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Incidents autour d’ACA-OM : une divergence de point vue qui persiste entre la mairie et la préfecture


le Vendredi 30 Juin 2023 à 15:23

À l'occasion du conseil municipal de jeudi soir, le maire d'Ajaccio, Stéphane Sbraggia a dévoilé la réponse qu'il a reçue de la préfecture après le courrier qu'il avait adressé au ministre de l'Intérieur, suite aux violences qui avaient émaillé le week-end du match ACA-OM. Une lettre qui a laissé un goût amer à l'élu.



Lors du déplacement de supporters marseillais dans la cité impériale, à l'occasion du match ACA-OM, Ajaccio avait connu un week-end émaillé par des violences début juin (Photo: Archives Michel Luccioni)
Lors du déplacement de supporters marseillais dans la cité impériale, à l'occasion du match ACA-OM, Ajaccio avait connu un week-end émaillé par des violences début juin (Photo: Archives Michel Luccioni)
« Nous avons tous en mémoire les images d’un week-end cauchemardesque ». Lors du conseil municipal de jeudi soir, avant de commencer à traiter l’ordre du jour, le maire d’Ajaccio a souhaité faire un point suite aux violences qui ont émaillées le week-end du match ACA-OM il y a quelques semaines. Dans un courrier en date du 5 juin adressé au ministre de l’Intérieur, Stéphane Sbraggia avait en effet fait part de son « interrogation et de (son) étonnement par rapport aux sollicitations répétées adressées sur la base de renseignements qui étaient donnés par les services de la préfecture sur un risque imminent de trouble à l’ordre public et d’atteinte aux biens et aux personnes ». « Nous avons reçu une réponse du préfet il y a quelques jours », dévoile-t-il en déplorant « une réponse qui n’en est pas une » et en confiant son « effarement » face à celle-ci. « Visiblement, nous ne partageons pas la même lecture des évènements ni avant, ni pendant, ni après », souffle-t-il. 
 
Dans cette lettre de trois pages, le préfet de Corse, Amaury de Saint-Quentin, condamne avant tout ces incidents « avec la plus grande fermeté » et souligne l’« émotion légitime » qu’ils ont suscité. « Il convient désormais sans les minimiser d’en objectiver les circonstances et les conséquences. D’une part, bien que ces faits soient absolument regrettables, seuls l’hôtel Fech et deux restaurants ont subi un préjudice matériel direct lors de rixes entres supporters le vendredi soir », souligne-t-il. « D’autre part, alors que la journée de samedi s’était déroulée sans aucun incident, des heurts entre supporters sont survenus à l’approche su stade, rapidement dispersés par les forces de l’ordre après avoir fait une dizaine de blessés légers. Enfin un journaliste de France 3 Corse Via Stella été violemment agressé par des supporters marseillais, après le match, aux abords d’une station-service d’Ajaccio », rappelle-t-il en indiquant ne pas oublier « l’irruption de supporters ajacciens dans la loge accueillant le jeune Kenzo et sa famille » mais en faisant valoir que « la sécurité interne du stade relève de la compétence du club ». 

" Plus de 350 fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie ont été engagés "

Par ailleurs, il justifie le fait que la préfecture n’ait pas apporté de suite favorable aux demandes d’interdiction de déplacement des supporters marseillais que la mairie avait formulées. « Ce type d’interdiction constitue une mesure de police administrative particulièrement restrictive qui doit donc demeurer exceptionnelle », explique-t-il en précisant que « les risques de trouble à l’ordre public qui ont été identifiés par les services au cours des réunions préparatoires ». « Si les éléments d’appréciation dont nous disposions nous ont conduits à identifier un risque de trouble à l’ordre public pour ce match, comme ce fut le cas pour 40% des rencontres de Ligue 1 et Ligue 2 en France au cours de la saison 2022/2023, ils ne permettaient pas de motiver, avec suffisamment de consistance juridique, un tel arrêté », ajoute-t-il. En outre, le préfet argue qu’une réponse favorable à une demande d’annulation administrative du match, comme formulée par Stéphane Sbraggia le vendredi soir, « n’est pas spécifiquement prévue par les textes » et « aurait été regardée comme totalement disproportionnée en droit et déraisonnable en faits ». « S’agissant de l’arrivée des supporters marseillais par voies maritime et aérienne, mes services ne sont pas restés sans réaction puisqu’un arrêté préfectoral a été pris dans la nuit, afin de contenir ceux qui arrivaient le samedi sur la plage du Ricanto », pointe-t-il encore en notant que « cdispositif a fonctionné et la journée s’est déroulée sans aucun incident ». 
 
Afin de « garantir le dimensionnement du dispositif de sécurité », le préfet signale avoir « obtenu des renforts du ministère de l’Intérieur » et détaille qu’entre « les unités de forces mobiles et les effectifs locaux mobilisés en renforts, plus de 350 fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie ont été engagés du vendredi 2 au dimanche 4 juin ». « Ce dispositif articulé entre des points de contrôle fixes et des patrouilles dynamiques, aura notamment permis d’assurer une stricte étanchéité entre les groupes de supporters et le public de la fête des pêcheurs », affirme-t-il. De facto, il entend récuser « l’idée que (le maire d’Ajaccio n’ait) pas été écouté ». « Le dispositif déployé a été pensé pour assurer un juste équilibre entre l’exercice des libertés individuelles et la prévention et la prévention d’éventuels troubles à l’ordre public », écrit-il en concédant que « malgré ces précautions », « des supporters extrémistes, marseillais et ajacciens (ont) dévoyé les valeurs du sport par des comportements violents ».

" Un raisonnement par l’absurde "

Une réponse pas au goût du maire qui dénonce : « L’inconséquence des services de l’État à anticiper et gérer cette crise est justifiée par un enchainement de chiffres et de critères qui ne démontrent rien sauf un cruel manque de discernement face à une situation qui a dégénéré et dont tous les signaux avant-coureurs annonçaient une issue explosive ». « Les mesures que nous avions proposées sont jugées totalement disproportionnées et déraisonnables. Les services de la préfecture apprendront que quand il s’agit de la sécurité de nos concitoyens, nos décisions seront toujours frappées du principe de précaution. Je ne prendrai jamais aucun risque lorsqu’il s’agit de la sécurité des Ajacciens », tonne-t-il en instillant : « Tous ces éléments de justification révèlent un raisonnement par l’absurde tout à fait caractéristique : faut-il attendre qu’une personne soit grièvement blessée ou pire mortellement touchée pour que nous fassions preuve d’un semblant d’anticipation ? »« L’immense majorité des maires doit se débrouiller seule engluée dans un dédale administratif inextricable et inadapté. Les élus de terrain ressentent un malaise de plus en plus aigu face au manque de considération, aux réformes non concertées et aux incertitudes financières », regrette encore Stéphane Sbraggia avant de conclure : « À l’heure où nous réfléchissons à l’avenir de la Corse, peut-être devrions nous commencer par réaffirmer les fondamentaux d’une République, des territoires en faisant le bilan raisonné, exhaustif et collectif de la démocratie locale et en faisant peut être un peu plus confiance aux élus de proximité ».