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L'Assemblée de Corse adopte un plan d’action des déchets axé sur le tri à la source


Nicole Mari le Samedi 28 Mai 2016 à 00:18

C’est à la majorité relative de 24 voix que le Plan d’action pour la réduction et le traitement des déchets ménagers de Corse a été adopté, vendredi en fin d’après-midi, à l’Assemblée de Corse (CTC). Il aura fallu 11 longues heures en commission jusque tard dans la nuit de jeudi et la journée de vendredi pour venir à bout des 18 amendements, chacun campant sur ses positions. L’Exécutif a lâché un peu de lest sur les délais, mais a refusé de renier ses fondamentaux. Ne pouvant prendre le risque de bloquer le plan, une partie de l’opposition a botté en touche au moment du vote. La gauche s’est abstenue. Le Front National n’a pas participé au vote. Seule, la droite a voté contre.



L'Assemblée de Corse adopte un plan d’action des déchets axé sur le tri à la source
Le sujet étant explosif et polémique, et le clivage idéologique, nul ne s’attendait à ce que le nouveau modèle de gestion des déchets passe comme une lettre à la poste. Mais de là à imaginer qu’il faudrait 11 longues heures en commission pour débattre de 18 amendements sans réussir pour autant à trouver une majorité ! Même les négociations sur le plan précédent, qui avaient été houleuses, n’ont pas pris autant de temps, mais il est vrai que, depuis juillet dernier, les positions n’ont pas bougé d’un iota, seul l’équilibre des forces s’est inversé. Ce nouveau débat n’a fait que confirmer le choc frontal entre des positions radicalement antagonistes. Les pro-TMB, qui militent, à droite et à gauche, pour la construction et la pérennisation d’usines de traitement mécano-biologique et la création de nouveaux centres d’enfouissement s’opposent toujours aussi farouchement aux Nationalistes, adeptes du tri à la source. « Les débats en commission ont été particulièrement longs, pas seulement raison de la complexité du sujet, mais parce qu’ils ont reflété l’opposition entre deux modèles de gestion des déchets, entre deux époques », commente, dès le retour dans l’hémicycle, vendredi en fin d’après-midi, la conseillère exécutive en charge du dossier et présidente de l’Office de l’environnement, Agnès Simonpietri.
 
Deux systèmes antagonistes
L’opposition ne croit pas au plan d’action en faveur du tri à la source proposé. Elle l’accuse d’être trop ambitieux et irréaliste dans ses délais, ses objectifs et ses moyens à mettre en œuvre. En bref, elle n’en veut pas ! Elle est d’accord sur le principe tant qu’il ne s’applique pas !
Pour essayer de trouver une majorité, l’Exécutif cède sur quelques points, notamment les délais. S’il accepte d’unifier à cinq ans les objectifs de 60 % de tri à la source sur tout le territoire, il refuse obstinément de transformer en entité pérenne les unités de surtri provisoires, prévues notamment sur la CAPA (Communauté d’agglomération du pays ajaccien) pour une durée de deux ans. Cette condition sine qua non pour la droite et une partie de la gauche est idéologiquement inacceptable pour les Nationalistes car elle reviendrait à entériner un système qu’ils dénoncent comme nocif et qu’ils ont combattu avec acharnement pendant des lustres. La droite, comme la gauche, remettent également en cause les données du rapport et demandent leurs modifications, ce que récuse, en partie, l’Exécutif.

Le refus d’avancer
Le blocage est tel que les négociations achoppent. Aucune majorité n’émerge en commission. Lorsque les élus retournent dans l’hémicycle pour voter les amendements, nul ne sait si le rapport sera ou non adopté. Mais une prise de parole surprise du Front de gauche annonçant son abstention sur le vote final du rapport lève le suspens. Il apparaît alors que le document sera adopté avec une majorité relative. Même si son plan est sauvegardé, Agnès Simonpietri ne peut cacher son désappointement et tacle les contradictions et l’hypocrisie de l’opposition : « Certes, gauche et droite, vous actez l’idée qu’il faut aller vers un tri poussé au plus loin, mais vous restez accrochés à un système dont vous savez pertinemment qu’il ne peut pas atteindre des objectifs forts. Certes, vous avez bien conscience que la crise est là, mais vous refusez de vous engager dans une politique volontariste et ambitieuse. Certes, vous dites bien qu’il faut trouver des solutions en urgence, mais vous portez des projets qui ne pourront pas voir le jour avant au mieux 3 ou 4 ans. Certes, vous reconnaissez que le coût de gestion des déchets est exorbitant, mais vous reprochez à notre plan des installations dont le coût global pour toute la Corse est équivalent à une seule des installations industrielles lourdes que vous préconisez ».
 
Des pages à tourner
La conseillère exécutive s’étonne de l’attitude de l’opposition qu’elle assimile à « une peur de franchir le pas indispensable pour sortir enfin des crises à répétition ». Et défend son point de vue en balayant les critiques : « Oui, il faut un plan innovant en rupture totale et irréversible avec le passé ! Oui, il faut de la prudence, mais la situation nous oblige à avancer vite et à avoir des objectifs ambitieux. Non ! Les objectifs que nous proposons ne sont pas irréalistes ou inaccessibles ! Il y a des pages qu’il faut savoir tourner, des pas qu’il faut savoir franchir. Nous proposons des objectifs clairs, des méthodes simples autour desquels toute la Corse pourra se retrouver ». Et d’interroger : « La crise est là, l’exigence du changement aussi. Qui pourrait comprendre ce soir que nous n’essayons pas tous ensemble de sortir de l’impasse ! Nous considérons ce vote come un acte fondateur de la nouvelle politique de gestion des déchets ».
 
L’abstention de la gauche
Au final, lorsque les groupes politiques donnent leur explication de vote, l’opposition est plutôt malaisée et affirme, d’emblée, qu’elle ne veut pas faire obstruction. Sur un sujet aussi brûlant et avec la menace d’une nouvelle crise qui plane sur la saison estivale, elle ne peut prendre le risque, aux yeux de l’opinion publique, d’aller au bout de l’impasse.
Paul-Marie Bartoli, pour le groupe Primà a Corsica, l’avoue sans ambages : « Au final, nous ne ferons pas obstruction. Nous regrettons que vous n’ayez pas accepté certains amendements qui étaient partagés sur de nombreux bancs de cet hémicycle. Ce document conserve certaines lacunes et je crains qu’il ne soit truffé de vœux pieux. Ce sujet devait transcender les nuages, j’aurai préféré un document plus pragmatique. Ce soir, certaines intercommunalités ne vont pas sabler le champagne ! Nous nous abstiendrons ».
 
La droite contre
Le sentiment est partagé à droite par l’élu du Rassemblement, Xavier Lacombe : « Nous sommes d’accord pour la mise en place du tri à la source, mais nous avons émis quelques remarques de prudence. Malgré les discussions, des incompréhensions persistent. Nous avons une approche différente de la vôtre, mais nous gérons, en tant qu’élus locaux, au quotidien ce problème des déchets. Nous regrettons que ce long travail d’amendements n’ait pu déboucher sur un point d’équilibre. Nous pouvons comprendre le rejet de certains de nos amendements. Nous prenons acte des décisions et des votes de cette assemblée. Nous n’allons pas faire de l’obstruction systématique, mais nous avons la conviction que la mise en place de ce type de collecte de tri aura un coût non négligeable qui sera supporté par les collectivités et, donc, par les administrés. Nous votons contre ».
 
Des Nationalistes heureux !
Au final, seule la majorité territoriale vote en faveur du rapport. Le Front national ne participe pas au vote. Le rapport est adopté par 24 voix pour, 11 contre, 11 abstentions et 4 non participation. Les Nationalistes ne cachent pas leur soulagement et leur joie. Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, prévient, néanmoins, que ce plan à moyen terme ne règle rien dans l’immédiat et qu’il faut traiter l’urgence : « Le vote de ce soir est, pour la majorité nationaliste de cette assemblée, à la fois, un point d’aboutissement et un point de départ. Il vient consacrer 20 ans de luttes que nous avons menées dans l’opposition et sur le terrain. C’est l’acte fondateur d’un système qui est en rupture totale avec le passé. Ce soir, nous sommes heureux ! Deux chantiers complémentaires nous attendent : Celui de l’urgence et celui de la gestion de la période de transition. Ces problèmes ne sont pas réglés. Il faudra que nous trouvions des solutions qui ne sont pas en conformité totale avec ce plan, mais qui ne peuvent pas être en contradiction. C’est pour cela que nous n’avons pas cédé… La réussite sera au bout du chemin si les Corses s’emparent de ce dossier. Nous savons qu’ils le feront ».
 
N.M.