Corse Net Infos - Pure player corse

Harcèlement scolaire : quelles réponses judiciaires en Corse ?


le Mercredi 26 Juin 2024 à 17:16

En septembre dernier, un grand plan interministériel de lutte contre ce fléau qui hante les établissements scolaires avait été annoncé par le ministère de l’Éducation Nationale. Dans ce cadre, en Corse, le recteur Jean-Philippe Agresti avait affirmé que chaque cas de harcèlement grave serait remonté au parquet. Qu’en est-il dix mois plus tard ?



(Photo d'illustration)
(Photo d'illustration)
En février dernier, les résultats d’une grande enquête nationale menée en fin d’année 2023 révélaient qu’en moyenne plus d’un élève par classe souffre de harcèlement scolaire. Afin de lutter contre ce fléau défini comme « une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique », en septembre dernier Gabriel Attal – alors encore ministre de l’Éducation Nationale – avait annoncé la mise en place d’un grand plan interministériel de lutte contre le harcèlement passant notamment par la généralisation du dispositif pHARe, la formation des enseignants à la détection du harcèlement ou encore la possibilité de changer les élèves harceleurs d’établissement. Mais quand les cas sont trop graves, la réponse peut aussi se trouver du côté de la justice, le harcèlement scolaire étant en effet considéré comme un délit depuis une loi de février 2022. Dans ce droit fil, du côté de l’Académie de Corse, le recteur Jean-Philippe Agresti, avait promis que « la main ne tremblerait pas ». « J’ai rencontré à de multiples reprises les forces de l’ordre et le procureur », indique-t-il en cette fin d’année scolaire, « Ce qui est clairement demandé, c’est qu’à chaque fois qu’on découvre un cas de harcèlement suffisamment grave et caractérisé, il y a immédiatement une saisine du procureur de la République par le biais de l’article 40 du Code de Procédure Pénale ». Un cas de figure qui s’est produit à 13 reprises en Corse-du-Sud au cours des dix derniers mois.
 
« C’est un phénomène qui n’est pas neutre, cela prouve qu’il y a un sujet », analyse le procureur de la République d’Ajaccio, Nicolas Septe, en révélant : « Ce sont des situations qui touchent essentiellement des collégiens, à partir de la 6ème. La thématique commune à tous les signalements, ce sont des harcèlements via des insultes et des photo montages qui circulent sur les réseaux sociaux ». En cas d’attaques anonymes sur réseaux sociaux relatives à un cas de harcèlement suffisamment grave et caractérisé, le parquet peut ainsi dans un premier temps engager un travail de recherches avec les services de police et de gendarmerie afin de retrouver les chaines d’auteurs impliqués. « La priorité est de faire cesser les chaines de messages harcelants », souligne Nicolas Septe. Le traitement des élèves harceleurs peut par la suite différer suivant les cas. « Avant tout, on vérifie que la prise en charge parentale est suffisante », indique le procureur de la République, « Nous travaillons avec la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) pour faire des enquêtes sociales pour avoir une vision globale de la situation de la famille. Certaines situations de harcèlement démontrent des carences dans la prise en charge éducative des enfants, soit parce que l’encadrement parental est défaillant, soit parce qu’il présente des carences sociales ». Des situations qui seront traitées par une saisine du juge des enfants en assistance éducative. 
 
Des poursuites pénales rarement engagées 
 
Mais le parquet dispose également d’autres moyens à sa disposition. « Nous avons des outils comme les stages de citoyenneté qui permettent aux mineurs d’être confrontés à la réalité et à la gravité de leurs actes », explique Nicolas Septe en insistant : « L’objectif est de privilégier d’abord le fait de faire cesser le harcèlement en lien avec l’Éducation Nationale et de trouver une prise en charge éducative adaptée pour éviter le renouvellement de ce phénomène ». Dans ce droit fil, le procureur de la République d’Ajaccio signale que finalement peu de dossiers donnent lieu à des poursuites pénales pures. Dans les textes, depuis la loi de février 2022, en cas de harcèlement grave, les auteurs mineurs de plus de 13 ans peuvent être passibles de peines pouvant aller d’un an et demi de prison 7500 euros d’amende au maximum pour des faits n’ayant pas entrainé d’Interruption Temporaire de Travail (ITT) ou ayant entrainé une ITT inférieure à 8 jours, jusqu’à 5 ans de prison et 7500 euros d’amende en cas de suicide de la victime harcelée. Des peines rarement prononcées. « En revanche, on ne s’interdit pas d’engager des mesures de réparation pénale confiées à la Protection Judiciaire de la Jeunesse », pose Nicolas Septe. Par ce biais, il sera imposé à l’auteur mineur de réaliser une activité d’aide ou de réparation au bénéfice de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. 
 
Afin de ne pas arriver à ces cas extrêmes, l’objectif du rectorat reste la sensibilisation des jeunes au phénomène du harcèlement. « Ce qui est important pour ne pas arriver à la saisine du procureur, c’est d’être capable de déceler les signaux au plus vite », insiste le recteur en notant par ailleurs : « En matière de prévention et de détection, il y a évidemment la relation aux parents qui joue. Nous travaillons à ce sujet avec les associations représentant les parents d’élèves. Il faut qu’absolument tous les acteurs soient mobilisés ». Afin d’accentuer ces efforts, le rectorat devrait organiser un grand séminaire régional autour de la lutte contre le harcèlement à la rentrée prochaine aux côtés de la Collectivité de Corse.