Jean-Christophe Angelini, conseiller exécutif et président de l’ADEC (Agence de développement économique de la Corse.
- Quel est l’enjeu de ce schéma régional ?
- C’est un schéma qui est voulu par la loi NOTRe. Il a pour objet de promouvoir une doctrine, une vision claire et opérationnelle du développement économique et de décliner, depuis une assemblée régionale, un certain nombre de mesures et de règles qui permettront l’émergence d’un véritable développement. La délibération, soumise au vote lors de cette session, devrait enclencher un processus qui passera par un certain nombre d’étapes fortes en termes d’ateliers de travail, de séminaires et de thématiques et s’achèvera en octobre ou novembre.
- Quelle est votre vision du développement ?
- La vision, que développe le Conseil exécutif et que j’ai plus particulièrement la charge de mettre en œuvre, est celle d’un développement économique annualisé, durable et diversifié. Annualisé parce qu’aujourd’hui, la Corse a une économie qui, pour l’essentiel, bénéficie des mânes du tourisme sur une base et un espace temps relativement contraints. En clair, un espace géographique de plus en plus limité sur une période de l’année paradoxalement de plus en plus courte. Quoi qu’on en dise, même si, depuis des années, on parle d’étalement ou d’annualisation du tourisme, on est obligé de constater que la période reste, depuis 20 ou 30 ans, limitée aux mois de juillet et août. Cette saisonnalité est la matrice de toutes les dérives.
- C’est-à-dire ?
- Le développement trop conséquent du statut d’auto-entrepreneur si décrié par les artisans, le recours massif à la main d’œuvre détachée, le para-commercialisme, le para-tourisme, le développement d’une concurrence frontale du secteur marchand, notamment par la résidentialisation de certaines économies… Tout ceci vient du fait que nous sommes dans une économie de saisonnalité. Or, nous avons besoin d’une économie annualisée et stable. Il convient désormais de mettre en tourisme, et plus généralement en développement, la Corse d’un bout à l’autre de l’année.
- Qu’entendez-vous par économie durable ?
- On voit bien qu’il faut internaliser un certain nombre de fonctions, d’idées et de paramètres qui sont, de manière générale, absents des visions de développement en Corse. Les paramètres culturels, le paramètre du thermalisme, de la filière bois, de l’aéronautique, des cosmétiques, de l’innovation… sont autant de choses qu’il faut concilier dans une stratégie globale. Force est de constater que la vision du développement économique, qui a prévalu jusqu’à présent, n’était pas celle-là. C’était une vision ancienne basée sur quatre paramètres : tourisme / consommation / BTP / résidences secondaires. Avec un certain nombre de limites. Il faut mettre en filière et organiser l’ensemble des grands secteurs qui sont, aujourd’hui, désarticulés ou qui manquent de leadership et de force d’impulsion.
- Comment ?
- C’est le rôle de l’ADEC et de la CTC (Collectivité territoriale de Corse). Le but est de générer de l’activité et de l’emploi. C’est très exactement une des fonctions du Schéma de déterminer les mesures et les aspects techniques qui permettent de mettre le territoire en dynamique de développement. Cela passe par un développement qui soit véritablement durable, comme on l’a vu sur la question des déchets, de l’énergie…
- Pourquoi un développement diversifié ?
- Pour les raisons que je viens d’évoquer et pour d’autres encore, y compris sur un mode transfrontalier. Il faut ouvrir la Corse, en termes de transports par exemple, à la Méditerranée Occidentale, à l’Europe du Sud, à la péninsule ibérique, à la Sardaigne comme nous y travaillons depuis quelques temps… et la resituer dans cet environnement naturel. Il y a un travail considérable à faire dans cette direction-là. Je m’y emploie depuis le début de la mandature. Le Schéma permettra de préciser tout cela.
- Est-ce un schéma et une vision à long terme ?
- Le Schéma a une durée de vie comparable à celle du PADDUC. A peu près une décennie, avec des phases d’actualisation.
- Pensez-vous que dix ans suffiront pour changer le paradigme de l’économie corse ?
- La durée pertinente pour asseoir un développement alternatif et réussi est plus sûrement celle d’une génération. Nous disposons d’une vingtaine d’années pour passer d’une économie de rente à une économie de production, d’une économie largement anémiée à une économie très dynamique. Ceci étant dit, ce n’est pas à la 19ème année que nous commencerons à en apercevoir les résultats. Dans l’intervalle, on peut arriver à quelque chose de maîtrisé et d’abouti.
- En combien de temps ?
- Je pense que les premiers effets significatifs de la politique, que nous mettons en œuvre en termes de diversification et d’ouverture de l’économie, en termes concrets de recul du chômage, du recul de la précarité et du recul de la mortalité des entreprises, seront perceptibles sur un pas de temps d’environ trois à cinq ans. Ensuite, il faut ancrer sur 20 ans un modèle résolument nouveau et, je l’espère, un développement qui fasse reculer le chômage et concilier la création de richesses mieux partagées sur le territoire et au sein de la population.
- Ce Schéma doit, selon la loi NOTRe, être voté avant la fin de l’année. Quelles sont les étapes de son élaboration ?
- Le Schéma, tel que je le propose à l’Assemblée et tel que je l’ai déjà présenté devant le Conseil économique, social et culturel (CESC) et l’ensemble des Commissions en session plénière de l’Assemblée où il a reçu un accueil très favorable, comporte trois éléments stratégiques. Premier élément : les thématiques. Nous en avons identifié une quinzaine en termes de contenu : l’innovation, le BTP, l’export, l’attractivité du territoire, le commerce et l’artisanat, la stratégie agricole, le transfrontalier, le tourisme, les transports… Chacune d’entre elles donnera lieu à deux ou trois réunions d’atelier et à des séminaires de restitution qui auront lieu durant l’été et à la rentrée de septembre.
- Le but est-il de définir des mesures concrètes ?
- Oui ! Des mesures très concrètes de seuil, d’appui, d’aide financière…Tout ceci sera défini sous l’autorité d’un Comité de Pilotage (CoPil), que je préside, et en vertu d’un pilotage opérationnel assuré par l’économiste Guillaume Guidoni. C’est acté en termes de méthode et de contenu.
- Quel est le 2ème élément stratégique ?
- C’est le calendrier. Il court de mai à novembre avec des phases précises de mois en mois : mise en place du Comité de Pilotage, réunions des ateliers et des séminaires de travail… jusqu’à la présentation au CESC et à l’Assemblée vraisemblablement en octobre, ou au plus tard en novembre.
- Ce Schéma doit-il être approuvé par le Préfet ?
- Les modalités d’approbation sont le 3ème élément. La loi dit que le Schéma régional est approuvé par arrêté préfectoral. Nous disons qu’il n’y a pas lieu de l’approuver de la sorte. Le PADDUC, lui-même, a été approuvé par une délibération simple de l’Assemblée, suivi d’un contrôle de légalité. Donc, nous préconisons un processus comparable avec une Assemblée qui vote souverainement son schéma économique. Lequel donne lieu, ce qui est légitime et compréhensible, comme toute autre délibération de l’Assemblée, y compris le PADDUC, à un contrôle de légalité. L’Assemblée a une demande forte concernant des modalités d’approbation adaptées à la Corse et aux compétences élargies de la CTC.
- Une fois voté, le Schéma sera-t-il immédiatement applicable ?
- Oui ! Après la période de latence obligatoire qui recouvre le contrôle de légalité et les démarches nécessaires en matière administrative et juridique, il sera applicable dans la foulée.
- Doit-il être compatible avec le PADDUC ?
- Oui ! Au sens des grandes orientations, du schéma régional climat air et énergie… Les grandes décisions du PADDUC doivent être intégrées au Schéma régional. C’est l’un des fondements, mais ce n’est pas le seul !
- Ce Schéma sera-t-il le fer de lance de votre politique économique ?
- Oui ! Il y avait deux solutions possibles : soit mettre le Schéma en route et, au moment où il était voté par l’Assemblée, en déduire des préconisations immédiatement opérationnelles pour poursuivre une politique sur le reste de la mandature. Soit commencer immédiatement à travailler et considérer le Schéma comme un élément de validation d’une politique déjà engagée. C’est cette 2ème option que j’ai voulu privilégier en me mettant au travail avec les services et l’ensemble des agents sur tous les sujets qui vont conditionner le développement économique. L’idée est, plutôt qu’annoncer un travail à faire, de valider un travail déjà accompli. Même si beaucoup restera à faire, une fois le Schéma voté.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- C’est un schéma qui est voulu par la loi NOTRe. Il a pour objet de promouvoir une doctrine, une vision claire et opérationnelle du développement économique et de décliner, depuis une assemblée régionale, un certain nombre de mesures et de règles qui permettront l’émergence d’un véritable développement. La délibération, soumise au vote lors de cette session, devrait enclencher un processus qui passera par un certain nombre d’étapes fortes en termes d’ateliers de travail, de séminaires et de thématiques et s’achèvera en octobre ou novembre.
- Quelle est votre vision du développement ?
- La vision, que développe le Conseil exécutif et que j’ai plus particulièrement la charge de mettre en œuvre, est celle d’un développement économique annualisé, durable et diversifié. Annualisé parce qu’aujourd’hui, la Corse a une économie qui, pour l’essentiel, bénéficie des mânes du tourisme sur une base et un espace temps relativement contraints. En clair, un espace géographique de plus en plus limité sur une période de l’année paradoxalement de plus en plus courte. Quoi qu’on en dise, même si, depuis des années, on parle d’étalement ou d’annualisation du tourisme, on est obligé de constater que la période reste, depuis 20 ou 30 ans, limitée aux mois de juillet et août. Cette saisonnalité est la matrice de toutes les dérives.
- C’est-à-dire ?
- Le développement trop conséquent du statut d’auto-entrepreneur si décrié par les artisans, le recours massif à la main d’œuvre détachée, le para-commercialisme, le para-tourisme, le développement d’une concurrence frontale du secteur marchand, notamment par la résidentialisation de certaines économies… Tout ceci vient du fait que nous sommes dans une économie de saisonnalité. Or, nous avons besoin d’une économie annualisée et stable. Il convient désormais de mettre en tourisme, et plus généralement en développement, la Corse d’un bout à l’autre de l’année.
- Qu’entendez-vous par économie durable ?
- On voit bien qu’il faut internaliser un certain nombre de fonctions, d’idées et de paramètres qui sont, de manière générale, absents des visions de développement en Corse. Les paramètres culturels, le paramètre du thermalisme, de la filière bois, de l’aéronautique, des cosmétiques, de l’innovation… sont autant de choses qu’il faut concilier dans une stratégie globale. Force est de constater que la vision du développement économique, qui a prévalu jusqu’à présent, n’était pas celle-là. C’était une vision ancienne basée sur quatre paramètres : tourisme / consommation / BTP / résidences secondaires. Avec un certain nombre de limites. Il faut mettre en filière et organiser l’ensemble des grands secteurs qui sont, aujourd’hui, désarticulés ou qui manquent de leadership et de force d’impulsion.
- Comment ?
- C’est le rôle de l’ADEC et de la CTC (Collectivité territoriale de Corse). Le but est de générer de l’activité et de l’emploi. C’est très exactement une des fonctions du Schéma de déterminer les mesures et les aspects techniques qui permettent de mettre le territoire en dynamique de développement. Cela passe par un développement qui soit véritablement durable, comme on l’a vu sur la question des déchets, de l’énergie…
- Pourquoi un développement diversifié ?
- Pour les raisons que je viens d’évoquer et pour d’autres encore, y compris sur un mode transfrontalier. Il faut ouvrir la Corse, en termes de transports par exemple, à la Méditerranée Occidentale, à l’Europe du Sud, à la péninsule ibérique, à la Sardaigne comme nous y travaillons depuis quelques temps… et la resituer dans cet environnement naturel. Il y a un travail considérable à faire dans cette direction-là. Je m’y emploie depuis le début de la mandature. Le Schéma permettra de préciser tout cela.
- Est-ce un schéma et une vision à long terme ?
- Le Schéma a une durée de vie comparable à celle du PADDUC. A peu près une décennie, avec des phases d’actualisation.
- Pensez-vous que dix ans suffiront pour changer le paradigme de l’économie corse ?
- La durée pertinente pour asseoir un développement alternatif et réussi est plus sûrement celle d’une génération. Nous disposons d’une vingtaine d’années pour passer d’une économie de rente à une économie de production, d’une économie largement anémiée à une économie très dynamique. Ceci étant dit, ce n’est pas à la 19ème année que nous commencerons à en apercevoir les résultats. Dans l’intervalle, on peut arriver à quelque chose de maîtrisé et d’abouti.
- En combien de temps ?
- Je pense que les premiers effets significatifs de la politique, que nous mettons en œuvre en termes de diversification et d’ouverture de l’économie, en termes concrets de recul du chômage, du recul de la précarité et du recul de la mortalité des entreprises, seront perceptibles sur un pas de temps d’environ trois à cinq ans. Ensuite, il faut ancrer sur 20 ans un modèle résolument nouveau et, je l’espère, un développement qui fasse reculer le chômage et concilier la création de richesses mieux partagées sur le territoire et au sein de la population.
- Ce Schéma doit, selon la loi NOTRe, être voté avant la fin de l’année. Quelles sont les étapes de son élaboration ?
- Le Schéma, tel que je le propose à l’Assemblée et tel que je l’ai déjà présenté devant le Conseil économique, social et culturel (CESC) et l’ensemble des Commissions en session plénière de l’Assemblée où il a reçu un accueil très favorable, comporte trois éléments stratégiques. Premier élément : les thématiques. Nous en avons identifié une quinzaine en termes de contenu : l’innovation, le BTP, l’export, l’attractivité du territoire, le commerce et l’artisanat, la stratégie agricole, le transfrontalier, le tourisme, les transports… Chacune d’entre elles donnera lieu à deux ou trois réunions d’atelier et à des séminaires de restitution qui auront lieu durant l’été et à la rentrée de septembre.
- Le but est-il de définir des mesures concrètes ?
- Oui ! Des mesures très concrètes de seuil, d’appui, d’aide financière…Tout ceci sera défini sous l’autorité d’un Comité de Pilotage (CoPil), que je préside, et en vertu d’un pilotage opérationnel assuré par l’économiste Guillaume Guidoni. C’est acté en termes de méthode et de contenu.
- Quel est le 2ème élément stratégique ?
- C’est le calendrier. Il court de mai à novembre avec des phases précises de mois en mois : mise en place du Comité de Pilotage, réunions des ateliers et des séminaires de travail… jusqu’à la présentation au CESC et à l’Assemblée vraisemblablement en octobre, ou au plus tard en novembre.
- Ce Schéma doit-il être approuvé par le Préfet ?
- Les modalités d’approbation sont le 3ème élément. La loi dit que le Schéma régional est approuvé par arrêté préfectoral. Nous disons qu’il n’y a pas lieu de l’approuver de la sorte. Le PADDUC, lui-même, a été approuvé par une délibération simple de l’Assemblée, suivi d’un contrôle de légalité. Donc, nous préconisons un processus comparable avec une Assemblée qui vote souverainement son schéma économique. Lequel donne lieu, ce qui est légitime et compréhensible, comme toute autre délibération de l’Assemblée, y compris le PADDUC, à un contrôle de légalité. L’Assemblée a une demande forte concernant des modalités d’approbation adaptées à la Corse et aux compétences élargies de la CTC.
- Une fois voté, le Schéma sera-t-il immédiatement applicable ?
- Oui ! Après la période de latence obligatoire qui recouvre le contrôle de légalité et les démarches nécessaires en matière administrative et juridique, il sera applicable dans la foulée.
- Doit-il être compatible avec le PADDUC ?
- Oui ! Au sens des grandes orientations, du schéma régional climat air et énergie… Les grandes décisions du PADDUC doivent être intégrées au Schéma régional. C’est l’un des fondements, mais ce n’est pas le seul !
- Ce Schéma sera-t-il le fer de lance de votre politique économique ?
- Oui ! Il y avait deux solutions possibles : soit mettre le Schéma en route et, au moment où il était voté par l’Assemblée, en déduire des préconisations immédiatement opérationnelles pour poursuivre une politique sur le reste de la mandature. Soit commencer immédiatement à travailler et considérer le Schéma comme un élément de validation d’une politique déjà engagée. C’est cette 2ème option que j’ai voulu privilégier en me mettant au travail avec les services et l’ensemble des agents sur tous les sujets qui vont conditionner le développement économique. L’idée est, plutôt qu’annoncer un travail à faire, de valider un travail déjà accompli. Même si beaucoup restera à faire, une fois le Schéma voté.
Propos recueillis par Nicole MARI.