Le groupe de droite "Le Rassemblement", autour de son président, José Rossi, à l'issue du vote sur le SRDE2I à l'Assemblée de Corse.
- Qu’est-ce qui vous a déplu dans le débat sur le SRDE2I ?
- Les conditions, dans lesquelles une partie de la presse a rapporté les propos prononcés en séance publique, n’ont pas traduit, me semble-t-il, la réalité du problème que nous avons posé. La motion, que nous avons déposée à l’ouverture du débat, était destinée à appeler, d’emblée, l’attention sur nos réserves par rapport à la philosophie générale du projet qui nous était soumis. Nous ne nous interdisions pas d’amender le texte et de l’améliorer.
- Votre groupe s’est fracturé sur le vote de cette motion. Y-a-t-il de l’eau dans le gaz au sein de la droite ?
- Non ! C’est une immense plaisanterie ! Il y a juste eu un malentendu concernant le dépôt de la motion sur laquelle tous les membres du groupe n’étaient pas au courant. Ce qui compte, c’est le vote final. Nous nous sommes abstenus à l’unanimité du groupe. Globalement, nous avons une position très claire depuis le début de la mandature. Quelque soit la position du groupe, que nous votions pour, contre ou que nous nous abstenions, elle est toujours unanime. Vous avez vu qu’il en est toujours ainsi. Le jour où vous verrez le groupe divisé sur un choix politique, là il y aura un problème ! Pour l’instant, je vous garantis qu’il n’y a pas le moindre problème sur la stratégie politique de notre groupe ! Camille de Rocca Serra et moi-même, qui avons été concurrents au 1er tour des élections territoriales, et rassemblés au 2nd, nous sommes en phase sur tout. Nos colistiers nous suivent amicalement et participent aux travaux avec nous. Nous sommes, tous d’accord, sur le fond politique.
- Pourquoi n’avez-vous pas voté un texte que vous avez largement amendé ?
- Parce que nous sommes opposés à sa philosophie générale. C’est un texte interventionniste qui règlemente trop et spécule sur des hypothèses de croissance totalement irréalistes. Nous mettons en doute la réalité des objectifs qui sont affichés et qui, de surcroît, sont trop dispersés. Nous craignons des règlementations et des interventions multiples, et une sorte de dilution des interventions publiques qui prendraient le pas sur l’initiative d’entreprise, la liberté d’entreprendre et, au bout du compte, sur la croissance, le développement et l’emploi par l’entreprise. Désormais, chacun sait qu’il y a de moins en moins d’emplois créés dans le monde de l’administration parce qu’on manque de moyens publics. On le regrette, mais c’est comme ça !
- L’Exécutif vous reproche votre abstention alors qu’il a fait l’effort d’intégrer la totalité de vos 22 amendements. Que lui répondez-vous ?
- A l’Assemblée nationale et au Sénat, il est de pratique courante que l’opposition participe très activement au travail d’amendement et vote au final contre le texte. Cette fois-ci, nous n’avons pas voté contre le texte, seuls les Communistes l’ont fait. Nous nous sommes abstenus. Nous n’avons pas fait obstacle à la mise en œuvre du texte présenté par la majorité territoriale, rejointe, en l’occurrence, sur ce point, par le Front national. Nous avons exprimé des réserves, et c’est tout juste si nous ne sommes pas accusés de ne pas voter systématiquement comme la majorité territoriale ! Il faut que l’Exécutif s’habitue à nos votes ! Il est possible même que, dans l’année qui vient, nous soyons plus portés à voter contre certains sujets que de voter pour ou de nous abstenir ! Sauf sur les sujets, bien sûr, d’intérêt majeur.
- Lesquels ?
- Quand nous discutons de fiscalité et que nous négocions avec le gouvernement, nous devons partir unis de Corse. Cela a été le cas pour les Arrêtés Miot. Nous avons, avec Camille de Rocca Serra qui a défendu le texte à l’Assemblée nationale, participé activement au rassemblement qui s’est produit en Corse sur la même thèse. Lorsque nous négocierons, demain, le statut fiscal et social, il faudra que nous partions de Corse avec des positions communes. Nous avons, bien sûr, voté l’amendement relatif au choix de ce statut, nous devons maintenant en définir le contenu. Il y aura d’autres sujets à négocier dans les mêmes conditions, partant, si possible, d’une position unanime. Je vous rappelle que les Communistes n’avaient, d’ailleurs, pas voté pour les Arrêtés Miot. Ils sont, quand même, félicités ! Ils sont félicités parce qu’ils votent régulièrement contre tout. C’est curieux !
- L’Exécutif dit respecter la constance et la cohérence de leurs positions. N’est-ce pas assez différent de la posture politicienne qu’il vous prête ?
- La différence, c’est que, si le dossier nous paraît intéressant, nous pouvons voter pour ! En général, nous examinons de manière critique les dossiers qui nous sont soumis. Nous sommes dans l’opposition, c’est notre rôle ! Quand nous pouvons rallier un dossier parce qu’il est vraiment parfait à nos yeux, nous ne nous gênons pas pour le faire. Nous ne votons pas systématiquement contre. Mais, sur les actes essentiels, la fiscalité à négocier au plan national, les budgets, et tout ce qui met en cause la politique générale de la région, là nous assumons notre rôle d’opposition constructive.
- L’Exécutif estime vos critiques infondées, notamment celle d’appliquer la loi NOTRe dont il n’est pas responsable. N’a-t-il pas raison sur ce point ?
- C’est certain ! Mais, c’est lui qui gouverne en Corse aujourd’hui et qui travaille dans le cadre de la loi NOTRe. Nos parlementaires ont voté contre cette loi au plan national et sont contre cette inspiration socialisante qui consiste à opter pour une économie administrée, dominée par la gestion et les fonds publics. Mais, au-delà de la loi NOTRe, la majorité territoriale, elle-même, a une aspiration qui ne semble pas très éloignée de celle des forces de gauche. En dehors, peut-être, de Gilles Simeoni qui se dit d’inspiration libérale, en tous cas ces amis le disent, le gros des troupes de la majorité territoriale est très interventionniste et rejoint parfaitement les choix qui sont ceux de la majorité de gauche au plan national. Elle a obtenu, il faut le dire, quelques gestes du gouvernement.
- Est-ce pour autant qu’on peut la taxer de gauchisante ?
- Elle a, quand même, fini par trouver quelques points d’accord avec le gouvernement de gauche finissant. C’est tellement vrai que Mr Baylet (ministre de l'Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales), qui est un homme courtois et ouvert, a lâché quelques petites concessions qui ont permis à la majorité territoriale de dire : « Vous voyez, nous avons obtenu la déspécialisation de l’enveloppe de la continuité territoriale. Nous avons obtenu la reconnaissance de la Corse-île montagne… ». L’île-montagne dont il reste, quand même, à définir le contenu sur le plan financier. Au fond, le courant est assez bien passé entre la majorité de gauche au plan national et la majorité territoriale !
- Vous avez, lors de cette session, taclé la gouvernance nationaliste. Quel regard portez-vous sur cette première année de mandature ?
- Il y a eu du travail, on ne peut pas le contester ! L’Exécutif s’est beaucoup investi, mais il le fait sur des choix qui ne sont pas forcément les nôtres. Il le fait, aussi, en affichant systématiquement un certain nombre d’objectifs et en ouvrant 36 chantiers en même temps. C’est surtout cette multiplication des chantiers que je lui reproche. Il ouvre des chantiers comme s’il était là pour 15 ou 20 ans ! La question, que je me pose, est : quels sont les premiers résultats qu’il obtiendra dans les 2 ou 3 ans à venir, tant qu’il est aux responsabilités ? Et, là, l’Exécutif est incapable de répondre ! On a l’impression que cette ouverture de multiples chantiers est destinée à déjà préparer la prochaine campagne électorale et son prochain programme électoral.
- C’est-à-dire ?
- Le programme de campagne des Nationalistes sera de dire : « Réussissons ensemble les chantiers que nous avons ouverts ! ». Ils n’ont plus besoin de faire campagne, ils font campagne tous les jours, ici, à la Collectivité. Mais quels sont les résultats concrets ? L’avocat de talent qu’est Gilles Simeoni nous a habitués à de grandes envolées, mais il ne faut le croire qu’à moitié ! Il nous a expliqué que la Corse est dans un état épouvantable. Le discours qu’il a tenu, je l’entends depuis dix ans. D’ailleurs, avant lui, Edmond (Simeoni, ndlr) le tenait avec le même talent ! Les Nationalistes sont, aujourd’hui, face à des responsabilités très concrètes et doivent produire des résultats, et même des premiers résultats assez vite ! Les drames humains, le chômage, le bas niveau de vie et de salaires, les difficultés, la précarité… tout cela existe et s’aggrave, en effet. Mais, est-ce que cela va changer dans les deux ans qui viennent ? Et comment ?
- En doutez-vous ?
- Bien sûr que j’en doute ! Parce qu’il y a, hélas, des situations très dures à gérer. Les Nationalistes en sont relativement conscients parce qu’ils se projettent à cinq ou dix ans. Ils nous expliquent qu’à dix ans, le chômage diminuera de plus de moitié, qu’il sera à 5%, que ce sera quasiment le plein emploi… Je voudrais bien ! Ils nous donnent l’impression que la révolution sera faite à court terme. Mais, commençons par obtenir quelques modestes résultats immédiats, par faire reculer la précarité et les difficultés là où elles se trouvent et de ne pas les renvoyer aux calendes grecques !
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Les conditions, dans lesquelles une partie de la presse a rapporté les propos prononcés en séance publique, n’ont pas traduit, me semble-t-il, la réalité du problème que nous avons posé. La motion, que nous avons déposée à l’ouverture du débat, était destinée à appeler, d’emblée, l’attention sur nos réserves par rapport à la philosophie générale du projet qui nous était soumis. Nous ne nous interdisions pas d’amender le texte et de l’améliorer.
- Votre groupe s’est fracturé sur le vote de cette motion. Y-a-t-il de l’eau dans le gaz au sein de la droite ?
- Non ! C’est une immense plaisanterie ! Il y a juste eu un malentendu concernant le dépôt de la motion sur laquelle tous les membres du groupe n’étaient pas au courant. Ce qui compte, c’est le vote final. Nous nous sommes abstenus à l’unanimité du groupe. Globalement, nous avons une position très claire depuis le début de la mandature. Quelque soit la position du groupe, que nous votions pour, contre ou que nous nous abstenions, elle est toujours unanime. Vous avez vu qu’il en est toujours ainsi. Le jour où vous verrez le groupe divisé sur un choix politique, là il y aura un problème ! Pour l’instant, je vous garantis qu’il n’y a pas le moindre problème sur la stratégie politique de notre groupe ! Camille de Rocca Serra et moi-même, qui avons été concurrents au 1er tour des élections territoriales, et rassemblés au 2nd, nous sommes en phase sur tout. Nos colistiers nous suivent amicalement et participent aux travaux avec nous. Nous sommes, tous d’accord, sur le fond politique.
- Pourquoi n’avez-vous pas voté un texte que vous avez largement amendé ?
- Parce que nous sommes opposés à sa philosophie générale. C’est un texte interventionniste qui règlemente trop et spécule sur des hypothèses de croissance totalement irréalistes. Nous mettons en doute la réalité des objectifs qui sont affichés et qui, de surcroît, sont trop dispersés. Nous craignons des règlementations et des interventions multiples, et une sorte de dilution des interventions publiques qui prendraient le pas sur l’initiative d’entreprise, la liberté d’entreprendre et, au bout du compte, sur la croissance, le développement et l’emploi par l’entreprise. Désormais, chacun sait qu’il y a de moins en moins d’emplois créés dans le monde de l’administration parce qu’on manque de moyens publics. On le regrette, mais c’est comme ça !
- L’Exécutif vous reproche votre abstention alors qu’il a fait l’effort d’intégrer la totalité de vos 22 amendements. Que lui répondez-vous ?
- A l’Assemblée nationale et au Sénat, il est de pratique courante que l’opposition participe très activement au travail d’amendement et vote au final contre le texte. Cette fois-ci, nous n’avons pas voté contre le texte, seuls les Communistes l’ont fait. Nous nous sommes abstenus. Nous n’avons pas fait obstacle à la mise en œuvre du texte présenté par la majorité territoriale, rejointe, en l’occurrence, sur ce point, par le Front national. Nous avons exprimé des réserves, et c’est tout juste si nous ne sommes pas accusés de ne pas voter systématiquement comme la majorité territoriale ! Il faut que l’Exécutif s’habitue à nos votes ! Il est possible même que, dans l’année qui vient, nous soyons plus portés à voter contre certains sujets que de voter pour ou de nous abstenir ! Sauf sur les sujets, bien sûr, d’intérêt majeur.
- Lesquels ?
- Quand nous discutons de fiscalité et que nous négocions avec le gouvernement, nous devons partir unis de Corse. Cela a été le cas pour les Arrêtés Miot. Nous avons, avec Camille de Rocca Serra qui a défendu le texte à l’Assemblée nationale, participé activement au rassemblement qui s’est produit en Corse sur la même thèse. Lorsque nous négocierons, demain, le statut fiscal et social, il faudra que nous partions de Corse avec des positions communes. Nous avons, bien sûr, voté l’amendement relatif au choix de ce statut, nous devons maintenant en définir le contenu. Il y aura d’autres sujets à négocier dans les mêmes conditions, partant, si possible, d’une position unanime. Je vous rappelle que les Communistes n’avaient, d’ailleurs, pas voté pour les Arrêtés Miot. Ils sont, quand même, félicités ! Ils sont félicités parce qu’ils votent régulièrement contre tout. C’est curieux !
- L’Exécutif dit respecter la constance et la cohérence de leurs positions. N’est-ce pas assez différent de la posture politicienne qu’il vous prête ?
- La différence, c’est que, si le dossier nous paraît intéressant, nous pouvons voter pour ! En général, nous examinons de manière critique les dossiers qui nous sont soumis. Nous sommes dans l’opposition, c’est notre rôle ! Quand nous pouvons rallier un dossier parce qu’il est vraiment parfait à nos yeux, nous ne nous gênons pas pour le faire. Nous ne votons pas systématiquement contre. Mais, sur les actes essentiels, la fiscalité à négocier au plan national, les budgets, et tout ce qui met en cause la politique générale de la région, là nous assumons notre rôle d’opposition constructive.
- L’Exécutif estime vos critiques infondées, notamment celle d’appliquer la loi NOTRe dont il n’est pas responsable. N’a-t-il pas raison sur ce point ?
- C’est certain ! Mais, c’est lui qui gouverne en Corse aujourd’hui et qui travaille dans le cadre de la loi NOTRe. Nos parlementaires ont voté contre cette loi au plan national et sont contre cette inspiration socialisante qui consiste à opter pour une économie administrée, dominée par la gestion et les fonds publics. Mais, au-delà de la loi NOTRe, la majorité territoriale, elle-même, a une aspiration qui ne semble pas très éloignée de celle des forces de gauche. En dehors, peut-être, de Gilles Simeoni qui se dit d’inspiration libérale, en tous cas ces amis le disent, le gros des troupes de la majorité territoriale est très interventionniste et rejoint parfaitement les choix qui sont ceux de la majorité de gauche au plan national. Elle a obtenu, il faut le dire, quelques gestes du gouvernement.
- Est-ce pour autant qu’on peut la taxer de gauchisante ?
- Elle a, quand même, fini par trouver quelques points d’accord avec le gouvernement de gauche finissant. C’est tellement vrai que Mr Baylet (ministre de l'Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales), qui est un homme courtois et ouvert, a lâché quelques petites concessions qui ont permis à la majorité territoriale de dire : « Vous voyez, nous avons obtenu la déspécialisation de l’enveloppe de la continuité territoriale. Nous avons obtenu la reconnaissance de la Corse-île montagne… ». L’île-montagne dont il reste, quand même, à définir le contenu sur le plan financier. Au fond, le courant est assez bien passé entre la majorité de gauche au plan national et la majorité territoriale !
- Vous avez, lors de cette session, taclé la gouvernance nationaliste. Quel regard portez-vous sur cette première année de mandature ?
- Il y a eu du travail, on ne peut pas le contester ! L’Exécutif s’est beaucoup investi, mais il le fait sur des choix qui ne sont pas forcément les nôtres. Il le fait, aussi, en affichant systématiquement un certain nombre d’objectifs et en ouvrant 36 chantiers en même temps. C’est surtout cette multiplication des chantiers que je lui reproche. Il ouvre des chantiers comme s’il était là pour 15 ou 20 ans ! La question, que je me pose, est : quels sont les premiers résultats qu’il obtiendra dans les 2 ou 3 ans à venir, tant qu’il est aux responsabilités ? Et, là, l’Exécutif est incapable de répondre ! On a l’impression que cette ouverture de multiples chantiers est destinée à déjà préparer la prochaine campagne électorale et son prochain programme électoral.
- C’est-à-dire ?
- Le programme de campagne des Nationalistes sera de dire : « Réussissons ensemble les chantiers que nous avons ouverts ! ». Ils n’ont plus besoin de faire campagne, ils font campagne tous les jours, ici, à la Collectivité. Mais quels sont les résultats concrets ? L’avocat de talent qu’est Gilles Simeoni nous a habitués à de grandes envolées, mais il ne faut le croire qu’à moitié ! Il nous a expliqué que la Corse est dans un état épouvantable. Le discours qu’il a tenu, je l’entends depuis dix ans. D’ailleurs, avant lui, Edmond (Simeoni, ndlr) le tenait avec le même talent ! Les Nationalistes sont, aujourd’hui, face à des responsabilités très concrètes et doivent produire des résultats, et même des premiers résultats assez vite ! Les drames humains, le chômage, le bas niveau de vie et de salaires, les difficultés, la précarité… tout cela existe et s’aggrave, en effet. Mais, est-ce que cela va changer dans les deux ans qui viennent ? Et comment ?
- En doutez-vous ?
- Bien sûr que j’en doute ! Parce qu’il y a, hélas, des situations très dures à gérer. Les Nationalistes en sont relativement conscients parce qu’ils se projettent à cinq ou dix ans. Ils nous expliquent qu’à dix ans, le chômage diminuera de plus de moitié, qu’il sera à 5%, que ce sera quasiment le plein emploi… Je voudrais bien ! Ils nous donnent l’impression que la révolution sera faite à court terme. Mais, commençons par obtenir quelques modestes résultats immédiats, par faire reculer la précarité et les difficultés là où elles se trouvent et de ne pas les renvoyer aux calendes grecques !
Propos recueillis par Nicole MARI.