Jean-Félix Acquaviva, secrétaire général d’Inseme per a Corsica et Hyacinthe Vanni, conseiller territorial Femu a Corsica, entourés des conseillers de territoire d’Inseme : Jean Thomas Valessi pour la Castagniccia, Jean-Joseph Cantelli pour la Casinca, Lauda Guidicelli pour Bastia, Laurent Mary pour le Grand Ajaccio, Ange Pastinelli pour le Nebbiu…
- Vous dressez un bilan très négatif de la situation économique et sociale de la Corse. Pourquoi est-il si négatif ?
- C’est la première fois qu’un ensemble de signaux se révèlent de manière simultanée, notamment un taux de croissance du chômage de 13% par an, une crise du BTP (Bâtiments et travaux publics) avec 600 emplois détruits et 21% de perte de chiffre d’affaires, une crise des finances publiques et une stagnation du tourisme en lien avec la crise du transport maritime… Alors que la Corse se retrouve dans une situation de crises sectorielles cumulées, la Collectivité territoriale (CTC) ne joue pas son rôle de soutien pour répondre à ce défi. Le pendant est l’accélération de la paupérisation sociale avec ce fameux rapport de l’INSEE qui montre qu’un Corse sur cinq vit avec moins de 900 € par mois. La crise économique et la fracture sociale sont devenues des faits majeurs qu’il faut traiter de manière prioritaire.
- Vous fustigez la faillite de l’Etat. En quoi, selon vous, l’Etat a-t-il failli ?
- Premièrement, parce que l’ensemble des dispositifs nationaux, qui ont été déclinés en Corse et affichés par l’actuel gouvernement, n’ont pas fonctionné. Deuxièmement, parce que le PEI (Plan exceptionnel d’investissements) a été un instrument mortifère. Il a, d’un côté, servi de bouée de sauvetage conjoncturelle pour le BTP, mais, de l’autre, a mis en place des mécanismes qui ont créé un problème financier. La clé de répartition du financement, 70% pour l’Etat - 30% pour la CTC, était mauvaise. Comme elle a très peu été respectée dans les faits, elle a forcé la CTC à s’endetter et à mal s’endetter. De plus, le PEI n’a pas provoqué de rattrapage des infrastructures de base : eau, assainissement, numérique. Quinze ans après, ces questions n’ont pas été réglées ! Le PEI n’a pas servi la relance du développement économique structurel de la Corse. Bien au contraire !
- Pourquoi rendez-vous l’Exécutif territorial responsable de cet état de fait ?
- La Corse est entrée dans la crise plus tard que les autres territoires, mais de manière plus profonde à cause de phénomènes aggravants. La crise des finances publiques, due à la baisse des dotations de l’Etat, est aggravée par la gestion calamiteuse de la CTC et par ses dérives financières. La mandature est marquée par une hausse concrète des dépenses de personnels. Un exemple saillant est l’augmentation réelle des dépenses de fonctionnement sur la période 2008-2014 qui dépasse 15,12% avec une moyenne de 2,92% par an alors que l’évolution des recettes réelles atteint seulement 5,30 %. On va, à terme, arriver à un crash financier !
- Le président de l’Exécutif prétend que les dépenses de fonctionnement ont baissé de 5% en 2014. Qu’en est-il ?
- Oui, mais il oublie de dire que ces baisses sont réalisées sur la culture, l’enseignement, la santé, l’aménagement du territoire…. Sur la culture, les baisses touchent les subventions aux festivals qui, pourtant, créent du développement économique. Sur la ruralité, il suffit de voir le dossier non terminé du Paesole d’Aïtone… L’Exécutif a privilégié les dépenses de personnels au détriment des dépenses de fonctionnement opérationnel qui créent du développement et de la solidarité sociale. En même temps, les dépenses brutes d’équipement ont baissé, passant de 120 millions € par an en moyenne en 2006 à un peu plus de 60 millions € par an en 2014, soit une baisse de moitié ! Cela crée des retombées en cascade négatives puisque les versements des dotations aux communes prennent du retard. L’attente des communes aggrave le frein économique et la paupérisation. Dans le même laps de temps, on assiste à une hausse vertigineuse des liquidations judiciaires.
- Vous fustigez également la gestion du dossier Transports. Pourquoi ?
- La gestion de ce dossier a été chaotique. On nage dans l’incertitude sur la question stratégique des transports maritimes qui représentent 70% des flux touristiques et fret en Corse. L’étude sur la compagnie régionale n’a pas été mise en œuvre. L’Office des transports n’a pas regroupé les forces vives et les acteurs pour tenter de réfléchir à une autre solution que celle proposée par le Tribunal de commerce. On navigue à vue ! On espère que la période de relance de l’appel d’offres permettra un vrai débat politique en étudiant toutes les solutions. D’abord, l’étude de la compagnie régionale, mais aussi des négociations politiques avec l’Union européenne sur des dérogations liées à la spécificité de la Corse et au fait insulaire.
- Que répondez-vous à Paul Giacobbi qui a réaffirmé, jeudi matin, avoir transmis à Gilles Simeoni les documents sur la compagnie maritime ?
- Paul Giacobbi continue à essayer de troubler l’opinion par de fausses informations sur la compagnie régionale, comme il trouble l’opinion en disant qu’il y a une baisse de 5% des dépenses de fonctionnement ! Le document sur la compagnie régionale n’est pas parvenu à Gilles Simeoni parce que ce document n’existe pas ! Nous réaffirmons que la question des transports maritimes est un problème qui doit être posé de manière politique. C’est un enjeu de développement global, on ne peut pas se satisfaire de cette gestion !
- Qu’est-ce qu’Inseme per a Corsica propose ?
- Nous affichons notre volonté de faire, du développement économique et social, une priorité absolue dans le projet que nous proposerons, d’ici à début juillet, à nos partenaires de Femu a Corsica afin qu’il offre cette alternative, en décembre, aux Corses. Nous déclinerons des mesures opérationnelles à court terme, fortes, simplifiées et efficaces et des orientations à moyen et long terme. Il faudra faire vite et bien pour créer de nouvelles conditions d’évolution pour changer de cap et éviter une crise globale qui serait très préjudiciable à l’ensemble de la société.
- Quels types de mesures ?
- Nos réflexions portent sur quatre piliers essentiels. Le premier est d’impulser une réelle politique de la solidarité, qui soit transversale vis-à-vis des communes et des Intercommunalités, à travers des pactes simplifiés de financement, vis-à-vis de l’accès au foncier, au logement, de la création d’entreprises notamment chez les jeunes et les seniors en perte d’emploi… Le second est d’imaginer une réelle politique de soutien à l’économie productive par des crédits-épargne aux entreprises et par un accès plus large à des marchés de proximité. L’ouverture vers la Toscane et la Sardaigne sont, pour nous, des priorités absolues. Nous pensons, également, à des mesures fiscales de type zone franche territorialisées. Le troisième pilier est de mettre en place une réforme totale et simultanée du système d’insertion et de formation professionnelle. Le dernier pilier est de resserrer le lien entre la CTC, les agences et offices et l’Université pour faciliter l’insertion des étudiants et le transfert de connaissances, de savoirs faire et d’innovation au service des entreprises. L’objectif est d’avoir une nouvelle donne économique, claire et crédible, à proposer aux Corses.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- C’est la première fois qu’un ensemble de signaux se révèlent de manière simultanée, notamment un taux de croissance du chômage de 13% par an, une crise du BTP (Bâtiments et travaux publics) avec 600 emplois détruits et 21% de perte de chiffre d’affaires, une crise des finances publiques et une stagnation du tourisme en lien avec la crise du transport maritime… Alors que la Corse se retrouve dans une situation de crises sectorielles cumulées, la Collectivité territoriale (CTC) ne joue pas son rôle de soutien pour répondre à ce défi. Le pendant est l’accélération de la paupérisation sociale avec ce fameux rapport de l’INSEE qui montre qu’un Corse sur cinq vit avec moins de 900 € par mois. La crise économique et la fracture sociale sont devenues des faits majeurs qu’il faut traiter de manière prioritaire.
- Vous fustigez la faillite de l’Etat. En quoi, selon vous, l’Etat a-t-il failli ?
- Premièrement, parce que l’ensemble des dispositifs nationaux, qui ont été déclinés en Corse et affichés par l’actuel gouvernement, n’ont pas fonctionné. Deuxièmement, parce que le PEI (Plan exceptionnel d’investissements) a été un instrument mortifère. Il a, d’un côté, servi de bouée de sauvetage conjoncturelle pour le BTP, mais, de l’autre, a mis en place des mécanismes qui ont créé un problème financier. La clé de répartition du financement, 70% pour l’Etat - 30% pour la CTC, était mauvaise. Comme elle a très peu été respectée dans les faits, elle a forcé la CTC à s’endetter et à mal s’endetter. De plus, le PEI n’a pas provoqué de rattrapage des infrastructures de base : eau, assainissement, numérique. Quinze ans après, ces questions n’ont pas été réglées ! Le PEI n’a pas servi la relance du développement économique structurel de la Corse. Bien au contraire !
- Pourquoi rendez-vous l’Exécutif territorial responsable de cet état de fait ?
- La Corse est entrée dans la crise plus tard que les autres territoires, mais de manière plus profonde à cause de phénomènes aggravants. La crise des finances publiques, due à la baisse des dotations de l’Etat, est aggravée par la gestion calamiteuse de la CTC et par ses dérives financières. La mandature est marquée par une hausse concrète des dépenses de personnels. Un exemple saillant est l’augmentation réelle des dépenses de fonctionnement sur la période 2008-2014 qui dépasse 15,12% avec une moyenne de 2,92% par an alors que l’évolution des recettes réelles atteint seulement 5,30 %. On va, à terme, arriver à un crash financier !
- Le président de l’Exécutif prétend que les dépenses de fonctionnement ont baissé de 5% en 2014. Qu’en est-il ?
- Oui, mais il oublie de dire que ces baisses sont réalisées sur la culture, l’enseignement, la santé, l’aménagement du territoire…. Sur la culture, les baisses touchent les subventions aux festivals qui, pourtant, créent du développement économique. Sur la ruralité, il suffit de voir le dossier non terminé du Paesole d’Aïtone… L’Exécutif a privilégié les dépenses de personnels au détriment des dépenses de fonctionnement opérationnel qui créent du développement et de la solidarité sociale. En même temps, les dépenses brutes d’équipement ont baissé, passant de 120 millions € par an en moyenne en 2006 à un peu plus de 60 millions € par an en 2014, soit une baisse de moitié ! Cela crée des retombées en cascade négatives puisque les versements des dotations aux communes prennent du retard. L’attente des communes aggrave le frein économique et la paupérisation. Dans le même laps de temps, on assiste à une hausse vertigineuse des liquidations judiciaires.
- Vous fustigez également la gestion du dossier Transports. Pourquoi ?
- La gestion de ce dossier a été chaotique. On nage dans l’incertitude sur la question stratégique des transports maritimes qui représentent 70% des flux touristiques et fret en Corse. L’étude sur la compagnie régionale n’a pas été mise en œuvre. L’Office des transports n’a pas regroupé les forces vives et les acteurs pour tenter de réfléchir à une autre solution que celle proposée par le Tribunal de commerce. On navigue à vue ! On espère que la période de relance de l’appel d’offres permettra un vrai débat politique en étudiant toutes les solutions. D’abord, l’étude de la compagnie régionale, mais aussi des négociations politiques avec l’Union européenne sur des dérogations liées à la spécificité de la Corse et au fait insulaire.
- Que répondez-vous à Paul Giacobbi qui a réaffirmé, jeudi matin, avoir transmis à Gilles Simeoni les documents sur la compagnie maritime ?
- Paul Giacobbi continue à essayer de troubler l’opinion par de fausses informations sur la compagnie régionale, comme il trouble l’opinion en disant qu’il y a une baisse de 5% des dépenses de fonctionnement ! Le document sur la compagnie régionale n’est pas parvenu à Gilles Simeoni parce que ce document n’existe pas ! Nous réaffirmons que la question des transports maritimes est un problème qui doit être posé de manière politique. C’est un enjeu de développement global, on ne peut pas se satisfaire de cette gestion !
- Qu’est-ce qu’Inseme per a Corsica propose ?
- Nous affichons notre volonté de faire, du développement économique et social, une priorité absolue dans le projet que nous proposerons, d’ici à début juillet, à nos partenaires de Femu a Corsica afin qu’il offre cette alternative, en décembre, aux Corses. Nous déclinerons des mesures opérationnelles à court terme, fortes, simplifiées et efficaces et des orientations à moyen et long terme. Il faudra faire vite et bien pour créer de nouvelles conditions d’évolution pour changer de cap et éviter une crise globale qui serait très préjudiciable à l’ensemble de la société.
- Quels types de mesures ?
- Nos réflexions portent sur quatre piliers essentiels. Le premier est d’impulser une réelle politique de la solidarité, qui soit transversale vis-à-vis des communes et des Intercommunalités, à travers des pactes simplifiés de financement, vis-à-vis de l’accès au foncier, au logement, de la création d’entreprises notamment chez les jeunes et les seniors en perte d’emploi… Le second est d’imaginer une réelle politique de soutien à l’économie productive par des crédits-épargne aux entreprises et par un accès plus large à des marchés de proximité. L’ouverture vers la Toscane et la Sardaigne sont, pour nous, des priorités absolues. Nous pensons, également, à des mesures fiscales de type zone franche territorialisées. Le troisième pilier est de mettre en place une réforme totale et simultanée du système d’insertion et de formation professionnelle. Le dernier pilier est de resserrer le lien entre la CTC, les agences et offices et l’Université pour faciliter l’insertion des étudiants et le transfert de connaissances, de savoirs faire et d’innovation au service des entreprises. L’objectif est d’avoir une nouvelle donne économique, claire et crédible, à proposer aux Corses.
Propos recueillis par Nicole MARI.