- Le prix d’un paquet de cigarettes est en moyenne de 8 euros actuellement sur le continent et une augmentation de 50 centimes est prévue pour avril. On devrait atteindre les 9 euros fin 2019. La hausse constante des prix du tabac joue t’elle sur l’augmentation du trafic ?
- Oui bien sûr. Le trafic augmente. En 2017 nous étions à 22 % de cigarettes vendues hors circuit légal. Au dernier trimestre 2018, on a atteint les 28 %. Je ne serais pas étonné qu’au mois de mars, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, annonce une nouvelle hausse des saisies douanières surtout que la chasse aux trafiquants de tabac a été renforcée.
- Le prix des cigarettes est plus bas en Corse. Il y a-t-il donc moins de trafic ?
- Absolument. C’est d’ailleurs ce qui ressort de mes échanges avec les buralistes insulaires. Ils m’ont assuré ne pas être autant impacté que sur le continent. Il faut savoir qu’en France, 1 cigarette sur 4 ne vient pas d’un buraliste.
- Quels sont les chiffres pour la Corse ?
- Nous n’en n’avons aucun pour la Corse. Le cabinet d’Audit KPMG avec lequel nous travaillons qui fait une étude annuelle n’a fait aucune étude sur l’île. Pour la France, nous avons ciblé 126 villes. Nous n’avons pas la Corse parce que l’île n’est pas encore concernée du fait de sa fiscalité différente. Il y a un écart de prix de 25 % avec le continent et pour un trafiquant de tabac, proposer des paquets de cigarettes à 5 euros ici, ce n’est pas intéressant.
Mais au 1er janvier 2021, le gouvernement entend organiser une convergence entre les prix du tabac en Corse et sur le Continent. La contrebande augmentera alors car c’est bien la fiscalité qui crée le trafic.
- D’où proviennent ces cigarettes de contrebande ?
- Le premier importateur de cigarettes illicites en France est l’Algérie, suivie de l’Espagne, du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Belgique.
Je travaille tous les trimestres à l’élaboration d’un rapport que je fournis aux autorités. Il concerne les gens qui font du commerce de nos marques de cigarettes sur Facebook. C’est l’endroit où on commercialise le plus de tabac. Dans des groupes fermés, des personnes mettent à disposition du tabac à prix cassés et les acheteurs sont livrés directement chez eux. Dans certaines épiceries, souvent des commerces de nuit, les cigarettes sont vendues à l’unité, ce qui est interdit.
- Ce genre de commerce existe t’il en Corse ?
- Je n’ai eu aucun écho de ce genre de pratiques ici. Je suis en relation avec deux commerciaux de la Seita qui habitent ici à l’année. Ils connaissent parfaitement le réseau. Il n’y a pas de vendeurs à la sauvette devant les bureaux de tabac comme sur le Continent.
La Corse est une région préservée. Il n’y a pas d’attaques de fourgons de transports de tabac ici, la dernière doit remonter à une vingtaine d’années. On ne voit que très peu de braquages de buralistes. Même si c’est une profession à risque, c’est sans commune mesure avec ce que l’on voit sur le Continent.
- Quel est le manque à gagner causé par le trafic ?
- Les pertes fiscales annuelles liées aux ventes de tabac sont estimées à 2 milliards pour l’Etat.
Pour les buralistes, c’est environ 250 millions d’euros. Aujourd’hui, c’est plus de 5000 buralistes qui risquent de fermer leurs portes. Quand un buraliste ferme en campagne, c’est du lien social qui disparait car il ne vend pas que des paquets de cigarettes. Il offre d’autres services.
Quant à nous, à la Seita, on avoisine les 43 millions d’euros de perte. Le trafic de tabac est plus important que le trafic de drogue.
- Comment l’expliquez-vous ?
- Le trafic de tabac surpasse celui des stupéfiants car il y a un potentiel de gains énorme et les risques encourus ne sont pas les mêmes que pour les stupéfiants. Pénalement, un trafiquant de cigarettes ne risque presque rien.
Globalement on peut dire que le trafic de tabac est plus rentable que le trafic de stupéfiants mais surtout le marché est plus large. Vous avez beaucoup plus d’acheteurs potentiels que pour la drogue. On a encore 12 millions de fumeurs aujourd’hui en France. Et la fiscalité galopante incite de plus en plus de fumeurs à chercher moins cher. Surtout quand on sait que l’acheteur ne risque rien.
Quelles sont vos actions en termes de lutte contre le trafic ?
Nous organisons des rencontres avec les différents acteurs de la filière, les élus, les autorités et les professionnels du tabac afin d’analyser la situation dans chaque région. Nous souhaitons la création d’un observatoire de la consommation de tabac de contrebande.
On participe aussi au démantèlement des réseaux internationaux. Il y a un très gros réseau de la mafia arménienne en cheville avec la mafia calabraise qui est très actif dans la région bretonne. En cas de saisie, les autorités nous contactent pour que nous authentifions la marchandise. C’est important pour faire le lien avec un braquage ou un cambriolage. Ce genre de réseau international de contrebande a des antennes dans plusieurs pays donc il y a des collaborations entre les différentes autorités européennes. La Guardia Civile a mis la main sur de grosses quantités de tabac dernièrement.
Nous informons également la population et les autorités et pour cela nous avons créé un site internet, trafic-tabac.fr qui répertorie les chiffres et les risques de ce commerce.
- Existe-t-il une application de signalement de trafic de tabac comme en Grande-Bretagne ?
- La Grande-Bretagne a de l’avance sur nous. Leur fiscalité a augmenté plus tôt que la nôtre. Leurs paquets de cigarettes sont à 12 euros depuis un petit moment. Ils ont mis beaucoup de moyens en termes de communication et d’outils de lutte. La police utilise beaucoup les chiens renifleurs. Il y a en Grande-Bretagne des numéros verts pour le signalement. Le pays exerce également une forte prévention contre l’achat de tabac hors réseau officiel. Ils se sont aussi clairement positionnés en faveur du vapotage, ce qui n’est pas encore le cas en France. Mais nous nous orientons vers le même genre de mesures. La Grande Bretagne doit être un exemple.
- Et vous le vapotage vous en pensez quoi ?
- C’est inévitable. Les choses changent et il faut accompagner le changement, on ne doit pas le refuser. C’est la transformation directe de notre métier. Nous devons passer aux fabricants 2.0.
Vous savez pour quelqu’un qui trouve le tabac trop cher, il y a trois possibilités : Il arrête de fumer, il passe au vapotage ou il continue de fumer et il cherche moins cher ailleurs, et là on alimente le trafic. En tant que fabricant, nous nous sommes clairement positionnés en faveur de ces produits nouvelle génération qui sont l’avenir de la profession, au même titre que le réseau des buralistes. Nous attendons que l’on nous mette des moyens efficaces à disposition pour pouvoir opérer au mieux cette transition.
- En 2018, l’Organisme Mondial de la Santé a lancé un protocole de traçabilité du tabac. En mai, l’Union Européenne met en place un suivi électronique des paquets de cigarettes dès leur sortie d’usine. Vous en pensez-vous quoi ?
- C’est une très bonne chose. Nous demandons cette traçabilité depuis plusieurs années. C’est intéressant pour disposer de données qui seront à la disposition des autorités. Elles pourront ainsi organiser une meilleure lutte contre le trafic.
A Partir de mai 2019, nous allons fabriquer des paquets, des cartouches et des palettes qui pourront être authentifiés et tracés de leur fabrication jusqu’à leur livraison. Nous aurons un an pour écouler les stocks des paquets non identifiés.
A Partir du 20 mai 2020, il n’y aura plus aucun paquet non traçable sur le marché européen.
https://www.trafic-tabac.fr/
*La Seita (Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumette), filiale française du cigarettier Imperial Tobacco est toujours implantée en Corse. Toutes les usines du fabricant de tabac ont fermé sur le continent. A Furiani, l’usine de la Macotab (Manufacture corse de tabacs) ouverte au début des années 60, emploie 28 Salariés. 900 millions de cigarettes ont été produites l’an dernier. Une activité en baisse. L’entreprise déclarait 1 milliard de produits fabriqués et trente-trois salariés en 2015.
- Oui bien sûr. Le trafic augmente. En 2017 nous étions à 22 % de cigarettes vendues hors circuit légal. Au dernier trimestre 2018, on a atteint les 28 %. Je ne serais pas étonné qu’au mois de mars, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, annonce une nouvelle hausse des saisies douanières surtout que la chasse aux trafiquants de tabac a été renforcée.
- Le prix des cigarettes est plus bas en Corse. Il y a-t-il donc moins de trafic ?
- Absolument. C’est d’ailleurs ce qui ressort de mes échanges avec les buralistes insulaires. Ils m’ont assuré ne pas être autant impacté que sur le continent. Il faut savoir qu’en France, 1 cigarette sur 4 ne vient pas d’un buraliste.
- Quels sont les chiffres pour la Corse ?
- Nous n’en n’avons aucun pour la Corse. Le cabinet d’Audit KPMG avec lequel nous travaillons qui fait une étude annuelle n’a fait aucune étude sur l’île. Pour la France, nous avons ciblé 126 villes. Nous n’avons pas la Corse parce que l’île n’est pas encore concernée du fait de sa fiscalité différente. Il y a un écart de prix de 25 % avec le continent et pour un trafiquant de tabac, proposer des paquets de cigarettes à 5 euros ici, ce n’est pas intéressant.
Mais au 1er janvier 2021, le gouvernement entend organiser une convergence entre les prix du tabac en Corse et sur le Continent. La contrebande augmentera alors car c’est bien la fiscalité qui crée le trafic.
- D’où proviennent ces cigarettes de contrebande ?
- Le premier importateur de cigarettes illicites en France est l’Algérie, suivie de l’Espagne, du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Belgique.
Je travaille tous les trimestres à l’élaboration d’un rapport que je fournis aux autorités. Il concerne les gens qui font du commerce de nos marques de cigarettes sur Facebook. C’est l’endroit où on commercialise le plus de tabac. Dans des groupes fermés, des personnes mettent à disposition du tabac à prix cassés et les acheteurs sont livrés directement chez eux. Dans certaines épiceries, souvent des commerces de nuit, les cigarettes sont vendues à l’unité, ce qui est interdit.
- Ce genre de commerce existe t’il en Corse ?
- Je n’ai eu aucun écho de ce genre de pratiques ici. Je suis en relation avec deux commerciaux de la Seita qui habitent ici à l’année. Ils connaissent parfaitement le réseau. Il n’y a pas de vendeurs à la sauvette devant les bureaux de tabac comme sur le Continent.
La Corse est une région préservée. Il n’y a pas d’attaques de fourgons de transports de tabac ici, la dernière doit remonter à une vingtaine d’années. On ne voit que très peu de braquages de buralistes. Même si c’est une profession à risque, c’est sans commune mesure avec ce que l’on voit sur le Continent.
- Quel est le manque à gagner causé par le trafic ?
- Les pertes fiscales annuelles liées aux ventes de tabac sont estimées à 2 milliards pour l’Etat.
Pour les buralistes, c’est environ 250 millions d’euros. Aujourd’hui, c’est plus de 5000 buralistes qui risquent de fermer leurs portes. Quand un buraliste ferme en campagne, c’est du lien social qui disparait car il ne vend pas que des paquets de cigarettes. Il offre d’autres services.
Quant à nous, à la Seita, on avoisine les 43 millions d’euros de perte. Le trafic de tabac est plus important que le trafic de drogue.
- Comment l’expliquez-vous ?
- Le trafic de tabac surpasse celui des stupéfiants car il y a un potentiel de gains énorme et les risques encourus ne sont pas les mêmes que pour les stupéfiants. Pénalement, un trafiquant de cigarettes ne risque presque rien.
Globalement on peut dire que le trafic de tabac est plus rentable que le trafic de stupéfiants mais surtout le marché est plus large. Vous avez beaucoup plus d’acheteurs potentiels que pour la drogue. On a encore 12 millions de fumeurs aujourd’hui en France. Et la fiscalité galopante incite de plus en plus de fumeurs à chercher moins cher. Surtout quand on sait que l’acheteur ne risque rien.
Quelles sont vos actions en termes de lutte contre le trafic ?
Nous organisons des rencontres avec les différents acteurs de la filière, les élus, les autorités et les professionnels du tabac afin d’analyser la situation dans chaque région. Nous souhaitons la création d’un observatoire de la consommation de tabac de contrebande.
On participe aussi au démantèlement des réseaux internationaux. Il y a un très gros réseau de la mafia arménienne en cheville avec la mafia calabraise qui est très actif dans la région bretonne. En cas de saisie, les autorités nous contactent pour que nous authentifions la marchandise. C’est important pour faire le lien avec un braquage ou un cambriolage. Ce genre de réseau international de contrebande a des antennes dans plusieurs pays donc il y a des collaborations entre les différentes autorités européennes. La Guardia Civile a mis la main sur de grosses quantités de tabac dernièrement.
Nous informons également la population et les autorités et pour cela nous avons créé un site internet, trafic-tabac.fr qui répertorie les chiffres et les risques de ce commerce.
- Existe-t-il une application de signalement de trafic de tabac comme en Grande-Bretagne ?
- La Grande-Bretagne a de l’avance sur nous. Leur fiscalité a augmenté plus tôt que la nôtre. Leurs paquets de cigarettes sont à 12 euros depuis un petit moment. Ils ont mis beaucoup de moyens en termes de communication et d’outils de lutte. La police utilise beaucoup les chiens renifleurs. Il y a en Grande-Bretagne des numéros verts pour le signalement. Le pays exerce également une forte prévention contre l’achat de tabac hors réseau officiel. Ils se sont aussi clairement positionnés en faveur du vapotage, ce qui n’est pas encore le cas en France. Mais nous nous orientons vers le même genre de mesures. La Grande Bretagne doit être un exemple.
- Et vous le vapotage vous en pensez quoi ?
- C’est inévitable. Les choses changent et il faut accompagner le changement, on ne doit pas le refuser. C’est la transformation directe de notre métier. Nous devons passer aux fabricants 2.0.
Vous savez pour quelqu’un qui trouve le tabac trop cher, il y a trois possibilités : Il arrête de fumer, il passe au vapotage ou il continue de fumer et il cherche moins cher ailleurs, et là on alimente le trafic. En tant que fabricant, nous nous sommes clairement positionnés en faveur de ces produits nouvelle génération qui sont l’avenir de la profession, au même titre que le réseau des buralistes. Nous attendons que l’on nous mette des moyens efficaces à disposition pour pouvoir opérer au mieux cette transition.
- En 2018, l’Organisme Mondial de la Santé a lancé un protocole de traçabilité du tabac. En mai, l’Union Européenne met en place un suivi électronique des paquets de cigarettes dès leur sortie d’usine. Vous en pensez-vous quoi ?
- C’est une très bonne chose. Nous demandons cette traçabilité depuis plusieurs années. C’est intéressant pour disposer de données qui seront à la disposition des autorités. Elles pourront ainsi organiser une meilleure lutte contre le trafic.
A Partir de mai 2019, nous allons fabriquer des paquets, des cartouches et des palettes qui pourront être authentifiés et tracés de leur fabrication jusqu’à leur livraison. Nous aurons un an pour écouler les stocks des paquets non identifiés.
A Partir du 20 mai 2020, il n’y aura plus aucun paquet non traçable sur le marché européen.
https://www.trafic-tabac.fr/
*La Seita (Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumette), filiale française du cigarettier Imperial Tobacco est toujours implantée en Corse. Toutes les usines du fabricant de tabac ont fermé sur le continent. A Furiani, l’usine de la Macotab (Manufacture corse de tabacs) ouverte au début des années 60, emploie 28 Salariés. 900 millions de cigarettes ont été produites l’an dernier. Une activité en baisse. L’entreprise déclarait 1 milliard de produits fabriqués et trente-trois salariés en 2015.