(Photo : Archives CNI - François Canonici)
La Corse devient-elle une destination boudée par la grande plaisance ? Alors que l’été bat son plein, les luxueux yachts semblent déserter les côtes insulaires où ils sont habituellement si présents. Depuis les arrêtés pris par la préfecture maritime de Méditerranée pour interdire le mouillage des navires d’une longueur supérieure ou égale à 24 mètres le long de la bande territoriale abritant les herbiers de posidonie, et notamment celui du 7 juin 2023 qui cible une zone s’étendant de la pointe de Lozari au golfe de Roccapina, les géants des mers sont en effet nombreux à préférer les eaux sardes.
« Cette tendance s’est clairement accentuée cet été. L’année dernière nous avions limité la casse, car toutes les croisières vendues chez les loueurs de yachts étaient déjà prévues avant l’arrêté. Par contre, cette année, on constate très clairement que la Corse n’a pas sans doute pas été au programme des locations de yachts. Quant aux propriétaires de bateaux, quand ils découvrent la réglementation, ils n’ont pas envie de venir, car cela est trop compliqué. Nous avons notamment énormément de plaintes de capitaines qui déplorent ne pouvoir aller nulle part et qui ne viennent donc plus en Corse », déplore Marilyn Sarti. Directrice générale de Mar’Isula Yacht Services, une société d’agents maritimes spécialisés dans la grande plaisance, elle regrette qu’aucune solution alternative n’ait été mise en place face à ces interdictions de mouillage. « Dans les ports corses, il y a très peu de places pour les grandes unités. Un bateau de 50m ne peut par exemple pas rentrer dans le port de St Florent », souffle-t-elle en pointant une perte d’activité de 20 à 30 % depuis le début de la saison 2024 pour le yachting en Corse.
« Si un bateau ne peut pas amener ses occupants se baigner, pourquoi va-t-il rentrer au port le soir ? », renchérit-elle en mettant en exergue un manque à gagner important pour divers secteurs de l’économie insulaire. « Nous avons 650 fournisseurs autour de nous qui interviennent dans le secteur du yachting, représentant plus de 2000 emplois. Cela peut être un menuisier qui vient réparer une échelle de bain, un technicien qui vient résoudre une panne électrique, une coiffeuse qui va venir faire un brushing, ou encore une supérette à qui on va commander des courses. Chaque bateau qui décide de ne pas venir en Corse ne fait pas travailler ce tissu économique local. Il faut en prendre conscience ».
Les coffres d’amarrage, « la solution pour allier l’écologie et l’économie »
Si elle indique ne pas contester le bien-fondé de l’arrêté ni la protection nécessaire de la posidonie, elle s’interroge cependant sur certains points. « On a interdit le mouillage aux bateaux de plus de 24 mètres, mais quand je vois des dizaines de petits bateaux qui mouillent dans la posidonie et qui rentrent le soir avec celle-ci encore sur l’ancre je me demande quelle est la différence », tance-t-elle en ajoutant : « Et puis, en étudiant le tracé de ces arrêtés, on s’aperçoit qu’il y a des endroits sableux qui, pour des raisons de simplicité, ont été englobés dans les interdictions de mouillage ». Dans ce droit fil, elle estime que « les autorités ont subi une pression de certaines associations de défense de l’environnement », tandis que le secteur du yachting n’a que peu fait parler de lui.
« Aujourd’hui, il faut rétablir les choses. Il faut prendre conscience de l’impact que ces interdictions de mouillage ont au niveau économique », soutient-elle. Et pour la directrice de Mar’Isula Yacht Services, la solution pourrait notamment venir de l’installation de coffres d’amarrage. « C’est une solution pour le mouillage la journée, et une alternative au port pour les grands navires, car les capitaines préfèrent être amarrés à une bouée la nuit qui assure la sécurité du bateau et de ses passagers. C’est la seule solution pour rallier l’économie et l’écologie », souligne-t-elle. « On ne comprend pas pourquoi ces projets de coffres pataugent autant », avance-t-elle de facto en invitant à s’appuyer sur l’exemple de Bonifacio.
L’exemple bonifacien
Depuis 2021, la cité des falaises fait en effet figure de précurseur avec 14 coffres d’amarrage pouvant accueillir des yachts allant jusqu’à 60 mètres, installés dans le golfe de Sant’Amanza. Une première au niveau national. « Quand nous avons vu arriver les arrêtés d’interdiction de mouillage, la commune de Bonifacio s’est attelée à ce dossier très rapidement », indique Michel Mallaroni, le directeur du port de Bonifacio en rappelant qu’en 2020 le premier arrêté de la sorte avait visé la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. « Nous avons finalisé ce projet de coffres d’amarrage en 2021, en coopération avec l’ensemble des organismes comme l’Office de l’Environnement de la Corse ou les pêcheurs et professionnels de la mer ».
Trois ans plus tard, Bonifacio affiche un retour d’expérience aussi bien au niveau technique que scientifique qui suscite un intérêt certain pour le développement d’autres projets. « En 2022, une équipe de scientifiques de Monaco est venue plonger sur le site et actuellement un copier-coller de ce que nous avons mis en place est en train d’être réalisé devant le Rocher. Ils se sont entièrement sur nos études et notre concept pour faire la même chose », sourit Michel Mallaroni en assurant que sur le plan environnemental « les premières études menées montrent qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir sur l’impact de ces coffres ». « Nous avons créé des récifs artificiels où une vie s’est installée aussi bien au niveau de la faune que de la flore », appuie-t-il.
Mais l’installation de ces équipements tant décriés par les associations, a-t-elle suffi pour éviter à Bonifacio de suivre la tendance et de perdre son attractivité auprès des gros yachts ? En partie, selon le directeur du port. « L’année dernière, nous avons eu une baisse de 10% sur les plus gros bateaux. Cette année, au 1er août, on constate que l’on a un début de saison un peu compliqué avec une baisse de 9% pour ce type de bateaux. Mais ce que l’on note en tous cas, c’est que les coffres que nous avons mis en place donnent satisfaction. Depuis une semaine, ils sont quasiment tous occupés », dévoile Michel Mallaroni. « Je pense que l’avenir est à la création d’installations légères et réversibles, qui apportent une valeur ajoutée. Il ne s’agit pas d’en mettre partout ni de revenir sur les anciennes habitudes où l’on pouvait aller où l’on voulait », insiste-t-il en posant : « La Corse peut être une très belle destination pour le yachting, mais avec un développement réfléchi et maîtrisé, qui soit le fruit d’une concertation ».
« Cette tendance s’est clairement accentuée cet été. L’année dernière nous avions limité la casse, car toutes les croisières vendues chez les loueurs de yachts étaient déjà prévues avant l’arrêté. Par contre, cette année, on constate très clairement que la Corse n’a pas sans doute pas été au programme des locations de yachts. Quant aux propriétaires de bateaux, quand ils découvrent la réglementation, ils n’ont pas envie de venir, car cela est trop compliqué. Nous avons notamment énormément de plaintes de capitaines qui déplorent ne pouvoir aller nulle part et qui ne viennent donc plus en Corse », déplore Marilyn Sarti. Directrice générale de Mar’Isula Yacht Services, une société d’agents maritimes spécialisés dans la grande plaisance, elle regrette qu’aucune solution alternative n’ait été mise en place face à ces interdictions de mouillage. « Dans les ports corses, il y a très peu de places pour les grandes unités. Un bateau de 50m ne peut par exemple pas rentrer dans le port de St Florent », souffle-t-elle en pointant une perte d’activité de 20 à 30 % depuis le début de la saison 2024 pour le yachting en Corse.
« Si un bateau ne peut pas amener ses occupants se baigner, pourquoi va-t-il rentrer au port le soir ? », renchérit-elle en mettant en exergue un manque à gagner important pour divers secteurs de l’économie insulaire. « Nous avons 650 fournisseurs autour de nous qui interviennent dans le secteur du yachting, représentant plus de 2000 emplois. Cela peut être un menuisier qui vient réparer une échelle de bain, un technicien qui vient résoudre une panne électrique, une coiffeuse qui va venir faire un brushing, ou encore une supérette à qui on va commander des courses. Chaque bateau qui décide de ne pas venir en Corse ne fait pas travailler ce tissu économique local. Il faut en prendre conscience ».
Les coffres d’amarrage, « la solution pour allier l’écologie et l’économie »
Si elle indique ne pas contester le bien-fondé de l’arrêté ni la protection nécessaire de la posidonie, elle s’interroge cependant sur certains points. « On a interdit le mouillage aux bateaux de plus de 24 mètres, mais quand je vois des dizaines de petits bateaux qui mouillent dans la posidonie et qui rentrent le soir avec celle-ci encore sur l’ancre je me demande quelle est la différence », tance-t-elle en ajoutant : « Et puis, en étudiant le tracé de ces arrêtés, on s’aperçoit qu’il y a des endroits sableux qui, pour des raisons de simplicité, ont été englobés dans les interdictions de mouillage ». Dans ce droit fil, elle estime que « les autorités ont subi une pression de certaines associations de défense de l’environnement », tandis que le secteur du yachting n’a que peu fait parler de lui.
« Aujourd’hui, il faut rétablir les choses. Il faut prendre conscience de l’impact que ces interdictions de mouillage ont au niveau économique », soutient-elle. Et pour la directrice de Mar’Isula Yacht Services, la solution pourrait notamment venir de l’installation de coffres d’amarrage. « C’est une solution pour le mouillage la journée, et une alternative au port pour les grands navires, car les capitaines préfèrent être amarrés à une bouée la nuit qui assure la sécurité du bateau et de ses passagers. C’est la seule solution pour rallier l’économie et l’écologie », souligne-t-elle. « On ne comprend pas pourquoi ces projets de coffres pataugent autant », avance-t-elle de facto en invitant à s’appuyer sur l’exemple de Bonifacio.
L’exemple bonifacien
Depuis 2021, la cité des falaises fait en effet figure de précurseur avec 14 coffres d’amarrage pouvant accueillir des yachts allant jusqu’à 60 mètres, installés dans le golfe de Sant’Amanza. Une première au niveau national. « Quand nous avons vu arriver les arrêtés d’interdiction de mouillage, la commune de Bonifacio s’est attelée à ce dossier très rapidement », indique Michel Mallaroni, le directeur du port de Bonifacio en rappelant qu’en 2020 le premier arrêté de la sorte avait visé la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. « Nous avons finalisé ce projet de coffres d’amarrage en 2021, en coopération avec l’ensemble des organismes comme l’Office de l’Environnement de la Corse ou les pêcheurs et professionnels de la mer ».
Trois ans plus tard, Bonifacio affiche un retour d’expérience aussi bien au niveau technique que scientifique qui suscite un intérêt certain pour le développement d’autres projets. « En 2022, une équipe de scientifiques de Monaco est venue plonger sur le site et actuellement un copier-coller de ce que nous avons mis en place est en train d’être réalisé devant le Rocher. Ils se sont entièrement sur nos études et notre concept pour faire la même chose », sourit Michel Mallaroni en assurant que sur le plan environnemental « les premières études menées montrent qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir sur l’impact de ces coffres ». « Nous avons créé des récifs artificiels où une vie s’est installée aussi bien au niveau de la faune que de la flore », appuie-t-il.
Mais l’installation de ces équipements tant décriés par les associations, a-t-elle suffi pour éviter à Bonifacio de suivre la tendance et de perdre son attractivité auprès des gros yachts ? En partie, selon le directeur du port. « L’année dernière, nous avons eu une baisse de 10% sur les plus gros bateaux. Cette année, au 1er août, on constate que l’on a un début de saison un peu compliqué avec une baisse de 9% pour ce type de bateaux. Mais ce que l’on note en tous cas, c’est que les coffres que nous avons mis en place donnent satisfaction. Depuis une semaine, ils sont quasiment tous occupés », dévoile Michel Mallaroni. « Je pense que l’avenir est à la création d’installations légères et réversibles, qui apportent une valeur ajoutée. Il ne s’agit pas d’en mettre partout ni de revenir sur les anciennes habitudes où l’on pouvait aller où l’on voulait », insiste-t-il en posant : « La Corse peut être une très belle destination pour le yachting, mais avec un développement réfléchi et maîtrisé, qui soit le fruit d’une concertation ».