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Interview : Alain Mosconi


Nicole Mari le Samedi 20 Octobre 2012 à 19:21

Alors que les syndicats CGT de la SNCM et de la CMN ont déposé un préavis de grève pour le 23 octobre dans le cadre d'une action nationale de la fédération des syndicats maritimes concernant le pavillon français 1er registre, le leader du STC Marins, Alain Mosconi, revient, pour Corse Net Infos, sur le vote, à l’assemblée de Corse, de la Délégation de service public (DSP). Très satisfait de l'adoption du service social et solidaire proposé par le STC, il doute de l'investissement de Veolia dans une DSP restreinte et s'inquiète de la dérive libérale d'un Exécutif de gauche



Interview : Alain Mosconi
- Etes-vous satisfaits du cahier des charges tel qu'il a été voté ?
- Nous sommes satisfaits, d'un côté, car des amendements importants ont été votés : le retour des navires à la CTC en cas de départ du délégataire, l'étude sur une compagnie régionale et le service social et solidaire. Nous avons, de l'autre côté, des raisons de ne pas l'être, notamment l'abandon de Toulon et les appels d'offres ligne par ligne. Le périmètre de la DSP sera limité à Marseille. Nous avions pris une position en faveur de Toulon, du moins pour le fret.
 
- Votre position est différente de celle de Corsica Libera, dont vous êtes proches, et qui est contre l'extension de la DSP à Toulon...
- Tout à fait. Cela démontre l'indépendance entre le politique et le syndical. Cette différence de points de vue est enrichissante, même si nous aurions, effectivement, préféré qu'elle ne soit pas à ce niveau-là. Ceci étant, une assemblée majoritairement de gauche ne s'est pas battue pour l'extension à Toulon et contracte une DSP uniquement sur Marseille. Cette même assemblée de gauche ne vote pas pour le pavillon français 1er registre, mais vote un amendement disant qu'elle attend que le Parlement légifère en la matière. Evidemment, si une loi impose que chaque compagnie desservant la Corse batte pavillon français 1er registre, la CTC ne pourra pas faire autrement que de l'appliquer ! Sur cet amendement, les élus de Corsica Libera ont une position proche de la nôtre, ils se sont abstenus, mais ne se sont pas opposés. Une assemblée de sensibilité de gauche a bâti un édifice libéral. Surprenant, troublant parfois !
 
- L'adoption de votre proposition de service social et solidaire, est-ce une victoire ?
- Nous n'allons pas jouer la carte du triomphalisme. Effectivement, les lignes bougent dans notre sens. Pour des gens qui rament depuis des années, nous avons quelques raisons d'être satisfaits et nous le sommes !
 
- En quoi consiste exactement ce service social et solidaire ?
- C'est simple. Cinq jours avant le début de la grève, seront mobilisés les représentants des organisations syndicales et de la direction pour définir un service public qui, dans ce contexte dégradé, ne pourra pas aller au-delà de 15 %  de ce qu'aurait du être le service à l'instant T de la grève.
 
- C'est-à-dire ?
- Nous contractons, sur un navire pour la Corse, les produits de 1ère nécessité, les produits de santé, hospitaliers et autres et les résidents corses qui ont besoin de se déplacer pour raisons de santé, de deuil ou d'examen pour les étudiants.
 
- Est-ce valable pour chaque port ?
- Absolument pas ! Les ports ne sont pas précisés. Nous parlons de volume, d'un volume qui permet à la Corse de disposer, en cas de grève, d'une capacité d'environ 450 places exclusivement réservées aux résidents corses et de 1000 mètres linéaires par jour consacrésaux produits de 1ère nécessité et de santé. C'est un exercice qui exclut que les compagnies puissent dégager des dividendes sur l'activité de grève, mais également qui qualifie les ayants-droits. Hors de question, pendant que nous sommes en grève, de voir le flux touristique perdurer et la grande distribution faire comme si de rien n'était ! L'activité, même si elle va perdurer pour des gens dans le besoin, ne permettra pas de dégager des logiques mercantiles.
 
- Pour être appliqué, ce service social doit être validé par un accord d'entreprise que vous vous êtes engagés à signer. Pas la CGT !
- Tout à fait. La loi sur la représentativité impose qu'une organisation syndicale rassemble au moins 30 % des personnels pour pouvoir signer des accords. C'est le cas du STC et de la CGT. Ce service social permettra à la CTC d'être présente autour de la table des négociations. C'est l'intérêt et la nouveauté de ce dispositif. Nous signerons un accord d'entreprise qui reprendra, à la virgule près, ce dispositif que nous avons pensé, fait voter au Conseil économique et social et que nous nous félicitons de voir adopter et appliquer.
 
- Vous êtes également opposés aux appels d'offres ligne par ligne ?
- Oui. Là encore, il ne faut pas oublier que cette assemblée est, quand même, présidée par un membre du Front de gauche. Ça ne manque pas de sel ! Je ne sais pas si Mélenchon y retrouverait ses petits ! A moins qu'au Front de gauche, on ait l'habitude de dire les choses juste quand on n'est pas au pouvoir ! Cette assemblée d'obédience de gauche met en place un dispositif très libéral. C'est un énorme paradoxe. Sinon quel intérêt d'être de gauche ou de droite s'il s'agit de définir la taille du rond-point que l'on va construire Place Abbatucci ou Saint-Nicolas ! Dans le domaine des transports maritimes ou aériens, vraiment structurant pour le développement économique et social de la Corse, cette assemblée est en train de prendre une dérive droitière. C'est inquiétant !
 
- Vous militez pour la création d'une compagnie régionale. Ne craignez-vous pas qu'au delà des déclarations de principe, l'Exécutif n'ait pas de réelle volonté de s'y engager ?
- Peut-être. Mais je constate aussi qu'il y a une dizaine d'années, nous étions considéréscomme des fous, ne serait-ce que de prononcer le mot de compagnie régionale ! Aujourd'hui, tout le monde en parle. L'Exécutif le suggère, revient plusieurs fois dessus et laisse apparaître cette possibilité comme une alternative au départ de Veolia.
 
- Une durée de DSP de 10 ans n'est-ce pas un mauvais signe ?
- C'est plutôt une chance ! Là, je rejoins Jean-Christophe Angelini qui a posé l'amendement. C'est une chance dans le cas où nous aurions à maîtriser la compagnie régionale plus tôtque prévu. Admettons que celle-ci soit créée dans 4 ou 5 ans, et même dans 2 ans ou dans 1 an, nous savons déjà que le principe d'une concession sur 10 ans ne fera tomber personne de la chaise puisque, d'ores et déjà, la CTC l'aura voté.
 
- Mais cette durée ne risque-t-elle pas de retarder d'autant la création d'une compagnie corse ?
- Je crois que la compagnie régionale peut être mise sur pied dès les 6 prochaines années. Je suis persuadé que, peut-être même avant la mise en place de cette desserte-là, Veolia risque de partir. Si Veolia, après avoir constaté le périmètre du cahier des charges, déclarait forfait en disant : puisqu'il n'y a pas mes 8 navires, je n'ai plus rien à faire dans cette DSP, je me retire !
 
- Ne vient-elle pas d'acheter les parts détenues par la Caisse des dépôts ?
- Elle ne les a pas achetées pour la SNCM. Veolia Transports, c'est beaucoup plus grand ! Je parle d'un investissement de près d'un milliard d'euros pour la flotte. Pensez-vous que Veolia ait envie d'investir 1 milliard € pour seulement 10 ans et, dans 10 ans, de recommencer à discuter le bout de gras ! Sincèrement, je n'y crois pas un seul instant !
 
- Est-ce le sens caché de l'amendement de l'Exécutif lui donnant la possibilité de récupérer les navires ? Cela vous donne-t-il espoir ?
- Ce mécanisme-là de retour du matériel naval à la CTC, en cas de départ d'un concessionnaire, est, effectivement, très louable. Mais, j'ai, tout simplement, une vue intra-muros de la SNCM et je vois mal Veolia perdurer à la SNCM avec ce qui se dessine aujourd'hui. Je pense que, très rapidement, il y aura des évolutions en la matière.
 
- Pensez-vous que Veolia ne se portera pas candidate ?
- Je ne sais pas. Je dis seulement que Veolia n'a pas vocation à faire de la philanthropie. ce n'est pas son style ! Elle n'est pas là pour perdre 1 milliard € ! Et, dans le cadre d'une DSP réduite, elle ne retrouve pas ses poussins ! Pensez-vous qu'une multinationale va investir, pour les beaux yeux de la Corse, 1 milliard € et ne récupérer que quelques centaines de millions € sur 10 ans ! Non, ça n'a pas de sens !
                                                                                                                                                                                                                         Propos recueillis par Nicole MARI