C’est à Lentu, dans la châtaigneraie de Jean-Marie Vecchioni, infectée par le Cynips que Jean Louis Luciani, le Président de l’Odarc, a décidé de présenter son plan d’action d’urgence pour les surfaces déclarées en AOC, soit 577 hectares. Le bilan est dramatique. Depuis son arrivée en Corse en 2002 dans des plants piémontais, cet insecte ravage progressivement et méthodiquement les châtaigniers insulaires. Fin septembre, 113 communes étaient, déjà, touchées. Dans certaines châtaigneraies, les premières infectées (Scolca, Lentu, Muratu), les pertes sont, déjà, considérables et atteignent 80 à 90 % de la production. A terme, aucun châtaignier corse ne saurait être épargné.
Un soutien quadriforme
Pour faire face à cette situation sanitaire dramatique et éviter la mort de la filière, l’Odarc a mis sur pied 4 types de soutien : acquisition de référence, lutte biologique, aide à l’entretien des parcelles exploitées et aide à la rénovation de parcelles à l’abandon.
Le premier vise à réaliser un suivi des parcelles fortement contaminées pour évaluer leur degré d’infestation et l’efficacité des remèdes expérimentés. Les résultats permettront de définir des préconisations.
Le second soutien consiste à développer la lutte biologique engagée depuis 2011 et basée sur l’élevage et le lâcher, dans les sites infestés, d’auxiliaires de Torymus Sinensis. Les lâchers s’intensifieront en fonction de l’évolution des ravages. Parallèlement, un travail de recherche est en cours sur des variétés locales, moins sensibles ou plus résistantes au Cynips.
Une aide à l’hectare
Le 3ème soutien est la mise en place d’un itinéraire technique agricole d’entretien de la châtaigneraie afin de limiter l’impact du Cynips et de favoriser le développement du Torymus. Une aide à l’hectare de 6500 € sur 5 ans permettra aux producteurs de valoriser leur travail sur l’exploitation et d’entretenir les arbres malgré l’absence de récolte pendant la durée de traitement. Elle sera octroyée à partir de 35% de perte de la production et plafonnée à 15 ha par exploitant.
Conjointement, le 4ème soutien est une aide de rénovation à l’hectare de 7150€, mise en place pour compenser, par l’extension des parcelles, le pourcentage de production irrémédiablement perdu à cause du Cynips. Cette aide concernera une surface équivalente à 20 % maximum de la surface exploitée en AOC par chaque producteur, soit 115 ha prévus sur 5 ans.
Le montant total de ces actions atteindra 4,4 millions € sur la période 2013/2019.
N. M.
Jean-Louis Luciani : « Sans plan exceptionnel de sauvegarde, la filière va disparaître »
- Pourquoi un plan d’action exceptionnel ?
- Nous sommes dans le cadre d’une situation exceptionnelle. Il faut donc mettre en œuvre un plan exceptionnel de sauvegarde, sinon cette activité va disparaître. Toute la Corse va être touchée. Les moyens de lutte, qui sont en action aujourd’hui, en l’occurrence le Torymus, prendront plusieurs années pour donner des résultats. Comment un producteur peut-il continuer à rester actif pendant la durée de traitement, soit 4 ou 6 ans, alors qu’il n’aura plus du tout de production, donc plus de revenus ? Si on ne fait rien, dans quelques années, il n’y aura plus de production de châtaignes et de farine de châtaigne en Corse. Toute cette filière, qui s’est structurée au fil du temps, qui a fait un travail considérable, qui a bénéficié d’AOC et d’AOP, qui augmente régulièrement sa production depuis une dizaine d’années, va s’effondrer brutalement. Ce produit emblématique pour la Corse va disparaître. D’où l’idée de ce plan exceptionnel que l’on va devoir notifier à Bruxelles.
- Pourquoi Bruxelles ?
- Qui dit : mesures exceptionnelles, dit : notifications à la Commission européenne. Il faut que l’Etat nous accompagne sur cette notification et soutienne notre revendication légitime d’aide à la filière castanéicole.
- La production va-t-elle, quand même, s’effondrer malgré votre plan d’action ?
- La production va diminuer fortement et, probablement même, disparaître pendant plusieurs années. C’est, en tous cas, ce que montre l’étude réalisée en Italie, qui a une antériorité de plus de 10 ans et où la production est tombée quasiment à zéro. Et surtout, après la lutte qui a duré plusieurs années, presque 6 ans, le niveau de production antérieure n’a jamais été retrouvé. L’exploitant ne retrouverait, après la maladie, qu’au plus 75 % de son niveau de production. Il y aura donc une perte de production importante.
- Comment y remédier ?
- Le plan d’action, que nous conduisons, table sur l’idée de travailler sur des châtaigneraies qui, aujourd’hui, ne sont pas exploitées, afin que le producteur retrouve sur des parcelles plus grandes, son niveau de production d’avant le Cynips. L’idée est de financer le producteur pour qu’il reste actif le temps de la maladie, qu’il continue d’entretenir ses propriétés, ce qui est indispensable vu l’état des arbres, et qu’il rénove aussi une partie des nombreuses châtaigneraies inexploitées.
- La Corse est-elle la seule région française touchée ?
- Non. Cette maladie vient de plants importés d’Italie. Elle commence à toucher le Sud de la France. Le GRPTCMC (Groupement régional des producteurs et transformateurs de châtaignes et de marrons corses) s’est associé à un groupement national qui s’est constitué, il y a quelques temps, et qui va tenir son assemblée générale à l’occasion de la foire de Bocognano. Le but de cette approche commune est de parvenir à une prise de conscience, au niveau national, des autres régions productrices de châtaignes et de farine de châtaigne qui, inévitablement, seront toutes impactées par le Cynips.
Propos recueillis par Nicole MARI