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Intercommunalités : Marana-Golo dit "Non" à la CAB, mariage forcé entre la Casinca, l’Orezza et le Casacconi !


Nicole Mari le Lundi 8 Février 2016 à 22:50

Refus de convoler de Marana-Golo avec la CAB (Communauté d’agglomération de Bastia), mariage forcé entre la Casinca, l’Orezza-Ampugnani et le Casacconi-Golu Suttanu, poursuite en solitaire pour la Costa Verde. C’est le résultat des votes issus de la deuxième réunion, plutôt tendue, de la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) de Haute-Corse qui s’est tenue, lundi, pour examiner la deuxième zone du nouveau Schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), élaboré par le Préfet. L’amendement d’Anne-Marie-Natali, mairesse de Borgo et présidente de la ComCom Marana-Golo, qui rejetait la fusion, a été adopté à une très large majorité. Réactions, pour Corse Net Infos, d’Anne-Marie-Natali, de François Tatti, président de la CAB, satisfaits, et déception de Michel Rossi, maire de Ville-di-Pietrabugno.



Le front du refus : Anne-Marie Natali, mairesse de Borgo et présidente de la ComCom Marana-Golo, et Sauveur Gandolfi-Scheit, député-maire de Biguglia.
Le front du refus : Anne-Marie Natali, mairesse de Borgo et présidente de la ComCom Marana-Golo, et Sauveur Gandolfi-Scheit, député-maire de Biguglia.
La rumeur d’une possible fusion entre la CAB et la ComCom de Marana Golo pour créer l’entité quasi-mythique du grand Bastia, que les communes du Nord appellent de leurs vœux depuis des lustres, bruissait depuis quelques jours. Ce projet, proposé par le nouveau schéma, d’une super-ComCom de près de 80 000 habitants, bénéficie du soutien du Préfet et des communes de la CAB, mais pas de leur président, François Tatti. La brusque demande exprimée, il y a quelques jours, par la récente communauté de communes de l’Alta-di Casacconi e Golu Suttanu de rejoindre cette nouvelle entité, avait alimenté le suspense et ouvert une porte… que les trois communes urbaines du Sud, Borgo, Biguglia et Lucciana, se sont empressées de refermer brutalement et sans façon ! Le Grand Bastia, elles n’en veulent pas !
 
Un statut-quo de 30 ans !
A la tête de la fronde, Anne-Marie Natali, mairesse de Borgo et présidente de la ComCom Marana-Golo, dépose un amendement demandant le maintien du périmètre actuel de Marana Golo. « Je ne vois pas ce que nous allons faire dans le Grand Bastia ! Nous voulons rester comme il y a 30 ans ! Nous gérons très bien notre communauté ! » assène-t-elle. Le député-maire de Biguglia, Sauveur Gandolfi-Scheit, enfonce le clou : « Nous sommes la troisième communauté de communes la plus importante de Corse. Toutes les communes de Marana Golo ont voté pour rester dans le statu-quo qui nous semble nécessaire. Il ne faut pas oublier que le SIVOM de la Marana, qui s’est transformé en communauté de communes, existe depuis 1947. On compte plus de 21 500 habitants, on ne peut pas changer certaines choses ! Le Grand Bastia, c’est bien beau, mais où peut-il s’arrêter ? Il peut s’arrêter à Macinaggio ! Pourquoi ne pas monter plus haut dans le Nord ! Pourquoi ne pas l’étendre à l’Ouest ! Pourquoi pas jusqu’à Vizzavona ! La loi NOTRe, je ne l’ai pas voté parce qu’elle met en place un système de millefeuilles qui est en train de s’épaissir de plus en plus ».
 
Une crainte fiscale
A sa suite, un conseiller communautaire, Pierre-Antoine Pasqualini, liste tous les acquis et les travaux réalisés par Marana-Golo et exprime son inquiétude au plan fiscal : « L’alignement des taux de prélèvement votés par nos communes avec ceux fixés par la CAB engendrerait, mécaniquement, une augmentation conséquente du poids de la fiscalité pour nos administrés déjà largement sollicités pour un service qui serait, au mieux, équivalent ». Egalement, sa crainte que « notre territoire, qui garde des liens très forts avec les villages qui le composent et dont la densité de population est de 100 habitants au km2, soit administré comme une ville dont la concentration urbaine, 844 habitants/km2, impose des contraintes, notamment d’ordre organisationnelle, et une demande différente de celle à laquelle nous devons faire face ».
 
Le schisme de la CAB
Le front du refus bénéficie du soutien de François Tatti qui dépose un 2ème amendement, jugé irrecevable pour cause de « non-couverture du territoire », demandant le maintien du périmètre actuel de la CAB. Prenant, encore une fois, le contrepied de tous les maires de son agglo, le président de la CAB, toujours aussi seul, estime que « le rapprochement n’est pas mûr » et se dit « contre les mariages forcés parce que ça ne fonctionne pas ». Une attitude fort peu appréciée par Michel Rossi, maire de Ville-di-Pietrabugno, commune-membre de la CAB, qui lui rétorque qu’il n’est pas seul maître à bord : « La CAB, c’est aussi des communes. La mienne a toujours plaidé pour une grande interco, un Grand Bastia. Il ne faut pas louper le train de l’histoire qui est inéluctable. Les communes de la CAB en sont convaincues. Nous serons plus fort en mutualisant nos moyens. Si nous voulons développer le pôle économique bastiais, il faut aller plus loin, sans quoi il perdra son rayonnement ».
 
Des raisons inchangées
Un 3ème amendement, déposé par Jean-Marie Vecchioni, maire de Campile, promoteur et ex-président de la communauté de communes du Casacconi e Golu Suttanu, vient renforcer le projet de fusion en demandant l’intégration de sa ComCom au Grand Bastia. « Les raisons, qui nous ont incité à quitter la communauté de communes de Marana Golo, sont les mêmes qui, aujourd’hui, nous font aller vers la CAB. Tout simplement, la fiscalité ! J’ai expliqué, à maintes reprises, que Marana Golo appliquait une fiscalité additionnelle et que la CAB appliquait une fiscalité mixte. Ce sont deux fiscalités différentes ! Vus les bassins d’entreprises de Marana Golo, notamment l’aéroport de Poretta et la centrale de Lucciana, le choix devait se porter sur la fiscalité mixte. En 2012, j’avais demandé à rejoindre le Grand Bastia, s’il se faisait. Je reste toujours sur les mêmes fondamentaux. Je n’ai pas changé de direction ». Son amendement est rejeté. Il faut la majorité des deux tiers pour mettre en place le Grand Bastia et le vote est sans appel. L’amendement d’Anne-Marie Natali est adopté par 29 voix sur 36. La quasi-totalité des élus de droite et des élus Giacobbistes du département ont voté pour. Tout reste simplement en l’état… !
 
Des unions contrariées
… Mais, par ricochet, complique les choses pour le second périmètre examiné. Le schéma préfectoral prévoit, en effet, la fusion des communautés de communes de la Casinca, de l’Orezza-Ampugnani, du Casacconi e Golu Suttanu, étendue à quatre communes de Marana Golo : Monte, Olmo, Scolca et Vignale. Le vote de l’amendement Natali a pour conséquence directe de conserver ces quatre communes dans leur giron initial, mais également d’intégrer, de facto, le Casacconi aux territoires de la Casinca et de l’Orezza. Ce qu’aucune de ces trois ComCom ne souhaite ! La Casinca et Orezza-Ampugnani ont délibéré en faveur d’un mariage à deux et ne veulent pas d’un ménage à trois avec le Casacconi. Pas plus que le Casacconi ne veut s’immiscer dans un trio qui « n’a aucune cohérence ». Résultat : c’est la débandade ! L’interco du Casacconi pourrait bien éclater et ses sept communes s’éparpiller dans les communautés voisines. Bisinchi a, déjà, choisi de rejoindre Morosaglia et la ComCom de la Vallée du Golo. D’autres mouvements devraient suivre d’ici à la prochaine réunion de la CDCI repoussée au 10 mars où des amendements seront examinés.

Du sens et de la cohérence
Des considérations qui n’émeuvent pas le Préfet de Haute-Corse. Alain Thirion juge cette Com-Com à trois « en forme de V, conforme à loi en termes de continuité territoriale et de population ». Il admet que « des questions méritent d’être regardées, notamment au niveau de la gouvernance, étant donné le nombre relativement élevé de communes concernées », à savoir 43. Egalement, au niveau de l’impact financier : « Nous ferons en sorte de donner, à la prochaine séance, l’ensemble des éléments, notamment financiers et budgétaires ». Il prévient que les futurs amendements, qui seront proposés, « doivent être compatibles les uns avec les autres. Il ne peut pas y avoir de trou dans la raquette ! On ne peut pas avoir de territoire en dehors d’une ComCom de moins de 5000 habitants. Les intentions des communes, les unes par rapport aux autres, ne sont pas forcément identiques, il faut une cohérence territoriale qui ait du sens ! ».

L’enjeu du moratoire
Au final, au Nord, comme au Sud, pour les partisans, comme pour les allergiques au mariage, la messe n’est pas dite pour autant ! Ainsi que l’a rappelé, en début de séance, le Conseiller exécutif et maire de Lozzi, Jean-Félix Acquaviva, l’Assemblée de Corse a voté, à l’unanimité, une motion demandant un moratoire sur la question des intercommunalités afin que « y compris à travers une loi spécifique, la CTC élabore un schéma au plus près des aspirations des territoires. Nous sommes en attente de la prise en compte de cette volonté politique à travers les rencontres avec le gouvernement et les groupes de travail prévus. Il est important de réaffirmer les enjeux au moment où les périmètres des intercommunalités peuvent être remis en cause par la mise en place de la collectivité unique ». Tout est, donc, encore modulable, confirme le Préfet Alain Thirion, qui précise : « ce schéma n’a aucune valeur juridique. Seuls, les arrêtés préfectoraux, qui doivent être pris d’ici à la fin de l’année, auront force de loi. Nous prendrons en compte les adaptations issues des conclusions des groupes de travail mis en place par le Premier ministre et par Marylise Lebranchu. Nous en saurons plus sur les nouveaux périmètres en mars et en octobre ».
Affaire à suivre…
 
N.M.
 

Réactions d’Anne-Marie-Natali, mairesse de Borgo et présidente de la ComCom Marana-Golo, et de François Tatti, président de la CAB, qui expriment leur satisfaction et déception de Michel Rossi, maire de Ville-di-Pietrabugno, commune-membre de la CAB.