession à la CCI avant le 31 décembre 2024, j’ai demandé s’il y avait réellement une difficulté d’ordre juridique. La ministre m’a répondu qu’elle n’en avait pas à faire valoir à ce stade, qu’elle avait été saisie de notre réaction et de l’existence de difficultés qui, aujourd’hui, n’ont pas été objectivées. Donc, pas d’obstacle de principe là-dessus. Je lui ai rappelé que nos arguments et nos propositions ont été validés pendant un an par le gouvernement avec lequel nous discutions depuis novembre dernier, mais que nous étions ouverts à la discussion. Notre souhait est que le SMO soit mis en place comme prévu avant le 31 décembre 2024 à la fin des concessions. Elle a dit « Pas de problème ». Donc, on continue sur ce cap-là. Le troisième élément important est que la ministre a bien compris que cette proposition était une formule de jonction en attendant la solution pérenne prévue par la loi PACTE, c’est-à-dire le rattachement par une loi de la Chambre de commerce et d’industrie et de la chambre des métiers à la collectivité de Corse. Elle a affirmé vouloir aller le plus vite possible vers cette solution pérenne. Donc, nous travaillons à la solution SMO pour la rendre opérationnelle dans les délais prévus. De son côté, le gouvernement s’engage à trouver une fenêtre législative, le plus vite possible, pour valider le rattachement. C’est très positif.
 
- Vous demandiez un engagement de l’Etat sur la revalorisation de la dotation de continuité territoriale. L’avez-vous obtenu ?
- J’ai refait tout le topo, y compris politique, depuis 2015, et du travail que nous avons mené. J’ai expliqué que, sans vouloir faire de surenchère, si on ne règle pas ce problème urgent et vital, on se retrouvera dans 10 jours dans la même situation de crise que la semaine dernière. J’ai rappelé que le périmètre de service public a été validé par l’État et que des contrats ont été passés. On ne peut pas aujourd’hui nous priver des moyens financiers d’assurer l’exécution de ces contrats de délégation de service public dans le domaine maritime et aérien. Si nous n’obtenons pas la ré-indexation à concurrence de 50 millions d’euros, cela veut dire concrètement que nous sommes obligés de ne pas exécuter les contrats en tout ou en partie avec les conséquences en termes d’emploi pour les compagnies délégataires, en termes de réduction du périmètre de service public et de risque de crise économique et sociale majeure. C’était pour cela qu’il fallait discuter pour ne pas arriver au pied du mur dans quelques jours. La ministre a entendu et assuré qu’elle avait bien conscience des enjeux, mais que le contexte budgétaire en France était difficile. Elle va répercuter cette question au Premier ministre qui présente son projet de loi de finance 2025 aujourd’hui. Nous avons 10 jours pour travailler là-dessus et obtenir une réponse favorable du gouvernement. Je vais m'y employer et appeler à la mobilisation l'ensemble des élus, des parlementaires et des syndicats. J’ai conclu ce sujet en disant qu’il fallait bien sûr mettre en perspective de la discussion budgétaire globale, les finances de la Collectivité de Corse, les finances des autres collectivités en Corse, et le nouveau contexte à l’échelon national.
 
- Troisième point : la révision constitutionnelle. Après ses propos tenus à l’Assemblée nationale, la ministre vous-a-t-elle donné d’autres garanties ?
- Elle a confirmé les termes de sa réponse à Michel Castellani. Elle a précisé que le député ayant eu l’obligeance de lui envoyer sa question avant la séance dans l’hémicycle, elle avait préparé sa réponse avec l’accord explicite du Premier ministre qui était présent physiquement pendant la réponse. Et élément important, elle m’a indiqué qu’elle avait vu le Président de la République et qu’il souhaite qu’on avance sur la révision constitutionnelle. Donc, il y a validation de la poursuite du processus par le Premier ministre et le Président de la République. La ministre a confirmé les modalités de reprise du processus, à savoir qu’on attend la restitution du rapport de la Commission des lois du Sénat prévu fin octobre. Ce rapport sera, ensuite, transmis à l’Assemblée nationale. Peut-être y aura-t-il une saisine de la Commission des lois de l’Assemblée nationale qui pourrait aussi faire un rapport ? À partir de là, le gouvernement engagera le processus de saisine de l’Assemblée nationale et du Sénat qui devront voter sur un même texte. S’il y a une majorité dans les deux Chambres, il y aura réunion du congrès. Elle a avoué qu'elle ne savait pas ce que pensaient les députés actuels, souvent nouvellement élus, de la situation de la Corse et de la révision constitutionnelle. J'ai assuré que nous ferons ce travail d’explications, de pédagogie et de conviction. Si tout se déroule bien, au plus tard à l’automne 2025, on lance la révision constitutionnelle. C’est un calendrier théorique qui comporte bien sûr une part d’incertitude bien connue dans le contexte politique français actuel.
 
- Globalement, ce premier entretien a-t-il répondu à vos attentes ?
- Globalement la ministre a été ouverte, à l’écoute et a donné des signes forts, tangibles, sur le premier dossier de la maîtrise des infrastructures portuaires et aéroportuaires. Sur le dossier de la revalorisation de la continuité territoriale, elle a compris la gravité et dit qu’il fallait trouver une solution. Sur l’autonomie, la volonté est là, il faut maintenant rattraper le retard et faire le travail. Nous avons décidé de travailler de façon étroite sur ces différents dossiers. C’est donc globalement plutôt positif. La ministre m’a indiqué qu’elle envisageait un voyage en Corse à la fin du mois d’octobre. Elle m’a confirmé qu’elle souhaitait rencontrer largement les élus, évoquant explicitement les maires, et les chambres consulaires. Je me suis bien sûr réjoui de cette perspective et lui ai fait part qu'il est possible que ce déplacement se fasse pendant le temps du Congrès des Maires de Corse du Sud, qui est aussi celui de la session de l’Assemblée. En concertation avec la Presidente Maupertuis, j’ai proposé à Mme Vautrin de rencontrer le Conseil exécutif et les groupes et élus de l’Assemblée de Corse..  
 
Propos recueillis par Nicole MARI.