Voici la synthèse du rapport provisoire de la Chambre régionale des comptes de Corse :
« La chambre régionale des comptes de Corse avait examiné la gestion de la collectivité territoriale de Corse (CTC) au titre des exercices 2008 à 2014, dans un rapport d’observations définitives du 29 mai 2015.
Sur demande motivée du président du conseil exécutif de Corse en mai 2016, faisant suite à un accord signé avec les principaux groupes politiques en vue de l’adoption du budget primitif de la collectivité, la chambre a inscrit à son programme pour l’année 2016 l’examen de la gestion de la CTC à compter de l’exercice 2014.
La chambre a vérifié la réalité « des arriérés de paiement », tels que déclarés par la CTC pour un montant total, agences et offices compris, de 107 millions d’euros (M€), ramené à 105 M€ en cours d’instruction. Examinant sur pièces tous les mandats supérieurs ou égaux à 10 000 € (représentant près de 95 % du montant déclaré par la CTC), la chambre a validé que 94,7 M€ de dépenses étaient exigibles avant l’exercice 2016 et auraient dû de ce fait être mandatées en 2015 (la différence, soit environ 10 M€, constituant des dépenses exigibles en 2016). Sur la base de ces constats, la chambre a procédé au rétablissement de la sincérité des écritures du compte administratif 2015, qui affiche un déficit de 98,4 M€, représentant 18,3 % des recettes réelles de fonctionnement de la collectivité.
L’importante augmentation des dépenses en 2015, et principalement des subventions allouées (représentant 85 % des « arriérés »), par rapport aux années précédentes, sans couverture des engagements par les crédits de paiement (CP) correspondants, et l’absence de recettes à due proportion, expliquent la constitution d’un tel stock de dépenses non honorées. La mise en œuvre de la déconcentration financière au sein de la CTC a contribué dans les faits à créer une opacité dans la quantification du stock d’impayés dans la comptabilité de l’ordonnateur.
Compte-tenu de son caractère spécifique, les conditions d’utilisation de la dotation de continuité territoriale (DCT) et de son reliquat ont fait l’objet d’un examen particulier. La chambre observe qu’en contradiction avec les dispositions applicables, la CTC n’a pas versé avant la fin de l’année, en 2014 et en 2015, la totalité de la DCT à l’office des transports de la Corse (OTC). Le reliquat de DCT constaté par l’office au terme des exercices 2014 et 2015, qui a été reversé à la CTC pour un total de 22,4 M€, a été artificiellement majoré de 6,7 M€ par le biais d’écritures comptables passées par l’OTC. La régularisation nécessaire minorera le montant du reliquat en fin de gestion 2016. Alors qu’après ce reversement, l’office ne disposait plus d’aucun reliquat, la CTC a néanmoins inscrit à son budget primitif 2016 une recette de 17 M€ qui correspond de facto à un excédent prévisionnel sur la DCT de l’année. La CTC a donc prévu par anticipation une recette qui n’est pas certaine. En outre, le reliquat de DCT a été utilisé en 2015 et 2016 pour financer des opérations non éligibles. Enfin, le dispositif de suivi par la CTC de l’utilisation du reliquat est insuffisant et présente des incohérences, ce qui nécessite qu’il soit intégralement revu.
L’analyse financière des données comptables retraitées pour les années 2014 et 2015 fait apparaître une nette dégradation de la situation au terme de ce second exercice, dès lors qu’il est tenu compte de l’ensemble des dépenses qui en relevaient. Y compris en faisant abstraction de la situation exceptionnelle qui caractérise 2015, la collectivité, si elle veut s’appuyer sur un autofinancement net suffisant pour réaliser ses dépenses d’investissement, notamment au regard de l’effort auquel elle s’est engagée dans le cadre du programme exceptionnel d’investissement (PEI), ne dispose plus des moyens financiers l’autorisant à majorer le niveau de ses charges de fonctionnement, quelles qu’elles soient. Une diminution de ces dernières apparaît au contraire désormais nécessaire afin de restaurer des marges de manœuvre financières, pour compenser la contrainte que constitue la baisse des dotations de l’Etat. Ce contexte d’ensemble pose en outre les questions de l’utilisation des leviers qu’a à sa disposition la collectivité pour augmenter la fiscalité indirecte.
En fin d’exercice 2015, la CTC avait un fonds de roulement négatif d’un montant voisin de 100 M€ qui aurait nécessité des recettes supplémentaires pour être couvert, ces dernières devenant par contrecoup nécessaires en 2016. Ce dernier point, conjugué au refinancement des deux emprunts structurés à risque que détenait la CTC, a un impact conséquent sur le niveau de l’encours de la dette qui, a minima, avoisinera les 600 M€ au terme de 2016, voire dépassera très nettement ce montant si un recours complémentaire à l’emprunt est décidé, en surplus de celui déjà prévu dans le budget primitif, pour cet exercice.
Dans tous les cas de figure, la CTC va connaître une très forte augmentation du montant de l’annuité de la dette de nature à obérer sa capacité à financer de nouveaux investissements alors qu’il paraît en outre désormais difficilement envisageable, toutes choses égales par ailleurs, que la collectivité puisse recourir, en tout cas de manière importante, à de nouveaux emprunts à compter de 2017.
Pour répondre à la demande de la CTC d’examen des pistes possibles de réduction de ses dépenses, la chambre formule 10 propositions dont la mise en œuvre combinée améliorerait très significativement la connaissance, le pilotage, le contrôle et la maîtrise des dépenses de la collectivité et, plus largement, celles du « groupe CTC » constitué avec les huit agences et offices.
Les cinq premières feraient évoluer l’organisation budgétaire, comptable et financière afin notamment que la CTC se dote des outils d’analyse et de contrôle qui, en 2016, lui font toujours défaut tant pour sa propre gestion que pour le suivi de celle de ses établissements publics. Les cinq autres propositions viseraient à renforcer la maîtrise des charges de fonctionnement et des dépenses d’investissement, et à tendre vers leur réduction, afin de recréer des marges de manœuvre financières.
Les évolutions proposées pourraient pleinement s’inscrire dans le cadre des travaux préparatoires à la création de la Collectivité de Corse et produire tous leurs effets positifs une fois que cette dernière aura été instituée. »
« La chambre régionale des comptes de Corse avait examiné la gestion de la collectivité territoriale de Corse (CTC) au titre des exercices 2008 à 2014, dans un rapport d’observations définitives du 29 mai 2015.
Sur demande motivée du président du conseil exécutif de Corse en mai 2016, faisant suite à un accord signé avec les principaux groupes politiques en vue de l’adoption du budget primitif de la collectivité, la chambre a inscrit à son programme pour l’année 2016 l’examen de la gestion de la CTC à compter de l’exercice 2014.
La chambre a vérifié la réalité « des arriérés de paiement », tels que déclarés par la CTC pour un montant total, agences et offices compris, de 107 millions d’euros (M€), ramené à 105 M€ en cours d’instruction. Examinant sur pièces tous les mandats supérieurs ou égaux à 10 000 € (représentant près de 95 % du montant déclaré par la CTC), la chambre a validé que 94,7 M€ de dépenses étaient exigibles avant l’exercice 2016 et auraient dû de ce fait être mandatées en 2015 (la différence, soit environ 10 M€, constituant des dépenses exigibles en 2016). Sur la base de ces constats, la chambre a procédé au rétablissement de la sincérité des écritures du compte administratif 2015, qui affiche un déficit de 98,4 M€, représentant 18,3 % des recettes réelles de fonctionnement de la collectivité.
L’importante augmentation des dépenses en 2015, et principalement des subventions allouées (représentant 85 % des « arriérés »), par rapport aux années précédentes, sans couverture des engagements par les crédits de paiement (CP) correspondants, et l’absence de recettes à due proportion, expliquent la constitution d’un tel stock de dépenses non honorées. La mise en œuvre de la déconcentration financière au sein de la CTC a contribué dans les faits à créer une opacité dans la quantification du stock d’impayés dans la comptabilité de l’ordonnateur.
Compte-tenu de son caractère spécifique, les conditions d’utilisation de la dotation de continuité territoriale (DCT) et de son reliquat ont fait l’objet d’un examen particulier. La chambre observe qu’en contradiction avec les dispositions applicables, la CTC n’a pas versé avant la fin de l’année, en 2014 et en 2015, la totalité de la DCT à l’office des transports de la Corse (OTC). Le reliquat de DCT constaté par l’office au terme des exercices 2014 et 2015, qui a été reversé à la CTC pour un total de 22,4 M€, a été artificiellement majoré de 6,7 M€ par le biais d’écritures comptables passées par l’OTC. La régularisation nécessaire minorera le montant du reliquat en fin de gestion 2016. Alors qu’après ce reversement, l’office ne disposait plus d’aucun reliquat, la CTC a néanmoins inscrit à son budget primitif 2016 une recette de 17 M€ qui correspond de facto à un excédent prévisionnel sur la DCT de l’année. La CTC a donc prévu par anticipation une recette qui n’est pas certaine. En outre, le reliquat de DCT a été utilisé en 2015 et 2016 pour financer des opérations non éligibles. Enfin, le dispositif de suivi par la CTC de l’utilisation du reliquat est insuffisant et présente des incohérences, ce qui nécessite qu’il soit intégralement revu.
L’analyse financière des données comptables retraitées pour les années 2014 et 2015 fait apparaître une nette dégradation de la situation au terme de ce second exercice, dès lors qu’il est tenu compte de l’ensemble des dépenses qui en relevaient. Y compris en faisant abstraction de la situation exceptionnelle qui caractérise 2015, la collectivité, si elle veut s’appuyer sur un autofinancement net suffisant pour réaliser ses dépenses d’investissement, notamment au regard de l’effort auquel elle s’est engagée dans le cadre du programme exceptionnel d’investissement (PEI), ne dispose plus des moyens financiers l’autorisant à majorer le niveau de ses charges de fonctionnement, quelles qu’elles soient. Une diminution de ces dernières apparaît au contraire désormais nécessaire afin de restaurer des marges de manœuvre financières, pour compenser la contrainte que constitue la baisse des dotations de l’Etat. Ce contexte d’ensemble pose en outre les questions de l’utilisation des leviers qu’a à sa disposition la collectivité pour augmenter la fiscalité indirecte.
En fin d’exercice 2015, la CTC avait un fonds de roulement négatif d’un montant voisin de 100 M€ qui aurait nécessité des recettes supplémentaires pour être couvert, ces dernières devenant par contrecoup nécessaires en 2016. Ce dernier point, conjugué au refinancement des deux emprunts structurés à risque que détenait la CTC, a un impact conséquent sur le niveau de l’encours de la dette qui, a minima, avoisinera les 600 M€ au terme de 2016, voire dépassera très nettement ce montant si un recours complémentaire à l’emprunt est décidé, en surplus de celui déjà prévu dans le budget primitif, pour cet exercice.
Dans tous les cas de figure, la CTC va connaître une très forte augmentation du montant de l’annuité de la dette de nature à obérer sa capacité à financer de nouveaux investissements alors qu’il paraît en outre désormais difficilement envisageable, toutes choses égales par ailleurs, que la collectivité puisse recourir, en tout cas de manière importante, à de nouveaux emprunts à compter de 2017.
Pour répondre à la demande de la CTC d’examen des pistes possibles de réduction de ses dépenses, la chambre formule 10 propositions dont la mise en œuvre combinée améliorerait très significativement la connaissance, le pilotage, le contrôle et la maîtrise des dépenses de la collectivité et, plus largement, celles du « groupe CTC » constitué avec les huit agences et offices.
Les cinq premières feraient évoluer l’organisation budgétaire, comptable et financière afin notamment que la CTC se dote des outils d’analyse et de contrôle qui, en 2016, lui font toujours défaut tant pour sa propre gestion que pour le suivi de celle de ses établissements publics. Les cinq autres propositions viseraient à renforcer la maîtrise des charges de fonctionnement et des dépenses d’investissement, et à tendre vers leur réduction, afin de recréer des marges de manœuvre financières.
Les évolutions proposées pourraient pleinement s’inscrire dans le cadre des travaux préparatoires à la création de la Collectivité de Corse et produire tous leurs effets positifs une fois que cette dernière aura été instituée. »