Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse.
« Je parlerai aujourd’hui d’une question très importante pour les Corses, celle de la fiscalité. Son caractère dérogatoire est souvent critiqué en France et sert de prétexte aux campagnes de dénigrement contre la Corse et les Corses. Cela a été le cas au mois de septembre avec le rapport de la Cour des comptes et surtout avec les propos du député de Courson.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, mais il semble nécessaire de le répéter : Il ne s’agit pas de défendre des acquis historiques. Le caractère dérogatoire de la fiscalité corse est légitime, eu égard à notre réalité économique, et en conformité avec le droit européen. C’est en ce sens que nous avons travaillé, depuis notre élection en décembre dernier, à la construction collective d’un statut fiscal et social pour la Corse.
Le principe de justice
Ce statut s’inscrit dans le cadre de la situation actuelle de la Corse, mais aussi dans le droit. En effet, l’article 174 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, prévoit des règles spécifiques pour les régions soumises à certaines contraintes naturelles ou démographiques. L’article 174 cite les îles et les régions de montagne ou celles qui ont une faible densité de population. La Corse présente ces trois caractéristiques, même si une seule suffirait à justifier un statut particulier. De plus, une jurisprudence européenne constante définit la discrimination comme le fait de traiter différemment des situations identiques mais aussi comme le fait de traiter de la même manière des situations différentes. 2
Vouloir faire entrer peu à peu la Corse dans le droit commun, par des amendements à la Loi de finances, votés de nuit, est particulièrement discriminatoire. C’est aussi contraire aux textes et à la jurisprudence européenne. Par exemple, nous avons démontré, de manière claire, que la réalité d’exploitation des entreprises corses est très défavorable par rapport à celle des régions continentales, françaises notamment.
Demander un cadre dérogatoire, ce n’est pas faire l’aumône ou demander un privilège. Nous demandons simplement l’application du droit, dans le sens de la « théorie de la justice » développée par des auteurs tels que John Rawls ou Amartya Sen.
J’en ai parlé avec nos interlocuteurs lors de mon déplacement à Malte du 10 au 13 octobre dernier. C’est un sujet qu’ils connaissent puisqu’ils ont obtenu de l’Union Européenne ce qui était nécessaire à la construction d’une vraie économie. Mais il est vrai que Malte, 25 fois plus petite que la Corse, avec une démographie quasiment équivalente, a la possibilité de négocier directement avec Bruxelles, elle qui a 6 députés européens alors que la Corse n’en a pas un ! De plus, Malte présidera l’Union Européenne à compter de janvier prochain. Là-bas, j’ai rappelé à Henry Camilleri, en charge de la mise en place de cette présidence que la Corse cumule toutes les particularités citées dans l’article 174 : territoire insulaire, montagne et faible démographie. Henry Camilleri a exprimé la volonté ferme de son pays de faire de la question des îles une orientation majeure de la présidence maltaise de l’Union Européenne. La commission des îles de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes se réunira d’ailleurs sur ce thème au mois de mars prochain à Gozo. Les questions de fiscalité pourront y être débattues. La future présidence maltaise a d’ores et déjà soumis ce sujet au Conseil Economique et Social Européen. Par ailleurs, j’ai rencontré mardi à Strasbourg, Mercedes Bresso, députée européenne, ancienne présidente du Comité des Régions Européennes. Mercedes Bresso était rapporteur du dossier sur la stratégie de l’Europe pour les régions alpines, lequel rapport s’appuie justement sur l’article 174. Les problématiques présentées dans ce document sont les mêmes que les nôtres et nous avons envisagé la possibilité pour la Corse de bénéficier du même plan en faveur des régions de montagne.
Du régime dérogatoire au statut
Depuis longtemps, la Corse est soumise à un régime dérogatoire, fait de dispositions hétéroclites, ajoutées les unes aux autres sans aucune harmonie ni vision globale. Il est temps de franchir le pas, de construire un véritable statut politique, fiscal et social pour la Corse, cohérent, orienté vers un développement productif, maîtrisé par les Corses. Ce statut couvrirait tous les domaines et concernerait tant les entreprises que les particuliers.
La fiscalité serait alors conçue comme un outil de développement sélectif, en faveur des secteurs d’activité et des régions qui ont besoin du soutien des pouvoirs publics. En faveur, également, des populations en difficulté.
Ce statut, pour tous les Corses, permettra de :
- Réduire la double fracture territoriale, entre le littoral et l’intérieur mais aussi entre les différents quartiers de nos villes.
- Il permettra de préserver notre terre par la prorogation du dispositif actuel sur la fiscalité patrimoniale.
- Il permettra enfin de construire une économie : l’objectif d’un statut fiscal et social n’est pas de rapiécer un tissu économique en grande difficulté mais de créer un nouvel environnement, juridique, technique et économique pour provoquer un vrai développement, dont la Corse a été privée jusqu’alors en raison de l’absence d’un cadre adapté à sa situation.
Après avoir consulté les syndicats, les élus agricoles, les organisations socio-professionnelles, les responsables des secteurs du BTP et du tourisme, les experts en économie et en fiscalité, j’ai présenté un document qui servira de base solide pour terminer l’élaboration d’un statut fiscal et social pour la Corse. L’étape suivante sera de négocier avec l’Etat.
Mais, dans l’immédiat, nous devons nous unir le plus largement possible pour répondre à tous ceux qui, du Parlement à la Cour des comptes, s’obstinent à vouloir nous faire entrer dans le droit commun, ce qui ne serait conforme ni avec la justice, ni avec le droit.
Dans cette perspective, et toujours dans le souci de défendre la Corse tous ensemble, nous avons prévu prochainement, avec le Président du Conseil Exécutif, une rencontre à Paris avec tous les parlementaires Corses, et ceux qui sont liés à la Corse.
Il nous faut désormais passer à un autre niveau et construire la stabilité et la sécurité pour l’économie corse et pour les Corses ».
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, mais il semble nécessaire de le répéter : Il ne s’agit pas de défendre des acquis historiques. Le caractère dérogatoire de la fiscalité corse est légitime, eu égard à notre réalité économique, et en conformité avec le droit européen. C’est en ce sens que nous avons travaillé, depuis notre élection en décembre dernier, à la construction collective d’un statut fiscal et social pour la Corse.
Le principe de justice
Ce statut s’inscrit dans le cadre de la situation actuelle de la Corse, mais aussi dans le droit. En effet, l’article 174 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, prévoit des règles spécifiques pour les régions soumises à certaines contraintes naturelles ou démographiques. L’article 174 cite les îles et les régions de montagne ou celles qui ont une faible densité de population. La Corse présente ces trois caractéristiques, même si une seule suffirait à justifier un statut particulier. De plus, une jurisprudence européenne constante définit la discrimination comme le fait de traiter différemment des situations identiques mais aussi comme le fait de traiter de la même manière des situations différentes. 2
Vouloir faire entrer peu à peu la Corse dans le droit commun, par des amendements à la Loi de finances, votés de nuit, est particulièrement discriminatoire. C’est aussi contraire aux textes et à la jurisprudence européenne. Par exemple, nous avons démontré, de manière claire, que la réalité d’exploitation des entreprises corses est très défavorable par rapport à celle des régions continentales, françaises notamment.
Demander un cadre dérogatoire, ce n’est pas faire l’aumône ou demander un privilège. Nous demandons simplement l’application du droit, dans le sens de la « théorie de la justice » développée par des auteurs tels que John Rawls ou Amartya Sen.
J’en ai parlé avec nos interlocuteurs lors de mon déplacement à Malte du 10 au 13 octobre dernier. C’est un sujet qu’ils connaissent puisqu’ils ont obtenu de l’Union Européenne ce qui était nécessaire à la construction d’une vraie économie. Mais il est vrai que Malte, 25 fois plus petite que la Corse, avec une démographie quasiment équivalente, a la possibilité de négocier directement avec Bruxelles, elle qui a 6 députés européens alors que la Corse n’en a pas un ! De plus, Malte présidera l’Union Européenne à compter de janvier prochain. Là-bas, j’ai rappelé à Henry Camilleri, en charge de la mise en place de cette présidence que la Corse cumule toutes les particularités citées dans l’article 174 : territoire insulaire, montagne et faible démographie. Henry Camilleri a exprimé la volonté ferme de son pays de faire de la question des îles une orientation majeure de la présidence maltaise de l’Union Européenne. La commission des îles de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes se réunira d’ailleurs sur ce thème au mois de mars prochain à Gozo. Les questions de fiscalité pourront y être débattues. La future présidence maltaise a d’ores et déjà soumis ce sujet au Conseil Economique et Social Européen. Par ailleurs, j’ai rencontré mardi à Strasbourg, Mercedes Bresso, députée européenne, ancienne présidente du Comité des Régions Européennes. Mercedes Bresso était rapporteur du dossier sur la stratégie de l’Europe pour les régions alpines, lequel rapport s’appuie justement sur l’article 174. Les problématiques présentées dans ce document sont les mêmes que les nôtres et nous avons envisagé la possibilité pour la Corse de bénéficier du même plan en faveur des régions de montagne.
Du régime dérogatoire au statut
Depuis longtemps, la Corse est soumise à un régime dérogatoire, fait de dispositions hétéroclites, ajoutées les unes aux autres sans aucune harmonie ni vision globale. Il est temps de franchir le pas, de construire un véritable statut politique, fiscal et social pour la Corse, cohérent, orienté vers un développement productif, maîtrisé par les Corses. Ce statut couvrirait tous les domaines et concernerait tant les entreprises que les particuliers.
La fiscalité serait alors conçue comme un outil de développement sélectif, en faveur des secteurs d’activité et des régions qui ont besoin du soutien des pouvoirs publics. En faveur, également, des populations en difficulté.
Ce statut, pour tous les Corses, permettra de :
- Réduire la double fracture territoriale, entre le littoral et l’intérieur mais aussi entre les différents quartiers de nos villes.
- Il permettra de préserver notre terre par la prorogation du dispositif actuel sur la fiscalité patrimoniale.
- Il permettra enfin de construire une économie : l’objectif d’un statut fiscal et social n’est pas de rapiécer un tissu économique en grande difficulté mais de créer un nouvel environnement, juridique, technique et économique pour provoquer un vrai développement, dont la Corse a été privée jusqu’alors en raison de l’absence d’un cadre adapté à sa situation.
Après avoir consulté les syndicats, les élus agricoles, les organisations socio-professionnelles, les responsables des secteurs du BTP et du tourisme, les experts en économie et en fiscalité, j’ai présenté un document qui servira de base solide pour terminer l’élaboration d’un statut fiscal et social pour la Corse. L’étape suivante sera de négocier avec l’Etat.
Mais, dans l’immédiat, nous devons nous unir le plus largement possible pour répondre à tous ceux qui, du Parlement à la Cour des comptes, s’obstinent à vouloir nous faire entrer dans le droit commun, ce qui ne serait conforme ni avec la justice, ni avec le droit.
Dans cette perspective, et toujours dans le souci de défendre la Corse tous ensemble, nous avons prévu prochainement, avec le Président du Conseil Exécutif, une rencontre à Paris avec tous les parlementaires Corses, et ceux qui sont liés à la Corse.
Il nous faut désormais passer à un autre niveau et construire la stabilité et la sécurité pour l’économie corse et pour les Corses ».