- Pourquoi la question fiscale est-elle au cœur des débats sur les Arrêtés Miot ?
- C’est une question centrale. En arrière plan, se profilent tous les dossiers essentiels sur lesquels nous travaillons depuis le début de la mandature et qui conditionnent notre survie et notre développement individuel et collectif, c’est-à-dire le PADDUC, le statut de la langue, la politique agricole, les problèmes de la ruralité et de l’intérieur, etc. Cette question fiscale fait l’objet, en Corse, d’un consensus très large. Elle est également portée par le Collectif de la société civile auquel nous adhérons.
- Quel est l’enjeu ?
- Il faut revenir à l’état antérieur à la décision du Conseil Constitutionnel, c’est-à-dire à la prorogation de 5 ans du régime d’exonération fiscale issu des Arrêtés Miot. Mais une prorogation de 5 années n’a, en soi, aucun sens puisqu’elle ne viserait, si elle était seule, qu’à différer le retour au droit commun avec les mêmes conséquences catastrophiques. Donc, toute période de prorogation, qui ne serait assortie d’aucune mesure pérenne, ne serait qu’un accompagnement vers la mort. Il faut, en même temps, réclamer l’obtention de la compétence fiscale pour l’Assemblée de Corse qui nous permettrait de définir notre fiscalité propre.
- En quoi un statut fiscal spécifique est-il nécessaire ?
- Nous devons mettre en œuvre un statut fiscal particulier parce que nous avons des problèmes particuliers. La fiscalité doit être un outil de développement économique par rapport à nos besoins propres et aux spécificités insulaires. Elle doit permettre, par exemple, la transmission, dans de bonnes conditions, des terres agricoles et du patrimoine immobilier familial, notamment les maisons de village. Une délibération, votée à l’unanimité par la CTC, demande, déjà, le transfert de cette compétence fiscale et précise que la ressource, que nous dégagerions, serait fléchée et nécessairement affectée à des objectifs définis. A savoir : la politique foncière et la politique agricole.
- Votre groupe, Femu a Corsica, propose des mesures fiscales particulières. Quelles sont-elles ?
- Nous proposons, par exemple, que les terres agricoles soient transmises, en exonération de droits, à un jeune agriculteur qui veut s’installer. Celui-ci ne doit pas payer pour hériter de sa terre ! Nous proposons, également, l’exonération de droits de succession sur les patrimoines immobiliers dans les villages pour encourager le remembrement du patrimoine entre les mains des familles et la revitalisation de l’intérieur. En même temps, une mesure d’incitation fiscale doit aider les gens à sortir de l’indivision tout en évitant que les biens indivis ne soient vendus à des tiers. Un bien, vendu à des tiers, serait taxé, voir surtaxé, pour permettre de dégager une ressource. Par contre, pour inciter au remembrement entre les mains d’un co-indivisaire qui serait intéressé par la reprise et la réhabilitation d’un patrimoine indivis, les co-indivisaires, qui cèdent leurs parts, bénéficieraient d’une déduction fiscale qui ne serait pas imposée à celui qui recueille l’indivision.
- Vous vous élevez en faux contre l’affirmation des Communistes et de la CGT qui prétendent que les Arrêtés Miot ne profitent qu’aux riches…
- Le retour au droit commun dans les conditions actuelles sera particulièrement préjudiciable, non pas pour les riches qui, souvent, ont déjà organisé leur succession, mais pour les familles corses d’origine modeste ou issues des classes moyennes. Nous l’avons démontré avec des exemples précis. Les lourdes impositions sur des patrimoines de 300 000 à 400 000 € vont contraindre les héritiers à vendre une partie des biens immobiliers, prioritairement les terrains agricoles et les maisons de l’intérieur, pour acquitter les droits de succession. C’est parce que nous avons fait cette démonstration, avec l’aide des notaires, que nous avons pu obtenir un vote unanime des élus de la CTC sur une délibération, déposée en octobre 2010 par Femu a Corsica. Cette motion disait que, dans le contexte de spéculation et de dépossession que connaît la Corse, nous ne pouvions accepter un retour au droit commun.
- Le gouvernement a prévu une réforme constitutionnelle avant l’été sur des sujets autres qu’insulaires. Est-ce une bonne nouvelle ?
- François Hollande a annoncé qu’une réforme constitutionnelle est prévue avant l’été, c’est une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’a absolument pas fait référence à la Corse puisque cette réforme est prévue pour entériner le fait que les anciens présidents de la République ne siègent pas au Conseil Constitutionnel et pour le projet de loi sur le cumul des mandats. Néanmoins, cette annonce nous donne un horizon d’action.
- Lequel ?
- Nous devons impérativement nous saisir de cette révision pour faire constitutionnellement reconnaître la spécificité corse. Aujourd’hui, on nous dit que nous n’avons pas droit, constitutionnellement, à la compétence fiscale, à un statut de la langue corse, à une politique foncière spécifique et à un statut de résident… Nous avons, d’un côté, des exigences qui, pour nous, sont vitales et, de l’autre, une Constitution qui interdit de faire droit à ces exigences, il est évident qu’il faut changer la Constitution et, non pas, demander à la Corse de renoncer à défendre ses droits !
- Paris ne semblant pas ouvert à la discussion sur le sujet, que comptez-vous faire ?
- Nous avons initié des réunions publiques qui sont des réunions de combat parce que nous arrivons, aujourd’hui, à l’heure des choix, à la croisée des chemins. Il est évident que si on accepte de reculer, en tout ou en partie, sur ce problème des Arrêtés Miot qui est un problème fondamental touchant à la justice, à l’histoire, à la transmission du patrimoine, aux liens sacrés entre les Corses et leur terre, on reculera sur tout ! Pour nous, reculer n’est pas envisageable. Aujourd’hui, nous voulons avancer et construire ce pays. Paris doit comprendre que le moment est venu d’engager un véritable dialogue, qui ne soit pas une fin en soi, mais ouvre de vraies perspectives. Pour nous, la vraie perspective est constitutionnelle avec la reconnaissance juridique de ce peuple et de ses droits.
- Les élus insulaires semblent se perdre dans leurs divergences. Arriverez-vous à faire front commun ?
- La détermination de certains autres groupes politiques n’est peut-être pas, jusqu’à aujourd’hui en tous cas, à la hauteur des enjeux. Nous allons nous employer à convaincre, avec l’esprit constructif qui est le nôtre, le plus grand nombre d’élus à la CTC où il faut mener le combat. Je le répète, ce combat n’est pas celui des Nationalistes, mais celui de tous les Corses. Il doit, aussi, sortir des murs de l’Assemblée. C’est la raison pour laquelle nous saluons les initiatives des maires de l’intérieur et des associations des maires des deux départements qui vont prendre des délibérations dans toutes les communes. Egalement le travail remarquable du Collectif de la société civile auquel adhèrent toutes les forces vives. Nous avons mis en ligne une pétition. Nous souscrivons à l’idée d’une grande manifestation populaire et nous nous rangerons à la proposition qui sera validée. Toutes ces actions vont se combiner pour montrer notre détermination collective et notre volonté de cheminer sur le chemin de la construction de ce pays.
Propos recueillis par Nicole MARI
- C’est une question centrale. En arrière plan, se profilent tous les dossiers essentiels sur lesquels nous travaillons depuis le début de la mandature et qui conditionnent notre survie et notre développement individuel et collectif, c’est-à-dire le PADDUC, le statut de la langue, la politique agricole, les problèmes de la ruralité et de l’intérieur, etc. Cette question fiscale fait l’objet, en Corse, d’un consensus très large. Elle est également portée par le Collectif de la société civile auquel nous adhérons.
- Quel est l’enjeu ?
- Il faut revenir à l’état antérieur à la décision du Conseil Constitutionnel, c’est-à-dire à la prorogation de 5 ans du régime d’exonération fiscale issu des Arrêtés Miot. Mais une prorogation de 5 années n’a, en soi, aucun sens puisqu’elle ne viserait, si elle était seule, qu’à différer le retour au droit commun avec les mêmes conséquences catastrophiques. Donc, toute période de prorogation, qui ne serait assortie d’aucune mesure pérenne, ne serait qu’un accompagnement vers la mort. Il faut, en même temps, réclamer l’obtention de la compétence fiscale pour l’Assemblée de Corse qui nous permettrait de définir notre fiscalité propre.
- En quoi un statut fiscal spécifique est-il nécessaire ?
- Nous devons mettre en œuvre un statut fiscal particulier parce que nous avons des problèmes particuliers. La fiscalité doit être un outil de développement économique par rapport à nos besoins propres et aux spécificités insulaires. Elle doit permettre, par exemple, la transmission, dans de bonnes conditions, des terres agricoles et du patrimoine immobilier familial, notamment les maisons de village. Une délibération, votée à l’unanimité par la CTC, demande, déjà, le transfert de cette compétence fiscale et précise que la ressource, que nous dégagerions, serait fléchée et nécessairement affectée à des objectifs définis. A savoir : la politique foncière et la politique agricole.
- Votre groupe, Femu a Corsica, propose des mesures fiscales particulières. Quelles sont-elles ?
- Nous proposons, par exemple, que les terres agricoles soient transmises, en exonération de droits, à un jeune agriculteur qui veut s’installer. Celui-ci ne doit pas payer pour hériter de sa terre ! Nous proposons, également, l’exonération de droits de succession sur les patrimoines immobiliers dans les villages pour encourager le remembrement du patrimoine entre les mains des familles et la revitalisation de l’intérieur. En même temps, une mesure d’incitation fiscale doit aider les gens à sortir de l’indivision tout en évitant que les biens indivis ne soient vendus à des tiers. Un bien, vendu à des tiers, serait taxé, voir surtaxé, pour permettre de dégager une ressource. Par contre, pour inciter au remembrement entre les mains d’un co-indivisaire qui serait intéressé par la reprise et la réhabilitation d’un patrimoine indivis, les co-indivisaires, qui cèdent leurs parts, bénéficieraient d’une déduction fiscale qui ne serait pas imposée à celui qui recueille l’indivision.
- Vous vous élevez en faux contre l’affirmation des Communistes et de la CGT qui prétendent que les Arrêtés Miot ne profitent qu’aux riches…
- Le retour au droit commun dans les conditions actuelles sera particulièrement préjudiciable, non pas pour les riches qui, souvent, ont déjà organisé leur succession, mais pour les familles corses d’origine modeste ou issues des classes moyennes. Nous l’avons démontré avec des exemples précis. Les lourdes impositions sur des patrimoines de 300 000 à 400 000 € vont contraindre les héritiers à vendre une partie des biens immobiliers, prioritairement les terrains agricoles et les maisons de l’intérieur, pour acquitter les droits de succession. C’est parce que nous avons fait cette démonstration, avec l’aide des notaires, que nous avons pu obtenir un vote unanime des élus de la CTC sur une délibération, déposée en octobre 2010 par Femu a Corsica. Cette motion disait que, dans le contexte de spéculation et de dépossession que connaît la Corse, nous ne pouvions accepter un retour au droit commun.
- Le gouvernement a prévu une réforme constitutionnelle avant l’été sur des sujets autres qu’insulaires. Est-ce une bonne nouvelle ?
- François Hollande a annoncé qu’une réforme constitutionnelle est prévue avant l’été, c’est une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’a absolument pas fait référence à la Corse puisque cette réforme est prévue pour entériner le fait que les anciens présidents de la République ne siègent pas au Conseil Constitutionnel et pour le projet de loi sur le cumul des mandats. Néanmoins, cette annonce nous donne un horizon d’action.
- Lequel ?
- Nous devons impérativement nous saisir de cette révision pour faire constitutionnellement reconnaître la spécificité corse. Aujourd’hui, on nous dit que nous n’avons pas droit, constitutionnellement, à la compétence fiscale, à un statut de la langue corse, à une politique foncière spécifique et à un statut de résident… Nous avons, d’un côté, des exigences qui, pour nous, sont vitales et, de l’autre, une Constitution qui interdit de faire droit à ces exigences, il est évident qu’il faut changer la Constitution et, non pas, demander à la Corse de renoncer à défendre ses droits !
- Paris ne semblant pas ouvert à la discussion sur le sujet, que comptez-vous faire ?
- Nous avons initié des réunions publiques qui sont des réunions de combat parce que nous arrivons, aujourd’hui, à l’heure des choix, à la croisée des chemins. Il est évident que si on accepte de reculer, en tout ou en partie, sur ce problème des Arrêtés Miot qui est un problème fondamental touchant à la justice, à l’histoire, à la transmission du patrimoine, aux liens sacrés entre les Corses et leur terre, on reculera sur tout ! Pour nous, reculer n’est pas envisageable. Aujourd’hui, nous voulons avancer et construire ce pays. Paris doit comprendre que le moment est venu d’engager un véritable dialogue, qui ne soit pas une fin en soi, mais ouvre de vraies perspectives. Pour nous, la vraie perspective est constitutionnelle avec la reconnaissance juridique de ce peuple et de ses droits.
- Les élus insulaires semblent se perdre dans leurs divergences. Arriverez-vous à faire front commun ?
- La détermination de certains autres groupes politiques n’est peut-être pas, jusqu’à aujourd’hui en tous cas, à la hauteur des enjeux. Nous allons nous employer à convaincre, avec l’esprit constructif qui est le nôtre, le plus grand nombre d’élus à la CTC où il faut mener le combat. Je le répète, ce combat n’est pas celui des Nationalistes, mais celui de tous les Corses. Il doit, aussi, sortir des murs de l’Assemblée. C’est la raison pour laquelle nous saluons les initiatives des maires de l’intérieur et des associations des maires des deux départements qui vont prendre des délibérations dans toutes les communes. Egalement le travail remarquable du Collectif de la société civile auquel adhèrent toutes les forces vives. Nous avons mis en ligne une pétition. Nous souscrivons à l’idée d’une grande manifestation populaire et nous nous rangerons à la proposition qui sera validée. Toutes ces actions vont se combiner pour montrer notre détermination collective et notre volonté de cheminer sur le chemin de la construction de ce pays.
Propos recueillis par Nicole MARI