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Jean-Charles Orsucci : "Ce n'est ni aux juges ni aux clandestins de gérer l'aménagement du territoire


Nicole Mari le Lundi 13 Août 2012 à 14:33

L’un des enjeux majeurs du futur PADDUC, Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, dont les grandes orientations ont été adoptées fin juillet, est d’établir des normes d’urbanisation, opposables aux PLU. Maire de Bonifacio où la pression touristique et foncière est très forte, le conseiller exécutif socialiste, Jean Charles Orsucci, plaide pour la prise en compte du tourisme et une meilleure définition des espaces remarquables. Il explique, à Corse Net Infos, pourquoi il est pour le contingentement des résidences secondaires et le statut de résident et contre le concept d’hameau nouveau.



Jean-Charles Orsucci : "Ce n'est ni aux juges ni aux clandestins de gérer l'aménagement du territoire
- Comment réagissez-vous aux orientations proposées pour le PADDUC ?
- Très favorablement. Dès le 1er tour des élections territoriales, Paul Giacobbi avait tracé une feuille de route. D’abord, revoir la méthodologie utilisée par la précédente mandature, qui était mauvaise, et procéder autrement. Celle adoptée par Maria Guidicelli est déjà une victoire au niveau de la consultation, des Assises du littoral et du foncier. Ensuite, la précédente mouture était d’essence profondément libérale. Nous souhaitions mettre en place un projet de société qui soit clairement identifié à gauche et intègre le Grenelle de l’environnement. Ces grandes orientations répondent à nos attentes. Je m’en félicite, mais je reste prudent parce que nous ne sommes pas encore entrés dans le vif du sujet des problématiques dures, telles que les espaces remarquables ou agricoles, la continuité d’urbanisation, les lois littorale et montagne.
 
- Pourquoi avez-vous qualifié ce PADDUC d’autonomiste ?
- Il est très autonomiste et très à gauche. Autonomiste parce qu’on sent bien, sur des questions de statut de résident, de langue, de parité entre le corse et le français, d’identité, de foncier, l’emprise d’une assemblée territoriale qui a des vélléités d’autonomie en matière fiscale pour répondre à certains objectifs. Je ne pense pas que la région Bourgogne ou Poitou-Charentes envisage un document de cette portée sous le même angle. Des mouvements, comme Corsica Libera et Femu a Corsica, ont soutenu ce document.
 
- Ce PADDUC est-il altermondialiste comme la droite le prétend ?
- C’est exagéré. Mais, la forte volonté  de faire de ce PADDUC un schéma contre la précarité est bien la marque d’une majorité de gauche. On veut une plus juste répartition des richesses sur les différents territoires de l’île.
 
- N’avez-vous pas exprimé un bémol lors du débat à  la CTC ?
- C’est vrai. J’ai souhaité que, lors des travaux futurs, le tourisme ne soit pas, comme dans le document actuel, perçu comme une difficulté ou un frein au développement économique. Les tourismes doivent véritablement faire partie du plan de développement parce que l’industrie touristique est un élément essentiel, aujourd’hui et demain, pour la Corse. Que l’on soit vigilant sur la bulle immobilière touristique, je suis d’accord. Mais, je dis que les tourismes sont une chance pour la Corse.
 
- Quel type de tourisme préconisez-vous ? Du tourisme de luxe ?
- Les différents types de tourisme ont leur place. Mais, là, encore, il y a des proportions à trouver. Le tourisme de luxe est à haute valeur ajoutée. Dans le cadre du PADDUC, on évoquera certainement le projet de la caserne Montlaur qui comprend un hôtel haut de gamme avec un centre de remise en forme. Ce type de structure est générateur d’emplois toute l’année. On peut aussi imaginer un tourisme en direction des sportifs de haut niveau, le climat le permet, avec des niches à exploiter grâce au GR20, au littoral et aux espaces magnifiques. Il faut une ligne directrice sur le tourisme dans le PADDUC. 
 
- Le PADDUC parle de contingentement des résidences secondaires. Etes-vous pour ?
- Très clairement. Dans le cadre d’un lien social et d’une vie permanente, il y a des équilibres à maintenir. 50% ou 60% de résidences secondaires, c’est le maximum ! Je suis, par contre, très favorable, sur Bonifacio et sur l’ensemble du territoire insulaire, à la création de belles structures hôtelières, moins gourmandes en foncier et créatrices d’emplois. Les hôtels de 4 ou 5 étoiles sont des établissements ouverts au moins 8 mois sur 12 et économiquement beaucoup plus intéressants. J’ai invité Maria Guidicelli à une réflexion sur ce sujet.
 
- Etes-vous favorable au statut de résident ?
- Oui. Il faut, à un moment donné, mettre des barrières. Bonifacio compte déjà 51 % de résidences secondaires. Depuis la validation du PLU en 2007, je délivre plus d’une centaine de permis par an, dont près de 60 % concernent des résidences secondaires. Si on ne fait rien, ce chiffre va atteindre 70 à 80 % ! Si cette population décidait de s’inscrire sur les listes électorales, la commune, et même le territoire à l’échelle de la Corse, seraient dirigés par des gens qui viennent, deux mois par an, bronzer ou profiter de leur maison ! Ce n’est pas acceptable ! Des villes, comme Cap D’Agde, sont des villes fantôme en hiver et bondées en été. Ce n’est pas ce dont je rêve pour Bonifacio et pour la Corse !
 
- Lors du débat, pourquoi avez-vous parlé de déni de justice ?
- J’ai annoncé la couleur. Le PADDUC aura valeur de DTA, Direction territoriale d’aménagement. On ne peut pas accepter que ce soit le juge administratif ou le service urbanisme du Front (FLNC) qui gère l’aménagement du territoire sur une commune ! C’est un véritable déni de justice que le PADDUC doit pallier ! Les seuls qui ont vocation à gérer l’aménagement du territoire, ce sont les élus, communaux pour le PLU et territoriaux pour le PADDUC. En tous cas, ce n’est, ni aux juges, ni aux clandestins de le faire. Donc, il faut effectuer des choix. Lors des Assises du littoral, Edmond Simeoni a dit : « Que les élus de la Corse choisissent ! S’ils veulent bétonner la Corse, qu’ils le disent ! S’ils ne le veulent pas, qu’ils le disent ! Mais, c’est à eux, et à eux seuls, de décider ».
 
- En tant que maire d’une commune touristique confrontée à  des problèmes de PLU, qu’attendez-vous, donc, du PADDUC ?
- J’attends qu’il m’aide puisque j’ai lancé  une révision générale du PLU. Aujourd’hui, 5 % du territoire de la commune de Bonifacio n’est pas couvert par le PLU, qui a été annulé par différentes décisions des tribunaux administratifs. En réalité, seuls ces 5 % du territoire posent problème. J’attends que le futur PADDUC donne une définition beaucoup plus précise de ce qu’est un espace remarquable. Nous aurons à y travailler dans les mois à-venir. Maria Guidicelli veut revoir la cartographie. Peut-être faut-il étendre davantage les espaces remarquables dans certains endroits, mais aussi les restreindre là où il n’y a pas grand chose de remarquable ! Le PADDUC peut aussi définir les espaces proches du rivage, les potentialités agricoles, la continuité d’urbanisation, qui est une notion difficile à gérer, et préciser les lois montagne et littorale pour aider, justement, les maires à faire face à ces difficultés. Tous ces concepts un peu délicats ont engendré l’annulation des PLU.
 
- Le problème le plus délicat n’est-il pas celui d’hameau nouveau ?
- Oui. C’est un gros problème. J’y ai fait allusion lors du débat en évoquant les deux décisions de la Cour administrative, prises par le même président sur la même fameuse parcelle de Balistra, qui donnent deux définitions diamétralement opposées. Une première explique que la parcelle est, grosso modo, située dans un espace remarquable. La deuxième entérine la création d’un hameau nouveau, défini par une fontaine, un boulodrome, etc. On ne peut pas laisser aux juges ce pouvoir d’interprétation : il faut que le PADDUC définisse ce qu’est un hameau nouveau.
 
- Quelle est votre position sur le sujet ?
- Elle est très claire. Je suis contre le concept d’hameau nouveau intégré à l’environnement. Je suis partisan de le supprimer et de renforcer les hameaux existants sur l’ensemble du territoire insulaire. Qu’on construise en continuité d’urbanisation ! Evidemment pas sur des densifications trop importantes, ni sur des grandes parcelles parce qu’en Corse, le développement de la construction s’est fait à travers un mitage.
 
- Qu’allez-vous faire pour Balistra ? Pouvez-vous encore faire appel ?
- Je peux faire appel. Et je peux même vous annoncer que, comme cette décision est assez embêtante, pas seulement pour le maire de Bonifacio, mais aussi pour les services de l’Etat, j’ai déjà reçu l’engagement très fort du Préfet de région que le ministère de l’Ecologie sera, à mes côtés, pour le recours devant le Conseil d’Etat.
 
- Pourquoi est-ce embêtant pour l’Etat ?
- L’Etat voit, tout comme nous, un danger dans la définition du hameau nouveau donnée par la Cour administrative d’appel de Marseille. Les représentants de l’Etat en Corse sont embêtés de devoir appliquer cette décision de justice qui est, quelque peu, surprenante. Ils vont donc essayer de m’aider à obtenir gain de cause devant le Conseil d’Etat et à revenir à quelque chose de plus applicable en Corse. Cette décision-là n’est pas applicable !
                                                                                Propos recueillis par Nicole MARI