Jean-Louis Luciani, président de l’ODARC, Marie-Pierre Bianchini, Stéphanie Scavino, Jean-Jacques Fieschi, Charles Orlanducci, Félix Vannucci, Sébastien, Nicolas et Pasquin Luciani-Giamarchi et Benoit Bruzi, maire de la commune.
Les producteurs de raisin de table de la plaine de la Casinca, en Haute-Corse, sont très inquiets. Alors que la saison bat son plein grâce à une récolte précoce, leur raisin reste sur son pied de vigne et ne se vend pas, victime d’une invasion subite de raisin italien à prix super cassé. La raison : l’embargo russe. Ripostant aux sanctions économiques prises contre elle par les Occidentaux pour son implication dans la guerre en Ukraine, la Russie a décrété, le 7 août dernier, un embargo total, pour une durée d’un an, sur les produits agricoles occidentaux, notamment les fruits et légumes en provenance des pays de l’Union européenne.
Des prix super cassés !
Une décision lourde de conséquences car Moscou est le premier acheteur de fruits et légumes européens et le deuxième importateur de produits agroalimentaires européens. Il est, aussi, le principal marché d’exportation du raisin italien. Conséquence : l’Italie, ne sachant que faire de ses stocks de raisin qu’elle ne peut écouler, en inonde les marchés européens, notamment le marché corse, à des prix producteurs défiant toute concurrence ! Le problème touche d’autres produits, comme la prune ou la tomate. La Hollande déverse, aujourd’hui, en France, ses surplus d’invendus de tomates à prix tout aussi super cassés. Ce dumping commercial s’accompagne d’un risque de saturation du marché intérieur due à la surabondance de produits périssables originellement destinés au marché russe.
La pression des GMS
En Corse, le prix du raisin italien équivaut à la moitié du coût local de production : 0,80 € le kilogramme contre 2,20 € pour le raisin insulaire. Comme on pouvait s’y attendre, les centrales d’achats des circuits de distribution, notamment des grandes et moyennes surfaces (GMS), hypermarchés et supermarchés, se ruent sur ces promotions inattendues au détriment de la production locale. Même si les GMS implantées en Corse jouent, pour la plupart, le jeu des produits insulaires, les volumes proposés en magasin n’ont aucune commune mesure avec ceux des raisins italiens. Certaines en profitent pour exiger des réductions drastiques sur le prix d’achat. Résultat : les 7 producteurs de la plaine de Vescovato, membres de l’interprofession, ne peuvent plus écouler leurs 1200 tonnes de fruits.
Une production en péril
Réunis chez l’un d’eux, vendredi matin, ils ont laissé éclater leur colère et leur inquiétude.
« Notre production est en péril. On ne la vend pas ! L’an dernier, je vendais entre 300 et 400 caisses de raisin par jour, aujourd’hui je vends 20 caisses par jour ! Pour l’instant, nous avons de la chance car il ne pleut pas. Si d’ici à 15 jours, les grossistes et les grandes surfaces n’achètent pas, nous aurons des pertes. C’est la même chose pour les prunes. Nous avons 100 tonnes de prunes en frigo et nous ne trouvons pas à les vendre. Avec l’embargo russe, les produits italiens ont envahi le marché corse. Nous ne pouvons même pas envoyer nos produits sur le continent : à 0,60 € le kilo de prunes et 0,80 € le kilo de raisin, nous sommes perdants ! Ça ne peut plus durer ! Nous sommes très inquiets pour l’avenir. Mon fils est agriculteur, il a des terres et tout pour cultiver, mais il a peur. A qui va-t-il vendre sa production ? On ne peut pas travailler pendant un an pour, au final, jeter sa production ! Il n’y a pas d’avenir ! », se désole Mr Luciani-Giamarchi, producteur de raisin et de prunes.
Des produits toxiques
L’interprofession a, donc, fait appel à l’ODARC qui a décidé de réorienter, en urgence, sa compagne de communication « Très frais, très frais » et de la concentrer sur le seul raisin de table pendant tout le mois de septembre. Elle entend, aussi, alerter l’opinion publique et dénoncer une concurrence déloyale et des problèmes de normes phytosanitaires liés aux produits. « Les traitements phytosanitaires après récolte, qui permettent de conserver plus longtemps les fruits et les légumes, notamment le raisin de table, ne sont plus autorisés en France, mais le sont encore en Italie et en Espagne. Le raisin italien est baigné dans des énormes bacs de produits pesticides… destinés à le conserver plus longtemps. Ce raisin, qui est stocké des semaines en frigo, aura, grâce à ce traitement, le même aspect qu’un raisin qui vient d’être ramassé, mais d’autres effets, des effets nocifs, sur la santé des consommateurs », précise Stéphanie Scavino, animatrice de l’APFEC (Association des producteurs de fruits d’été corses).
Inégalité européenne
Les producteurs locaux, qui pratiquent l’agriculture raisonnée, payent très cher l’inégalité de coûts et de contraintes qui rend les produits espagnols et italiens imbattables en termes de prix de revient. « Les Italiens emploient des produits après-récolte et des conservateurs que nous n’utilisons plus, en France, depuis 20 ans ! Certains sont cancérigènes, d’autres très nocifs pour la santé avec des risques de perte de la vue. C’est incroyable qu’ils puissent les utiliser alors que nous nous n’en avons pas le droit ! Ils utilisent, aussi, des produits pour jaunir le raisin. Ils le ramassent vert et le jaunissent en chambre froide, comme la banane. Ces produits sont, également, interdits par la loi française. Où est l’Europe ? Il n’y a pas d’égalité entre les pays, ni dans l’usage des produits phyto, ni en charges sociales, ni en coûts de la main d’œuvre ! Les Italiens payent les ouvriers albanais, 3 € par jour, alors qu’ici, un ouvrier agricole nous coûte 100 € par jour. Ils payent une caisse 50 cents quand nous la payons 1 € ! » s’indigne Mr Luciani-Giamarchi.
Une aide exceptionnelle
Cette crise conjoncturelle ne fait qu’aggraver une tendance de fond du raisin de table dont la consommation ne cesse de diminuer. Pour empêcher une chute des prix fatale aux maraîchers, la Commission européenne a débloqué une aide exceptionnelle de 125 millions € visant à réduire les quantités mises sur le marché. Concrètement, les produits seront retirés du marché contre indemnisation. Réunis ce 5 septembre à Bruxelles, les ministres européens de l’agriculture ont cherché une parade pour éviter une crise majeure au moment où d'importants volumes de produits périssables sont récoltés. « La réponse européenne doit être centrée sur la stabilisation des marchés, l'ouverture de nouveaux débouchés, mais aussi sur l'examen, si nécessaire, de compensations ciblées pour les producteurs les plus touchés », a indiqué le commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, à l’issue de la réunion. Une nouvelle rencontre est prévue à la fin du mois pour faire le point.
N.M.
Des prix super cassés !
Une décision lourde de conséquences car Moscou est le premier acheteur de fruits et légumes européens et le deuxième importateur de produits agroalimentaires européens. Il est, aussi, le principal marché d’exportation du raisin italien. Conséquence : l’Italie, ne sachant que faire de ses stocks de raisin qu’elle ne peut écouler, en inonde les marchés européens, notamment le marché corse, à des prix producteurs défiant toute concurrence ! Le problème touche d’autres produits, comme la prune ou la tomate. La Hollande déverse, aujourd’hui, en France, ses surplus d’invendus de tomates à prix tout aussi super cassés. Ce dumping commercial s’accompagne d’un risque de saturation du marché intérieur due à la surabondance de produits périssables originellement destinés au marché russe.
La pression des GMS
En Corse, le prix du raisin italien équivaut à la moitié du coût local de production : 0,80 € le kilogramme contre 2,20 € pour le raisin insulaire. Comme on pouvait s’y attendre, les centrales d’achats des circuits de distribution, notamment des grandes et moyennes surfaces (GMS), hypermarchés et supermarchés, se ruent sur ces promotions inattendues au détriment de la production locale. Même si les GMS implantées en Corse jouent, pour la plupart, le jeu des produits insulaires, les volumes proposés en magasin n’ont aucune commune mesure avec ceux des raisins italiens. Certaines en profitent pour exiger des réductions drastiques sur le prix d’achat. Résultat : les 7 producteurs de la plaine de Vescovato, membres de l’interprofession, ne peuvent plus écouler leurs 1200 tonnes de fruits.
Une production en péril
Réunis chez l’un d’eux, vendredi matin, ils ont laissé éclater leur colère et leur inquiétude.
« Notre production est en péril. On ne la vend pas ! L’an dernier, je vendais entre 300 et 400 caisses de raisin par jour, aujourd’hui je vends 20 caisses par jour ! Pour l’instant, nous avons de la chance car il ne pleut pas. Si d’ici à 15 jours, les grossistes et les grandes surfaces n’achètent pas, nous aurons des pertes. C’est la même chose pour les prunes. Nous avons 100 tonnes de prunes en frigo et nous ne trouvons pas à les vendre. Avec l’embargo russe, les produits italiens ont envahi le marché corse. Nous ne pouvons même pas envoyer nos produits sur le continent : à 0,60 € le kilo de prunes et 0,80 € le kilo de raisin, nous sommes perdants ! Ça ne peut plus durer ! Nous sommes très inquiets pour l’avenir. Mon fils est agriculteur, il a des terres et tout pour cultiver, mais il a peur. A qui va-t-il vendre sa production ? On ne peut pas travailler pendant un an pour, au final, jeter sa production ! Il n’y a pas d’avenir ! », se désole Mr Luciani-Giamarchi, producteur de raisin et de prunes.
Des produits toxiques
L’interprofession a, donc, fait appel à l’ODARC qui a décidé de réorienter, en urgence, sa compagne de communication « Très frais, très frais » et de la concentrer sur le seul raisin de table pendant tout le mois de septembre. Elle entend, aussi, alerter l’opinion publique et dénoncer une concurrence déloyale et des problèmes de normes phytosanitaires liés aux produits. « Les traitements phytosanitaires après récolte, qui permettent de conserver plus longtemps les fruits et les légumes, notamment le raisin de table, ne sont plus autorisés en France, mais le sont encore en Italie et en Espagne. Le raisin italien est baigné dans des énormes bacs de produits pesticides… destinés à le conserver plus longtemps. Ce raisin, qui est stocké des semaines en frigo, aura, grâce à ce traitement, le même aspect qu’un raisin qui vient d’être ramassé, mais d’autres effets, des effets nocifs, sur la santé des consommateurs », précise Stéphanie Scavino, animatrice de l’APFEC (Association des producteurs de fruits d’été corses).
Inégalité européenne
Les producteurs locaux, qui pratiquent l’agriculture raisonnée, payent très cher l’inégalité de coûts et de contraintes qui rend les produits espagnols et italiens imbattables en termes de prix de revient. « Les Italiens emploient des produits après-récolte et des conservateurs que nous n’utilisons plus, en France, depuis 20 ans ! Certains sont cancérigènes, d’autres très nocifs pour la santé avec des risques de perte de la vue. C’est incroyable qu’ils puissent les utiliser alors que nous nous n’en avons pas le droit ! Ils utilisent, aussi, des produits pour jaunir le raisin. Ils le ramassent vert et le jaunissent en chambre froide, comme la banane. Ces produits sont, également, interdits par la loi française. Où est l’Europe ? Il n’y a pas d’égalité entre les pays, ni dans l’usage des produits phyto, ni en charges sociales, ni en coûts de la main d’œuvre ! Les Italiens payent les ouvriers albanais, 3 € par jour, alors qu’ici, un ouvrier agricole nous coûte 100 € par jour. Ils payent une caisse 50 cents quand nous la payons 1 € ! » s’indigne Mr Luciani-Giamarchi.
Une aide exceptionnelle
Cette crise conjoncturelle ne fait qu’aggraver une tendance de fond du raisin de table dont la consommation ne cesse de diminuer. Pour empêcher une chute des prix fatale aux maraîchers, la Commission européenne a débloqué une aide exceptionnelle de 125 millions € visant à réduire les quantités mises sur le marché. Concrètement, les produits seront retirés du marché contre indemnisation. Réunis ce 5 septembre à Bruxelles, les ministres européens de l’agriculture ont cherché une parade pour éviter une crise majeure au moment où d'importants volumes de produits périssables sont récoltés. « La réponse européenne doit être centrée sur la stabilisation des marchés, l'ouverture de nouveaux débouchés, mais aussi sur l'examen, si nécessaire, de compensations ciblées pour les producteurs les plus touchés », a indiqué le commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, à l’issue de la réunion. Une nouvelle rencontre est prévue à la fin du mois pour faire le point.
N.M.
Jean-Louis Luciani : « Nous devons sensibiliser les consommateurs sur la qualité du produit local »
- Comment l’ODARC peut-il aider les producteurs de raisin de table corses ?
- Il y a, cette année, une arrivée un peu précoce du raisin italien sur le marché local, dans des volumes considérables. Ce serait, semble-t-il, lié à la conjoncture géopolitique puisque les marchés habituels d’exportation du raisin italien, comme la Russie, sont complètement fermés. Le raisin italien se retrouve, donc, très tôt et dans des volumes très importants, sur des marchés, comme le marché corse. Il faut, donc, essayer de réagir très vite au travers d’une campagne de communication que nous avons, en 3 à 4 jours, réorientée sur ce produit qui rencontre une difficulté réelle.
- Quand démarre cette campagne ?
- Elle a été organisée dans l’urgence. Il se trouve que nous avons acheté, depuis plusieurs mois, de nombreux espaces publicitaires. Nous avons, depuis jeudi, commencer à les réorienter en totalité sur le raisin de table. Cette campagne durera entre 2 à 3 semaines, le temps que la production soit écoulée. On sait déjà qu’un certain volume de fruits sera jeté. Nous voulons faire en sorte que les pertes soient les moins nombreuses possibles et que les producteurs sortent à peu près indemnes de cette campagne 2014 et soient en capacité de travailler avec nous sur du moyen et long terme.
- Quel est l’objectif de cette campagne ?
- L’objectif est de sensibiliser le consommateur sur la qualité du produit local. C’est le slogan de notre campagne publicitaire « Très frais, très près » qui est, d’ailleurs, généralisé sur tous les fruits et légumes corses. Le produit, ramassé dans la journée, est en vente le soir-même dans les rayons. Il est, donc, d’une qualité exceptionnelle. L’objectif est, aussi, de sensibiliser les intermédiaires, le revendeur, celui qui gère la commercialisation du produit et de lui montrer l’intérêt qu’il a de faire travailler l’économie locale, le producteur à côté de chez soi, qui produit et crée de la valeur ajoutée et des emplois directs et indirects en Corse.
- Les GMS (Grandes et moyennes surfaces) implantées en Corse ne jouent-elles pas le jeu ?
- L’interprofession nous explique que, globalement, la grande surface joue le jeu en mettant le produit local en rayon, mais sur des linéaires insuffisants par rapport aux volumes considérables octroyés aux raisins italiens. Ceux-ci arrivent sur le marché avec des promotions sur lesquelles les producteurs insulaires ne sont pas capables de s’aligner. Le prix de revient du produit final du raisin italien correspond à peine à la moitié du coût de production du raisin insulaire.
- Allez-vous intervenir auprès des GMS ?
- Ce n’est pas nôtre rôle ! Les GMS fonctionnent à partir de centrales d’achat nationales et les magasins sont plus ou moins tenus de gérer ces achats. Nous devons continuer à travailler en collaboration directe et en partenariat avec les GMS insulaires, avec toutes celles et tous ceux qui interviennent dans ces circuits de distribution et dans la commercialisation des produits insulaires. Nous devons intensifier ces relations et ce partenariat. Les grandes surfaces doivent, systématiquement, mettre en avant les produits insulaires dans des conditions de présentation et de mètres linéaires acceptables. L’ODARC doit être très présent à travers des campagnes de promotion et de communication, comme nous le faisons régulièrement depuis trois ans sur les fruits et légumes d’été et tous les produits agricoles insulaires. Il faut travailler et encore travailler !
- La mévente de la production de raisin n’est-elle que conjoncturelle ?
- Cette année, elle est très conjoncturelle, mais cela fait, quand même, deux ou trois ans que des difficultés s’installent. Nous allons, donc, travailler à moyen et long terme avec les producteurs de raisin de table pour voir comment relancer ce produit qui a toutes les qualités nécessaires. Il ne s’agit pas d’interdire la concurrence, ce ne serait pas possible ! Il faut mettre en avant les qualités des produits insulaires qui sont très nombreuses, sensibiliser le consommateur et le revendeur.
- Ce problème semble récurrent et touche toutes les productions agricoles locales. Dans le contexte européen, ne livrez-vous pas une sorte de combat de David contre Goliath ?
- Oui ! Nous avons surtout l’impression de ne pas avoir les armes pour nous battre ! Le coût du travail en Italie et en Espagne, les deux bassins de production de fruits et de légumes qui nous concurrencent directement, est très différent du coût de travail en France et des règles que les producteurs locaux sont obligés de respecter. La France le dit à l’Europe, à la Commission européenne, depuis des années. Rien n’est fait ! Nous sommes démunis ! Nous devons, donc, nous battre avec nos armes et sensibiliser, à travers une multitude d’actions, les consommateurs à l’intérêt qu’ils ont de consommer local.
- Lancez-vous un appel à consommer local ?
- Oui ! Les fruits et les légumes locaux sont, je le répète, produits dans des conditions et dans des qualités exceptionnelles, sans traitement phytosanitaire après récolte, sans apport chimique. Ces produits ne sont pas transportés, ne restent pas stockés un mois dans des camions frigorifiques ou des chambres froides, mais passent directement, en une journée, du producteur au consommateur. Ils sont, donc, très frais. Bien sûr, le prix est différent pour toutes les raisons que nous avons évoquées, mais la qualité finale du produit est aussi très différente.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Comment l’ODARC peut-il aider les producteurs de raisin de table corses ?
- Il y a, cette année, une arrivée un peu précoce du raisin italien sur le marché local, dans des volumes considérables. Ce serait, semble-t-il, lié à la conjoncture géopolitique puisque les marchés habituels d’exportation du raisin italien, comme la Russie, sont complètement fermés. Le raisin italien se retrouve, donc, très tôt et dans des volumes très importants, sur des marchés, comme le marché corse. Il faut, donc, essayer de réagir très vite au travers d’une campagne de communication que nous avons, en 3 à 4 jours, réorientée sur ce produit qui rencontre une difficulté réelle.
- Quand démarre cette campagne ?
- Elle a été organisée dans l’urgence. Il se trouve que nous avons acheté, depuis plusieurs mois, de nombreux espaces publicitaires. Nous avons, depuis jeudi, commencer à les réorienter en totalité sur le raisin de table. Cette campagne durera entre 2 à 3 semaines, le temps que la production soit écoulée. On sait déjà qu’un certain volume de fruits sera jeté. Nous voulons faire en sorte que les pertes soient les moins nombreuses possibles et que les producteurs sortent à peu près indemnes de cette campagne 2014 et soient en capacité de travailler avec nous sur du moyen et long terme.
- Quel est l’objectif de cette campagne ?
- L’objectif est de sensibiliser le consommateur sur la qualité du produit local. C’est le slogan de notre campagne publicitaire « Très frais, très près » qui est, d’ailleurs, généralisé sur tous les fruits et légumes corses. Le produit, ramassé dans la journée, est en vente le soir-même dans les rayons. Il est, donc, d’une qualité exceptionnelle. L’objectif est, aussi, de sensibiliser les intermédiaires, le revendeur, celui qui gère la commercialisation du produit et de lui montrer l’intérêt qu’il a de faire travailler l’économie locale, le producteur à côté de chez soi, qui produit et crée de la valeur ajoutée et des emplois directs et indirects en Corse.
- Les GMS (Grandes et moyennes surfaces) implantées en Corse ne jouent-elles pas le jeu ?
- L’interprofession nous explique que, globalement, la grande surface joue le jeu en mettant le produit local en rayon, mais sur des linéaires insuffisants par rapport aux volumes considérables octroyés aux raisins italiens. Ceux-ci arrivent sur le marché avec des promotions sur lesquelles les producteurs insulaires ne sont pas capables de s’aligner. Le prix de revient du produit final du raisin italien correspond à peine à la moitié du coût de production du raisin insulaire.
- Allez-vous intervenir auprès des GMS ?
- Ce n’est pas nôtre rôle ! Les GMS fonctionnent à partir de centrales d’achat nationales et les magasins sont plus ou moins tenus de gérer ces achats. Nous devons continuer à travailler en collaboration directe et en partenariat avec les GMS insulaires, avec toutes celles et tous ceux qui interviennent dans ces circuits de distribution et dans la commercialisation des produits insulaires. Nous devons intensifier ces relations et ce partenariat. Les grandes surfaces doivent, systématiquement, mettre en avant les produits insulaires dans des conditions de présentation et de mètres linéaires acceptables. L’ODARC doit être très présent à travers des campagnes de promotion et de communication, comme nous le faisons régulièrement depuis trois ans sur les fruits et légumes d’été et tous les produits agricoles insulaires. Il faut travailler et encore travailler !
- La mévente de la production de raisin n’est-elle que conjoncturelle ?
- Cette année, elle est très conjoncturelle, mais cela fait, quand même, deux ou trois ans que des difficultés s’installent. Nous allons, donc, travailler à moyen et long terme avec les producteurs de raisin de table pour voir comment relancer ce produit qui a toutes les qualités nécessaires. Il ne s’agit pas d’interdire la concurrence, ce ne serait pas possible ! Il faut mettre en avant les qualités des produits insulaires qui sont très nombreuses, sensibiliser le consommateur et le revendeur.
- Ce problème semble récurrent et touche toutes les productions agricoles locales. Dans le contexte européen, ne livrez-vous pas une sorte de combat de David contre Goliath ?
- Oui ! Nous avons surtout l’impression de ne pas avoir les armes pour nous battre ! Le coût du travail en Italie et en Espagne, les deux bassins de production de fruits et de légumes qui nous concurrencent directement, est très différent du coût de travail en France et des règles que les producteurs locaux sont obligés de respecter. La France le dit à l’Europe, à la Commission européenne, depuis des années. Rien n’est fait ! Nous sommes démunis ! Nous devons, donc, nous battre avec nos armes et sensibiliser, à travers une multitude d’actions, les consommateurs à l’intérêt qu’ils ont de consommer local.
- Lancez-vous un appel à consommer local ?
- Oui ! Les fruits et les légumes locaux sont, je le répète, produits dans des conditions et dans des qualités exceptionnelles, sans traitement phytosanitaire après récolte, sans apport chimique. Ces produits ne sont pas transportés, ne restent pas stockés un mois dans des camions frigorifiques ou des chambres froides, mais passent directement, en une journée, du producteur au consommateur. Ils sont, donc, très frais. Bien sûr, le prix est différent pour toutes les raisons que nous avons évoquées, mais la qualité finale du produit est aussi très différente.
Propos recueillis par Nicole MARI