Saveriu Luciani, conseiller exécutif en charge de la langue corse.
- Comment réagissez-vous à la dernière déclaration de Jacqueline Gourault qui juge l’immersion inconstitutionnelle ?
- Nous avons découvert avec beaucoup d’attention que ce 4 avril au Sénat, la ministre Gourault a proclamé ni plus ni moins l’inconstitutionnalité de l’enseignement immersif en maternelle. Comment ne pas nous étonner de cette annonce formulée dans le cadre de la future loi sur la Collectivité européenne d’Alsace ? Il est curieux de remarquer que trois jours auparavant, auprès du ministre Blanquer, elle recevait notre délégation, conduite par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, au ministère de l’Education nationale. Là, pourtant l’immersion ne semblait pas être remise en cause dans les écoles publiques ! Autant le dire : sa déclaration comporte deux contre-vérités.
- Lesquelles ?
- La première porte sur l’impossibilité de cette méthode d’enseignement dans les écoles publiques. La réalité contredit cette affirmation : 17 écoles publiques fonctionnent en immersif au Pays basque et 3 en Corse. Depuis la rentrée de septembre 2018, près de 260 élèves de maternelle suivent un enseignement immersif à Ghisunaccia, Pontenovu et Aiacciu (Scola Andria Fazi). La seconde concerne le fait que l’on ne peut pas l’imposer aux parents. En effet, pour initier l’immersif qui relève de l’expérimentation, il faut obtenir l’accord des parents d’élèves, représentés dans le Conseil d’école, celui des enseignants et, pour finir, l’appui de la municipalité concernée. Dans le cas d’espèce, c’est la procédure qu’appliquent tous les DASEN (Directeur académique des services de l'Éducation nationale) dans leurs départements respectifs. Cela fonctionne de la même façon pour l’enseignement bilingue à parité.
- Mais est-ce, pour autant, inconstitutionnel ?
- La ministre commet une erreur interprétative lorsqu’elle évoque l’inconstitutionnalité de l’immersif. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2001-456 DC, n’autorise pas l’intégration des écoles bretonnes DIWAN dans le système éducatif public, il se limite strictement à cela. S’il indique bien que, dans le cadre des écoles publiques, on ne peut pas imposer l’immersion, il n’affirme pas pour autant que, si toutes les parties sont d’accord, parents, enseignants, municipalité, il se trouve, alors, juridiquement fondé à s’y opposer.
- N’est-ce pas en contradiction avec les annonces d’Emmanuel Macron ?
- Oui ! Si l’on suit l’actualité, le Président de la République, dans son interview du 2 avril, annonce, je le cite : « Nous allons également continuer à développer les maternelles immersives… ». Mettant en regard ces deux déclarations successives, je me considère en droit de poser deux questions à l’Etat, de façon à éclairer l’opinion en général, les parents, les enseignants et les élus en particulier. La première est de savoir à laquelle, entre la parole d’un Président et celle de sa ministre, accorder crédit. La seconde, dans l’hypothèse où l’on valide logiquement le principe de la prééminence présidentielle, est de demander aux instances académiques quand elles décideront de lancer un appel à projet d’ouverture de maternelles immersives de façon à respecter l’article 5 de la Convention Etat-CdC 2016-2021.
- Etes-vous inquiet ?
- Oui ! Le temps presse, dans ce domaine de l’immersion comme dans celui de la réforme du baccalauréat. Au moment où nous nous déployons une stratégie immersive en direction de la société corse avec des ateliers immersifs pour adultes, a Case di a Lingua, de nouveaux centres immersifs… , il semble que l’Etat s’éloigne singulièrement de ses engagements contractuels, dont les objectifs sont précisés dans le CPER (Contrat de plan État-région) et surtout dans la convention Langue Corse 2016-2021. Nous constatons un coup d’arrêt manifeste dans le processus d’expérimentation. Pour l’heure, pas d’appel à projet pour de nouvelles ouvertures et rien dans la dernière lettre-cadre sur l’immersion. Nous avons interrogé la rectrice, Julie Benetti, et Jean-Michel Blanquer sur les perspectives de rentrée 2019. Dans l’attente d’une réponse claire, nous leur avons fait remarquer que l’expérimentation est déjà ancienne en Aquitaine depuis plusieurs années. Pourquoi cette différence d’approche et de traitement ?
- Que comptez-vous faire ?
- En tout état de cause, nous interviendrons de manière déterminée dans le débat dans les prochains jours, en demandant une réponse claire et rapide quant aux intentions du Rectorat et du ministère de tutelle en la matière. Le temps du « governare e far’ credere » ne nous convient plus… ! Il y a quelques temps, concernant le rôle et la place de la langue corse dans le système éducatif, nous avions qualifié certaines dispositions de « recul historique ». Si tel n’est pas le cas, qu’on nous apporte les éléments permettant de croire à une volonté de développer les filières bilingues et l’expérimentation de l’immersion en maternelle !
À ch’hà tempu ùn aspetti tempu …
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Nous avons découvert avec beaucoup d’attention que ce 4 avril au Sénat, la ministre Gourault a proclamé ni plus ni moins l’inconstitutionnalité de l’enseignement immersif en maternelle. Comment ne pas nous étonner de cette annonce formulée dans le cadre de la future loi sur la Collectivité européenne d’Alsace ? Il est curieux de remarquer que trois jours auparavant, auprès du ministre Blanquer, elle recevait notre délégation, conduite par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, au ministère de l’Education nationale. Là, pourtant l’immersion ne semblait pas être remise en cause dans les écoles publiques ! Autant le dire : sa déclaration comporte deux contre-vérités.
- Lesquelles ?
- La première porte sur l’impossibilité de cette méthode d’enseignement dans les écoles publiques. La réalité contredit cette affirmation : 17 écoles publiques fonctionnent en immersif au Pays basque et 3 en Corse. Depuis la rentrée de septembre 2018, près de 260 élèves de maternelle suivent un enseignement immersif à Ghisunaccia, Pontenovu et Aiacciu (Scola Andria Fazi). La seconde concerne le fait que l’on ne peut pas l’imposer aux parents. En effet, pour initier l’immersif qui relève de l’expérimentation, il faut obtenir l’accord des parents d’élèves, représentés dans le Conseil d’école, celui des enseignants et, pour finir, l’appui de la municipalité concernée. Dans le cas d’espèce, c’est la procédure qu’appliquent tous les DASEN (Directeur académique des services de l'Éducation nationale) dans leurs départements respectifs. Cela fonctionne de la même façon pour l’enseignement bilingue à parité.
- Mais est-ce, pour autant, inconstitutionnel ?
- La ministre commet une erreur interprétative lorsqu’elle évoque l’inconstitutionnalité de l’immersif. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2001-456 DC, n’autorise pas l’intégration des écoles bretonnes DIWAN dans le système éducatif public, il se limite strictement à cela. S’il indique bien que, dans le cadre des écoles publiques, on ne peut pas imposer l’immersion, il n’affirme pas pour autant que, si toutes les parties sont d’accord, parents, enseignants, municipalité, il se trouve, alors, juridiquement fondé à s’y opposer.
- N’est-ce pas en contradiction avec les annonces d’Emmanuel Macron ?
- Oui ! Si l’on suit l’actualité, le Président de la République, dans son interview du 2 avril, annonce, je le cite : « Nous allons également continuer à développer les maternelles immersives… ». Mettant en regard ces deux déclarations successives, je me considère en droit de poser deux questions à l’Etat, de façon à éclairer l’opinion en général, les parents, les enseignants et les élus en particulier. La première est de savoir à laquelle, entre la parole d’un Président et celle de sa ministre, accorder crédit. La seconde, dans l’hypothèse où l’on valide logiquement le principe de la prééminence présidentielle, est de demander aux instances académiques quand elles décideront de lancer un appel à projet d’ouverture de maternelles immersives de façon à respecter l’article 5 de la Convention Etat-CdC 2016-2021.
- Etes-vous inquiet ?
- Oui ! Le temps presse, dans ce domaine de l’immersion comme dans celui de la réforme du baccalauréat. Au moment où nous nous déployons une stratégie immersive en direction de la société corse avec des ateliers immersifs pour adultes, a Case di a Lingua, de nouveaux centres immersifs… , il semble que l’Etat s’éloigne singulièrement de ses engagements contractuels, dont les objectifs sont précisés dans le CPER (Contrat de plan État-région) et surtout dans la convention Langue Corse 2016-2021. Nous constatons un coup d’arrêt manifeste dans le processus d’expérimentation. Pour l’heure, pas d’appel à projet pour de nouvelles ouvertures et rien dans la dernière lettre-cadre sur l’immersion. Nous avons interrogé la rectrice, Julie Benetti, et Jean-Michel Blanquer sur les perspectives de rentrée 2019. Dans l’attente d’une réponse claire, nous leur avons fait remarquer que l’expérimentation est déjà ancienne en Aquitaine depuis plusieurs années. Pourquoi cette différence d’approche et de traitement ?
- Que comptez-vous faire ?
- En tout état de cause, nous interviendrons de manière déterminée dans le débat dans les prochains jours, en demandant une réponse claire et rapide quant aux intentions du Rectorat et du ministère de tutelle en la matière. Le temps du « governare e far’ credere » ne nous convient plus… ! Il y a quelques temps, concernant le rôle et la place de la langue corse dans le système éducatif, nous avions qualifié certaines dispositions de « recul historique ». Si tel n’est pas le cas, qu’on nous apporte les éléments permettant de croire à une volonté de développer les filières bilingues et l’expérimentation de l’immersion en maternelle !
À ch’hà tempu ùn aspetti tempu …
Propos recueillis par Nicole MARI.