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La demande d'autonomie de la Corse survivra-t-elle à une victoire du RN ?


le Mardi 2 Juillet 2024 à 21:04

Stoppée net par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, la révision constitutionnelle relative à l’évolution institutionnelle de la Corse pourrait bien pâtir du résultat des élections législatives. Le Rassemblement National, sorti en tête du premier tour au niveau national, s’est constamment montré opposé à l’autonomie de l’île. Mais même s’il souhaite mettre un coup d’arrêt définitif à ce processus, selon l’enseignant-chercheur en science politique à l’université de Bordeaux, et spécialiste du nationalisme corse, Thierry Dominici, le parti à la flamme serait toutefois contraint d’accorder des compétences renforcées à la Corse.



La demande d'autonomie de la Corse survivra-t-elle à une victoire du RN ?
Qu’adviendra-t-il du processus de révision constitutionnelle relatif à l'évolution institutionnelle de la Corse en cas de victoire du Rassemblement National (RN) ? Avec 29,25% des suffrages récoltés au niveau national, auxquels il faut en outre ajouter les voix qui se sont portées vers ses alliés d’extrême droite, le parti à la flamme a dominé le premier tour des élections législatives dimanche dernier. Pour la première fois, ses candidats sont également en tête dans les deux circonscriptions de Corse-du-Sud et se sont qualifiés pour le second tour dans les deux circonscriptions du nord de l’île – bien que Sylvie Jouart se soit désistée pour le second tour dans la 2èmecirconscription de Haute-Corse-. Alors qu’un nouveau visage de l’hémicycle du Palais Bourbon se dessinera dans les prochains jours, l’arrivée au pouvoir du parti de Marine Le Pen laisse entrevoir une issue fatale pour le processus de révision constitutionnelle devant s’intéresser à la question corse et stoppé par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. Le RN s’étant en effet toujours montré opposé à une potentielle autonomie de l’île, à laquelle aurait pu aboutir.
 
En septembre 2023, après le discours du Président de la République devant l’Assemblé de Corse, dans lequel ce dernier avait indiqué vouloir construire « une autonomie à la Corse », le vice-président du parti, Sébastien Chenu, l’avait accusé de « déconstruire la nation française ». « On ne voterait pas cette autonomie. Nous, on est favorable à travailler sur les spécificités que rencontre la Corse, sur les difficultés que rencontre la Corse. Mais on n'est pas favorables à ce que la Corse devienne autonome avec un statut sur les résidents, avec un bilinguisme, etc », avait-il déclaré sur Franceinfo. Une prise de position qui ne laisse guère d’espoir à Gilles Simeoni. « Si le Rassemblement national devait accéder aux responsabilités en France, notre projet de société n’aurait plus aucune chance de se réaliser ni dans sa dimension institutionnelle, l’autonomie, ni dans sa dimension économique, sociale et culturelle », déclarait le président de l’Exécutif de Corse ce lundi dans les colonnes de CNI
 
« Le RN peut très bien nier l’identité corse, tout en voulant en parallèle décentraliser »
 
Enseignant-chercheur en science politique à l’université de Bordeaux, et spécialiste du nationalisme corse, Thierry Dominici, est plus mesuré. « Il est vrai que la plupart des commentateurs politiques expliquent que l’arrivée au pouvoir du RN bloquerait tout, mais le RN n’a jamais dit clairement qu’il bloquerait le processus. Seulement qu’il était contre l’autonomie », commente-t-il en ajoutant : « Cela tombe bien, car on n’est pas face à un statut d’autonomie à proprement parler, mais de processus de révision constitutionnelle ». Toutefois, le politologue originaire de Bastia concède qu’au regard « de la position de Jordan Bardella, il est évident que le RN bloquerait la révision constitutionnelle ». « Il ne le ferait pas tant parce qu’il serait anti-régionalisme, mais parce que pour le RN c’est quelque chose qui a été imaginé et porté par Emmanuel Macron », souligne-t-il en disant « dubitatif » pour la suite. 
 
« Techniquement, le RN comme Reconquête! se veulent être proches de ce qu’ils appellent les patries charnelles, c’est-à-dire qu’ils se sentent proches des régions. D’ailleurs on l’a vu en termes de soutien très maladroit de Marine Le Pen pour certains mouvements identitaires dans les territoires ultra-marins », explique le chercheur, « Donc une fois au pouvoir, je les vois mal changer l’aiguillage du train et retourner vers un jacobinisme des plus centralisateurs et concentrés et donc à un État unitaire de base, car ce dont on parle c’est avant tout un transfert de compétences ». Pour Thierry Dominici, tout se jouerait donc sur la sémantique. Selon lui, si le mot « autonomie » était écarté et la demande dépolitisée, s’il était au pouvoir, le RN pourrait accéder à certaines demandes de différenciation pour la Corse. « La vraie chose que l’exécutif a obtenu c’est plus de transfert de compétences, ou plus d’autonomie administrative. Vu que ce n’est pas un statut d’autonomie à proprement parler, le RN ne pourrait que techniquement le faire avancer. Il ne le ferait pas immédiatement parce que cela a été porté par la macronie à la base, mais au final il serait bien obligé de répondre à la question qui vient, à savoir comment va-t-on vers un État régional français ? Le localisme est la seule réponse, ne serait-ce que face à la crise écologique », indique le chercheur en estimant : « Le RN pourrait rendre la Corse vraiment autonome d’un point de vue administratif en lui donnant des compétences renforcées, tout en disant qu’il n’existe ni peuple corse, ni langue corse, ni histoire corse. Il peut très bien nier l’identité corse, tout en voulant en parallèle décentraliser en donnant plus de compétences à ce territoire ». 
 
 

Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, le soir de 2021 où il a remporté les élections territoriales à la majorité absolue. Photo CNI.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, le soir de 2021 où il a remporté les élections territoriales à la majorité absolue. Photo CNI.